Homme - anno I - n.08 - 18 gennaio 1854

-SCIENCE.- -SOLIDARl'fEJO-URNALDELADEMOCRATIEUNIVERSELLE. N° 8. - MERCREDI, 18 JANVIER J 854. ~ Ce Journal Jtn.ralt unt" fois 11a1.• sen1aine. MACBETH. I. Ces oro·iesde la terreur impériale qui, depuis le Deux Dé~embre, attristent la France civilisée, u'étaient pas seulement un effet des premiers emp?rtements de la force, et comme un ivresse malsaine du crime : no11,elles sout bien la logique, la conduite la rèO'leinvariable <lece g-ouvemement, et ) 1:) V , à Louis Bonaparte est condamné, pour regner, • toutes les monstruosités judiciaires , comme les vieux débauchés aux narcotiques. 'fout lui est ennemi, la douleur qui se cache, le deuil qui pleure, l'honueur qu_ivit à l'~cart, l'idée q ui se tait l'aO'oniedes orphelins, le en des mères, ' 0 Q ·1 le désespoir lointain des martyrs. uand 1 sort au milieu des escadrons et des cortèges, ce n'est plus Baroche à la Hlcheté gloutoune, ou Canrobert-le boucher, on Saint-Arna.u<l-la honte, ou Mag·nan-le satw, ou Cormeni11-lapeur qui lui fout face et belle haî~ comme aux 'fuileries : ce sont les phalanges muettes, froides et sombres de la cité-reine qu'il a pillée dans ses banques, dépeuplée dan~ ses faubourgs, égorg·ée sur ses boulev~rds, et lache"!-ent assassinée dans l'ombre de ses pnsons. Pour lm, le peuple c'est l'ombre sinistre de Banco, c'est la statue du festin, c'est le souvenir <lela nuit aux crimes c'est le témoin, c'est le châtiment, et quand ' . il rentre, n'ayant vu que des consctences sur son chemin, il est triste, il est inquiet, il a peur! 1 Oui, Bonaparte a peur : il sait q~e toutes les lois divines ou humaines l'accusent, qu'il est au ban de toutes les probités et <le toutes les pudeurs, que pas uoe loyauté, pas une conscience, pas un~ âme ne lui appartient, à lui, l'empereur-souverarn, et qu'il peut trouver une haine, une vengeanc~, une justiçe à toutes les bornes, sur tous les chemms, et jusque dans les allées ombreuses_de S_t.-Clo?d ou <le Fontainebleau. Quel sommeil doit avoir cet homme, avec ses prisons pleines d'agonies, ses colonies africaines jonchées de cadavres, ses chaumières qui pleurent, ses pontons qui râlent, et ses ateliers qui crient la faim ! . Oui, la liste civile est grasse, la table est riche, l'impératrice est belle ; mais il y a là-bas, dans l'ombre des pauvres, des millions de prolétaires qui grelottent sous le ~1a~llon,<les vieilla1:ds, des enfants, des femmes qm n ont d autre hermm_eque la neige; il y a le désespoir qui vole au corn des rues, la misère qui se traîne gémissante à la porte des riches, le travail impuissant qui se tord les bras dans les mansardes ... et Louis Bonaparte a peur, et, quand il rentre aux Tuileries, il décr~te pour Mazas, pour Lamhessa, pour Cayenne, il g·ourmande ses otliciers de police, il excite ses limiers, il les lance, alguazils ou magistrats, sur toutes les les pistes de la pauvreté, de la foi, d>µmalheur : il a les épilepsies de Tibère! II. Dans les a-uerres civiles de Rome, un patricien qui s'appelait Sylla prit jadis un bain de sang, comme aujourd_'hui Louis-Napoléon, et peupla ~a patrie d'orpbelrns et de veuves : les tnbus plehéiennes furent par lui décimées : chaque maison avait son deuil, chaque fourche sa proie, chaque poteau son cadavre, et les licteurs-v~cti~aires ne pouvantsuffire~u.xvengeances, ~n enrolait, comme exécuteurs-jusbc~ers, les Ga~1lo1s,c~evelus ,~u ce qui restait des C1mhres : la ville etait dans_l epouvante, dans les larmes, tlaru. le sang : le dictateur dormait: il venait, chaque matiu, de la maison curiale, montait tranquillement à son tribunal, et jetait à ses carnassiers le butin du jour. Il fit mieux, plus tard, ce~ insolent. du crime; il écarta. de ~a main souverame les faisceaux protecteurs, 11 de- chira sa pourpre, et, simple citoyen, il descendit au milieu des foules qui le laissèrent passer, comme si les dieux seuls avaient pu l'atteindre! Toutes lettres et correspondances doivent ~tre affr anchies et adrcssl!es au bureau de !'Imprimerie Universelle à SaintHélier (Jersey), 19, Dorset Street. -Les manuscrit s déposés ne seront pas rendus. ON S'ABONNE = I PRIX DE L'ABONNE~n;N'r = A ,~erseY_, 19,_Dorset st _ à l'Im- Un an 8 shillings ou 10 francs. prnnene universelle. . '. r: , A Lcrulres, .'iO¼,Great Queen st. l Six mois, 4 sh. ou a Ir. Lincoln's-In~1-Fields, à la Li- Trois mois, 2 sh. ou 2 fr. 50 c. brairie universelle. III. Louis Bonaparte n'est pas une de ces natures entières, énergiques, hautes 'én fierté qui savent affronter, ainsi, les poignards et provoquer au besoin les responsabilités redoutables que l'ambition leur a faites : partisan et chef dans deux guerres civiles avortées, il n'osa jamais aller aux hommes que l'argent à la main : il voulait corrompre et non lutter; il tentait les cupidités pour écarter les glaives, et son petit pistolet de Boulogne tiré sur un soldat par surprise et guet-apens, ne rappelle g·uère, on eu conviendra, ni les campagnes de l'oncle, ni les héroïques audaces de juin et de St.-Merry ! Louis Bonaparte a des plumets comme Murat, des croix, des plaques, des bottes à l'écuyère et de o-rosses épaulettes d'or; mais tous ces panaches,. tout cet attirail de g·uerre, toutes ces façons de Cambronne sont un jeu du cirque; il n'aime pas les luttes ou sa tête sacrée serait sous le vent des balles, et, lorsqu'en Déce1;nbre, il jeta ses bandes avinées, sur la République et sur Paris, il eut g·rand soin d'abriter sa grandeur au fond de l'Elysée. Cinquante mille hommes gorgés de vi11, faisant le sac d'une ville inoffensive et désarmée ; des estafettes, messagers de mort, courant, partout, porter les ordres du guet-apens, et derrière, sur le c)1eminde retraite, des fourgons prêts, des chevaux sellés, pour emporter, s'il y avait malheur, César et les millions de la banque ! Voilà l'Austerlitz de Louis Napoléon : qu'auraient dit d'un pareil Capitaine les vétérans de Sylla'? . Ne vous étonnez donc pas s'il a peur, ~t homme que le bouclier d'Achille a couvert et q~i u':i pas même la nature d'un soldat : ne vous étonnez pas s'il est blême, inquiet, soucieux, quand, <lumilieu de ses escadrons, forteresse vivante, il voit passer de loin les prolétaires : il sait bien qu'il est le crime , et qu'ils sont le travail, qu'il est le parjure et qu'ils sont l'honneur, qu'il est l'usurpation et qu'ils seront la justice ! - il sait bien que ce n'est pas h\ cette populace abjecte des guerres civiles romaines, élevant des statues à tous les hasards, à toutes les victoires, à toutes les forces, et, demandant son obole à tous les crimes heureux : il sait bien que c'est la Révolution d'hier et la vengeance de demain qui le reg·ardent passer : il sait que ces yeux fixes, ces faces austères, ces fronts pensifs, ces lèvres tristes, ces bras robustes croisés à la Spartacus, et tous ces vêtemens de deuil, et toutes ces guenilles, et toutes ces