Lei; ai1diences, depuis le 6 jusqli'au 11 avril, avaient été consacrées à l'interrogatoire des accusés et à l'audition des témoins. Il y avait •le la difficulté pour rin avocat général d'accuser des hommes tout noirs encore de la poudre de Juil1et, comme l'étaient Trélat, Guinard, Sambuc, Danton, Chaparre et leurs Co-accusés. Tous ces hommes, d'ailleurs, - à part le commissionnaire Gourdin, contre la moralité duquel, au reste, il n'y avait absolument rien à dire -vivaient de leur fortune ou de leur talant, et étaient plutôt riches que pauvres. On ne pouvait donc attaquer chez eux qu'une opinion dangereuse peut-être, au point de vue du gouvernement, mais, à coup sO.r,désintéressée. M. le procureur général Miller eut l'intelligence d"e comprendre la situation, et, au milieu de son réquisitoire, se tournant vers les prévenus : " Nous gémissons plus que personne, dit-il, de voir traduits sur ces bancs des citoyens honorables, dont la vie privée paraît commander l'estime; des jeunes gens riches de nobles pensées, d'inspirations généreuses. Ce n'est pas nous, messieurs, qui chercherons à récuser leurs titres à la considération publique ou à la bienveillance de leurs concitoyens et les serviceil qu'ils ont pu rendre à la patrie.'' L'auditoire, visiblement alléché par ce préambule, fit entendre un murmure d'approbation qu'il eO.tcertainement réprimé s'il eO.teu la patience d'attendre la suite. Le procureur général reprit : Mais les 11ervicesque l'on a pu rendre à l'Etat donneraient-ils le droit de l'ébranler jusque dans ses fondements, s'il n'est point administré selon des doctrines qui conviennent à des imaginations peut-être dér!!gllles? Mais l'ardeur de la jeunesse suffiraitelle pour légitimer des essais qui alarment tous les bons citoyens et froissent tous les intllrêts ? Faut-il donc que les hommes paisibles puissent devenir les victimes des manœuvres coupables de ceux qui parleraient de liberté en attaquant celle d'autrui, et qui se vanteraient de travailler au bonheur de la France en brisant avec violence tous les liens sociaux 'l On comprend de quel air dédaigneux les prévenus recevaient ces filandreuses et banales observations. Loin qu'ils songeassent à se défendre, on sentait que le moment venu de charger, c'était eux qui allaient prendre l'offensive. Pescheux d'Herbinville, le premier, s'élançant à toute bride sabra juges et procureur général. -Monsieur Pescheux d'Herbinville, lui dit le président Hardouin, vous êtes accusé d'avoir eu des armes à votre disposition et d'en avoir distribué. Avouez-vous le fait? Pescheux d'Herbinville se leva. -Non seulement, dit-il, j'avoue le fait, monsieur le président, mais encore je m'en vante .•. Oui, j'ai eu des armes, et beaucoup! et je vais vous dire comment je les ai eues. En juillet, j'ai, à la tête d'une quinzaine d'hommes, au milieu du feu, pris successivement trois postes ; les armes que j'ai eues, ce sont celles de~ soldats que j'ai désarmés. Or, moi, je me battais pour le peuple, et ces solL'HOMllE. dats tiraient sur le peuple. Suis-je coupable d'avoir pris des armes qui, dans les mains où elles se trouvai~ut, donnaient la mort à des citoyens ? Une salve d'applaudissements accueillit ces paroles: • Quant à les avoir distribuées, continua l'accusé, c'est encore vrai, je l'ai fait; et non seulement j'ai distribué des armes, mais encore, croyant que dans des temps pareils aux nôtres, il était bon de reconnaître les amis de la France de ses ennemis, j'ai, à mes frais, quoique je ne sois pas riche, habillé en gardes 11ationauxquelques uns des hommes qui m'avaient suivi. C'est à c1ishommes-là que j'ai distribué des armes, auxquelles, d'ailleurs, ils avaient bien droit, puisqu'ils m'avaient aidé à l~s