Homme - anno I - n.11 - 8 febbraio 1854

-SCIENCE.- ' -SOLIDARITEJOURNALDELADEMOCRATIUENIVERSELLE. N° 11. - MERCREDI, 8 FÉVRIER 1854. l ()e .Jonrnol 1•o••alt u11e fol• par oenoal11e.1 ' AUXABONNES. Les petsonnes abonnées pou1· trois mois, sont pri/,es de renouveler leur abonnernent avant le 1er ut(ll'S, si elles ne veulent pas éprouver de ntard dans l'envoi du journal. Il suj/fra d'envoyer un bon sur la poste à Londres, 50 172, Great Queenslreet Lincoln's-Inn-Fielcls, à la Librairie universelle, ou à Jersey, 19, Dorset-street, officede l' Imprimerie universelle. LAGUERRE. I. Voilà de nouveau le monde aux aventures : les perspectives l011gtempsmal dessinées s'éclairent, les forces se groupent ou s'écartent chacune dans la sphère de ses é.llli:mcesl,a destruction sonne partout ses rappels, et les corbeaux, ces rôdeurs du ciel, peuvent battre de l'aile : la terre aura des cadavres au printemps ! Jusqu'à ces derniers jours, les gouvernements maient négocié, noué, renoué, dénoué les fils, espérant, toujours, conjurer le péril suprême des grandes rencontres, et garder, quelques heures f'ncore, cette paix bfitarde et fausse qui leur permet depuis trente ans de surveiller les· révolutions, louves du siècle. Efforts impuissants, vaines espérnnces ! L' ambition a ses fatalités, ses vertiges qni l'entraînent; et ce que les plus terribles commotions sociales n'avaient pas ameué - la guerre- c'est Je c~price d'un homme qui nous la donne. La société bourgeoise de France ferait bien de méditer cette leçon et de la retenir. Elle ne craignait que les idées : dans sa peur stupide eJle les a livrées à la force, espérant s'engraisser tranquille dans ses comptoirs et dans ses fermes: eh bien ! voilà que les vautours viennent d'un autre côté; c'est la force e■ivrée d'elle-même qui se rue dans la bataille et vient troubler le monde ! Braves, bourgeois qu'effrayait tant le petit cri des clubs, vous allez entendre•les grands clairons! Préparez - vous aux belles guerres de l'ancien temps, et serrez bien votre dernier écu, s1 vous • voulez garder votre dernier fils. II. Dans la querelle d'Orient, il y a deux intérêts engagés : l'un particulier, local et pour ainsi dire individuel,l'autre général et collectif; c'est là ce qui fait lu grandeur du drame. Si les deux forces qui sont en présence et qui luttent déjà étaient li- -rrl-esà elles-mêmes,la crise ne serait pas longue, et quoique les Turcs aient tenu pied jusqu'ici, quoiqu'ils aient rnillamment couvert la frontière et l'honneur, il est certain que seuls ils seraient écrasés, avant deux mois, sous le poids de cette invasion russe qui prépare lentement ses phalanges, orgauise ses colonnes sur une ligne de quatre cent lieues, et n'attend pour déborder que les débâcles de l'hiver. Oui, les Turcs sont braves, dévoués, ils savent mourir; mais la Turquie n'en est pas moins un royaume épuisé qui ue pourrait mettre en ligne deux-cent mille hommes, et la banque anglaise qui lui porte un intérêt si fraternel, ne lui prêterait pas 50 millions, même avec l'hypothèque de tous ses sérails. Voilà ce qui doit &tre bien compris, si l'on ne veut pas être dupe des événements, être surpris par un coup soudain, et, plus tard, gémir fort inutilement ~ur la ruine. Défiez-vous donc des petits bulletins et des petites victoires qui masquent les forces et cachent les prochains désastres ! III. Mais si la Turquie n'a de forces que pour une agonie vaillante, si sonennemi lui est supériewr, et Toutes lettres et correspondances doivent être affranchies et adressl!es au bureau de !'Imprimerie Universelle à SaintHélier (Jersey), HJ, Dorset Street. - I::.esmanuscrits dépo~és 11e seront pàs rendus. j ON s' ABONNE : 1 PRIX DE L' ABONNE,fl:NT ; A Jersey, 19, Dorset st. à l'Im- Un 8 l ·11· 10 t'. • • • Il an, s 11 mgs ou ,rancs. prnncr1e umverse c. . . A Londres, li0¼, Great Queen st. l Six 11101s4, sh. ou li fr. 1 Lincoln's-I111;-Fields, à la Li- Trois mois, 2 sl1. ou 2 fr. 50 c. brairie universelle. par le nombre, et par la puissance des levées, et par les trésors, et par les vieilles disciplines militaires; si la Rus!>Îeest une pépinière mystérieuse, riche, profonde, d'où peuvent sortir, après vingt défaites, vingt nouvelles armées, la 'rurquie a pour elle, dit-on, ses alliances, ses grandes alliances <le l'Occident. Vue de ce côté, la perspective change, elle s'élargit et nous découvre lés grands champs de bataille : b Turquie entraînant l'Europe dans sa cause, c'est une partie bien réglée, c'est le vrai jeu, et nul doute que si la France et l'Angleterre sérieu,ement unies engagent leurs forces, Nicolas, cette année, ne dormira pas en son palais d'été de Constantinople. Mais c'est le sérieusement unies qu'il faut étudier et qui est toute la question. Nous savons bien que ]a reine d'Angleterre l'a proclamé l'autre jour en son parlement : nous savons que les ambassadeurs sont partis, que les flottes naviguent ensemble, courtoises et fraternelles, que les aides-de-camp des Tuileries visitent les aides-de-camp de Windsor, et qu'il y a échange, en ce moment, de politesses et de dragées, en attendant celui des bombes : nous savons tous ces faits, et nous répétons pourtant ce_ que nous avons dit, ici, déjà : cette alliance est un mensong·e, et ce mensonge qui sera la mort de la Turquie en endormant l'opinio• et les colères, ce mensonge couvre une trahison, un guet-apens contre l'Angleterre, le Deux Décembre des frontières! Les deux flottes surveillent et voguent de concert, dit-on: mais qu'ont-elles fait jusqu'ici? escorter des barques, des munitions, des vivres, jusque dans les ports ei1core troués et tout fumant de l'invasion russe restée sans vengeance, est-ce là ce qu'on appelle uue intP-rventionsérieuse, estce bieu ]a protection de deux grantls gouvernemens? On fera mieux à l'avenir, dit-on : on écrasera la flotte russe à sa première équipée, on prendra Sébastopol, on ira peut-être ruiner, dans une autre mer, Cronstadt, le rroulon du nord. Eh bien, soit : Cronstadt et son arsenal sont en poussière, la flotte russe dort au fond des eaux sur un lit d'algues vertes, Sébastopol est pris et ses fortifications sont rasées ; qu'importent tous ces sinistres, tous ces revers, toutes ces ruines à Nicolas massant sa grande armée sur le Danube ? Il a eu le temps, grâce aux propositions, explications et modifications présentées par la diplomatie, c'està-dire la peur, de faire ses dernières levées, d'amener jusqu'au ban de ses déserts, d'échelonner ses forces -en colonnes, d'organiser ses provisious, de préparer ses étapes; il attend, tranquille, le mois de mars, le grand mois des guerres: or, que sous le poids de cette armée formidâble, Omer-Pacha flécbisse, la Turquie n'est-elle pas ouverte, du Danube aux Balkans? Et qui la défeudra cette seconde ligne que le~ Turcs appellent la 1m1,raillesainte ? Les flottes viendront-elles voguer de concert entre les batteries turques et les échelles moscovites ? ne voit-on pas que tout le plan de campagne de la Russie est dans ses années massées, et faisant trouée, toujours serrées en -colonnes? que c'est un monde en marche, ne s'inquiétant pas de ses morts, mais de la ligne droite? que la grande, la principale manœuvre, c'est le poids et la rapidité des phalangei;:,écrasant tout et courant toujours à travers un pays épuisé, et qui, n'ayaut pas de réserves, n'aura pas de lendemain? Mais, <lit-on, Bonaparte envoie soixante mille hommes, pour son intervention, dans les luttes de terre, au Danube~ I'Augleterre en jettera trente mille, et les forces ainsi se tronverout équilibrées! Oui, Bonaparte, depuis quelque temps, foit à petit bruit de gTandes levées d'hommes; les marins de toutes les clusses sout debout, et l'on a rappelé sous le drapeau tout ce qui restait, sur les cadres de la conscription, des coupes antérieures. Ovi, Bonaparte embarquera peut-être soi.