blouses, il sait hien que tout cela, c'est une civilisation qui lui demandera ses comptes tôt ou tard, à ciel ouvert, ou daus l'ombre, par ses justiciers, une civilisation plus grande, plus redoutable que Marins; car elle est partout, comme le souve11ir, comme Ja vie, comme le malheur en ces jours sombres, et l'on ne peut la reléguer à Minturnes ! Encore une fois, -voilê\pourquoi Bouaparte a peur! IV. Ce n'est pas le remords qui trouble cette conscience tibérienne égarée dans nos temps fraternels. Mon Dieu non : le tyran ne sait peut-être même pas tonte l'étendue, tout le poids de ses crimes; et quant aux misères qu'il a faites, aux agonies qui l'accusent, aux ruines sombres et muettes qui le dénoncent à l'histoire, il ne les entend pas, il ne les comprend pas : comme la fatalité, l'ambition est sourde. Est-ce que les filles de Tarquin dérangent leur char devant le cadavre d'un père, quand elles vont à l'empire? • Eh bien, Louis Bonaparte est une ambition, c'est-à-dire une de ces cupidités fatales, aveugles, absolues qui n'ont rien d'humain : c'est un de ces monstres qu'on appelle princes en naissant et qui sont blasés à la première 0eur, g·oîtreux de la puissance, crétins de l'orgueil, race triste et misérable qui s'éteint sous les pourpres, sans avoir jamais senti le plus grand charme de la terre, le parfum d'une idée. Mais celui-ci, dans l'espèce, est un phénomène: il avait passé quarante ans dans les rudes épreuv.es de l'exil, des mépris insolents et des captivités. Or, le voilà qui se 1~etrouvedans sa pJ.eine folie de César enfant, comme s'il n'avait jamais quitté les Tuileries. Il ne lui reste de tous ses voyages, de toutes ses expériences, de toute ses douleurs, qu'un souvenir, qu'une leçon: c'est qu'il faut avoir peur des idées, des âmes ;viriles, des fiers caractères, de l'éloquence, du génie et du cœur des pauvres: c'est qu'il faut abattre ce qui ne veut pus plier, exiler ce qui résiste, et tuer ce qu'on ne peut corrompre : c'est qu'il fout être implacable dans ses vengeances comme éternel dans ses hàines: c'est que le cadavre seul a droit à l'amnistie, parce qu'il est à la tombe! Louis Bonaparte a merveilleusement, jusqu'içi, tenu son rôle d'innexible et d'empereur-boucher: après deux ans, il a, comme au premier jour, ses prisons-pleines, ses bag,11es-cü-ques,ses colonies de condam11és, et de temps en temps, entre deux revues ou deux orgies, il fait de nou v,eltes levées, pour Mazas, Cayenne, 011 l'exil: mais semer ainsi les misères, c'est semer les vengeances, et, quand on frappe toujours on provoque les désespoirs, on ferait lever les morts : aussi Bonaparte a peur et l'on ne dort pas bien aux Tuileries ! les spectres viennent chaque nuit et passent, <levautce sommeil fièvreux, suivis de leurs fils qui portent le poig·nard. -Ah! ... le poignard ... et la g·uerre civile ... et les conspirations et les prétendans, et l'espérance universelle, cette ennemie de César ... voilù les visions, les tristes visions des 'fu ileries ! rru ue dormiras plus, ô Macbeth ! CHARLES RIBEYROLLES. SCIENCEET SOCIALISMR. " Chaque chose vient en son temps," dit la sagesse des nations, et " tout vient à point à qui sait attendre," dit-elle encore ; le proverbe a deux fois raison, et cet axiôme modeste n'est pas moins profond, pour q ui veut y regarder de près, que bien des formules ambi tieuses qui ne renferment que le vide en leurs flancs. Toute la théorie du progrès en ses évolutions continu es est en effet en puissance dans cette simple expression du sens commun; et quoi d'étonnant à cela? le bon sens n'est-il pas, on l'a dit avant nous, le vrai génie d e l'humanité? Qu'est-ce à dire et que prétendons-nous? une chose très-simple et incontestable, à savoir : que l'heure est venue de donner aux choses leur vrai nom; et qu e cette heure ne pouvait sonner plus tôt; que ce que nou s appelions, hier encore, d'un nom mystique, doit s'appe ler aujourd'hui d'un nom plus clair; que le sentiment a fait place à h connaissance dont il n'était que l'intuition; qu'en un mot le socialisme, en 1854, doit revêtir un autre nom et s'appeler purement et simplement la science. Plus d'un se sera demandé, en lisant le titre de ce j o1n- 11aloù les formules prétentieuses brillent par leur a bsence, ce que cela signifiait, un journal qui s'appelle l'Homme, et qui pour toute devise s'appuie sur ces deux s imples mots : Science, Solidarité, et si c'étaiL bien là un journal révolutionnaire-socialiste? Eh bien ! si nous l'avons bien compris, ce titre, il porte en lui tout le socialisme, toute Ja révolution. L'Homme, c'est l'objet; la Solidarité, Je but; et la Sci~nce, le moyen du socialisme, tel qu'il est permis de le comprendre avec les données actuelles de la c onnaissance. Socrate, ce philosophe précmseur, était tout simplement U11 utopiste, quand il jetait de toute la hauteur de son gé- nie, à la méditation du monde, cette parole célèbre : " D'abord, ô homme! connais-toi toi-même! " Il é tait un utopiste, ùisons-nous, mais clans le vrai sens de cc mot, qu'un poète a défini admirablement en disant : " Les utopie3 ne sont que ùes vérités prématurées." C'était Jaire fausse route, e11effet, dans la voie du progrès qne de vouloir d' <,bordse connaître soi-même; non que non s prétendions que toute science ne doit pas avant tout con naître, déterminer son objet, bien au contraire ; mais par e,e que ==--====

la science de l'homme ne pouvait se fonder Je plein saut; que, loin d'être la première dans l'ordre ùes temps et la série des développements, elle ne pouvait venir qu'après beaucoup d'autres. L'homme ne pouvait se connaître, comme i'l ne connaît réellement toute chose, q1i'à posteriori. Il lui fallait d'ahord étudier et connaître le monde extérieur, déterminer les lois générales du grand monde (macrocosme), pour en venir à s'étudier avec fruit; lui, ce microcosme, qui n'est qu'un résumé, comme disaient les ancierrs, un produit, pour ainsi dire, de ce monde extérieur dont i I procède, et qui sollicitait le premier son étude et ses méditations. A la l1auteur où nous sommes aujourd'hui parvenus dans la spirale infinie du progrès, nous voyons llistinctement l'ench·1înement des sciences successives qui se sont engendrées mutuellement par une série d'évolutions fatales et inéluctables : la mathématique et l'astronomie ont dü précé<ler la physique, qui a précédé la chimie, laquelle, jointe à l'histoire naturelle, est aujourd'lllli la vraie base, le seul fondement solide de la biologie, de la biologie par qui seule se formulera la science sociale, qui n'est que la science des rapports des êtres vivants. Ce n'est pas ici le lieu de développer cette thèse féconde, admirablement exposée d'ailleurs dans les écrits de l'école d'Auguste Comte, et particulièrement d,ms les travaux si savans et si clairs du docteur Littré. Nous avons voulu rappeler simplement ces vérités pour y trouver la