prendre! .. Vous m'avez demandé ce que j'avais à dire pour ma défense, je l'ai dit. Et il s'assit au milieu d'applaudissements que les injonctions réitérées du président puront seules faire cesser. Puis vint le tour de Cavaignac. Vous m'accusez d'être républicain, dit-il; je relève l'accusation à la fois comme un titre de gloire et comme un Mritage p&ternel. Mon père fut un de ceux qui, dans la Convention nationale, prnclamèrent la République à la face de l'Europe alors victorieuse; il la défendit aux armées; c'est pour cela qu'il est mort dans l'exil, après douze années de proscription; et, tandhi que la Restauration elle-même était forcée de hisser à la France les fruits de cette révolution qu'il avait servie, tandis qu'elle comblait de ses faveurs les hommes que la République avait créés, mon père et ses collègues souffraient seuls pour la grande cause que tant d'autres· trahissaient! Dernier hommage de leur vieillesse impuissante à la patrie, que leur jeunesse avait si vigoureusement défendue!. .. 1Cette cause, messieurs, se lie ilonc à tous mes sentiments comme fils; les principes qu'elle embrassait sont mon héritage. L'étude a fortifié naturellement cette direction donnée à mes idées politiques, et, aujourd'hui que l'occasion s'offre enfin à moi de prononcer un mot que tant d'autres proscrivent, je le déclare sans affectation comme sans crainte, de cœur et de conviction, je suis républicain! C'était la premiêre fois qu'une pareille déclaration de principes était faite hauteme:at et publiquement devant la justice et devant la société à la fois ; aussi fut-elle accueillie d'abord par une espêce de stupeur que traversa immédiatement un tonnerre d'applaudissemens. Le président comprit qu'il n'y avait pas moyen de lutter contre un pareil entraînement : il laissa les applaudissemens se calmer et Cavaignac continuer son discours. Godefroy Cavaignac était orateur, plus orateur que son frère, quoique celui-ci ait eu, comme le général Lamarque et le général Foy, de ces mots qui entrent plus profondément dans les cœurs que les plus beaux discours ; Cavaignac continua donc avec un succès croissant. Enfin il résuma dans ces quelques mots toutes ses opinions, toutes ses espérances, ainsi que les opinions et ~es espérances du parti qµi, presque inaperçu alors, clevait' triompher dixsept ans plus tard : La Révolution, messieurs, vous attaquez la Révolution I Mais, insensés que vous êtes, la Révolution, c'est la nation tout entière, moins ceux qui l'exploitent; c'est notre patrie remplissant cette sainte,missio» de l'affranchissement des peuples; c'est toute la Franée, enfin, faisant son devoir euvers le monde ! Quant à nous, nous avons, c'est notre conviction, fait notre devoir envers la France, et, chaque fois qu'elle aura besoin de nous, quoi qu'elle nous demande, cette mère respectée, fils pienx, nous lui obéirons! Il est impossible de se faire uue idée de l'effet que produisit ce discours, prononcé d'un accent ferme, avec une figure franche et ouverte, avec l'enthousiasme dans les yeux, la conviction dans le cœur. A partir de ce moment, la cause était gagnée : la condamnation de pareils hommes eO.t été une émeute, une révolution peut-être. Les questioRs posées au jury étaient au nombre de quarante six. A midi moins un quart, les jurés entrèrent dans la cl1ambre des délibérations ; à trois heures et demie ils en sortirent. Sur les quarante-six questions, les accusés étaient déclarés non coupables. Il n'y eut qu'un cri de joie, presque d'enthousiasme; les mains battaient, les chapeaux s'agitaient; chacun se hâtait, enjambant les banquettes, renversant les obstacles : on voulait serrer la main de l'un ou de l'autre des di~- neuf accusés, qu'on les connüt ou qu'on ne