-xante mille hommes à Toulon; mais soyez certains que cette armée ne se brûlera pas le teint au soleil d'Orient et qu'une tempète maladroite la jettera quelque part sur une des côtes de l'i talie. Que les flottes aient une rencontre de guerre, que l'Ang-leterre, engagée par le sang, ne puisse plus reculer, que toute alliance avec le nord lui soit fermée, pour quelque temps du moins, et l'Ang-leterre alors verra ce que vaut son alliance de l'Occident! Et, que deviendra la Turquie au milieu de toutes ces trahisons ? elle périra entrainant dans sa tombe non pas ses alliées, mais leur honneur: elle périra, ii la révolution européenne, sa dernière espérance et Ja nôtre, se réveillant, n'intervient pas tout à coup pour faire rentrer les rois pâles sous la tente, et pour remplacer la guerre des ambitions, par celle des principes, par la gue1Te sainte ! Ch. RrnEYROLLES. On lit dans le journal de M. de Girardin: La Presse 1·eligieuse, qui vient de changer de titre et de prendre celui de l'Eitropéen, publie contre 1a Fusion un article d'où le passage suivant est extrait : " L'empire, forme dictatoriale, c'est la démocratie protégée contre la coalition étrangère et l'invasion; c'est 1a concentration des forces nationales ; c'est un peuple sous un nom, sous un drapeau. " La république, c'est la démocratie protégée contre le privilège des classes, contre la coalition de l'i11térieur; c'est l'amélioration lente et progressive des masses, l'élévation de la famille innombrable des petits à un état où la souffrance sera moins rude, le travail moins Epuisant, la vie moins amère. " Démocratie représentée par la dictature impériale, pour que la France sente sa force et la manifeste au dehors avec une irrésistible énergie ; démocratie réalisée au dedans par des institutions quïassurent à tous une plus large part à ce banquet éphémère où, comme l'oiseau du ciel, chaque homme, enfant de Dieu, vient prendre sa miette de pain. Ces deux démocraties ont un point où elles se rencontrent et se donnent la maiu, celui où, menacées l'une et l'autre, elles sentent qu'elles sont vaincues si elles ne se rallient pas sous le même drapeau. . " Or, malgré de mutuelles répugnances, malgré des griefs réêiproques, conservés de part et d'autre au fond des cœurs, comme des blessures éternellement saignantes, il y aura une heure où l'oriflamme, déployée au nom de la patrie, verra s'apaiser ces haines, se taire ces longues rancunes, pour défendre le grand principe sous lequel s'abritent la république et l'empire. Du jour qu'un intérêt puissant _aura patiemment organisé une formidable lutte contre l'idée révolutionnaire de 1789, qu'elle aura groupé des forces, ménagé ces longues et insaissisables résistances qui s'entendent de clocher en clocher, et ont leur abri mystérieux daus le foyer impénétrable de la famille, la force opposée sera mise en demeure de protéger à son tour ses intérêts. "Les longues et douloureuses conquêtes de l'esprit moderne menacées, l'huma11ité prête, après tant d'efforts de pensée et de bras, à se remettre sous le servage et à recommencer pour quelques siècles encore ses sommeils et son agonie, jusqu'à un autre effort pour soulever ses chaînes et les briser de nouveau, apparaîtront dès lors à leur danger suprême et prépareront une autre fusion que les penseurs seuls entrevoient Jans l'avenir. " Il faudra que la grande question du siècle lilC décide alors. Ce sera le dernier rendez-vous dont tout le reste, même les batailles imposantes de l'empire, n'ont été que les escarmouches préparatoires. Ce sera le Waterloo des rois et des peuples. Tout se prépare pour cela, tout nous y mène. - L'abbé Michon." Politique, religion, g-ouvernewent, en toute chose et partout, c'est la même intrig·ue organisée. Que fait le Constitutionnel? Il irrite, il dénonce, il provoque aux cruautés lâches, il justifie les crimes, il déifie les traîtres, il est l'organe, il est le verbe, il est le jU1·on de l'autorité. - Que fait la Presse, qni devait se foire tuer à la dernière barricade de la République? Elle prêche la liberté illimitée, avec permission de la police; elle pousse au monstre ... e~ Russie: elle est la soupape de dé-

gagem~nt et raccole les niais qui ne savent pas se souvemr. De son côté, que fait l'abbé Veuillot ? Il regrette qu'il n'y ait plus de bois~~n ces_temps sceptiques, pour les bûchers de religion; 11 Hlche sur tout le monde son dieu-crocodile : il est le Cerbère de J ehovah sur cette terre ; il finira par manger les saints. - Mais voici l'abbé Michon qui joue l'autre rôle et qui nous appelle, nous les démocrates, à la défense de la patrie, sous les drapeaux de l'Empire ! . Il ne voit que des répugnances, entre les victimes et le bo~reau, cet excellent abbé ! - Et nos morts, et la République, trahie, vendue, assassinée, et la patrie livrée aux Cosaques du guetapens, et nos libertés pendues comme les femmes de Hongrie, et toutes vos infamies, t~s de misé• rables qui avez fait de la France l'auberge du crime? Les Bonaparte, nous ne l'avons pas oubli~, nou_s ont donné deux fois l'invasion : il est possible, 11 est probable, si la Révolution ne l'enlève pas, que celui-ci nous fera la même destinée : mais quand nous en serons à ce point de la crise, le premier ennemi, pour nous, le premier étra~ger,_ c~ sera cet homme : il n'y a que la France repubhcame, la France de la Révolution qui puisse lutter contre un monde : entre les étrangers et les traîtres, ne lui resterait-il, ne trouverait-elle qu'un département, elle y saura mourir, mais sous son drapeau! Cw. Rrn. Celui-là est en exil qui est condamné à vivre hors du droit ; Celui-là est en exil qui est emprisonné dans la maison de l'injustice. Le banni est celui qui, dans son champ paternel, à son foyer paternel, se sent proscrit par la conscience des hommes do bien. Mais toi, tu habites avec le droit. Partout où tu es, si tu restes fidèle à toi-même, tu es dans le pays de ton père. Ils ne t'enlèveront pas la cité de la conscience. Réchauffe toi à la flamme de la justice, te croiras-tu alors absent de ton foyer? Si la patrie se meurt, deviens toi-même l'idéal de la nouvelle patrie. Pour refaire un monde - que faut-il? un grain de sable, un point fixe, pur, lumineux. Travaille à devenir ce point incorruptible. Sois une conscience ! un nouvel univers n'attend pour se former que de rencontrer dans le vide des cieux déserts un atôme moral. E. Q. I DEUXTARTUFESIMPERIAUX. Au commencement du siècle, on publia ce quatrain : La Roquette, en son temps, Talleyrand dans le n6tre, Furent tous deux prélats d' Autun. Tartufe est le portrait de l'un ..... Ah! si Molière eilt connu l'autre 1 Un frondeur contemporain disait de Talleyrand : "Ce "piébot a la conscience droite comme les jambes ; il s'est " vendu lui-même, il a vendu les peuples après avoir " vendu Dieu ; il vendrait le diable si celui-ci, moins ma- " lin, voulait y mettre bon vouloir. Talleyrand est le pro- " totype du diplomate : posez un observateur en face de "lui ; cela fait, administrez à l'ex-évêque un maître coup " de pied ... par derrière,- Vous pouvez être certain que "l'observateur placé en face, fftt-il un excellent physio- " nomiste, ne saisira pas la plus légère émotion sur le vi- " sage de l'ex-prélat d' Autun, aujourd'hui prince de Eé- " névent, Talleyrand Périgord.''