justification de cette assertion, que le socialisme ne pouvait se formuler qu'à la condition de la création préalable des sciences diverses où il puise sa raison d'être et qui lui fournissent son point d'appui. Nous appelions tout-à-l'heure Socrate un précurseur; et qu'elle est la vérité, même relative, qui 11-'aiteu les siens ? Saint Jean, pour ne pas remonter au-delà des Ecritures, fut le précurseur du révolutionnaire auleur du christianisme primitif, et le christianisme, à son tour, fut sans contredit, dans une certaine mesure, le précurseur du socialisme; et d'un point de vue plus abstrait, n'est-il pas certain que toujours et partout la science a eu pour précurseur le sentiment ou la foi? L'humanité qui, selon Pascal, est comme un homme qui passe à travers les âges, toujours ajoutant à la somme de ses connaissances, et qui ne connaît pas de décrépitude, l'humanité est comme l'individu, elle passe par la phase 1lu sentiment avant d'arriver à la connaissance. De même que la première manifestation de l'être humain est le battement du cœur de l'embrion, comme on l'-a si bien dit déjà dans ce journal, ainsi l'hum,mité, à son état embrionnaire, se manifeste par des croyances religieuses qui sont ses premières aspirations; puis, les voiles se dégageant par dégrés, apparaît la psychologie, pleine de mystère encore, mais r1ui s'illumine déjà de vives clartés; enfin se montre au grand jour, radieuse, la science apportant avec elle la démonstration et la certitude ; la science que l'on connaît ou que l'on ignore, la science qui se discute, mais qui s'impose pnr voie d'adhésion forcée à quiconque l'étudie et sait la comprendre, comme le soleil impose, à qui a des yeux pour voir, ses bienfaisantes clartés. Le socialisme a procédé comme procède toutes chose ; il a eu, lui aussi, ses génies précurseurs _q11oi nt répandu sur le monde en aspirations ardentes ces effluves du cœur que le progrès, dans son cours incessant, a fécondées. Campanella, Thomas Morus, Saint-Simon, Fourier et tant d'autres, qu'est-ce autre chose que le socialisme à son premier rayon, à son aurore si l'on veut; le socialîsme à l'état d'intuition, mais pas encore à l'état de démonstration, de connaissance ? De là ces discussions sans fin, ces sectes sans nombre, ces formules mystiqu&s, trop élevées ou trop profondes pour être à la portée du commun des esprits ; formules d'ailleurs qui, dans leur contradiction ..a. pparente, procèdent toutes d'une origine commune, le sentirnen't de la fraternité, de la fraternité dont on a voulu faire, à tort croyons-nous, le fondement de l'édifice social, mais fraternité qui, grâce à la science par qui.la loi de réciprocité sera arpl'iquée, en deviendra le splendide couronnement. En procédant ainsi, pourquoi ne pas le dire en passant, nous arrivons à notre tour à le reconnaître, nos pères de la grande Révolution, ces géants de la géante Montagne étaient des socialistes et des socialistes ar,leuts ; mais ils ne pouvaient posséder une science qui ne s'est formée qu'après eux et ils dürent, et cela suffit à leur gloire devant laquelle nous nous inclinons en fils respectueux, ils dürent forcément rester des socialistes instinctifs et de sentiment qui auraient, si le dévouement le plus absolu pouvait suffire à une pareille tâche, réalisé pour leurs ne- ~eux cet idéal encol'e confus qui fut le tourment de leur noble vie et consola leur mort sublime. Eternel enseignement qu'il nous appartie11t de méditer et qui nous apprend que vouloir c'est pouvofr sans doute, mais à la condition préalable et absolue de savoir. De telle sorte, que, d'accord en cela avec la thiéorie du progrès, nous pouvons dire que, quelque grands que fussent nos pères et ne fussions-nous, nous-mêmes, que des pygmées, il nous ef! donné de voir encor: plus loin qu'eux, portés que nous sommes sur leurs pmssantes é1paules ; car l'humanité dans sa marche ascensionnelle vers le progrès est pareille à ces géants qui escaladaient le Ciel en montant sur les épaules les uns des autres. Et maintenant, si nous avons su rendre clairement notre pensée, trop longuement exposée peut-être, iT. ressort de ce qui précède ceci : savoir et pour cela faire, l>tudier : telle est la tâche de notre génération, sans préjudi,ce, bien entendu, du grand devoir d'action que la 1·évolilltion ne saurait tarder longtemps à réclamerde 110us. De rêveur et utopiste qu'il était, que le socialisme tende de plus en plus à acquérir la précision d'une vérité démontrée ; sentiment fécondé par la connaissance, le temps est venu pour lui, sous peine d'avortement, de se constituer à l'état de science positive ; et qui d'entre nous oserait dire que la moitié au moins cle cette tfiche n'est pas cléjà remplie? et si enfin, après ta\1t d'autres, il nous était permis de hasarder une définition, nous dirions, sans nous abuser sur la portée des définitions en général et de celle-ci en particulier : "l;e socialisme est la science de la fraternité." BoNNET-DuvERDIER. Comme la boussole est le guide du navigateur sur l'immensité des mers, notre grande tradition Révolutionnaire est, pour la Démocratie, le Phare indicateur des vraies voies du Progrès social. Hors de cette sainte tradition, il n'y a que faux erremens. La lumière qui ne procède pas d'elle n'est qu'une lueur incertaine destinée à briller un instant pour disparaître à l'horizon. L'idée qui n_'estpas une déduction rigoureuse de son inflexible logique, une bouture, pour ainsi dire, de ce tronc vigoureux et participant de sa sève féconde; cette idée, quels que soient son éclat et la séduction de son absolu, ne réalisera jamais un progrès durable dans le monde. C'est qu'indépendamment des impérissables leçons de sa glorieuse et terrible lutte contre les ennemis du dehors et les factions du dedans, l!otre grande époque Révolutionnaire a laissé au genre humain des enseignements non moins impérissables : dans l'ordre purement philosophique, moral, ils sont une école, une méthode, dont il est tont aussi nécessaire que les vrais partisans de !'Egalité humaine apprennent et pratiquent les rudimens, qu'il est strictement logique, dans la poésie, par exemple, d'étudier les règles de l'art épique da1is l' lliade. MARTIN BERNARD. CORRESPONDANCE DE LONDRES. Londres, 13 janvier 1854. Des nouvelles contradictoires ont été données toute cette semaine, snr leil opérations militaires en Valachie. D'après la dépêche la plus récente (de Trieste), les Turcs vainqueurs dans quatre escarmouches, et repoussés clans un combat d'avant-postes, ont enfin remporté une grande victoire, le 6 janvier, à Citali (je ne garantis ni les noms, ni les positions, la carte de ces contrées, trop peu connues dans l'Europe occidentale, n'étant pas très exacte, et les renseignements donnés par les journaux ne l'étant guères plus). Les Turcs auraient pris la ville d'assaut ; les Russes ont perdu 2,500 hommes; 18,000 