les connO.t pas. On sentait que, sur ce banc des prévenus, là était la vie, là était l'honneur, là était la liberté. Il ne s'agissait plus pour les accusés que de se dérober au triomphe. Les triomphes, dans ces cas, sont souvent pires que les défaites : je me rappelle le triomphe de Louis Blanc au 15 mai. Guinard, Cavaignac et les élèves des écoles parvinrent à se soustraire à l'ovation; au lieu de sortir par la porte de la Conciergerie qui donne sur le quai des Lunettes, ils sortirent par celle des cuisines et passèrent sans être reconnus. Trélat, Pescheux d'Herl1inville et trois amis,-Achille Roche, qui mourut jeune et plein d'avenir, Avril et Lhéritier,-étaient montés dans une voiture, et avaient dom1é au cocher l'ordre d'aller aussi vite que possible; mais, à travers les vitres fermées, ils furent reconnus. En un instant, la voiture fut arrêtée, les chevaux furent dételé!:!,les portières furent ouvertes ; il fallut sortir, traverser la foule, répondre aux cris par des saluts, et marcher au milieu des mouchoirs flottants, des chapeaux agités et des cris de " Vivent les républicains! "jusqu'à la maison de Trélat. Guilley, également reconnu, fut encore moins heureux : on l'emporta à bras malgré ses protestations et ses efforts. Un seul sortit par la grande porte, et traversa toute la foule incognito : c'était le commissionnaire Gourdin, traînant sur une petite charrette ses malles et celles de ses compagnons de captivité qu'il reportait à domicile. • Alexandre DUMAS. AVIS Il sera publié avec chaque numéro un supplément :spécial po11rles ANNONCESdans l'intérêt du Commerce, de !'Industrie et de la Science. Les Annonces de • tous les pays seront acceptées à la condition d'être écrites en français, conformément au spécimen ci-après. Les Avis et Annonces sont reçus jusqu'au vendredi à midi, à Londres, à la librairie et agence de !'Imprimerie Universelle, 50 122, Great Queen Street Lincoln's-Inn-Fields, et à l'office de !'Imprimerie Universelle, 19, Dorset Street, à Jersey, S•Hélier, jusqu'à l'arrivée du courrier du ma1di. Toute correspondance doit être affranchie et contenir 1111 bon, soit sur la poste anglaise, au nom de M. Zén~ SwrnToSLAwsKr, soit sur un des banquiers de Jersey ou de Londres. Le prix des Annonces est ~niformément de six sous (trois pence) la ligne, pour les trois sortes de caractères courants employés dans ce journal. Les lignes en capitales et e11lettres de fantaisie, seront payées en proportion de la hauteur qu'elles occuperont, calculée sur le plus petit texte. A.NNON(JES. A B.. IANCH. I j\rôsiîrlt politique vrir un cours d'Equitation à son manège, sur l:i a le t~ÎJ?l~avantage d'unir l'élégance, la lég~reté et français., r~dacteur Parade. la sohd1te. 1 . . f en chef pendant GUTEL PROSCRITDU 2 DÉCEl1BRE, _Les semellès so~t. ~xé_esa;~c ,d~ laito? ,et, ne lrnit ans du journal quotidien le Messager~~ Nord, )Jrot'es•eur de eoupe la1~sentaucune aspente 111 à ,11~teneur 111 _a1;xparaissant à Lille (France), donne à dom1c1le des Tailleur d' Habits.-29 Belmont Road St.-Hélier téneur. - On peut marcher a 1eau sans nmre a la leçons de langue française, d'arithmétique, d'his- Jersey. 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Recueil de documents secrets et inédits, pour Le mê1ne pour 1854, l vol. in-16, .Antiquités de P,lognc, accompagné de deux servir à l'étude de l'Histohe politique de Lud Polski w Emigracji, 1835-1840. CH. RIBEYROLLES, ex-rédacteur en chef de _planches. l'Europe dans la crise actuelle, trois livraisons Poezje Karola Balinskiego. Ja Réforme. - Les Bagnes d'Afrique, préclldés Etudrs numismatiqueliet at·cliéologiques, avec Atlaa. in-8. Poezje Ludomila Kordeckiego. /
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