- Et, comme pour donner consécration aux aperçus du critique, Talleyrand, toujours en quête d'un bon mot, comme l'était ce laid et sale président Dupin, Talleyrand avait répandu, sous forme d'apophtegme : " La parole a " été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée." Assurément cela était d'une vérité brülante pour l'exévêque d'Autun, candide et consciencieux au moins autant que le Pape et les prêtres. Toutefois, de l'enfer où elle est placée, hypothèse admise que l'enfer existe, si l'âme damnée de Talleyrand revenait parmi nous, elle ressentirait certainement une jalom,ie corrosive à l'aspect de :Bonaparte et de Nicolas. Et vraiment, il ne faudrait pas l'en blâmer: Talleyrand avait au moins la franchise de l'immoralité ; il étalait la sienne avec un cynisme non connu jusqu'à lui ; l'apophtegme plus haut cité le Jfrouve ;-mais Eona1)arte ! mais Nicolas ! les deux grandes hypocrisies du temps !- Bonaparte et Nicolas, plus immoraux que Talleyrand, si pareil fait est possible, sont à coup sür au-delà de l'exévêque au point du vue de l'hypocrisie; ils n'ont pas le cynisme de leur rôle à la fois atroce et immonde ; ils saignent du nez sur leur conscience. - Jugez. En 1848, la République française, si douce, si généL'HOMME~ reuse, semble se contenter de l'ébranlement des monarchies ; elle ne va pas jusqu'à les pousser du pied afin de les abattre. Non, la puissance de l'enseignement moral est la sienne et lui paraît suffire. Que faire contre une adversaire armée d'une force si réellement reùoutable? - L'ensanglanter. Tous les détritus monarchiques y concourent : légitimisme, orléanisme, bonapartisme allument l'incendie ; ils veulent essayer du grand tumulte pour s'établir.- le premier jour de la bataille, à Montmartre, on crie : vive Napoléon! ceux qui portent ce désastreux guidon sout trouvés nantis de pièces d'or au coin de la. Russie. On le voit, l'entente cordiale pour bouleverser la Frauce est complète; :Bonaparte reçoit assistance de Nicolas, afin d'atteindre ce but : l'entremetteuse cousine, Mathilde, a saus doute préparé les voies et moyens. Par suite du calcul inepte et criminel des vieux partis monarchiques, à force de mensonge, d'astuce et rle sales intrigues, le chauvinisme français aidant, on voit le jongleur d'Eglington, le policeman de Londres escalader la présidence.-" :Bien, très-bien," disent, en se frottant les mains, les vieux roués monarchiques, docteurs en machiavélisme dégradant, " nous aurons facile et prompte " raison de ce petit accident ; nous ferons sauter ce per- " sonnage comme un pantin de foire."-Tout le monde connaît aujourd'hui les résultats de cette habileté non moins loyale que profonde : le vol, !e pillage, les confiscations, le meurtre, l'incendie, l'exil, l'Afrique, Cayenne, voilà de quoi enchanter les habiles. Nicolas lui-même se prend à sourire. Cependant, il faut se faire un état, tenir maison. Cuirassé de son impudence habituelle, :Bonaparte demande la main d'une grande duchesse russe.- Qui? répond dédaigneusement le czar," une de mes filles? avant de porter " la vue si haut, il faut avoir une position honorable et " fixe." Ainsi brutalement repoussé, le fils d'Hortense descend, l'un après l'autre, tous les étages des palais princiers de l'Europe; même refus partout : il n'est pas jnsqu'à la toute petite princesse Wasa qui ne lui jette, en le regardant par-dessus l'épaule, son refus dédaigneux et méprisant.- Q11efaire alors ? se ruer à l'aventure sur la première venue qui voudra bien l'accepter. Ainsi fait-il. Nonobstant ces rebuffades, le boucher du Deux Décembre notifie au czar sa position nouvelle. Celui-ci reconnaît le fait, non le droit. Bonaparte est un parvenu, non un succédant; Nicolas l'a dit. - Nouveau grief gonflant la. poche à fiel. Cependant, il s'agit de faire la guerre à la Turquie et d'exterminer, au nom du Dieu de paix dont le czar est le bras droit, quelques centaines de mille hommts ; le czar n'en veut pas à son frère Turc, au contraire, il l'aime ; il se gardera bien de toucher à Constantinople ; non, le seul ·amour de Dieu et des hommes, la foi pure le guidant, il pleurera toutes ses larmes en pensant que, peut-être, l'obstination du Turc le mettra dans la cruelle nécessité de faire flamboyer l'épée de la guerre religieuse. Pour mieux accréditer ses intentions si loyales, il transporte son impériale personne à Vienne, afin de préparer les voies. Là se trouve, à point nommé, une espèce de buffle en costume de dragon; c'est l'envoyé françaii.- Nicolas, naguère si bourru, si méprisant, essaie une courtoisie à la r1isse et l'exprime, comme il le sait faire, à voix haute, stridente et saccadée : " Informez votre empereur, dit-il '· au buffle-dragon, de ma haute estime et de mon affec- " tion pour lui. Je voudrais que tout le monde pût m'en- " tendre et connaître ainsi l'estime et l'affection que j'ai "pour votre empereur. Je vous invite à venir avec m.oi à " Varsovie." L'envoyé anglais, présent à_cette scène si loyalement exprimée, ne reçut point la m~e invitation grîl.cieuse. Quelques paroles sèches. furent sa part. Mais l'alambic à fiel déposé aux Tuileries n'en distillait pas moins ses produits haineux. La sympathie officiellement apparente du czar n'effaçait rien du souvenir de Bonaparte; celui-ci n'oubliait pas qu'au Palais d'Hiver était la source des outrageans refus des cours de l'Europe aux offres matrimoniales. Caché dans ui:iedissimulation profonde, il n'en fit pas moins semblant de bien accueillir la politesse cosaque ; puis, le moment venu, il se hâta de faire alliance avec l'Angleterre.- Quel soufflet! le czar de toutes les Russies dédaigné par un bâtard parvenu ! Refusez donc les grandes duchesses à ce haineux hypotrite. N'oublions pas que ces édifiants modèles sont orthodoxes, chacun selon sa guise, il est vrai; l'un relevant du rite grec et s'appuyant sur lui pour exterminer les hommes: l'autre baisant la mule du pape catl10liqueet se faisant bénir par les histrions en soutane. On l'a répété souvent: liaine de dévot est implacable ; pour lui, la circonstance atténuante serait de n'être qu'un imbécile entêté. Mais hors de là, que trouve-t-011? mensonge, astuce, fourberie, haine et vengeance, le tout soigneusement caché sous le manteau de la plus noire hypocrisie. Tels ssnt les deux saints orthodoxes dont nous venons de parler. Ils sont pourtant d'accord sur un point : guerre à mort à la République ! Selon leur ortl1odoxie religieuse, ils ont raison. La République est l'épouvante des despotes ; on le conçoit. En face de la République, les masques hypocrites sont fondus comme à l'ardent foyer la cire. Hypocrisie et despotisme sont inséparables ; c'est l'inexorabile fatum du métier.