Russes, en marche sur Kalafat, ont été repoussés. - On va jnsqu'il dire que ces différents combats, livrés sur toute la ligue du Danube, auraient obligé l'année russe à repasser l'Aluta. On assure, en outre, que les hôpitaux contiennent 11,000 malades du corps d'Osten-Sacken. Les Turcs maintiennent donc leurs avantages sur le Danube. En Asie, Kurschid Pacha (le général Guyon, 1m des chefs des armées hongroises en 1849) est arrivé pour prendre le commandement des troupes : on compte s11r lui pour rétablir l'état des affaires. Des envoyés de Schamyl, Je célèbre Circassien, sont arrivés à Constantinople, annonçant une victoire de Schamyl qui a enfin reçu les munitions que lui envoyaient les Turcs et dont il avait grand besoin·; il avait ordonné à ses tirailleurs de ménager leur poudre et de ne tirer qu'aux officiers. Il se préparait à appuyer les opérations d'Abdi-Pacha, lorsqu'ayant appris sa défaite, il est rentré dans le Caucase. • Le 3 janvier, la flotte anglo-françaisie est entrée dans la Mer Noire en même temps qu'un convoi turc portant un renfort de 15,000 hommes à l'armée d'Asie. Quelques bâtiments sont restés dans le Bo~phore, pour protéger Constantino.pie. Cet acte d'agression coutre la Russie ira-t-il jusqu'à bloquer les escadres russes dans leurs ports ? On ne l'espère pas ; et, pour en venir là, on attendra ians doute que la flotte russe ait incendié de nouveau quelque ville ou quelques bâtiments turcs. Avec un gouvernement ,•igoureux, a11dacieux et rusé comme le gouvernement russe, ces demi-mesures ne conduisent qu'à des catastrophes. Le désastre de Sinope devrait prouver à l'Europe occi .. dentale qu'il faudrait, pour obliger le czar à écouter les diplomates, une attitude autrement belliqueuse que celle de l' Angleterre et de la France. Les ministères conservateurs n'ont point ]'énergie, l'esprit entreprenant, la décision nécessaires pour lutter contre le czar; aussi, jusqu'ici, la Turquie ne doit-elle compter que snr ses propres forcee. Pourtant, la circuhire de M. Drouin de l' Huys - annonçant aux ambassadeurs l'orrlre donné aux flottes d'entrer dans la Mer Noire, - a fait baisser l1ts fonds à la bourse de Vienne. Les gouvernements de Suède et de Danemarck ont signé un traité pour défendre leur indépendance et garantir la neutralité de la Baltique; ils voudraient que la Prusse se joignit à eux; les Anglais croient pouvoir compter sur la Prusse en cas de guerre eontre la Russie. - Les événements de 1848 et de 1849 ne sont une leçon pour personne, à ce qu'il paraît, autrement personne ne douterait de l'allianc-, intime du roi t!e Prusse avec l'empereur de toutes les Russies ... Les Anglais se sont beaucoup étonnés de lire, dans l'Homme, le bruit relatif aux mesures à prendre contre les réfugiés. " Le caractère national, le5 lois, les mœ11rs,l'opinion publique, tout garantit aux réfugiés qu'ils n'ont rien à craindre." Je viens de lire, pourtant, dans l'Iferald, un article assez violent contre les complots de certains réfugiés; ce journal compte que le ministère ou le Parlement agiront à cet égard pour prévenir les plaintes de L. Bonaparte. Voici du nouveau: Le roi Léopold (un prince saxon, vous le savez) a pr~té son château de Claremont à la famille d'Orléans; on annonce que Henri V va venir y visiter ses cousins. Or, Claremont est une résidence royale, et le Herald compte que le gouvernement anglais saura empêcher les Bourbons de conspirer, en Angleterre, dans un château royal; et il en prend occasion pour attaquer la politique astucieuse clu roi de Belgique, et faire entrevoir l'absortion de la Belgique par la France comme une conséquence des grands évènements amenés par la guerre d'Orient. Le Herald rappelle enfin qu'il est défendu, par les lois, aux habitants de l'Angleterre - citoyens ou étrangers - de conspirer contre les gouvernements étrangers ... Une vive polémique a eu lieu, ces jours derniers, au sujet de l'interventlon llu prince Albert dans la politique; sa pr~sence constante dans les conseils des ministres, son influence, ses actes, tout a été attaqué, violemment attaqné, comme une immixtion pernicieuse du prince consort dans les :iffaires de l'Etat. Je crois qu'il n'y a pas grand intérêt, pour nous du moins, à ré!Jétcr, même en l'adoucissant, ce qui a été dit à ce sujet, mais il est nécessaire de l'annoncer, car M. Roebuck doit, dit-on, en faire l'objet d'interpellations dans le Parlement; et l'opinion a été très agitée par cette question, depuis la retraite subite et la rentrée inexpliquée de Lord Palmerton au ministère. Je pense qne vous parlerez des débats du procès de !'Opéra~ Comique; vous les connais~ez sans doute mieux que moi. Tout à vou~, Ph. FAURE. Les débats de }'Opéra-Comique? - en trois mots, les voici : M. le Président, à Wattean : "Vous étiez à Lille en rebtion avec des hommes politique~ : "Ainsi, on vous a vu un jour donner une poignée de main à ,m "nommé Fémy que vous ne connaissiez pas." Quel monstre, que ce citoyen Watteau ! Donner une poignée de main à un 11omme... et dans la rue; ceLi vaut bien de trois à quatre ans de prison, de par les j nges ; et puis, de par l'administration, un voyage à Cayenne. L'accusé Lux : - J'ai une observation à faire. M. le président : -Taisez-vous Lux, vous avez dit que vous ne reconnaissiez pas le gouvernement ni la justice instituée par lui : taisez-vous! Lux insiste. Un autre accusé, Mazille, intervient, ù son tour, à propos d'un faux témoin : on l'expulse, et l'on juge en paix. Quelle besogne! quel antre ! Voilà des prévenus acquittés une première fois par le jury : la police correctionnelle les reprend en sous-œuvre, en vertu, sans doute, du célèbre adage non bis in idem, et quand ils auront fini leur })eine, le gouvemement les enverra sur ses ga1ères lointaines! A l'Editeur du Mm·ning Advertiser, Londres, 27 décembre 1853. Monsieur, En reprenant ma lettre d'hier en réponse à M. Richards, je re .. viens sur un point non épuisé. Je n'accuse pas M. Richards d'une malveillance de mauvaise foi pour les Français, mais comment ne serais-je pas en droit de lui reprocher dei sentiments tout opposés à ceux de la bienveillance. Ecoutez-le : "Si je 11'aime pas un Français ce n'est certainement pas parce qu'il est républicain." Et autre part: "Je rends cette justice au corps entier des Républicains français, c'est qu'ils adorent la France et que ptw conséque11t ils haïssent l'Angleterre.'' (I beliève them to be essentially lowers of France, and, tlte1·cùy haters of England.) Si nous devons absolument haïr les Anglais parce que nous sommes de bons Français, ne peut-on pas supposer que M. Richards qui se vante avec raison d'être bon Anglais déteste par conséquent (thcreby) la France. Mais ce "par conséquent" je ne l'accepte pas, il appartient aux temps barbares, je le repousse de toutes les forces <le ma raison, je ne juge mon antagoniste que sur ses dires. Eh