Homme - anno I - n.11 - 8 febbraio 1854

gagem~nt et raccole les niais qui ne savent pas se souvemr. De son côté, que fait l'abbé Veuillot ? Il regrette qu'il n'y ait plus de bois~~n ces_temps sceptiques, pour les bûchers de religion; 11 Hlche sur tout le monde son dieu-crocodile : il est le Cerbère de J ehovah sur cette terre ; il finira par manger les saints. - Mais voici l'abbé Michon qui joue l'autre rôle et qui nous appelle, nous les démocrates, à la défense de la patrie, sous les drapeaux de l'Empire ! . Il ne voit que des répugnances, entre les victimes et le bo~reau, cet excellent abbé ! - Et nos morts, et la République, trahie, vendue, assassinée, et la patrie livrée aux Cosaques du guetapens, et nos libertés pendues comme les femmes de Hongrie, et toutes vos infamies, t~s de misé• rables qui avez fait de la France l'auberge du crime? Les Bonaparte, nous ne l'avons pas oubli~, nou_s ont donné deux fois l'invasion : il est possible, 11 est probable, si la Révolution ne l'enlève pas, que celui-ci nous fera la même destinée : mais quand nous en serons à ce point de la crise, le premier ennemi, pour nous, le premier étra~ger,_ c~ sera cet homme : il n'y a que la France repubhcame, la France de la Révolution qui puisse lutter contre un monde : entre les étrangers et les traîtres, ne lui resterait-il, ne trouverait-elle qu'un département, elle y saura mourir, mais sous son drapeau! Cw. Rrn. Celui-là est en exil qui est condamné à vivre hors du droit ; Celui-là est en exil qui est emprisonné dans la maison de l'injustice. Le banni est celui qui, dans son champ paternel, à son foyer paternel, se sent proscrit par la conscience des hommes do bien. Mais toi, tu habites avec le droit. Partout où tu es, si tu restes fidèle à toi-même, tu es dans le pays de ton père. Ils ne t'enlèveront pas la cité de la conscience. Réchauffe toi à la flamme de la justice, te croiras-tu alors absent de ton foyer? Si la patrie se meurt, deviens toi-même l'idéal de la nouvelle patrie. Pour refaire un monde - que faut-il? un grain de sable, un point fixe, pur, lumineux. Travaille à devenir ce point incorruptible. Sois une conscience ! un nouvel univers n'attend pour se former que de rencontrer dans le vide des cieux déserts un atôme moral. E. Q. I DEUXTARTUFESIMPERIAUX. Au commencement du siècle, on publia ce quatrain : La Roquette, en son temps, Talleyrand dans le n6tre, Furent tous deux prélats d' Autun. Tartufe est le portrait de l'un ..... Ah! si Molière eilt connu l'autre 1 Un frondeur contemporain disait de Talleyrand : "Ce "piébot a la conscience droite comme les jambes ; il s'est " vendu lui-même, il a vendu les peuples après avoir " vendu Dieu ; il vendrait le diable si celui-ci, moins ma- " lin, voulait y mettre bon vouloir. Talleyrand est le pro- " totype du diplomate : posez un observateur en face de "lui ; cela fait, administrez à l'ex-évêque un maître coup " de pied ... par derrière,- Vous pouvez être certain que "l'observateur placé en face, fftt-il un excellent physio- " nomiste, ne saisira pas la plus légère émotion sur le vi- " sage de l'ex-prélat d' Autun, aujourd'hui prince de Eé- " névent, Talleyrand Périgord.''- Et, comme pour donner consécration aux aperçus du critique, Talleyrand, toujours en quête d'un bon mot, comme l'était ce laid et sale président Dupin, Talleyrand avait répandu, sous forme d'apophtegme : " La parole a " été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée." Assurément cela était d'une vérité brülante pour l'exévêque d'Autun, candide et consciencieux au moins autant que le Pape et les prêtres. Toutefois, de l'enfer où elle est placée, hypothèse admise que l'enfer existe, si l'âme damnée de Talleyrand revenait parmi nous, elle ressentirait certainement une jalom,ie corrosive à l'aspect de :Bonaparte et de Nicolas. Et vraiment, il ne faudrait pas l'en blâmer: Talleyrand avait au moins la franchise de l'immoralité ; il étalait la sienne avec un cynisme non connu jusqu'à lui ; l'apophtegme plus haut cité le Jfrouve ;-mais Eona1)arte ! mais Nicolas ! les deux grandes hypocrisies du temps !