Homme - anno I - n.09 - 25 gennaio 1854

main de l'Angleterre. Insensés, ils ne la retireront que pleine de sang ! Ah! l'aristocratie, M. Cobden, est plus prudente, plus sagace, mieux servie par ses souvenirs que vous ne l'êtes, vous et les vôtres, avec vos fantaisies innocentes d'illuminés pacifiques. Vos journaux accusent lord Aberdeen, lord Redcliffe, et certains autres, qui touchent de plus près au trône, cl' endo~- mir les Turcs, d'être en relation secrète avec Nicolas et de trahir l'alliance française; mais l'alliance française, avec les souvenirs de l'empire, et surtout après ]a leçon du Deux Décembre, c'est le mensonge, c'est la trahison, c'est le guet-apens! - • mais l'nristocratie, héritière de Pitt et de W ellington, ne veut pas se laisser étrangler entre deux intrig·ues, comme l'assemblée nationale de France entre deux portes, - mais il y a d'autres dangers que ceux du Danube et ceux de Constantinople : il y a le Rhin, l'Escaut et les Alpes que guettent les grandes rancunes, et, par-delà, bien des royaumes éteints, ceux de Naples, cle Hollande, d'Espagne qui voudraient bien ressusciter, comme l'empire de France ! N'avez-vous pas entendu parler d'un M. Murat, ventriloque obèse, qui se fait appeler altesse, et qui redemande sa couronne?- et tous les petits impériaux qui sont nés dans l'exil, est-ce qu'il ne leur faudrait pas des trônes, comme à. leurs ancêtres ?-Quand on a surpris, enchaîné la France, et qu'on s'est assis sur son dos, on peut avoir toutes les ambitions : on peut r~ver l'invasion de Londres, et malheur à ceux qui s'endorment en face du crime ! L'Oligarchie britannique sait cela mieux que les marchands, et, pour ne pas être livrée, sans défense, à toutes les perfidies, à tous les calculs d'un despotisme qui n'a ni parole ni pudeur, elle se ménage des alliances, dans Je monde ancien de ses relations! Oui, nous sommes convaincus que les hommes d'Etat du vieux torysme se sont déjà mis en mesure et qu'ils ont des réserves pour certaines crises prévues : et, de bonne foi, nous ne saurions trop leur eu vouloir ; car ils n'ont en face ni la publicité constitutionnelle, ni la loyauté républicaine ; ils connaissent leur homme, ses griefs, ses rages, ses espérances ; ils le voient se dérober, se pelotoner dans son antre, au milieu d'une nuit profonde,•et sans rompre officiellement, ils vont ailleurs chercher des épées sftres, des relations vraies. C'est leur intérêt qui les guide, nous en convenons; mais ils voient, seuls, le danger, et le libéralisme anglais s'endort : est-ce que Bonaparte est plus loyal que Nicolas? est-ce qu'il a moins de hontes à laver, moins de défaites à venger, moms. d'intérêts à suivre contre votre fortune '! Patriotes anglais, vous aviez une grande alliée dans le monde, une alliée qui' vous appelait dans ses voies, mais qui vous respectait dans vos réserves, c'était la République française : en ses premîers temps, jamais la Russie n'au!·ait. fait un premier pas sur le Danube, et vous aunez eu, dans tous les cas, l'alliance sérieuse de l'honneur, contre le barbare et ses ambitions gloutonnes. Aujourd'hui, la République française est morte, et Tous êtes en face du crime, quêtant pour vos Indes ; plus tard la Révolution hongroise aurait pu vous défendre, vous avez laissé le Russe entrer chez elle et l'égorger : or aujou,rd'hui,, voilà votre. ~ris!ocratie qui demande au ~usse (c est vous qui le dit~s~, le contrat in extremis, la grande Charte des vieilles guerres et des vieilles alliances ! . . A quoi donc servent et mènent les demi-mesures, dites-le nous ?l Vous étiez entré dans la Révolution par la liberté de conscience; vous avez ébauché plus tard la liberté politique, et poussé jusqu'à la liberté de commerce ; mais vous n'avez jamais voulu travailler pour les autres, activement, fraternellement, solidairement. Eh bien, prenez garde aujourd'hui, car !'Ecriture a dit, !'Ecriture que vous aimez tant : malheur à ceux qui vivent seuls ! Or, en dehors de la Révolution, vous êtes seuls, bien seuls ...... entre le vieux torysme, Nicolas et Bonaparte! Ch. RYn. Que disent les journaux de France ? rien : ils sont, comme ceux ll' Angleterre, ~ la chasse aux canards sur les côtes de la mer N 01reet le long du Danube. Nicolas rejettera-t-il la nouvelle proposition de conterence à Vienne? y aura-t-il, pour en finir, le jeu du protocole, ou le jeu du canon? ?n n'en sait rien, et la pensée de toutes les Russies 1·este impénétrable, derrière ses glaces, dans son p~lais d'hiver. L'HO~IME~ En attendant, le commerce grelotte sous ses ballots, les industries chôment et la cour s'amuse. Quant aux grands corps de l'état, le Sénat paonne dans les salons de Paris (ceux qui veulent bien s'ouvrir,s'entend) et le corps législatif savoure la truffe dans ses terres : de la famine, de la guerre, des faillites et des sinistres qui accablent la France, il n'en est pas question le moins du monde. Est-ce que cela regarde les valets? pourvu qu'il y ait bon feu, dan3 les cuisines impériales, et que ]a solde soit bien payée, prospère ou doleute, qu'importe la patrie ? Faire cltère lie, comme disait Rabelais,, et remplir ses coffres, pour les disettes prochaines, voilà la sagesse de nos excellences. On se réunira plus tard pour légiférer et pour dormir an rapport, quand les grands froids seront tombés : jusques-là, qu'a-t-on besoin de Baroche, puisqu'il y a SuintArnaud, et de Billaut, puisqu'il y a Piétri ? . La bayonnette et la prison, la police et l'armée, les menottes et le couteau, sous l'empire, comme dans les cavernes, voilà les grands corps de l'état, voilà les ministres ! Ch. RYB. CORRESPONDANCE DE LONDRES. Londres, 20 janvier 186¼. ·Les dl:pêches télégt·aphiques publiées hier et aujourd'hui ont fait baisser les fonds à Vienne comme à Loadres, à Paris comme à Amsterdam : Le Czar refuse lws propositions de la Con~rence de ViP.nne,et va rappeler ses ambassadeurs de Londres et de Paris. Cette nouvelle- bruit de bourse seulemeut-est antérieure à l'arrivée de :'.\1. de Reiset à St.-Pétersbourlf oi). il porte les dépêches concertées par les deux puissances de 1Oecident, et qui mettront • le comble à la colère du C2ar en lui annonçant l'entrée des flottes dans la mer Noire. Nicolas, écrit-on de St.-Pétersbourg, se pose en .M:essiedestiné à chat,er d'Europe le~ sectateurs de Mahomet; il surexcite l' exaltation populaire par des allures de Croisé. La Gazette de la Cour publie des diatribes contre la France et.l'Angleterre; le 6e corps d'armée va quitter Moscou pour renforcel' l'armée du Danube, et ie général Gortschakoff a reçu l'ordre de passer ce fleuve.- Cela lui sera difficile: sa marche sur Kalafat a été arrêtée par l'attaque victorieuse d'Omer Pacha, qui l'a forcé de reculer après une lutte . longue et sanglante à Citali. Le bulletin russe est tr1omphant, parce que les Turcs sont rentrés à Kalafat ; mais ce bulletin ne dit pas que les Russe!!ont dû rHrograder, et que c'était là tout ce que voulait Omer Pacha. Les flottes sont entrées dans la mer Noire. Ayant appris que la ftot~erus,_etoute entière (40 bât~mens, dont la moitié de haut-bord) l!ta1taort1ede-Sébastopol, l'amual Dundas n'a pas voulu disperser :.es vaisseaux. Si~ification a été faite au Commandant de Sébas. topo! d'avoir à faire respecter le territoire ottoman (M. Drouin de Lhuys disait aussi: le pavillon?) par les flottes russes pour éviter de troubler la pafa d~ l'Europe. Pendant ce tvmps, une ellcadre. russe o~cupait le port de Batoum, 1e meilleur de l'Asie turque sur la mer Noire: on ne sait encore si la forteresse de Batoum a ~té attaquée. Trebisonde est également menacêe. Vous verrez que la flotte russe ne se renfermera dans Sébastopol qu'après avoir en~ core brülé des villes et des escadres, tandis que les pavillons de France et d'Angleterre paradent solennellement aYec ordre de ne combattre les Russes que pour se défendre....... Les mécaniciens anglais pris à bord des batiments turcs ont été rendus à l'amiral Dundas.