bien, s'il n'a pas de préjugés contre nous, pourquoi vient-il sans motif déclarer " qu'il ne croit pas un mot de notre sympathie pour les autres "nations, sauf quand nous sommes nous-mêmes dans le malheur.'' Et quelles raisons donne-t-il de son incrédulité? "La demon~- " tration polonaise de 1848 mise à ba~ par Ledru Rollin, l'inaction "de l'armée des .Alpes vis-à-vis de Charles-Albert." La rlémonstration polonaise de 1848 est celle du 15 mai qui servit de }ll'étexte à M. Hubert, depuis grâcié par M. Bonaparte, pour cüssoudre l'assemblée constituante. Les Républicains "au pouvoir " n'ont pas du tout" mis à bas" une manifestation en faveur de la Pologne; ils empêchèrent seulement que la légi~lature de la République installée le Ier mai ne fut mise à bas le 15. Il y a une certaine différence entre ces deux choses. En second lieu, M. Richards n'aurait pas reproché à l'armée des Alpes de 1848 de n'avoir point aidé Charlee-Albert, s'il avait voulu se souvenir du refus <leCharles-Albert ainsi formulé: " Italia fara dase.'' Charles-Albert était roi. J'arrive maintenant il. l'opinion de M. Richards sur le rôle des Républicains. A son avis, ils se montrèrent aux affaires d'une incrnpacité honteuse, ils n'euœnt "aucune grandeur politique. " C'est là un simple jugement et je puis le laisser pour ce qu'il est. Je me contenterai de dire qu'il n'est gu~re cle vaincus auxquel<; on n'ait adressés de pareils complimens; la défaite trouve rarement des flatteurs, même parmi les hautes âmes les _plusrésistantes à la victoire. Le snccès a de telles fascinations! si criminel qu'il soit, si infâmes que soient ses voies, peu d'hommrs savent se défendre de le trouver habile. Pour mon compte, je reste persuadé que sauf le volume des décrets de la Constitua11te romaine et de ses triumvirs. il n'en est point où l'on trouvera une l)olitique plus réellement grande, c'est-à-dire plus pure, plus droite, plus humanitaire que dans le livre des décrets clu gouvernement provisoire. Mr. Richards demande si "Je le soupçonne d'~tre un agent de M. Napoléon III; a~surément je n'ai pas cette absurde idée, mai~ je n'en voudrais pas moins savoir pourquoi Mr. Richards a trouvé nécessaire de nous attaquer à propos de l'Italie ? Pour'luoi, par exemple, il tient tant à publier que les proscrits français sont divi~és ? De quelle manière cette constatation peut-elle ttre utile à la cause italienne? Quel intérêt, quelle nécessité y a t-il à le faire pour nous seuls ? Voilà ce que je ne puis deviner. Hélas ! oni, il n'est que trop vrai, non~ sommes divisés, mais ces divisions ne tiennent ni à notre caractère national, ni à nos principl's socialistes, elles tiennent à la faiblesse humaine, elles existent dans tous les partis, surtout dans Jee p::irtis aigris par la mauvaise fortune, exaspérés par les douleurs et les mi~ères de l'exil. Dante ou Machiavel nous parle des divisions des bannis de Florence. Je ne veux pas en dire d'avantage. J'aime mieux constater, moi, que ces divisions ne pl'(fjugent rien, absolument rien, contre la bont6 de notre cause. Parmi les Anglais qui veulent comme Mr. Richards la délivrance des peuples opprimés, il y a aussi des divisions, les uns la veulent autrement que lui, les antres Je trouvent trop ou pas assez avancé, mais le but ne les en honore pas moins tous au même dégré. Il n'y a que les exagérés i=:ystématiques, 11011 convaincu 0 , auxquels on puisse refuser son estime. Certes, au point de vue d'un triomphe plus immédiat, afin d'entraîner plus vite la m:isse des esprits flottants, je voudrais ne voir aucun dissentiment entre les Républicains ; mais puisque ces dissentiments existent, je trouve une certaine consolation à penser qu'ils attestent du moins des convictions fortes et donnent la preuve qu'au milieu de tant d'.intrigants, il y a encore des hommes qui se respectent. Les Républicain'> ne sont ni des spéculateurs, ni des ambitieux ; ils sont les amants de la vérité et ne peuvent la trahir dans aucune intérêt. Personne d'entre nous ne veut tromper Je pays en faisant des sacrifices de conscience qui laisseraient croire à une unité feinte, personne ne veut tire1· sur Ja victoire prochaine un

billet qu'il ne paierait pas à i'échéance. Peut-~tre, apr~s tout, ce que nous déplorons est-il moins regrettable qu'il ne nous apparaît. Lorsque je comidère que ces différences ont toujours existé dans toutes les écoles, je me prends parfois à penser qu'elles sont dans l'essence même des choses et servent le progrès à notre insu même. Des branches et des racines d'un arbre aucune n'est identique, plus il en a cependant et plus il y a de forae. N'en serait-il pas ainsi de notre parti ? avec un but commun la diversité de ses aperçus ne constitueraient-elle pas sa vie, cette puissance presque surnaturelle qui le rend immortel, l'élève au dessus de toutes les persécutions, le fait survivre ii tous les despotismes, à tons les égoïsmes v:iinement ensemble conjurés pour l'anéantir. Mr. Richards, qui est si bien instruit des divisions de la proscription française, ne paraît pas être renseigné avec un soin pareil rnr nos liens avec les autres proscriptions, il 1iarait fort désireux de nous isoler; non content de ne pas nous aimer il veut que personne ne nous aime : "le libéral hongrois, écrit-il, ne rechercl1e " aucune alliance avec le libéral français. Le Hongrois ne forme " d'antres souhaits que de jouir d'une monarchie constitutionnelle." pour tonte réponse, je transcris la lettre qne vient de m'adresser mon ami, le colonel hongrois Teleki, l'un des plus vaillants parmi cette nation de vaillants: "Mon cher Schœlchcr, Je vois dans votre polémique avec Mr. Richards que, selon lui, le~ Hongrois désirent nne monarchie constitutionnelle. Laissez moi protester contrP une pareille assertion. Nous pensons tous que les monarchies constitutionnelles sont des mensonges comme celle de Louis-Philippe. Je ne crains pas d'affirmer que l'immense n11joritéde la Hongrie veut la République pour elle et la Rép11blï,11e tmiverselle pour le monde. A vous fraternellement, Le colonel Alexandre Teleki.'' Encore une fois, je n'incrimine plus la sincfrité de Mr. Richards, mais je dis que son attitude est inexplicable, si elle ne s'explique pas par une antipathie nationale. Voyons! ne ponvait-il venger l'Italie des grnssières insultes du Times sans mettre en présence les patriotes français et italiens au détriment les uns des autres, sans produire des assertions capables de les diviser, s'ils étaient moins bien unis? li persiste à dire que l'exécrable expédition de Rome a été faite non plus par /e.s Républicains, mais par des Républicains; nous sommes au moins tous coupables" de l'avoir soufferte." et si le citoyen Ledru-Rollin, alorRl'élu de six départements, apoussé la protestation le 13 juin 1819jusqu'à descendre dans la rue, tout ce qu'il obtint c'est un implacable "trop tarcl.'' Ainsi, d'ua c6té, M. Richards nous fait un crime d'avoir renversé l'excellent roi constitutionnel Louis-Philippe salis raison, par une sorte d'amour dépravé de la révolte ; puis, de l'autre, il nous reproche de ne nous t:tre pas insurgés imméùiatemcnt contre le gouvernement rfactionnaire, mais légal, qui commit l'attentat sur la République romaine. Est-on plus injuste? Réfugié ic;, je ne me permettrai pas d'apprécier"publiquement la politique du cabinet de St.