Homme - anno I - n.10 - 1 febbraio 1854

républicaines, donnant ainsi une marque de sympathie au patriotisme du père et de la fille. MM. Gninarcl, L. Téléki, Sartori, Carnot, Basti<le, Goudchaux, etc., ont été remarqués an convoi de cette exilée, morte des suites <leses souffrances pendant le siège de sa patrie vers bquelle ont volé ses dernières pensées. Au mo- •ment d'expirer, ne pouvant plus parler, elle a écrit au crayon encore quelques mots de regret pour s:t chère Venise. Tout à vom;, Ph. FAURE. A l'Editeur du llf orning Advertiser, Lond.-es, 30 décembre 1853. Monsienr, Je ne répondrai pas à la réplique de M. Richards insérée clans votre numéro d'hier. Il y a d:ins notre première Révolution des choses que je regrette de toute mou âme, .mais je ne l'en vénère pas moins profondément. Jp l'ai <lità M. Richar,ls, et pour me réfuter, il verse sur elle un torrent clenouvelles injures au milieu desquelles il va jusqu'à placer le mot de "bouffonnerie." Si un pareil jugemi>nt, appliqué à un épisode quelconque du gigantesque mouvement français qui émancipa l'Emope, n'est pas lui même uné bonffonnerie, j'en clema11depardon anx bouffons. A Vienne, j'ai aussi entenrlu des Autrichiens dire que la Révolution romaine était pleine de bouffonneries. Je ne puis discuter sur ce ton. :.\I. Richards m'oblige à Je répHcr, il a moins de <lroit que personne ile revenir sans cesse sur " les horreurs de 93.'' Il a en effet déclaré qu'il vent garder l'échafaud "ponr un petit nombre d'oppresseurs! ,, et il gémit parce que plusieurs d'entre eux, en mourant de viellesse, ont échappé au trépas cruel qu'il leur réservait. "Hélas! ces compensations à exercer par la Pologne sont désor- " mais perdues, les oppresseurs sont morts de vieillesse.'' Parmi les extrémité<; auxquelles nos glorieux pères ont été condamnés pour nous délivrer de l'absolutisme et des prêtres, et pour se défendre an milieu d'nne effroyable guerre civile, je ne découvre rien d'aussi froidement barbare que cet HÉLAS! poussé au coin du feu par le contempteur des révolutionnaires français. ::VI:iis,demande-t-il e1rnore: " Dois-je m'excuser pour avoir " parlé avec approbation du poignard, en exprimant mon horreur "de la guillotine?•' En vérité, je ne me rends aucun compte de l'humanité de M. Richards. A mon avis, verser le sang avec un poignard ou avec une guillotine, c'est tout nn; exercer ce q11'il appelle " des compensations" avec un poignard ou avec une guillotine, c'est toujours tuer, c'est toujoms commettre un acte de vengeance sanguinaire, et quant à moi, si je ne repoussais avec terreur et dégoût tout instrument de meurtre hors du champ de bataille et de la défe1rne personnelle, j':mrais encore plus d'horreur du poignard que de la guillotine. D'ailleurs, est-ce que notre Révolution ne fut pas un combat perpétuel depuis Je premier jour jusqu'au dernier? Est-ce qu'elle fut jamais entièrement maîtresse de la situation? Est-ce que ceux auxquels M. Richards reproche si âprement la guillotine que nous repoussons, n'étaient point en cas de légitime défense comme les Italiens auxquels il conseille le poignard? Est-ce qut! les royalistes qui attaquaient la Révolution au-dedans et au-dehors, avec le secours des armées étrangères, n'étaient p1s alors à la France ce que l'Autriche est à l'Italie ? Au surplus, M. Richards qui est parfaitement maitre <lesa plume ne pent échapper à ce qu'il a signé. Ce n'est pas seulement le poignard pendant la bataille qu'il désire, c'est la guillotine après; "la peine de mort qu'il veut conserver pour "certains oppresseurs " n'est évidemment pas une arme de combat. En second lieu, dans la collection qu'a faite M. Richards de tout ce qu'on a écrit contre les Franç:iis, il voit des autorités que je ne saurais priser. Il trouve bon de citer maintenant des textes de Washington et de John Adams injurieux pour notre Révolution. Je n'en voudrais pas paraître dénigrer ces héros <le l'indépendance de la race blanche en Amérique, ils ont fait des choses que j'admire et admirerai tonte ma vie. Cependant, puisque l'on nous met clans le cas de nous défendre contre eux, je suis bien forcé de le dire : pour grands qu'ils füssent, ils étaient tellement privés d'un certain sens moral et du respect cle