-Quant a]lx rHugiés polonais ou hongrois, ils se font tuer pour éviter la Sibérie. Dans une des défaites dea Turcs en Georgie, on a vu des artilleurs polonais ne pouvant plus r~sister à la charge de$ dragons de .Bagawonth, ieur jeter à la tête leurs boulets et se faire tuer sur leurs pièces. Deux généraux polonais sont à bord des bâtiments turcs qui oortent du renfort à l'armée d'Asie: on assure que la présence d~s réfugiés dans les troupes du 11ultanest ce qui exaspère le plus le CZ!lr. ~ic~las s'impose .ime rude tâche : pontife de l'orthodoxie grecque, 11 lm !a~t extermmer les musulmans et les proscrits, aujourd'hui ; demam il devra soumettre les hérétiques protestants d'Angleterre (ceux de Prusse ne lui 1~sistcnt p:is), et les hfaêtiques romains de France (ceux d•Autriche et le pape lui-mêqie lui étant trop sympathiques pour qu'il soit besoiu de les combattre). Puis viendront les libres. pense~rs d'Amérique, -et les païens du Japon, contre lesquels 11 envoie dès à présent une escadre ; - Je pontife ortho. doxe entreprend une croisade contre le monde entier ...... Mais si l'humanité ne veut pas lui rGsister, si l'Europe compte sur Louis Bonaparte et Lord Aberdeen pour l'arrêter, qui donc pourrait trouver ridicule l'orgueil hypocrite de Nicola~. Il sait bien que la Révolution seule pourr~it lutter contre lui; et il compte sur ceux. B. même qui protègent aujourd'hui la Turquie pour refouler la Révolution : ses adversaires dans le Bosphore sont ses agens à Paris, qu' 11-t-il à craindre ! - Le Conseil Exécutif de la Suisse va faire surveiller les frontières de l'Allemagne par un corps d'armée. Le gourernement piémontais, de son célté,se prépare il la guerre. Par toute l'Italie, on attend : le meurtre clesagens ou des partisans de~ polices autrichienne ou pontific3le, répond aux arrestations, aux· tortures incessantes. On parle beaucoup de la mission secrète remplie.en ce moment par M. Brenier, anci~n mi~istre des affaü-esétraug~res de M. L. Bonaparte, M. Bremer, qm parcourt toute l'Italie, est beau-frère de M. Cattaneo. l'un <lesch.efsdes patriotes lombards: cela donne à penser ...... Tout il vous, Ph. FAURE. P. S. - ~[. Roebrnl, a fait démentir l'annonce de11interpellations qu'il devait faire. LA COMMUNE RUSSE. • Le chef patriarchal de la commune, c'est le Staroste él11 par la commune et pris dans son sein. Il tient la place du père de famille, il est le représentant, le gardien, le tuteur uaturel de la commune. Quelle est donc la fonction, la charge du seigneur, ce vampire extra-communal ? Il fait dans ses terres des irruptions plus ou moins régulières, comme jadis les Baskaks tartares, dans les villes, et y lève des contributions. Le Staroste, lui, n'est pas, ne peut pas être un despote; les coutumes, le droit traditionnel seraient plus forts que lui ; la commune réunie, J1ir ( tout le monde) le ferait à l'instant rentrer dans les limites de son pouvoir, de sa charge. Elu par le libre suffinge <le tous les travaillems, pour un temps borné, il n'ignore pas qu'il redeviendra simple moujik s'il n'est pas réélu. Il sait qu'après avoir go11vernéle village, il viendra ( comme Je raconte si poétiquement M. Haxthausen) " se mettre à " genoux devant la commune assemblée, il déposera devant " elle le bâton, insigne de ses fonctions, el demandera " pardon à la commune des torts qu'il a eus envers elle." On le voit, il n'est nul besoin d'un autre père adoptif, . qui vit, qui demeure hors de la commuue et qui n'apparaît de temps en temps que pour lui arracher la meill~urJ part de ses produits. Si le seigrieur n'était rien de plus que le propriétaire du terrain, il ne pourrait exiger r1ue le }Jrix <ln loyer cle ses terres ; mais il frappe le paysan de capitation, il impose son travail indépendamment de la terre, il rançonne son droit de locomotion. Il prélève alors, pour me servir d'u11c adm~rable expression échappée à :M:. Haxtham;en, " sur " les bases d'un St.