- Bonaparte et Nicolas, plus immoraux que Talleyrand, si pareil fait est possible, sont à coup sür au-delà de l'exévêque au point du vue de l'hypocrisie; ils n'ont pas le cynisme de leur rôle à la fois atroce et immonde ; ils saignent du nez sur leur conscience. - Jugez. En 1848, la République française, si douce, si généL'HOMME~ reuse, semble se contenter de l'ébranlement des monarchies ; elle ne va pas jusqu'à les pousser du pied afin de les abattre. Non, la puissance de l'enseignement moral est la sienne et lui paraît suffire. Que faire contre une adversaire armée d'une force si réellement reùoutable? - L'ensanglanter. Tous les détritus monarchiques y concourent : légitimisme, orléanisme, bonapartisme allument l'incendie ; ils veulent essayer du grand tumulte pour s'établir.- le premier jour de la bataille, à Montmartre, on crie : vive Napoléon! ceux qui portent ce désastreux guidon sout trouvés nantis de pièces d'or au coin de la. Russie. On le voit, l'entente cordiale pour bouleverser la Frauce est complète; :Bonaparte reçoit assistance de Nicolas, afin d'atteindre ce but : l'entremetteuse cousine, Mathilde, a saus doute préparé les voies et moyens. Par suite du calcul inepte et criminel des vieux partis monarchiques, à force de mensonge, d'astuce et rle sales intrigues, le chauvinisme français aidant, on voit le jongleur d'Eglington, le policeman de Londres escalader la présidence.-" :Bien, très-bien," disent, en se frottant les mains, les vieux roués monarchiques, docteurs en machiavélisme dégradant, " nous aurons facile et prompte " raison de ce petit accident ; nous ferons sauter ce per- " sonnage comme un pantin de foire."-Tout le monde connaît aujourd'hui les résultats de cette habileté non moins loyale que profonde : le vol, !e pillage, les confiscations, le meurtre, l'incendie, l'exil, l'Afrique, Cayenne, voilà de quoi enchanter les habiles. Nicolas lui-même se prend à sourire. Cependant, il faut se faire un état, tenir maison. Cuirassé de son impudence habituelle, :Bonaparte demande la main d'une grande duchesse russe.- Qui? répond dédaigneusement le czar," une de mes filles? avant de porter " la vue si haut, il faut avoir une position honorable et " fixe." Ainsi brutalement repoussé, le fils d'Hortense descend, l'un après l'autre, tous les étages des palais princiers de l'Europe; même refus partout : il n'est pas jnsqu'à la toute petite princesse Wasa qui ne lui jette, en le regardant par-dessus l'épaule, son refus dédaigneux et méprisant.- Q11efaire alors ? se ruer à l'aventure sur la première venue qui voudra bien l'accepter. Ainsi fait-il. Nonobstant ces rebuffades, le boucher du Deux Décembre notifie au czar sa position nouvelle. Celui-ci reconnaît le fait, non le droit. Bonaparte est un parvenu, non un succédant; Nicolas l'a dit. - Nouveau grief gonflant la. poche à fiel. Cependant, il s'agit de faire la guerre à la Turquie et d'exterminer, au nom du Dieu de paix dont le czar est le bras droit, quelques centaines de mille hommts ; le czar n'en veut pas à son frère Turc, au contraire, il l'aime ; il se gardera bien de toucher à Constantinople ; non, le seul ·amour de Dieu et des hommes, la foi pure le guidant, il pleurera toutes ses larmes en pensant que, peut-être, l'obstination du Turc le mettra dans la cruelle nécessité de faire flamboyer l'épée de la guerre religieuse. Pour mieux accréditer ses intentions si loyales, il transporte son impériale personne à Vienne, afin de préparer les voies. Là se trouve, à point nommé, une espèce de buffle en costume de dragon; c'est l'envoyé françaii.- Nicolas, naguère si bourru, si méprisant, essaie une courtoisie à la r1isse et l'exprime, comme il le sait faire, à voix haute, stridente et saccadée : " Informez votre empereur, dit-il '· au buffle-dragon, de ma haute estime et de mon affec- " tion pour lui. Je voudrais que tout le monde pût m'en- " tendre et connaître ainsi l'estime et l'affection que j'ai "pour votre empereur. Je vous invite à venir avec m.oi à " Varsovie." L'envoyé anglais, présent à_cette scène si loyalement exprimée, ne reçut point la m~e invitation grîl.cieuse. Quelques paroles sèches. furent sa part. Mais l'alambic à fiel déposé aux Tuileries n'en distillait pas moins ses produits haineux. La sympathie officiellement apparente du czar n'effaçait rien du souvenir de Bonaparte; celui-ci n'oubliait pas qu'au Palais d'Hiver était la source des outrageans refus des cours de l'Europe aux offres matrimoniales. Caché dans ui:iedissimulation profonde, il n'en fit pas moins semblant de bien accueillir la politesse cosaque ; puis, le moment venu, il se hâta de faire alliance avec l'Angleterre.