l'homme que leur opinion à notre endroit ne m'inquiètera jamais beaucoup. Washington fut ùélibérément un sontenenr de l'esclavl\ge aboli par ces révolutionnaires qu'il calomniait, il était lui-même propriétaire cl'esclaves, enfin, il est un de cenx qui contr-ibuèrent le plus à graver au front rle la Constitt1tion américaine la tache infamante de la servitude. Cela me suffit pour n'avoir pas une confiance absolue dans ses opinions en matière d'humanité. Entre celui qui tue son semblable et celui qui le dégrade jusqu'à ]'assimiler à un bœuf de labour, le second est peut-être pins atroce que le premier; en tout cas, il offense davantage la dignité de la nature humaine. Tout ce que M. Richards pourra rlil'e afin d'excuser Washington, c'est que ce grand homme participa de fatales erreurs de son temps et du milieu où il vivait; mais c'est là précisément ce que nous disons de nos grands hommes, c'est préci- ~émcnt ce dont il ne veut pas tenir compte à leur égard. Et encore eux ils servaient un principe contre des ennemis puissants, implacables, prêts à les écraser, tandis que "\Vashington et John Arlams asservissaient toute une race bienveilhnte et inoffensive dans un misérable intérêt de dollars. Pourquoi les gens du Sud exigeaient-ils qu'on ne toucMt point à lenr propriHé pensante? Parce qu'ils gagnaient des dollars à la conserver. On a tort d'évoquer contre nous les ombres solennelles de Washington et de John Adams. S'ils ont eu le malheur d'insulter la Révolution française, il valait mieux le cacher pour leur gloire et aussi pour ne point nous réduire à protester. Je ne me sens ni le goût ni l'envie d'abaisser leurs hautes statues, mais enfin, dès qu'on rappelle qu'ils se tournèrent contre nos pères, on m'autorise à rlire que ces statues ne les représenteront pas fidèlement si elles n'ont point dans la main le fouet d'un commandeur de nègres. - C'est aussi pousser trop loin la prévention et l'injustice que de s'acharner à résumer l'œuvre des révolutionnaires de lï93 par une guillotine, et de ne pas même apercevoir la servitude au fond de l'œuvre <lesrévolutionnaires de 1787, la servitude qui avilit l'homme, étouffe son intelligence et corrompt son cœur. Hélas! il faut bien le reconnaître, "le père! de la liberté américaine" est afüsi le père de cet esclavage américain devenu la clef de voûte de tout ce qui reste dans le Nouveau-Monde du dernier legs des temps barbares. Personne n'a rien à m'appréndre sur les grandeurs morales du gouvernement ,lémocratique fondé par Washington, John Adams et lenrs émules, je sais tout ce qu'il présente de beau, de sublime, mais cela ne sert qu'à me pénétrer d'une plu• profonde douleur au spectacle affreux clu cancer qui le ronge et le souille. M. Richards voit sur les bords du Delaware et- du Missisipi " le plus "grand exemple de la liberté dont l'univers ait été témoin.'' Il a certainement raison si l'on ne regarde qu'un côté du tableau; pour moi, je ne saurais détacher mes yeux t!e l'autre, et il m'est impossible de considérer comme " une République sacrée, équilibrée (balenced )," le pays ou 3,200,000 êtres humains se tordent à cette heure sous le bâton meurtrier de leurs maîtres, le pays oà, il y a quelques jours à peine, une généreust femme, Madame Mari:aret Douglas, était Mclarée coupable PAi\ UN JURY du crime L'HO)IME. d'avoir reçu quelques enfants nègres clansson école, et condamnée à six mois de nrison !... On impute :ux hommes de 93 d'avoir engendré les monstres appelés Bonaparte, autant vaudrait imputer à la réforme religieuse d'Angleterre d'avoir engendré le règne de Marie-h-Sanglante. Quiconque vourlra lire notre hi~toire avec impartialité reconnaîtra que le traîrre du 18 Brumaire et le vil coquin <lu 2 Dtlcembre sont uniquement les odieux produits d'une force tout il la fois aveugle et corrompue, celles cles armées permanentes. Mais est-il un seul homme capable de nier que les rédacteurs du pacte fédéral cle l 787 n'aient répandu sur lem~ patries les noh-es et malfaisantes ténèbres d'où sont sortis les juges de Margaret Douglas ? Et ces juges ne sont-ils pas les vrais pendants du juge de Madiaï, d'autant plns impardonnables qu'il est plus innocent d'apprendre à lire à de petits enfants dans une République que de