-Simonisme renversé, " il prélève " d'autant plus que l'homme a plus de talent." Au-delà de la commune, il ne devrait y avoir que l'unité nationale, lares publiea (semskoie delo) ou le pouvoir dirigeant. Les commun~s libres se réunissent en arrondissement, Volost ; et, ce qui est conséquent avec le droit r~sse, chaque commu?e ayant son Starost, cette agrégation de communes éht son chef commun, appelé Golova. Tel de ces Golova voit sous ses ordres trente mille paysans. Près de ce chef sont deux juges, espèce de juges de paix, élus par les paysans pour les affaires communales et de petite police. Celle-ci se lait dans les villages par des centurions, dei; décurions élus ; la distribution des impôts, des charges, s'opère par le Golova et les anciens. C'est un self-government socialiste complet, déduit très logiquement jusqu'au moment où nous touchons par un côté •quelconque à l'ordrP. allemand ou byzantin. Un ministre, l\f, Kisseleff, a su apprécier une partie des institutions magnifiques qui servent de base à la commune. Sa réforme de l'administration serait comme un commencement de la reconnaissance du droit russe par le gouvernement de Pétersbourg, si le personnel de l'administration n'était si profondément abject. Un des grands malheurs de notre gouvernement, c'est qu'il gouverne outre mesure. Il se mêle de tout et à tout, s'inquiète de tout, réglemente tout : la longueur du caftan juif sur la frontière polonaise, celle des cheveux que portent les étudians dans nos universités ..... .- Tantôt il donne à un mari le conseil de réprimander sa femme une a.utre fois à un jeune homme de ne pas tout jouer au; cartes. Il n~est pas seulement .le chef d,e l'église et d,e l'état, n~tre Empereur, il en est encore le premier commis et la première cQillmère. Il miirie, il dé~arie, il ordonne tout et gâte .tout. Talis rex. .• L~ ministre Ki~s~leff, tout en conservant la grande insti~ut1on communale, est parvenu pourtant à ne.utraliser ce <1u'il y avait de bon et de national dans son projet," par cet exc.ès d'administration, cette intempérance de réglementation, et cela dans un pays auquel tout formalisme est antipathique, et qui vraiment n'en a nul besoin; les mœurs et une longue pratique ayant surabondamment fait la besogne. Voulant mêler l'administration à tout ce qui concerne les paysans, il a introduit un voleur ilans chaque commune, il a ouvert dans chaque village une mine.australienne au profit de ses piocheurs bureaucrates, î.,a probité du ministre n'est pas en cause ici ; mais ne devrait-il pas savoii: qu'en Russie les employés subalternes ne sont que ~es brigands patentés et des voleurs émérites. La solution ile continuité entre le mon<le Jes employés et le Peuple, comme entre le Peuple et le gouvernement est évidente. Le gouvernement de Pétersbourg est un gou~ vernement temporaire, provisoire, c'est une dictature terroriste, un Césarisme qui va jusqu'~ l'absurde. Son peuple à lui, c'est la noblesse, et encore la noblesse en tant qu'en~ ncmie du Peuple. M. Haxthausen tâche de prouver, au contraire, que le pouvoir impérial, tel qu'il est, est nécessai~e, national,_ logique et populaire. Le très-catholiq11e censem- s'appme même sur la philosophie quasi athée de Hégel pour soutfnir l'empereur schismatique. :N" ous savons que Hégel a fait tourner beaucoup de têtes, en présentant la chose du monde la plus simple comme fort extraordinaire : " tout ce qui est réellement est raisonnable." Rien de mieux, et sans entrer dans des distinctions scholastiques entre l'être et le paraZtre, nous accordons que chaque phénomène ait sa raison d'êlre, et qu'une absurdité absolue soit absolument impossible. Il ne faut pas être passé maître en métaphysique pom connaître que s'il y a effet, il y a cause. Geoffroy Saint-Hilaire a d(icouvert et décrit des lois trèe-précises sur la rnonstruosité des embrions; il justifia ,le cette façon le développement anormal du fi..etus, mais le monstre n'en reste pas moins tel. Dans la notion normale de l'homme, la monstruosité est incluse comme pos3ibilité perturbatrice et apportée du clehors, mais nullement comme règle. Une recherche pure et simple de telles monstruosités était en Russie à son lieu et place, mais Haxthausen s'arme <lela maudite philosophie hégelienne dans un tout autre but. Il en conclut que le pouvoir impérial en Russie est le meilleur gouvernement possible! " Il ne manque à ce pouvoir," ajoute gravement notre saint docteur," pour être parfait, que d'être catholique! 1 '

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