- Quel soufflet! le czar de toutes les Russies dédaigné par un bâtard parvenu ! Refusez donc les grandes duchesses à ce haineux hypotrite. N'oublions pas que ces édifiants modèles sont orthodoxes, chacun selon sa guise, il est vrai; l'un relevant du rite grec et s'appuyant sur lui pour exterminer les hommes: l'autre baisant la mule du pape catl10liqueet se faisant bénir par les histrions en soutane. On l'a répété souvent: liaine de dévot est implacable ; pour lui, la circonstance atténuante serait de n'être qu'un imbécile entêté. Mais hors de là, que trouve-t-011? mensonge, astuce, fourberie, haine et vengeance, le tout soigneusement caché sous le manteau de la plus noire hypocrisie. Tels ssnt les deux saints orthodoxes dont nous venons de parler. Ils sont pourtant d'accord sur un point : guerre à mort à la République ! Selon leur ortl1odoxie religieuse, ils ont raison. La République est l'épouvante des despotes ; on le conçoit. En face de la République, les masques hypocrites sont fondus comme à l'ardent foyer la cire. Hypocrisie et despotisme sont inséparables ; c'est l'inexorabile fatum du métier.-La République :;irrivepour les tuer ; elle les tuera. La République est la divmité sociale de l'ayenir : elle effacera les crimes du passé, les ignominies cruelles de l'âge présent. Elle triomphera, parce que ses apôtres sont hommes de loyauté, de raison, de science, de conviction inébranlable, de courage, de volonté, de foi profonde et de dévoûment. Elle triomphera, parce que la culte du bien du beau du . ' ' JUSte, est enraciné dans les âmes pures et nobles de manière à laisser une tradition morale qui chassera devant elle l'esprit mercantile, le froid égoïsme, comme le vent balaie la vilaine poussière du chemin. Elle triomphera, parce que voyant les cl10ses de l1aut et au l_arge,ne ~enant pas plus compte, eu égard à la grande fa~1lle h~mame, des ~etites fractions doctrinaires que des petits ~omt~ géogr:.1ph1ques,la Révolution portera })artout sa lumière Jusqu'à l'heure où le dernier repaire du despotisme aura disparu. Loyaux fils des géans de 93, nous continuerons ta11t • fi ' 111 mes soyons-nous, la tradition révolutionnaire • nous soutiendrons les droits imprescriptibles de l' homm'e, non seulement à la pointe de l'épée, mais encore en mettant à uu les despotes, afiu de montrer clairement aux peuples toute la hideur de ces hauts scélérats s'arrogeant, selon leur bon plaisir ou leur folie fantasque, le droit d'abrutir, de tourmenter, de mutiler, d'exterminer les hommes, corps et âmes, pour satisfaire leur vanité criminelle. J. CAIIAIGNE. CORRESPONDANCPEARISIENNE. Paris, lundi 6 décembre 1854. Notre corps législatif est toujours en vacances : mais les villes commerciales du midi, Marseille, Montpellier et Bordeaux s'agitent. V~y~nt venir la guerr~, elles ont res~eint leurs opérations sur les cereales, sur les_ frmts secs, et meme sur les liquides : elles ne veulent I_>atsravailler à lon~ue échfance: elles craignent pour leurs convois, pour leurs magasms, pour leurs rentrées surtout, e~san~.s'êt~e concertées, elles o!lt écrit à leurs petits députés de Pans qu ils aient à demander audience au maître, pour lui exposer les doléances du ballot. "-Sire, la Russie est notre plus vieille, notre plus sincère alliêe •.