-La République :;irrivepour les tuer ; elle les tuera. La République est la divmité sociale de l'ayenir : elle effacera les crimes du passé, les ignominies cruelles de l'âge présent. Elle triomphera, parce que ses apôtres sont hommes de loyauté, de raison, de science, de conviction inébranlable, de courage, de volonté, de foi profonde et de dévoûment. Elle triomphera, parce que la culte du bien du beau du . ' ' JUSte, est enraciné dans les âmes pures et nobles de manière à laisser une tradition morale qui chassera devant elle l'esprit mercantile, le froid égoïsme, comme le vent balaie la vilaine poussière du chemin. Elle triomphera, parce que voyant les cl10ses de l1aut et au l_arge,ne ~enant pas plus compte, eu égard à la grande fa~1lle h~mame, des ~etites fractions doctrinaires que des petits ~omt~ géogr:.1ph1ques,la Révolution portera })artout sa lumière Jusqu'à l'heure où le dernier repaire du despotisme aura disparu. Loyaux fils des géans de 93, nous continuerons ta11t • fi ' 111 mes soyons-nous, la tradition révolutionnaire • nous soutiendrons les droits imprescriptibles de l' homm'e, non seulement à la pointe de l'épée, mais encore en mettant à uu les despotes, afiu de montrer clairement aux peuples toute la hideur de ces hauts scélérats s'arrogeant, selon leur bon plaisir ou leur folie fantasque, le droit d'abrutir, de tourmenter, de mutiler, d'exterminer les hommes, corps et âmes, pour satisfaire leur vanité criminelle. J. CAIIAIGNE. CORRESPONDANCPEARISIENNE. Paris, lundi 6 décembre 1854. Notre corps législatif est toujours en vacances : mais les villes commerciales du midi, Marseille, Montpellier et Bordeaux s'agitent. V~y~nt venir la guerr~, elles ont res~eint leurs opérations sur les cereales, sur les_ frmts secs, et meme sur les liquides : elles ne veulent I_>atsravailler à lon~ue échfance: elles craignent pour leurs convois, pour leurs magasms, pour leurs rentrées surtout, e~san~.s'êt~e concertées, elles o!lt écrit à leurs petits députés de Pans qu ils aient à demander audience au maître, pour lui exposer les doléances du ballot. "-Sire, la Russie est notre plus vieille, notre plus sincère alliêe •.• disent les vins; l'Angleterre n'en achète pas: elle a besoin de ve~dre ses bières. - Sire, nous vivons du long-cours et de l'Algérie} la guerre peut amener des complications redoutables en Afrique; Odessa, Sllbastopol, tous les marchés russes nous sont déjà fermés : que deviendra la Méditerranée dit Marseille? - Sire, vous avez dit, dans le Médoc, l' Em;ire c'est la pai.1:. C'était une grande parole: daignez vous souvenir s'écrie Bordeaux:'' - et tous ces représentants à petite livrée 'de s'incliner, d'onctuer leur patois, d'humilier le regard le geste et la ,•oix, comme des laquais sortis de l'office. ' L'hypocrite taciturne a daigné sourire à travers ses moustaches d'empereur-gendarme, et, de la main, il a congédié, sans réponse ces bons bourgeois qui s'inquiètent pour leurs marchandises; mais l'un d'eux, avant de s'effacer en révérences s'est permis d'insister et de dire: ' - Majesté, ce ne sont pas seulement nos vins, nos caisses, nos b:illots que p~ut ~mporter la guerre, c'est la société que vous avez sauvée s1vaillamment en Décembre, c•e~t la propriété c'est la religion, c'est l'empire ! ' - Et comment cela, Monsieur de Bordeaux î Avez-vous, derrière vos futailles, quelque nouvelle duchesse d'Angoulême en travail de guerre civile ? ' - A Dieu ne plaise Majesté! Bordeaux est fidèle; mais notre populace et toutes les campagnes du midi sont plus que jamais travaillées par l'esprit de désordre: les villages les bourgs les fi • " ' ' ermes cons~1rent : on arrete_ la nuit, on arrête le jour sur les grands chemms, et la Révolution nous menace déjà publiquement. Que sera-ce demain si la guerre vient affaiblir les divisions militaires qui nous couvrent? - Refüez-vous, Messieurs, le gouvernement veille! - , On évacua, s~r ce congé brutal, et M. Bonaparte, s'adressant a son cher Persigny, murmura tout bas: Qu•en dites-vous, Monsieur le comte ? - Je dis, Sire, que ces bffilres sont bien osés de venir traîner jusqu'_aux Tu_ileries leurs prétentions et I~urs barriques. De quoi ~e pla1gnent-1H Est-ce que ~ous l' Em~1re il n'y aura pas toujours assez de braves pour boire leurs vms ? Mais la parole du dernier a du bon : cette peur des bourgeois est notre force contre la fusion et contre la République: il faut l'entretenir l'alimenter la répandre ; comme levées d'hommes ou comme a;gent elle n~ nous refusera rien, et nous serons prêts ... quand viendra l'heure ! - L'Empire c'est la paix ... Les braves gens I On dirait qu'ils viennent de la cité de Londres 1 - Oui, tous ces petits Cobden sont charmants avec leur libre échange! Quant à la Révolution, c'est autre chose : il faut inquiéter, surveiller, frapper: les républicains seuls sont à craindre. Mon oncle, à Sainte-Hélène, leur a fait quelques amitiés dans ses mémoires. Mais quand il était aux Tuileries, il les faisait tuer: c'est là votre affaire à vous, Monsieur le ministre; vous avez les trois forces: la police, l'argent et ]'armée. - Tel fut Je dialogue : il a couru les salons de Paris, grllce à la fusion qui a des oreilles partout, jusque dans les petits appartements ; et grllce à la corr~spondance active des clochers et des châteaux, cette chronique a déjà visité toutes les provinces. La grande, la sérieuse préoccupation des Tuileries, ce n'est pas le budget, on ne rend pas de comptes ; ce n'est pas la famine, on mange des truffes jusques dans les cuisines; ce n'est pas l'hiver, aux éc.uries on a des fourrures même pour les chevaux : - c'est l'argent gaspillé, perdu, qui ne reviendra pas; c'est l'empnmt des trois cent millions qne les seigneurs de la Banque refusent : c'est le vide des caisses devant les gloutonneries éternellement affamées de la cour et les nécessités de la guerre ... Rotscl1ild se dérobe; d' Argout est si vieux, qu'il est devenu sourd ... à toute proposition. On a fait en vain des ouvertures officieuses aux receveurs-généraux : ils prétextent de leur cautionnement et se déclarent en carence. D'un antre c6té, plus de ligues ferrées :À vendre, plus de canaux, plus de forêts et de coupes sombres. II faut pourtant s'ébaudir, et festoyer, et danser, et tenir son r:ing par le brocart, l'hermine, les livrées, les chevaux, les équipages, et la SAINTE AUM6NEqui met en branle toutes les cloches de l'Empire : il faut entretenir les généraux-complices, les 11ltesses besogneuses de la famille, et le Sénat, et les chambellans, et l'impératrice, et les mouchards : il faut trouver une Californie, sous la neige, sons le~ haillons, sous les d6sespoÏJ's, sous la faillite et l'hiver, comment faire?