faire circuler la bible protestante dans une contrée catholique. En lisant <lepareils anêts, non moins faits pour déshonorer le dix-neuvième sii)c)e que le triomphe momentanê des décembriseurs, en lisant l'horrible loi des 1-sclavesfugitifs votée le 18 septembre 1850 par le congrès américain, on voit ce qu'il en coûte il l'humanité lorsque des hommes placf>scomme l'était Vi'ashington transigent avec le mal, et ne s'attachent pas à être les;serviteurs inflexibles des principPs. Dans sa République ''équilibrée'', "\Vashington n'a pas seulement fait les nègres esclaves des blancs, il a fait aussi les blancs esclaves de l'esclavage. Le congrès des Etats- Unis en est venu à étendre les chaînes dn Sud sur la fédération entière ; les Etats libres n'ont plus même le droit d'asîle qu'avaient les temples cl' Hercule il y a 3000 ans! 'l'ont citoyen de la République américaine est aujourd'hui forcé de livrer ]'esclave fugitif réfugié sous son toit ...... Ajoutons un mot décisif pour ceux qui opposent les révolutionnaires sages de 1787 aux révolutionnaires violrnls de 1793. Les héritiers <l,es violents ont aboli la peine capitale, le châtiment corporel qni survit dans les lois anglaises. Les héritiers des sages ont encore la peine capitale, ils ont encore le châtiment corporel, ils se livrent encore an commerce cle chair humaine, vendant et achetant, jusque dans leur métropole nommée "\Vashington, des hommes, des femmes, des enfants, comme du bétail, arrachant, sur leurs marchés impies, le fils à la mère, comme nous séparons, sur les n6tres, la brebis de l'agneau destintl à l'abattoir ...... Où litrent les meilleurs enseignements? Encore une fois, je tiens à le répéter, il n'entre pas dans ma pensée d'attaquer la Répulllique des Etats- Unis, nous y trouverons, je le sais, de magnifir1ues exemples à suivre, j'ai l'admiration la plus sincère pour la plupart de ses institutions, j'éprouve la sympathie la plus ardente pour les nobles et nombreux Américains qui, fidèles au véritable esprit démocratique, poursuivent l'esclavage au péril même de leur vie; dans ce que je viens d'écrire avec tristesse, j'ai voulu seulement montrer qu'il ne faut pas juger les nations sur des accidents malheureux; la France, que l'on traite exclusivement avec une sévérité trop légitime dans son abaissement actuel, ne porte pas seule une plaie honteuse ; elle se délivrera du chancre bonapartiste comme les Etats- Unis se délivreront du chancre servile. Quant à John Adams qui manifesta" son mtlpris pour tout le "mouvement de b Révolution française '', je ne puis trouver son mfpris que très méprisable. Je le dis sans hésitation, lui et ses collègues, quelle que fût d'ailleurs l'élévation de leur âme, n'étaient point à même d'apprécier ceux qu'ils osaient flétrir ; les législateurs de l'assemblée de Boston qui consacraient la sauvage doctrine de la possession de l'homme par l'homme, ne pouvaient comprendre les réformateurs français qui disaient : •• 11y a oppression contre "le corps social tout entier, lorsqu'un seul de ses membres est " opprimé.'' M. Richards ne va pas moins contre son but en rappelant ces paroles de John Adams : " que peut-on attendre d'une nation "d'athées?" Pour mon compte, je réprouve énergiquement toute atteinte portée à la liberté de conscience, je veux laisser chacun maître souverain de l'exercice privé de sa foi religieuse. Le culte public de la Déesse Raison ne me semble ni plus "bouffon•' ni meilleur que le culte de la vierge Marie, mère de Dieu ; mais ceux qui ridiculisent tous les jours sans ménagemeus les cérémonies de l'église romaine et " les fraudes de la prêtraille " (priestcraft ), selon l'expression de M. Richards, comme ceux qui honorent les martyrs allant renvetser les Idoles payennes dans les temples antiques, me paraissent au moins fort inconséquents de blâmer la Convention d'avoir renversé lei Idoles catholiques. Il n'est ni bon, ni sage, puisqu'on 1ial'le tant de sagesse, de reprocher aux autres ce qu'on fait soi-même. li ne sert de rien de briser le bois et le marbre adorés, si l'on n'éclaire pas Phomme qui les divinise, nous i.avons cela aujourd'hui ; mais parmi les conservateurs protestants, si grands docteurs " de la juste mesure ", si sévères pour "les