-J ames, mais bea~coup d'Anglais, vois-je par votre propre feuille, Monsieur, trouve cette politique eu Orient compromettante pour l'honneur national, et Mr. Richards est de ceux-là. Or, quelle opinion auraitil de celui qui attribuerait à lui et à ses amis d'avoir consommé le déshonneur de la Grande-Bretagne, parce qu'ils "souffrent" la conduite que tient le ministère Aberdeen il Constantinople. Mais M. Richards va si loin, pousse si loin ses antipathies pour tout ce qui est républicain, qu'il s'en prend même à la manifestation du 13 Juin. C'était, dit-il avec dédain, "une manifestation "pacifique. Je ne crois pas aux mauifestations pacifiques quand "1111 autre peuple est victime de l'injustice, je crois à une inter- " rention armée.'' Fort bien; j'espère que, conséquent avec luimême, M. Richards, renonç:rnt à tout meeting pacifique en faveur des Italiens, fera sans retard une intervention armée. 11. Richards persiste également à soutenir que les Républicains voulaient envahir l'Angleterre. Savez-vous pourquoi? parce que le citoyen Ledrn-Rollin (toujours Ledru-Rollin), a écrit le livre de la Décade11cdee l' Augleterre ! Lisez plutôt : "J'ai dit que les Ré- " publicains français auraient envahi l'Angleterre. Quelqu'un "peut-il lire ]'ouvrage de M. Ledru-Rollin et douter de son pen- ., chant s'il avait le pouvoir? Je dis qu'il a, personnellemnet, en- ,. vahi l'Angleterre. Sa présence ici, après la publication d'nn tel "livre, est une invasion. Et les amis et les partisans d'un chef po- " litique ne doh•ent-ils pas être inculpés par ce qu'il a écrit?" Tout le monde me dispensera, j'espère, de répondre à une argumentation oil il est exposé que la présence d'un homme dans un pays " est une invasion.'' Une grande partie de la lettre de M. Richards est dirigée avec une véhémente passion contre le citoyen Leclru-Rollin. Celui-ci e~t de force il se défendre s'il en a envie; je me borne à dire que solidariser tout un parti avec telle ou telle pensée d'un de ses membres, si honnête et si éminent que soit ce membre, c'est pousser la solidarité beaucoup plus loin qu'il n'est raisonnable et que je ne l'accepte. Si mon arlversaire était moius prévenu, il aurait ai~ément trouvé des réfugiés français heureux d'avoir publié leur profonde reconnaissance envers un pays qui leur donne généreusement asile sans la moindre condition, qui les défend contre les poursuites de leurs ennemis, qui enfin leur laisse l'inapréciable liberté de dire et d'écrire tout ce qu'ils veulent. 11ais votre correspondant, Monsieur, tient si fort à ce que nous ayons eu le projet d'envahir l'Angleterre, qu'il donne le titre de républicain, dans les lignESsuivantes, au général Changarnier, le plus royaliste de tous nos généraux : "li peut ~tre vrai que le "Républicain Changarnier SEUL proposa l'invasion à ses frères "républicains. lis étaient probablement trop occupés de l'em- ,. barrassante question de l'administration intérieure pour avoir "trouvé le temps d'examiner ce projet l" Qu'est-ce que M. Ricl1ards penserait de l'état de mon cerveau, si je lui disais que s'il n'essaie pas d'envahir la France, c'est probablement parce qu'il est trop préoccupé de l'embarrassante question tic la retraite etcLord Palmerstou / Pour nous brouiller avec l'Angleterre, M. Richards a encore découvert que" dans les premières heures de la République fran.. "çaise on discuta une coalition entre la France et la Russie, ayant "pour but le partage de l'Emope. La Grande-Bretagne, dit La- ,. martine, serait aIon 'mise de côté co1nme un pur satellite de " !'Océan.'' Je ne sais oil notre adversaire :i pris cette citation du citoyen Lam:utine, je ne sais à quoi elle fait allusion; mais ce que j'affirme de bonne source, c'est que la coalition sus-mentionnée est une pure invention. Jamais alliance avec la Rnssie n'a été imaginée par personne au gouvernement provisoire, jamais l'idée n'en a traversé, même comme un éclair, l'esprit d'un de ses membres, jamais il n'en a été question une minute. Si .M. Richards peut dire la contraire, il faut qu'il s'explique. Cette lettre, Monsieur, s'allonge encore au-delà des formes; je suis forcé de m'arrêter quoiqu'il me reste peu de mots à dire. J'rspère que vous, Monsieur Richards, et le lecteur m'excnserez en considérant que la défense est toujours plus longue que l'attaque, et en remarquant que j'essaie de répondre à dt!s opinion3 qui appartiennent malheureusement à beaucoup d'Anglais. Je m'engage à terminer demain, si vous croyez pouvoir m'accorder encore un peu de place, et je reste en :ittendant, Monsieur, Yotre obéissant serviteur V. SCltŒLCHER. L'HO}IME. Nous publions l'éloquent appel de Victor Hugo, dans ses parties principales: plusieurs journaux l'ont déjà donné, mais il est bon que de telles paroles courent la terre. Qui ébranle les échafauds, ébranle les trônes ! AUXHABITANTDSEGUERNESEY. PEUPLE DE GUERNESEY, C'est un proscrit qni vient à vous. C'est 1111 proscrit qui vient vous parler pour un condamné. L'homme qui est dans l'exil tend la main à l'homme qui est dans le sépulci-e. Ne Je trouvez pas mauvais, et écoutez-moi .............. . Il y a une divinité horrible, tragique, exécrable, payenne. Cette divinité s'appelait Moloch chez les Hébreux et Teutatès chez les Celtes; elle s'appelle à présent la peine cle mort. Elle avait autrefois pour pontife dans l'Orient le ma·ge et clans l'Occident le druide ; son prêtre aujourd'hui, c'est le bourreau. Le meurtre légal a remplacé le meurtre sacré. Jadis elle a rempli votre île de sacrifices humains ; et elle en a laissé partout· les monuments, toutes ces pierres lugubres où la rouille clés siècles a effacé la rouille clu sang, qu'on rencontre à demi ensevelies clans l'herbe au sommet de vos collines et sur lesquell8s la ronce siffle 11uvent du soir. Aujourd'hui, en cette année dont elle épouvante l'aurore, l'idole monstrueuse reparaît parmi von~ ; elle vous somme de lui obéir; elle vous convoque à jour fixe, pour la célébration de son mystère; et, comme autrefoi_s, elle réclame de vous, de vous qui avez lu l'Evangile, cle vous qni avez l'œil fixé sur le Calvaire, elle réclame un sacrifice humain! lui obéirez-vous? redeviendrezvous payens le 27 janvier 1854 pendant deux heures? payens pour tuer un homme ! payens pour perdre une âme ! payens pour mutiler la destinée du criminel en lui retranchant le temps du repentir! ferez-vous cela ? serait-ce là le progrès? où en sont les