Il y a, parmi les juifs du temps, un ex-petit économiste échappê clespetites-maisons saint-simoniennes, ancien collaboratem de Carrel, au Ncaioual, et qui, depuis, devenu banquier, agioteur, entrepreneur commanditaire, chef de ligne et sangsue princière, a fait derrière les Rostchild nne fortune colossale. Cette nature, jadis philosophique, n'est plus aujourd'hui qu'un ventre, et quand il y a, dans les coulisses de la Bonrse ou dans un congrès de compagnies, un bon coup à tentPr, Emile Péreire se charge de la besogne : il est intelligent, actif, roné tliplomate : ayant cherché la lemme libre avec son ami :Michel, il n'a pas de préjugés, il comprend I' .Empire... et ses nécessité;, sauf escompte. Réussira-t-il à placer l'emprnnt fabuleux ? Ceci est un problème. Les gros banquiers d'une part, et b fusion de l'autre, sont fort gênants, mais il y a tant d'imbéciles, ou plutôt tant d'actionnaires sur la terre de France! - On espère chez le-grand-cordon fould qui ne veut rien 1·isquer pourtant, non plus que son ami ::\forny,seigneur cle l'Auvergne ... et de la niche. Que vous dirai-je des départements ? Dans le peuple, c'est la misère désespérée qui se tltte avant d'agir. Dans la petite bom·- geoisie, c'est le clégoüt et la pem qui luttent. Dans les hautes et riches classes, c'est la fusion qni est le culte du jour, et, par contre, tous les fonctionnaires impériaux sont sur les dents. Oyez ceci: Dans un de nos départements de l'Ouest, M. de V ... , noble un peu légitimiste, quasi rallié sous Lonis-Ph~lippe, honnête et modéré sons la République, assez tranquille sous l'Empire, l'illustre 1\f. de V... allait, il y a deux mois environ, marier sa fille : il invita le général du département, le colonel, d'autres officiers et fonctionnaires, mais il n'invita pas le préfet, mis à l'index de beancoup de salons pour des motifs fort étrangers à la politique. Le préfet furieux voulut se venger et fit son coup-d'Etat, voici comment : Les convives alléchés allaient se mettre à table : entre une est:ifctteportant des dépêches télégraphiques, de la part du préfet. Se11satione, spoir : il y a, c'est certain, rle l'avancement, des gratifications, des croix, et c'est pressé, très pressé, puisqu'on vient ainsi troubler b fête de famille ? Hélas non ! " Ordre du ministère au général, aux officiers et fonctionnaires invités à la noce de ne pas s'y rendre, ou de la quitter immEdiatement, sous peine de destitution l" M. de V... était fusionniste, ou du moins le préfet l'avait dénoncé comme tel et le gouvernement avait lancé sa bulle. Dans le pays, maintenant, on appelle cette équipée : la Noce du T~/iigraphe ! X... CORRESPONDANCE DE LONDRES. Londres, 3 fêvrier1854. Vanniversaii•e de Février 1848 verra, cette année, éclater enfin la OUERRE, si vainement, si ardemment réclamée par nous il y a cinq ans, et que je ne peux aujourd'hui vous annoncer qu'avec tristesse et anxiHé. C'est l'avenir de l'Europe, de notre France, qui va se dl!cider; pour défendre la civilisation, la Démocratie suffirait à peine à la tâche ; et c'est le parti conservateur qui prétend mettre à la raison, lui tout seul, le despotisme fatidique du czar! Est-ce h Révolution, est-ce !'Invasion? Qu'espérer, quand l'organe du gouvernement français voit dans l'alliance anglaise "une garantie de paix sans concession ou de guerre sans péril pour l'ordre social.'' Eh! s'il ne s'agit pas de transformer la socilité européenne, en progressant, le de~tin n'ordonnera-t-il pas sa destruction en reculant, par la conqu&te et les Cosaques? Les ambassadeurs de Russie, à Londres et à Paris, sont à l'heure oùje vous écris, en route pour St.-Pétersbourg. Les ambassadeurs de France et d'Angleterre à St.-Pétersbourg ont dû demander lP.nrs passeports en remettant une note conçue, dit-011,en termes très sévères.-Le czar avait demandé des explications sur l'entrée des flottes clansla mer Noire : on I ui a 1épondu que les flottes avaient ordre de protéger la Turquie contre la Russie, le faible contre le fort. Les actes des escadres fournirent des explications plus catégoriques encore, assurent plusie11rsmarins; et nous ne tarderons pas à recevoir des nouvelles décisives de l'amiral Dundas. L'opinion se prononce avec une vigoureuse unanimité pour la guerre. On s'attendait même à une manifestation pour l'ouverture du Parlement. Le cortège de la reine, accueilli plus qu'à l'orclinaÏl'e par une multitude pressée, n'a pourtant donné lieu à aucune explosion. Quelques grognemens étouffés, honteux, de shame, fie, quelques sifflets isolés, perdus, contre le prince Albert; des hurrahs très contenus, très modérés; voilà tout ce que j'ai pu observer. Mais un vif enthousiasme a éclaté sur le passage de l'ambassadeur turc, qui, sans doute, a été très satisfait de la sympathie qu'on a témoigné pour sa canse. Le discours de la reine,• très concis, a exprimé le regret de n'avoir pu empêcher la guerre, le désir plus que l'espoir d'obtenir la paix, la résolution d'armer pour appuyer les représentations faites ù la Russie. La discussion sur l' Adresse en réponse, négligeant presque entièrement l'annonce d'une Réforme électorale, a ronlé sur laquestion d'Orient. Les orateurs torys, Lord Derbi, M. d'lsraëli, eta., ont tous reproché au ministère d'avoir agi trop timidement, trop lentement. Lord Aberdeen s'est justifié de son mieux, a protestl:\ cleson patriotisme et des bonnes intentions du prince Albert, que personne, d'ailleurs, n'a attaqué. Lord John Russell et le comte de Clarendon ont tous deux flétri, au nom du ministère, la politique russe; ils ont essayé, sans se montrer trop belliqueux, de contenter cependant les susceptibilités de l'opinion ; en somme, ils out la majorité dans le Parlement, et on parait compter qu'ils ne faibliront pas. L'amirauté va augmenter son personnel de 10,000 marins et 3,000 soldats. Le ministère de la guerre va, de son côté, augmenter de I0,000 hommes l'effectif de l'armée de terre. Les correspondances des journaux belges et anglais annoncent l'envoi prochain de 40,000 Français à Constantinople; on ne fixe pas le chiffre dn contingent anglais. Le colonel Burgoyne et le colonel Ardant vont être envoyés à Constantinople pour diriger des travaux dn g€niemilitaire. De~ dépêches pour les ambassadeurs sont en route, à bord du Caradoc; on les dit décisives. Pendant qu'ici on prépare la guerre, on la continue en Orient. Les flottes, après avoir escorté les renforts envoyés à Sélim Pacha, en Asie, ont dû transporter des renforts destinés à la réserved'Omer Pacha. Sm la nouvelle que la flotte russe était 4~1dément sous voiles pour Batoun, les escadres ont dü repartir dans cette direction. Sur le Danube, les Russes, après avoir franchi le fleuve, ont été forcésde battre en retraite, et, sur plusieurs poillts, vers Guirgeus, Oltenitza, etc., comme à Matschin, ils ont été vaincus dans toutes les rencontres qu'ils ont eues avec les Turcs, qui rnnt, assure un aide-de-camp de Baraguey à' Hilliers, très en Etat de lutter avec avantage, pomvu qu'il n'y ai pas trop d'inégalité de nombre. Le ~énéral Klapka, les colonels Breanski et Strada (ces deux derniers de l'état-major piémontais) ont pris du service dans l'armée turquw. La Perse, changeant tout à coup clepolitique sur les instances de L'HO}IME. l'Angleterre et cles Afghans, refuse les officiers russes qui venaient prendre le commandement de son armée, et envoie des munitions à l'armée turque. Vous aurez lu, sans doute, le récit du curieux incident qui a signalé l'exçursion de la Retribution à Sebastopol? Cc bâtiment était chargé de signifier au gouvernement du port de Sebastopol les ordres donnés aux flottes de protéger la Turquie contre la flotte rnsse. Profitant d'un épais brouillard, le capitaine Drummont fit entrer la Retribution clans le port, où n'avait encore pénétré aucun officier anglais et français; il jeta l'ancre. Dès qu'on l'aperçut, on lui signifia d'avoir à sortir en rade et à s'y mettre en q11ara11tai11e; il obéit avec bonne grâce, mais si lentement, qu'il eut une heure à sa disposition pour dessiner, photographier, examiner enfin dans tous Res détails ce port militaire si jalousement gardé jusqu'alors contre les étrangers. Puis, il fit sa commission, et partit, très fier d'avoir joué ce tour aux Russes. L'attitude de l'Allemagne préoccupe la presse anglaise. Le prince de Prusse (beau-frère de Nicola~) s'est prononcé pour l'Angleterre et la France, l'intérêt de la Prusse lui paraissant lié dans cette questi<Jnà celui clespuissances occidentales. L'opinion, en Autriche, s'agite et se fait jour même dans les gazettes, contre l'alliance russe. Mais la reconnaissance de l'empereur d'Autriche pour son protecteur et suzerain Je czar, sans lequel il eût été clétrônl:\ par les Hongrois en 1849, mais l'esprit l1ésitant (wavering) du roi de Prnsse inquiètent le Times lui-même. Quant à la Belgique, Napoléon Bonaparte, l'e:1:-princede ltt Montagne, a €té chargé de sonder ses dispositions. Il s'est rendu à Bruxelles, a été reçu solennellement et obséquieusement par la famille royale, et est reparti pour Paris, très content de sa mission et des résultats obtenus. Il résulte de tout cela que l'Angleterre abandonnerait probablement la Belgique et les provinces rhénanes it Louis Bonaparte, si la Prusse et le roi Léopold refusaient d'entrer dans la coalition essay~. contre le czar, aujourd'hui, par ce même cabinet anglais, instigateur, il y a soixante ans, des coalitions contre la France ... En Piémont, Brofferio, un des orateurs radicaux, a été élu clépnté dans deux collèges, à Gênes et à Cagliari.