exagérations démagogiques et inéligieuses de 93 '•, qui me dira où sont les anciennes statues de toutes les cathédrales Il'Angleterre! Je vois bien Sl1akspere, Watt, Miss Siddons, Wilherforce à "\Vestminster et je ne le regrette pas, mais qu'a fait votre père des saints dont ils ont pris la place, répondez, ô vous qui condamnez si résolument les nôtres pour la mutilation des tombes royales de Saint-Denis ? Quand on voyage rapidement sm le railway, il est facile de déblatérer coutre l'ingénieur qui n'a pas craint d'abattre la vieille chapelle dont la voie se trouvait embarrassée. Du reste, ]'apostropl1e de John Adams :iccuse simplement chez lui une déplorable absence de toute idée philosophique. Qu'aurait-t-il pensé d'un catholique romain lui demandant ce qu'o11 pouvait attemlre d'une nation de pr9testants ? Certain~ déistes montrfnt à l'égard des athées une intolérance aussi absurde que celle de oertains catholiques à l'égard ùes protestants et desjnifs. Nombre de gens ont consumé de longs jours et de longues nuits dans la méditation pour chercher la lumière sans pouvoir sortir de l'obsc.urité. Croire on ne pas croire n'est point affaire de choix ni de goût pour· ceux qui ne se bornent pas à penser comme leur voi~in, c'est un acte de !'~rit indépendant de la volonté; les plus fortes têtes du catholicisme ont même soutenu que c'était un pur effet d'une chose inconnue et impondérable, çe qu'ils appellent la grâce. Croire ou ne pas croire ne constitue pas la moralité; si la loi suprême du ]);enétait dans tel ou tel livre prétendu saint, comme il y a plusieurs cl~ ces livres par le monde, il faudrait savoir quel est le bon, C!lr ils se contredisent sur plus d'un point. Chaque sectateur d'une religion pense que la sienne est la seule vraie et renferme le seul guide à suivre. Au résumé être déiste ou athée ne vous rend point honnête homme, et ce qu'il faut c'est d'être honnête homme, toujours, partout, envers et contre tons, jusqu'au sacrifice de la vie; ce qu'il faut, c'est d'aimer l'hu-· manité jusqu'à l'oubli de soi-mêmt. Or, sans pour cela tenir en doute leurs mérites, je ne crois pas plus à l'entière pureté du cœur qu'à la parfaite intelligence des gens comme John Adams qui chargent leur prochain de cl1aînes et nient la faculté de bien faire à ceux qui ne partagent pas leur foi. Agréez Monsieur, etc. V. SC!IŒLCHER, Londres, 20 janvier 1854. Devaut les lecteurs de l'Homme je dois déclarer que Mr. Richards a fait à mes lettres un~ seconde réponse que j'ai laissé tomber &ansréplique. Voici pourquoi: Comme on l'a vu, il n'avait pas cr.aint de d_ire: " Quant à la peine de mort demandée par les ré- " publicains français, cette loi aurait pu empêcher (might have p1·e- " venter/) b dernière révolution de dévorer ses propres enfans, " comme celle de 93." J'ai <léfié l'accusateur de citer un seul de ses enfans, ou même de ses ennemis que la magnanime révolutiou de 1848 eût dévoré. Là dessus il s'explique ainsi: " Mr. Schœl- " cher ne m'a pas du tout compris, je n'ai pas voulu dire que les "républicains de 1848 s'étaient dévorés,-ils n'en eurent point le " loisir,-j'entendais qu'une telle loi était calculée pour assurer le " salut ries acteurs d'un tel drame. Les révolutionnaires de 1848 " considérant le sort cle Danton et de Robe~pierre, ont sagement " songé à l'éviter. Cela était dit plutôt comme une suggestion que " comme un fait." ' En somme, c'est un calcul de lâches que nous suppose Mr. Richards, et ensuite il s'étonne que l'on se fâche. Il débite cette offensante ineptie fort innocemment, il ne paraît pas comprendre qu'il nous prête une bassesse qui 11'est que clans sa pensée. On voit comment notre parti est toujours; traité par ces hommes qui s'appellent modérés. Tout en ne pouvant s'empêcher de nromettre la guillotine "à des oppresseurs." Mr. Richards nous signale comme des tenoristes, prêt!! il nous "entre dévorer,'' pnis il expose bénignement que 5i nous avons aboli la peine de mort, c'est en vue de préserver nos têtes ! ! Les modé-rés sont partout les mêmes, nous avions dejà trouvé cette odieu~e échappatoire dans la bouche de ceux de France. Vos pères ont:ils dressé l'échafaud, vous avez soif de sang; l'abattez-vous, vous avez peur pour vous mêmes! Que