hommes si le sacrifice humain est eticore possible? adore-t-on encore à Guernesey l'idole, la vieille idole du passé, qui tue en face de Dieu qui crée? à quoi bon lui avoir ôté le peulven ~i c'est pour lui rendre la potence? Quoi! commuer une peine, laisser à un coupable la chance du remords et de la réconciliation, substituer au sacrifice humain l'expiation intelligente, ne pas tuer un homme, cela est-il donc si malaisé? le navire est-il donc si en détresse qu'un homme y soit de trop? un criminel repentant pèse-t-il clone tant à la société qu'il faille se hâter de jeter par-dessus le bord, dans l'ombre de l'abîme, cette créature de Dieu! . Guernesiais ! la peine cle mort recule partout et perd chaque jour du terrain ; elle s'en va devant le sentiment 'humain. En 1830, la chambre des députés de France en réclamait l'abolition par acclamation ; la Constitution de .Francfort l'a rayée des codes en 1848, la Cons~ituante de Ron:ie l'a supprimée en 1849; notre Constituante de Paris ne l'a maintenue qu'à une majorité imperceptible; je dis plus, la Toscane, qui est catholique, l'a abolie; la Russie, qui est barbare, l'a abolie; Otahiti, qui est sauvage, l'a abolie. Il semble que les ténèbres elles-mêmes n'en veulent plus. Est-ce que vous en voulez, vous, hommes de ce bon pays ? . Il dépèncl de vous que la peine de mort soit abolie de fait à Guernesey ; il dépend de vous qu'un homme ne soit pas "pendu jusqu•à ce que mort s'en suive" le 27 janvier; il dépend de vous que ce spectacle effroyable qui laisserait tme tache noire sur votre beau ciel, ne vous soit pas donné. Sauver cette•vie, sauver cette â1ne, vous le pouvez, cela dépend de vous..................................................... : .................... . Dii:a-t-on, qu'ici, dans ce sombre guet-apens du 18 octobrll, la mort semble justice ? que 1~crime de Tapner est bie.n grand? Plus le crime est grand, plus le temps doit être mesuré long au repentir. Quoi! une femme aura été assassinée, lâchement tuée, lâchement ! une maison aura été pillée; violée, incendiée, un meurtre aura été accompli et autour cle ce meurtre on croira entrevoir une foule d'autres actions perverses, un attentat aura été commis, je me trompe, plusieurs attentats, qui exigeraient une longue et solennelle réparation, le châtiment accompagné d_ela réflexion, le rachat du mal par la pénitence, l'agenouillement du criminel sous le crime et du condamné sous la peine, toute une vie de douleur et de purification ; et parce qu'un matin, à un jour précis, le vendredi vingt-sept janvier, en quelques minutes, un poteau aura été enfoncé dans la terre, parcè qu'une corde aura serré le cou d'un homme, parce qu'une âme se sera enfuie d'un corps misérable avec le hurlement du damné, tout sera bien l Brièveté chétive de là justice humaine! Oh! nous sommes le dix-neuvième siècle; nous sommes le peuple nouveau; nous sommes le peuple pensif~ sérieux, libre, intelligent, travailleur, souverain ; nous sommes le meilleur âge de l'humànité, l'époque de progrès, d'ai-t, de science, d'amour, d'espérance, de fraternité; fohafauds ! qu'est-ce que vous nous vo_ulez? 0 machines monstrueuses de la mort, hideuses charpentes du néant, apparitions du passé, toi qui tiens à deux bras ton couperet triangulaire, toi qui secoues un squelette au bout d'une corde, de quel droit reparaissez-vous en plein midi, en plein soleil, en plein dix-neuvième siècle, en pleine vie? Vous êtes des spectres. Vous êtes les choses de la müt, rentrez clans la nuit. Est-ce que les ténèbres offrent leur service à la lumière ? Allezvous-en. Pour civiliser l'homme, pour corriger le CO!tpable, ponr illuminer la consèience, pour faire germer le repentir' dans les insomnies du crime, nous valons mieux que vous; nous avons la pensée, l'enseignement, l'éducation patiente, l'exemple religieux, la clarté en haut, l'épreuve en bas, l'austérité, le travail, la clémence. Quoi! du milieu de tout ce qui est grand, de tout ce qui e&tvrai, de tout ce qui est beau, de tout ce qui est auguste, on verra obstinément surgir la peine de mort! Quoi! la ville souveraine, la ville centrale du genre humain, la ville du 14 juillet et du 10 août, la ville où dorment Rousseau et Voltaire, la métropole des révolutions, la cité-crèche de l'idée, aura la Grève, la Barrière SaintJacques, la Roquette! Et ce ne sera pas assez de cette contradiction abominable l et ce contre-sens sera peul et cette horreur ne suffira pas! Et il faudra qu'ici aussi, dans cet archipel, parmi les falaises, les arbres et les fleurs, sons l'ombre des grandes nuées qui viennent du pôle; l'échafaud se dresse, et domine, et.constate son droit, et règne l ici ! dans le bruit des vents, dans la rumeur éternelle des flots, d:ins la solitude de l'abîme, clans la majesté de la nature! Allez-vous-en, vous dis-Je I disparaissez! Qu'est -ce que vous venez faire, toi, guillotine, au milieu de P:iris, toi, gibet, en face de !'Océan? Peuple de pêcheurs, bons et vaillants hommes tle la mer, ne laissez pas mourir cet homme. Ne jetez pas l'ombre d'une potence sur votre île charmante et bénie. N'introduisez pas dans vos héro"iques et incertaines aventures de mer ce mystérieux élément de malheur. N'acceptez point la responsabilité redoutable de cet empiétement du pouvoir humain sur le pouvoir divin. Qui sait? Qui connaît? qui a pénétré l'énigme? Il y a des abîmes dans_les actions humaines comme il y a des gouffres dans les flots. Songez aux: jours d'orage, aux nuits d'hiver, aux forces irritées et obscures qui s'emparent cle vous à de certains moments. Songez comme la côte de Serk est rude, comme les bas-fonds des Minquiers sont perfides, con11ne les écueils des Pater-N oster sont mauvais. Ne faites pas soùffler dans vos voiles le vent clu sépulcre. N oubliez pas, navigateurs, n'onbliez pas, pêcheurs, n'oubliez p:is, matelots, qu'il n'y a qu'une planche entre vous et l'éternité, que vous êtes à la discrétion des vagues qu'on ne sonde pas, et de la destinée qu'on ignore, qu'il y a peut-être des volontés dans cc que vous prenez pour des caprices, que vons luttez sans cesse contre la mer et contre le temps, et qne, vous, hommei: qui savez si peu de chose et qui ne pouvez rien, vous êtes toujours face à face avec l'infini et avec l'inconnu! L'inconnu et l'infini, c'est la tombe. N'ouvrez pas, de vos propres mains, une tombe au milieu de vous. Quoi donc! les voix de cet infini ne vous di~ent-elles rien ? Est-ce que tons les mystères ne nous entretiennent pa<;les uns dans les autres? Est-ce que la majesté de ]'océan ne proclame pas la sainteté tin tombeau? D:ins la tempête, clans l'ouragan, dans les coups d'équinoxe, quand les brises cle la nuit balanceront l'homme mort aux poutres du gibet, est-ce que ce ne sera pas une .9hose terrible que ce squelette maudissant cette île dans l'immens~té ! Est-ce que vous ne songerez pas, en frémissant, j'y insiste, que