-En Suisse, le pouvoir central a blâmé et cond~mné la loi contre la presse et la dissolution de h société du Grut!G, deux mesures réactionnaires cle ce canton de Berne, promoteur, il y a six ans, du mouvement radical et centralisateur clans la Confédération Helvétique! -En Espagne, s'il faut en croire le Times, on touche à une explosion qui emporterait la dynastie des Bourbons et lui substituerait la dynastie de Bragance; le mineur Don Pedro V, qui règne à Lisbonne, deviendrait empereur de la Péninsule Ibérique? ..... . Demi~res nonvelles : L'armée russe a quitté Krajova le 28, et marché sur Kalafat. Tout à vous, Ph. FAURE. Pour nous, toutes les pensées de l'exil sont sacrées, quand elles sont filles de la conscience et qu'elles ne servent pas les haine&;voilà pourquoi les études ainsi comprises sont par nous accueillies, sans que, pour cela, notre foi s'engage toujours en ces idées. Nous affirmons le dogme du progrès éternel, individuel et solidaire de tous les êtres doués de sentiment, de raison et d'intelliger1ce. lo Par la transmigration des âmes pendant la durée de la vie terrestre;-- c'est-à-dire, pendant la durée du globe terrestre, qui est le domaine que Dieu a donné à la race humaine pour le cultiver, le perfectionner et le transformer par le travail solidaire de tous, pour le bien-être et le progrè~ moral, intellectuel et matériel de tous et de chacun; , 2o Par la transformation progressive, harmonieuse et infinie de tous les êtres dans des sphères supérieures, lorsque l'œuvre terrestre sera accomplie; lorsque le mal (c'est-à-dire la tyrannie, l'ignorance et la misère qui produisent la souffrance morale, intellectuelle et matérielle) aura été vaincu par l'œuvre solidaire de tous. Alors l'amour aura triomphé de la mort. Nous affirmons que ce dogme du progrès éternel, individuel et solidaire de l'humanité est une vérité éternelle et absolue qui résulte !lu principe d'amour, de vérité et de justice dans son unité. C'est le fait éternel, universel et manifeste de la sainte loi providentielle de solidarité qui relie tous les êt.res dans l'éternité et dans l'immensité. Il satisfait à toutes les aspirations qui sont en aecord avec l'esprit d'amour, de vérité et de justice : J o Le désir d'une vie meilleure dans une sphère supérieure. Ce désir, qui est l'aspiration sainte vers le bonheur infini et le plus puissant mobile d1:1p.rogrès, sera satisfait devant la justice par le travail indivirluel et solidaire de to11sdans les voies de la perfection, car. nul ne peut être dispensé de contribuer à la Cùnquête du paradis terrestre, ni de cnltiver les fruits de l'arbre de vie auxq11els il doit avoir part; 2o Le désir de la perpétuité de la mémoire, c'est-à,. dire de la continuité de l'existence et de l'identité pour chaque individu. C'est l'aspiration sainte vers la liberté, la responsabilité et la dignité morale, et cette noble aspiration trouve satisfaction selon la justice et la sagesse divine en proportion des progrès du sens moral, car le souvenir des existe11ces précédentes ne peut se ré;éler d'une manière distincte qu'en ceux qui ont triomphé par l'amour de la crainte égoïste et qui ont ainsi acquis la vraie liberté, la dignité morale. Mais ceux qui ne voudraient lire les feuillets antérieurs du livre de vie que pour la satisfaction de l'orgueil ou de l'égoïsme, ceux-là sont au nombre de ceux dont il est. dit: qu'ils ont des yenx pour ne pas voir et des oreilles pour ne pas entendre. " Et il en est ainsi, car s'ils pouvaient voir et entendre " par eux-mêmes, s'ils pouvaient comprendre sans amour " que l'amour est le salut pour eux-mêmes comme pour " tous, ils voudraient accomplir la loi de Dieu par crainte, " pour éviter les douleurs de l'l!<lucation providentielle, " qui, dans la durée des siècles, amènera chacun d'eux à " ouvrir librement et volontairement son âme à l'amour " de Dieu et de l'humanité, et à la sainte loi de solida- " rité fraternelle et universelle." Car si la crainte peut naître de l'amour sans porter atteinte à la dignité morale, l'amour ne peut naître de la crainte ; tous les actes qui résultent de la crainte bâsée sur l'égoïsme, produisent la mort morale, ils tuent la liberté .et la dignité humaine. Mais tous emportent dans la vie suivante le degré de développement moral et intellectuel qu'ils ont acquis. Dieu n'a pas doué les êtres de qualités perfectionnées, mais de qualités en puissance d'être, c'est-à-dire de fa_ cultés pour acquérir. Ce sont les instruments spirituels dn travail moral et intellectuel. Elles se fortifient et se perfectiomient dans les épreuves de la vie, et de même qu'il n'est pas nécessaire de se souvenir mot à mot des rudiments de la science pour être savant, de même il n'est pas nécessaire de se souvenir des faits et des actes de la vie précédente pour couserver le développement acquis. 3o Le désir du souvenir dégagé de tout sentiment douloureux est uue aspiration d'amour, car nul, ayant acquis le sentiment de la vérité et de la justice, ne pourrait être heureux si un seul des membres de la sainte famille lmmaine restait dans l'imperfection, c'est-à-dire dans la souffrance; et le désir sera satisfait, car il est selon la justice et l'amour que tous soient appelés et que tous soient élus, et tous auront le souvenir des travaux qu'ils auront accomplis, et CP.souvenir sera cher et glorieux, car ils auront ainsi conquis la dignité morale, la vraie liberté et les joies du progrès harmonieux. Et, alors qu'ils auront la certitude du progrès harmonieux, aucun sentiment douloureux ne troublera leur glorieuse ascension vers le bonheur infini. 4o Le désir de retrouver tous les êtres qu'on a aimés est une aspiration selon l'amour qui aura satisfaction, car ayant acquis le souvenir par le progrès dans l'amour, ils reconnaîtront to11s ceux qu'ils auront aimés de prédilection et ils reverront même avec un amour fraternel ceux qu'ils auront haïs pendant leur douloureuse initiation à la vie complète. Ils sauront alors que, tour à tour oppresseurs et opprimés, ils ont lutté dans les ténèbres de l'erreur et de l'ignorance. 5o Le désir de recevoir de Dieu des conditions de bonhE:ur et de liberté plus accessibles et plus durables sera satisfait par la connaissance de la sainte loi de progrès dans la liberté sdon l'amour, selon l'attraction rl'élle et la diversité des aptitudes qui constituent l'harmonie dan$ la pratique de Ja sainte loi de solidarité. 60. Ils auront des conditions de félicité extérieures et intérieures l'quivalentes, mais diverses, selon la diversité de leurs aspirations, parce qu'ils ne formeront qu'une grande famille par groupes sympathiques travaillant solidairement chacun pour tous, tous pour chacun, et vivant dans l'amour de tous pour chac1m, et de chacun pour tous. Ils comprendront alors qu'il n'y a rien de moins rationnel, de plus insociable et de plus contraire aux aspirations des êtres aimants et intelligents, que de désirer une existence de béatitude, c'est-à-dire d'inaction de nos plmi saintes et des plus nobles facultés dont Dieu nous a doués, car ils aimeront le travail attrayant selon la sainte loi de solidarité, et ils sauront que c'est une source vive de bénédictions et de progrès pour tous les êtres ; 7o. Et ils sauront enfin, par le souvenir de la vie passée, que les épreuves qu'ils ont subies dans la vie précédente n'ont llOint été un châtiment pour tous, mais souvent un enseignement nécessaire pour leur progrès moral, et que parmi les plus pauvres se trouvaient souvent aussi ceux qui n'avaient pas besoin de l'épreuve des richesses ayant au cœur le sentiment d'amour et de dévouement pour tous, ruais étant appelés dans les rangs des souffrants et des opprimés pour leur enseigner les voies de la vraie liberté, et beaucoup aussi pour apprendre eux~mêmes qu'elle s'acquiert par ~e travail et par l'union, dans la résistance à la tyrannie e.t à l'erreur. Jeam,e DER.OIN. Il y aura neuf ans bientôt que Godefroy Cavaignac est mort à sa dernière batterie républicaine, le journal la Réforme : son nom depuis a bien souffert, et il a tristement marqué dans les heures sinistres; mais le souvenir de Godefroy, pour la vieille génération républicaine, est toujours resté vivant et sacré : voilà pourquoi nous publions les lignes qui suivent: elles rappelleront à tous une graude âme trop tôt partie du milieu de nous, et la fermeté vai!Jante qu'il y avait dans cet ancien parti républicain, dont les soldats et les chefs sont aujourd'hui dans les prisons, dans l'exil ou dans 1a tombe. PROCÈS DES ARTILLEURS. (Extrait des Mfmoires d'Alexandre Dumas.) Dans la première quinzaine d'avril se jouait, au Palaisde-J ustice, un drame qui, à mes yeux, était bien autrement intére11santque celui d'Antony, dont je pressais les répétitions. Il s'agissait du complot de l'artillerie, auquel j'avais pris une part si active ; aussi une seule chose m'étcinnaitelle, c'est qu'ils fussent en prison et que je fusse libre : qu'ils subissent des interrogatoires pendant que je répétais une pièce à la Porte-Saint-Martin.