dire à cela ? Rien. On ne discute pas avec la méchanceté flagrante, avec la calomnie avérée, on les laisse aller à. leur place. J'aurai soin de le faire savoir à Mr. Rich.:.rds par l'envoi de ce numéro. V. ScHŒLCHEIL VARIÉTÉS. ROME ET FRANCE. Lorsqu'il y a une dizaine d'années, nous avons montré l'esprit prêtre qui commençait de nouveau à s'abattre sur la France, au ]jeu de l'esprit religieux, les politiques à grande vue nous ont averti que nous faisions là un rêve. Pour eux, hommes d'expérience et de haute visée, ils n'apercevaient rien de semblable à l'horizon. Et il arrive que, dès la première expédition de la République hors de ses frontières, la France enfroquée dans une croisade du saint-office, s'en va glorieusement dérouler à travers le monde, sous le ciel d' Arcole et de Rivoli, la bannière de Loyola. Pour que rien ne manque au caractère de cette expédition, nous mettons tout le génie des docteurs des Provinciales dans notre plan de campagne ; nous soupirons dans nos proclamations pour le bonheur de l'Italie, mais il convient avant tout de la saluer bénignement d'une pluie d·e mitraille bénite. Notre désir naturel est d'éman- •ciper les Italiens; mais un amour plus honnête nous dit. de les canonner d'abord pour leur félicité. Evidemment, c'est en les tuant que nous ferons leur salut. J'ai travaillé de longues années pour empêcher mon pays de glisser et de tomber dans ce cloaque de sang. L'esprit que je combattais l'a emporté pour un jour : qu'il soit jugé par ses œuvres ! Voici le secret de beaucoup <le choses qui autrement seraient inexplicables. La France qui a fait cinq ou six révolutions politiques, ne s'est jamais décidée à faire une révolution religieuse ; elle a conservé au moins la forme du système religieux du moyen âge. De là ces contradictions, ces apostasies monstrueuses dont aucun peuple n'a donné le spectacle. Courant d'une extr1:m1té de la liberté à l'extrémité de la servitude, elle s'élance par bonds dans l'avenir; elle plane avec ravissement sur l'horizon social. Soudain une petite chaîne bénie, qu'on avait oubliée et qui la tient par le pred, se tend sous une main inconnue. La France retombe aussitôt, de trois siècles en arrière, dans une geôle du moyen âge. Hier elle avait devancé le reste • du monde, elle riait de ses contemporains ; aujourd'hui la voilà qui se débat, de concert avec les Napolitains de SanGennaro, dans une affaire de sang que l'on ne sait comment clasi.er, entre la guerre des Albigeois, la Saint-Barthélemy et les dragonnades des Cévennes. Nos clubs eux-mêmes, qu'on faisait si terribles, n'ontils pas été doux comme des colombes à l'égard de l'esprit prêtre? Ils l'ont caressé, évoqué. C'était, disaient-ils, un appui nécessaire, une force qu'il fallait absolumeut· conquérir par l'humilité. Pas un n'a fait planter un arbre de liberté qu'il ne l'ait fait baptiser par un saint homme. L'arbre ne pouvait _croître, dii:,aient-i1s,s'il ue sortait du jardin du sacré-cœur : l'entente était parfaite. Par malheur, à un signe, le jeu a cessé; la France, on ne sait comment, s'est trouvée liée des durs liens de la mort. Une servitude que l'on n'avait pas encore vue a pesé sur la langue et sm· la. peusée des hommes. Veut-on voir à quel point nous sommes éloignés du sentiment du droit? Pendant que d'nn côté nous aspirons à un monde nouveau de justice et de lumière, de l'autre nous nous laissons ravir, presque sans y penser, les conquêtes les plus assurées de la civilisation ; nous retombons soudain, du milieu du XIXe siècle, dans le droit barbare du , • moyen âge. Jusqu'à ce jour, les défenseurs les plus intrépides de la cause italienne ont cru devoir l'excuser par ce motif qu'elle ne porte nulle atteinte à la croyance de l'Eglise, et qu'elle est toute entière renfermée dans un intérêt politique. Singulière défense qui, pour sauver la liberté, commence par abandonner la première de toutes, celle de' la conscience! Si l'Italie, pour la centième fois, brisée, violée, lacérée, souillée, étouffée, au nom de l'Eglise, par toutes les nations dites catholiques, veut échapper à ce grand coupe-gorge qui se dresse pour elle à chaque siècle, le moyen radical, le seul efficace, est celui

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