ce- vent qui viendra souffler dans vos agrès, aura rencontré à son passage cette corde et ce cadavre, et que cette corde et ce cadavre lui auront parlé? Non! plus cle supplices! Nous, hommes de ce grand siècle, nous n'en' voulons plus. Nous n'en voulons pas plus pour le coupable que pour le non-coupable. Je le repète, le c1·imese rachète par le remords et non par un coup de hache ou un nœud coulant; le sang se lave avec les larmes et non avec le sang. Non, ne donnons plus de besogne au bourreau. Ayons ceci présent à l'esprit, et que la conscience clujuge relig·ieux et honnête médite d'accor<l avec la nôtre: indépendamment du grand forfait contre l'inviolabilité de la vie humaine accompli aussi bien sur le brigand exécuté que sur le héros supplicié, tous les échafauds ont commis des crimes. Le code de meurtre est un scélérat masqué avec ton masque, 6 justice, et qui tue et massacre impunément. Tous les échafauds portent des noms d'innocents, et de martyrs. Non, nous ne voulons plus de supplices. Pour nous, la guillotine s'appelle Lesurques, la roue s'appelle Calas, le bûcher s'appelle Jeanned' Arc, la torture s'appelle Campanella, le billots'appe11e Thomas Morus, la cigiie s'appelle Socrate, le gibet se nomme JésusChrist ! Oh! s'il y a quelque chose d'auguste clans ces enseignements de fraternité, dans ces doctrines de mensuétude et d'amour, que toutes les bouches qui crient : Religion, et toutes les bouches qui disent: Démocratie, que toutes les voix de l'ancien et du nouvel Evangile sèment et répandent aujourd'hui d'un bout du monde à l'autre, les unes, au nom de l'Homme-Dieu, les autres, au nom de l'Homme-Peuple. Si ces doctrines sont•justes, si ces idée~ sont vraies, si le vivant est frère du vivant, si la vie de l'homme est vénérable, si l'âme de l'homme est immortelle, si Dieu seul a le droit de retirer ce que Dieu seul a eu le pouvoir de donner, si la mère qui sent l'enfant remuer dans ses entrailles est un être bfoi, si le berceau est une chose rncrée, si le tombeau est une chose sainte, insulaires de Guernesey, ne tuez pas cet l10mme 1 Je· dis: ne le tuez pas, car, sachez-le bien, quand on peut empêcher la mort, laisser mourir, c'est tuer. • Ne vous étonnez pas de cette instance qui est dans mes paroles. Laisgcz, je vous le dis, le proscrit intercéder pour le condamné. Ne dites pas : que nous vent cet étranger? Ne dites pas an banni : de quoi te mêles-tu ? ce n'est pas ton affaire.-J e me mêle des choses du malheur; c'est mon droit, puisque je souffre. L'infortune 1. pitié de la misère; la douleur se penche sur le désespoir. D'ailleurs cet homme et moi n'avons-nous pas des douleurs qui se ressemblent? ne tendo11s-nous pas chacun les bras à ce qui nous échappe? moi banni, lui condamné, ne nous tournons-nous pas chacun vers notre lumière, lui vers la vie, moi vers la patrie ? Et,-l'on devrait réfléchil" â ceci,.....:...J'aveug1emendte la créature l111mainequi proscrit et qui juge est si profond, la nuit est telle sur la terre, que nous sommes frappés, nous les llannis de France, pour avoir fait notre devoir comme cet homme est frappé pour avoir commis un crime. La justice et l'iniquité se donnent la main clans les ténèbres. Mais qu'importe! peur moi cet assassin n'est plus un assassin, cet incendiaire n'est plus un incendiaire, ce voleur n'est plus u11 volem; c'est_ un être frémissant qui va mourir. Le malheur le fait mon frère. Je le défends. L'adversité qui nous éprouve a parfois, outre l'épreuve, des utilités imprévues, et il arrive que nos proscriptions, expliquées par les cl10seijauxquelles elles servent, prennent des sens inattendus et consolants. Si ma voix est entendue, si elle n'est pas emportée comme un souffle vain dans le bruit du flot et de l'ouragan, si elle ne se perd pas dans la rafale qui sépare les deux îles, si la semence de pitié qw~ je jette à ce vent de mer germe clans )P,scœurs et fructifie, s'il arrive que ma parole, la parole obscure du vaincu, ait cet insigne honneur d'éveiller l'agitation salutaire cl'oilsortiront la peine commuée et le criminel pénitent, s'il m'est donné à moi, le proscrit rejeté et inutile, de me mettre en travers d'un tombeau qui s'ouvre, de barrer le passage à la mort et de sauver la tête d'un homme, si je suis le grain de sable tombé de la main du hasard qni fait pencher la balance et qui fait prévaloir la vie sur h mort, si ma proscription a été llonne à cela, si c'était là le but mystérieu~ de la chute de mon foyer et de ma présence en cei îles, oh l alors tout est bien, je n'ai pas souffert, je remercie, je rends grilces et je lève les ma.ins au ciel, et, dans cette occasion oî:1éclatent toutes les volontés de la providence, ce sera votre triomphe, ô Dieu, <l'avoir fait bénir Guernesey par la France, ce peuple presque primitif par la civilisation tout entière, les hommes qui ne tuent point par l'homme qui a tué, la loi clemiséricorde et de vie _parle rneurtrit>r, et l'exil par l'exilé l Hommes cle Guernesey, ce q11i vous J>arle en cet instant cc n'est pas moi, qui ne suis que l'atôme emporté n'importe clans quelle nuit par le souille de l':iclversité. Cc qui s'adresse li vou<; aujourd'hui, je viens de vous le dire, c'est la civilisation tout entière; c'est elle qui tend vers vons ses mains vénérables. Si Beccaria proscrit était au milieu de vous, il vous dirait: la peine capitale est impie ; si Franklin banni vivait à votre foyer, il vous 1\irait : la loi qui tue est une loi fm1este; si Filangieri réfugié, si Vico exilé, si Turgot expulsé, si Montesquieu chassé, habitaient sous votre toit, ils vous diraient : l'échafaud est abominable ; si Jésus-Christ, en fuite devant Caïphe, abordait votre île, il vous dirait : Ne frappez pas avec le glaive; - et à Montesquieu, à Turgot, il Vico, à Beccaria, à Franklin, vous criant : grâce ! à Jésus-Christ vous criant'. grâce! réponclriez-Yous : Non? Non l c'est la réponse du mal. Non l c'est la r~ponse dn néant. L'homme croyant et libre affirme la vie, affirme la pitié, la clémence et le pardon, prouve l'âme de la société par la miséricorde ,le la loi, et ne répond, non ! qu'à l'opprobre, au despotisme et à la mort. Un dernier mot et j'ai .fini. A cette heure fatale de l'histoire oil nous sommes, car si grand que soit un siècle et si beau que soit un astre, ils ont leurs éclipses, à cette minute sinistre que nous traversons, qu'il y ait au moins un lieu sur la terre où le progrès couvert de plaies, jeté aux tempêtes, vaincu, épuisé, mourant, se réfugie et surnage ! Iles de la Manche, soyez le radeau de ce naufragé suhlime l Pendant que l'Orient et l'Occident se heurtent pour la fantaisie des princes, pendant que les continents n'offi·ent partout aux yeux que ruse, violence, fo~rberie, ambition, pendant que les grands empires étalent les passions basses1 vous, petits pays _.....L

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