Lei; ai1diences, depuis le 6 jusqli'au 11 avril, avaient été consacrées à l'interrogatoire des accusés et à l'audition des témoins. Il y avait •le la difficulté pour rin avocat général d'accuser des hommes tout noirs encore de la poudre de Juil1et, comme l'étaient Trélat, Guinard, Sambuc, Danton, Chaparre et leurs Co-accusés. Tous ces hommes, d'ailleurs, - à part le commissionnaire Gourdin, contre la moralité duquel, au reste, il n'y avait absolument rien à dire -vivaient de leur fortune ou de leur talant, et étaient plutôt riches que pauvres. On ne pouvait donc attaquer chez eux qu'une opinion dangereuse peut-être, au point de vue du gouvernement, mais, à coup sO.r,désintéressée. M. le procureur général Miller eut l'intelligence d"e comprendre la situation, et, au milieu de son réquisitoire, se tournant vers les prévenus : " Nous gémissons plus que personne, dit-il, de voir traduits sur ces bancs des citoyens honorables, dont la vie privée paraît commander l'estime; des jeunes gens riches de nobles pensées, d'inspirations généreuses. Ce n'est pas nous, messieurs, qui chercherons à récuser leurs titres à la considération publique ou à la bienveillance de leurs concitoyens et les serviceil qu'ils ont pu rendre à la patrie.'' L'auditoire, visiblement alléché par ce préambule, fit entendre un murmure d'approbation qu'il eO.tcertainement réprimé s'il eO.teu la patience d'attendre la suite. Le procureur général reprit : Mais les 11ervicesque l'on a pu rendre à l'Etat donneraient-ils le droit de l'ébranler jusque dans ses fondements, s'il n'est point administré selon des doctrines qui conviennent à des imaginations peut-être dér!!gllles? Mais l'ardeur de la jeunesse suffiraitelle pour légitimer des essais qui alarment tous les bons citoyens et froissent tous les intllrêts ? Faut-il donc que les hommes paisibles puissent devenir les victimes des manœuvres coupables de ceux qui parleraient de liberté en attaquant celle d'autrui, et qui se vanteraient de travailler au bonheur de la France en brisant avec violence tous les liens sociaux 'l On comprend de quel air dédaigneux les prévenus recevaient ces filandreuses et banales observations. Loin qu'ils songeassent à se défendre, on sentait que le moment venu de charger, c'était eux qui allaient prendre l'offensive. Pescheux d'Herbinville, le premier, s'élançant à toute bride sabra juges et procureur général. -Monsieur Pescheux d'Herbinville, lui dit le président Hardouin, vous êtes accusé d'avoir eu des armes à votre disposition et d'en avoir distribué. Avouez-vous le fait? Pescheux d'Herbinville se leva. -Non seulement, dit-il, j'avoue le fait, monsieur le président, mais encore je m'en vante .•. Oui, j'ai eu des armes, et beaucoup! et je vais vous dire comment je les ai eues. En juillet, j'ai, à la tête d'une quinzaine d'hommes, au milieu du feu, pris successivement trois postes ; les armes que j'ai eues, ce sont celles de~ soldats que j'ai désarmés. Or, moi, je me battais pour le peuple, et ces solL'HOMllE. dats tiraient sur le peuple. Suis-je coupable d'avoir pris des armes qui, dans les mains où elles se trouvai~ut, donnaient la mort à des citoyens ? Une salve d'applaudissements accueillit ces paroles: • Quant à les avoir distribuées, continua l'accusé, c'est encore vrai, je l'ai fait; et non seulement j'ai distribué des armes, mais encore, croyant que dans des temps pareils aux nôtres, il était bon de reconnaître les amis de la France de ses ennemis, j'ai, à mes frais, quoique je ne sois pas riche, habillé en gardes 11ationauxquelques uns des hommes qui m'avaient suivi. C'est à c1ishommes-là que j'ai distribué des armes, auxquelles, d'ailleurs, ils avaient bien droit, puisqu'ils m'avaient aidé à l~s prendre! .. Vous m'avez demandé ce que j'avais à dire pour ma défense, je l'ai dit. Et il s'assit au milieu d'applaudissements que les injonctions réitérées du président puront seules faire cesser. Puis vint le tour de Cavaignac. Vous m'accusez d'être républicain, dit-il; je relève l'accusation à la fois comme un titre de gloire et comme un Mritage p&ternel. Mon père fut un de ceux qui, dans la Convention nationale, prnclamèrent la République à la face de l'Europe alors victorieuse; il la défendit aux armées; c'est pour cela qu'il est mort dans l'exil, après douze années de proscription; et, tandhi que la Restauration elle-même était forcée de hisser à la France les fruits de cette révolution qu'il avait servie, tandis qu'elle comblait de ses faveurs les hommes que la République avait créés, mon père et ses collègues souffraient seuls pour la grande cause que tant d'autres· trahissaient! Dernier hommage de leur vieillesse impuissante à la patrie, que leur jeunesse avait si vigoureusement défendue!. .. 1Cette cause, messieurs, se lie ilonc à tous mes sentiments comme fils; les principes qu'elle embrassait sont mon héritage. L'étude a fortifié naturellement cette direction donnée à mes idées politiques, et, aujourd'hui que l'occasion s'offre enfin à moi de prononcer un mot que tant d'autres proscrivent, je le déclare sans affectation comme sans crainte, de cœur et de conviction, je suis républicain! C'était la premiêre fois qu'une pareille déclaration de principes était faite hauteme:at et publiquement devant la justice et devant la société à la fois ; aussi fut-elle accueillie d'abord par une espêce de stupeur que traversa immédiatement un tonnerre d'applaudissemens. Le président comprit qu'il n'y avait pas moyen de lutter contre un pareil entraînement : il laissa les applaudissemens se calmer et Cavaignac continuer son discours. Godefroy Cavaignac était orateur, plus orateur que son frère, quoique celui-ci ait eu, comme le général Lamarque et le général Foy, de ces mots qui entrent plus profondément dans les cœurs que les plus beaux discours ; Cavaignac continua donc avec un succès croissant. Enfin il résuma dans ces quelques mots toutes ses opinions, toutes ses espérances, ainsi que les opinions et ~es espérances du parti qµi, presque inaperçu alors, clevait' triompher dixsept ans plus tard : La Révolution, messieurs, vous attaquez la Révolution I Mais, insensés que vous êtes, la Révolution, c'est la nation tout entière, moins ceux qui l'exploitent; c'est notre patrie remplissant cette sainte,missio» de l'affranchissement des peuples; c'est toute la Franée, enfin, faisant son devoir euvers le monde ! Quant à nous, nous avons, c'est notre conviction, fait notre devoir envers la France, et, chaque fois qu'elle aura besoin de nous, quoi qu'elle nous demande, cette mère respectée, fils pienx, nous lui obéirons! Il est impossible de se faire uue idée de l'effet que produisit ce discours, prononcé d'un accent ferme, avec une figure franche et ouverte, avec l'enthousiasme dans les yeux, la conviction dans le cœur. A partir de ce moment, la cause était gagnée : la condamnation de pareils hommes eO.t été une émeute, une révolution peut-être. Les questioRs posées au jury étaient au nombre