• disent les vins; l'Angleterre n'en achète pas: elle a besoin de ve~dre ses bières. - Sire, nous vivons du long-cours et de l'Algérie} la guerre peut amener des complications redoutables en Afrique; Odessa, Sllbastopol, tous les marchés russes nous sont déjà fermés : que deviendra la Méditerranée dit Marseille? - Sire, vous avez dit, dans le Médoc, l' Em;ire c'est la pai.1:. C'était une grande parole: daignez vous souvenir s'écrie Bordeaux:'' - et tous ces représentants à petite livrée 'de s'incliner, d'onctuer leur patois, d'humilier le regard le geste et la ,•oix, comme des laquais sortis de l'office. ' L'hypocrite taciturne a daigné sourire à travers ses moustaches d'empereur-gendarme, et, de la main, il a congédié, sans réponse ces bons bourgeois qui s'inquiètent pour leurs marchandises; mais l'un d'eux, avant de s'effacer en révérences s'est permis d'insister et de dire: ' - Majesté, ce ne sont pas seulement nos vins, nos caisses, nos b:illots que p~ut ~mporter la guerre, c'est la société que vous avez sauvée s1vaillamment en Décembre, c•e~t la propriété c'est la religion, c'est l'empire ! ' - Et comment cela, Monsieur de Bordeaux î Avez-vous, derrière vos futailles, quelque nouvelle duchesse d'Angoulême en travail de guerre civile ? ' - A Dieu ne plaise Majesté! Bordeaux est fidèle; mais notre populace et toutes les campagnes du midi sont plus que jamais travaillées par l'esprit de désordre: les villages les bourgs les fi • " ' ' ermes cons~1rent : on arrete_ la nuit, on arrête le jour sur les grands chemms, et la Révolution nous menace déjà publiquement. Que sera-ce demain si la guerre vient affaiblir les divisions militaires qui nous couvrent? - Refüez-vous, Messieurs, le gouvernement veille! - , On évacua, s~r ce congé brutal, et M. Bonaparte, s'adressant a son cher Persigny, murmura tout bas: Qu•en dites-vous, Monsieur le comte ? - Je dis, Sire, que ces bffilres sont bien osés de venir traîner jusqu'_aux Tu_ileries leurs prétentions et I~urs barriques. De quoi ~e pla1gnent-1H Est-ce que ~ous l' Em~1re il n'y aura pas toujours assez de braves pour boire leurs vms ? Mais la parole du dernier a du bon : cette peur des bourgeois est notre force contre la fusion et contre la République: il faut l'entretenir l'alimenter la répandre ; comme levées d'hommes ou comme a;gent elle n~ nous refusera rien, et nous serons prêts ... quand viendra l'heure ! - L'Empire c'est la paix ... Les braves gens I On dirait qu'ils viennent de la cité de Londres 1 - Oui, tous ces petits Cobden sont charmants avec leur libre échange! Quant à la Révolution, c'est autre chose : il faut inquiéter, surveiller, frapper: les républicains seuls sont à craindre. Mon oncle, à Sainte-Hélène, leur a fait quelques amitiés dans ses mémoires. Mais quand il était aux Tuileries, il les faisait tuer: c'est là votre affaire à vous, Monsieur le ministre; vous avez les trois forces: la police, l'argent et ]'armée. - Tel fut Je dialogue : il a couru les salons de Paris, grllce à la fusion qui a des oreilles partout, jusque dans les petits appartements ; et grllce à la corr~spondance active des clochers et des châteaux, cette chronique a déjà visité toutes les provinces. La grande, la sérieuse préoccupation des Tuileries, ce n'est pas le budget, on ne rend pas de comptes ; ce n'est pas la famine, on mange des truffes jusques dans les cuisines; ce n'est pas l'hiver, aux éc.uries on a des fourrures même pour les chevaux : - c'est l'argent gaspillé, perdu, qui ne reviendra pas; c'est l'empnmt des trois cent millions qne les seigneurs de la Banque refusent : c'est le vide des caisses devant les gloutonneries éternellement affamées de la cour et les nécessités de la guerre ... Rotscl1ild se dérobe; d' Argout est si vieux, qu'il est devenu sourd ... à toute proposition. On a fait en vain des ouvertures officieuses aux receveurs-généraux : ils prétextent de leur cautionnement et se déclarent en carence. D'un antre c6té, plus de ligues ferrées :À vendre, plus de canaux, plus de forêts et de coupes sombres. II faut pourtant s'ébaudir, et festoyer, et danser, et tenir son r:ing par le brocart, l'hermine, les livrées, les chevaux, les équipages, et la SAINTE AUM6NEqui met en branle toutes les cloches de l'Empire : il faut entretenir les généraux-complices, les 11ltesses besogneuses de la famille, et le Sénat, et les chambellans, et l'impératrice, et les mouchards : il faut trouver une Californie, sous la neige, sons le~ haillons, sous les d6sespoÏJ's, sous la faillite et l'hiver, comment faire?

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