de quarante six. A midi moins un quart, les jurés entrèrent dans la cl1ambre des délibérations ; à trois heures et demie ils en sortirent. Sur les quarante-six questions, les accusés étaient déclarés non coupables. Il n'y eut qu'un cri de joie, presque d'enthousiasme; les mains battaient, les chapeaux s'agitaient; chacun se hâtait, enjambant les banquettes, renversant les obstacles : on voulait serrer la main de l'un ou de l'autre des di~- neuf accusés, qu'on les connüt ou qu'on ne les connO.t pas. On sentait que, sur ce banc des prévenus, là était la vie, là était l'honneur, là était la liberté. Il ne s'agissait plus pour les accusés que de se dérober au triomphe. Les triomphes, dans ces cas, sont souvent pires que les défaites : je me rappelle le triomphe de Louis Blanc au 15 mai. Guinard, Cavaignac et les élèves des écoles parvinrent à se soustraire à l'ovation; au lieu de sortir par la porte de la Conciergerie qui donne sur le quai des Lunettes, ils sortirent par celle des cuisines et passèrent sans être reconnus. Trélat, Pescheux d'Herl1inville et trois amis,-Achille Roche, qui mourut jeune et plein d'avenir, Avril et Lhéritier,-étaient montés dans une voiture, et avaient dom1é au cocher l'ordre d'aller aussi vite que possible; mais, à travers les vitres fermées, ils furent reconnus. En un instant, la voiture fut arrêtée, les chevaux furent dételé!:!,les portières furent ouvertes ; il fallut sortir, traverser la foule, répondre aux cris par des saluts, et marcher au milieu des mouchoirs flottants, des chapeaux agités et des cris de " Vivent les républicains! "jusqu'à la maison de Trélat. Guilley, également reconnu, fut encore moins heureux : on l'emporta à bras malgré ses protestations et ses efforts. Un seul sortit par la grande porte, et traversa toute la foule incognito : c'était le commissionnaire Gourdin, traînant sur une petite charrette ses malles et celles de ses compagnons de captivité qu'il reportait à domicile. • Alexandre DUMAS. AVIS Il sera publié avec chaque numéro un supplément :spécial po11rles ANNONCESdans l'intérêt du Commerce, de !'Industrie et de la Science. Les Annonces de • tous les pays seront acceptées à la condition d'être écrites en français, conformément au spécimen ci-après. Les Avis et Annonces sont reçus jusqu'au vendredi à midi, à Londres, à la librairie et agence de !'Imprimerie Universelle, 50 122, Great Queen Street Lincoln's-Inn-Fields, et à l'office de !'Imprimerie Universelle, 19, Dorset Street, à Jersey, S•Hélier, jusqu'à l'arrivée du courrier du ma1di. Toute correspondance doit être affranchie et contenir 1111 bon, soit sur la poste anglaise, au nom de M. Zén~ SwrnToSLAwsKr, soit sur un des banquiers de Jersey ou de Londres. Le prix des Annonces est ~niformément de six sous (trois pence) la ligne, pour les trois sortes de caractères courants employés dans ce journal. Les lignes en capitales et e11lettres de fantaisie, seront payées en proportion de la hauteur qu'elles occuperont, calculée sur le plus petit texte. A.NNON(JES. A B.. IANCH. I j\rôsiîrlt politique vrir un cours d'Equitation à son manège, sur l:i a le t~ÎJ?l~avantage d'unir l'élégance, la lég~reté et français., r~dacteur Parade. la sohd1te. 1 . . f en chef pendant GUTEL PROSCRITDU 2 DÉCEl1BRE, _Les semellès so~t. ~xé_esa;~c ,d~ laito? ,et, ne lrnit ans du journal quotidien le Messager~~ Nord, )Jrot'es•eur de eoupe la1~sentaucune aspente 111 à ,11~teneur 111 _a1;xparaissant à Lille (France), donne à dom1c1le des Tailleur d' Habits.-29 Belmont Road St.-Hélier téneur. - On peut marcher a 1eau sans nmre a la leçons de langue française, d'arithmétique, d'his- Jersey. ' ' ' 1 _s_o_lî_d_1·t_é_d_e_l_a_c_h_a_11s_s_u_re_. _ ~------ toire, de géographie, de littérature, etc. LUD. KORDECKI■ MAISONDE col\dl.rISSION Il se charge également de toutes con-espon- ,, lYl.M. dances, écritures commerciales et autres, et des PROSCIUTPOLITIQUEPOLONAIS, No 3, SURLEPORTA, JERSEY• mémoires dont on'lui confie la rédaction. Donne à domicile des leçons <lelangue .Allemande C,. HeurtebJ 8e Commissionnaire en marS'adresser au professeur, 20, Don-street, Sa- et Latine; il démont~e a~ssi 1~ Gymnasliq71~. • chandises, se charge Je vendre et acheter to11te Hélier (Ile de Je1·sey). M. Lud. Kordecki dé s irerait !rouver de 1emploi sorte de marchandises, et de faire de recouvrements Références chez MM. Wellman, P. Asplet, comme professeur dans une pens1on.-6l, Newman en France ou en Angleterre et en Amérique. Geo. Vickery. Street, Oxford Street.-Londres. Correspondants à Paris, Bordeaux, Lyon, Lille, 15, C0L0MBCRIESTREET,:sT,-HÉLIER,JERSEY. 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HERZEN, Du développementdes idées ré- Du Souverain, brochure. LeGouvernement d1tDeux Décembre, pour faire suite contenant la vie <le Persigny, Saint - Arnaud, volutionnairesen Russie. Question turque, par Go!ovine, brochure. à l'Histoire du Deu:i:Décembre, 1 vol. in-12. Morny, Magnan, Baroche, Achille Fould et ROCH RUPNIEWSKI, Poésiespolitiques en po- Les Réfugiés à Londres, brochure. PIERRE LEROUX, représentant du peuple. autres qui out pris part au Coup-d'Etat, l vol. lonais, I vol. in-12. • L'Occupation de Constantinople, brochure. Cours de Phrénologie. les douze premières livrai- in-32. HOLINSKI, La Californie et les routes interncéa- Lord Aberdeen, the nuns of Minsk Nicholas, and sons (ouvrage interrompu). J. CAHAIGNE, ex-rédacteur - prop1"Ïétaire du niques, 1 beau vol. the Russi3n, state church. By V. O Zienkiewicz. Lettre aux Etats de Jersey sw· les moyens de quin- journ:il la Commtmede Paris.-la Couronneimpé- How do the Czars of St. Petersbourg, educate the tupler les produits agricoles, l vol. in-12. riale, satire en vers, dédiée il Louis-N :ipol6an- Poles. By the same. VICTOR HUGO, représentant du peuple. - Werhuel dit Bonaparte, -1 vol. in-12. Invasion de l'Angleterre, sous le titre: l'Empire Zasady Religji Chrzeséja1iskiej. Napoléon-le-Petit. 1 vol in-32. .T. P. AHIER, Esq. Surintendant à Jersey. - français et les Polonais ( French empire and Czartoryszczyna w obec Emigracji Polskiej we Chatiments, poésies politiques, ouvrage nouveau, Tableaux historiques de la Civilisation à Jersey, the Poles ), l vol. in-8. Francji. 1 vol. in-32. 1 vol. grandin-8. Relation de la campagnede Sicile en 1849, 1 vol. JEANNE DEROIN. Almanach des Femmes, pour JOACHIM LELEWEL. Histoire de Pologne, in-12. Sous presse: 1853, 1 vol in-IG. grand in-8, 2 vol. avec Atlas. Recueil de documents secrets et inédits, pour Le mê1ne pour 1854, l vol. in-16, .Antiquités de P,lognc, accompagné de deux servir à l'étude de l'Histohe politique de Lud Polski w Emigracji, 1835-1840. CH. RIBEYROLLES, ex-rédacteur en chef de _planches. l'Europe dans la crise actuelle, trois livraisons Poezje Karola Balinskiego. Ja Réforme. - Les Bagnes d'Afrique, préclldés Etudrs numismatiqueliet at·cliéologiques, avec Atlaa. in-8. Poezje Ludomila Kordeckiego. /

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