Homme - anno I - n.07 - 11 gennaio 1854

seule dédicace qui nous soit venue de l'antiquité, celle d'Eschyle, ne porte que ces mots : Au TEMPS.Eh bien! cette dédicace est la devise de quiconque aime sincèrement, et avant tout, la gloire. Au TEMPS ! ils auront beau faire : je serai moissonné jeune, et bientôt, ou le TEMPSrépondra pour moi, car j'écris et j'écrirai pour le TEMPSet non pour les partis. " Tel il passa sur la scène du monde. Tout ce qui peut fortement imprimer l'image d'un l10mme dans l'esprit des autres hommes, il le tenait de la nature. Sa taille massive, ses formes athlétiques, son vaste front qui semblait fait pour porter la pensée, son teint olivâtre, ses joues sillonnées de coutures, ses grands yeux à petites prunelles s'enfonçant sous un haut sourcil et dans un enchâssement plombé, sa bouche irrégulièrement fendue, constituaient la laideur la plus admirable, la plus puissante qui fut jamais. De sa chevelure, qui était énorme et ajoutait au volume, déjà très considérable, de sa tête, il disait luimême : Quand je secoue rna terrible hure,. il n'y a personne qui osât m'interrompre. Il avait la démarche brusque, il avait le geste du commandement. Quand il parlait, sa voix, moins âpre que ses traits, était entrecoupée d'abord et traînante ; mais à mesure qu'il prenait possession de la parole, elle s'animait, se précipitait et devenait v~ritablement la musique de son génie. De l'homme politique, de l'orateur, il ne nous reste rien à <lire : il s'est assez défini dans ce livre par ses actes et par ses il.iscours ; mais il est des choses Je lui plus intimes, que, sous peine d'injustice, l'histoire doit recueillir. Il fut toujours lui-même si équitable envers ses adversaires ou ses ennemis ! Ne se plaisait-t-il pas généreusement à vanter l'esprit de Charles Lameth et sa franchise (1)? Ne disait-il pas de Barnave : C'est un grand chêne qui deviendra un mât de vaisseau ? Nul, avec plus de grâce et de noblesse, ne faisait valoir ses amis. Souvent, par exemple, il lui arriva de parler comme s'il eQt voulu qu'on le prît simplement pour " une horloge qui ne faisait que sonner les idées de Sieyès à la tribune." En lui, quand la passion ne le dominait pas, le tact des conve11ances était extrême. Un de ses contell)porains, peu suspect de partialité en sa faveur, a écrit de lui :· "Il trouv:i.it ùu plaisir à dire des choses obligeantes. Je me souviens que pendant qu'il était président de l'Assemblée nationale, M. Tronchet, vieillard vénérable et déjà cassé, lisait un rapport long et d'un médiocre intérêt. On faisait.du bruit : Mirabeau, pour le faire cesser, dit en agitant sa sonnette : Messieurs, veuillez vous rappeler que la poitrine de iW. Tronchet n'est -pas aussi forte que sa tête." ......... .. Ah ! qu'il reste sur Mirabeau, le voile dont la Convention enveloppa sa statue il y a soixante ans, qu'il reste taut que les sociétés seront plongées dans cet Hat de corruption qui veut qu'on soit inexorable pour le vice! Mais si jamais les âmes s'affranchissent, si jamais se rlissipe la nuit au sein de laquelle errent aujourd'hui les intelligences égarées, ô postérité des siècles heureux, grâce, ou, <lu moi11s,_pitié pour Mirabeau! Et n'oubliez pas, vous qui le jugerez plus tard, qu'il y eut des jours dans sa vie où il combattit pour le droit; qu'il y en eut où 11 souffrit pour la justice ; que sous ses fautes, après tout, germèrent des qualités charmantes ; que cet homme, si violent, était néanmoins d'un commerce facile et doux ; que la vue d'un malheureux le remplissait d'émotion ; qu'il eut des amis fanatiques et des serviieurs qui l'adorèrent; que, dans son L'HOMME. cœur, hélas ! trop orageux, l'amour de la liberté, flambeau céleste, vacilla d'une manière étrange, mais ne s'éteignit jamais entièrement ; que s'il descendit à des goO.tsqu'on n'avoue pas, il ne fut point sans avoir les inspirations élevées, et que s'il risqua la pudeur de son nom sur des oreillers impudiques, il sut aussi aimer les femmes avec héroïsme, avec pureté, comme il aimait la gloire enfin, ou ce qui vaut peut-être mieux encore, COJ.'!lmiel aimait les fleurs. Que serait-il arrivé s'il eO.t vécu ? Question posée mille fois, et bien vaine ! Dans le drame du temps, chacun a son rôle, tracé <l'avance par le grand auteur mystérieux. Or, qu'il soit illustre ou non, vêtu de pourpre ou couvert Je guenilles, quand l'acteur s'en va, c'est q11'il n'avait plus rien à faire sur la scène, et la preuve que son rôle est fini, c'est sa mort. La Révolution, d'.ailleurs, jusqu'à ce qu'elle eut atteint le dernier terme de son développement, se trouvait avoir quelq11echose d'évidem:ment indom.ptable ; elle allait à son dénouement, en vertu d'une logique contre laquelle il n'y avait rien de possible ; et c'est ce que Robespierre lui-même sembla ne pas bien comprendre, lorsque, par allusion à un mot de Mirabeau agonisant, j] s'écria : Achille est mort, Troie ne sera pas prise. Comme si le sort de Troie, à cette époque, eO.t pu dépendre de la vie d'Achille ! Non, non, tout Mirabeau qu'il était, Mirabeau n'aurait ni arrêté ni troublé la Révolution dans sa course fatidique, Que ses aptitudes dominantes fussent d'un homme d'Etat, et qu'en lui l'orateur au repos eO.tpu se montrer sous l'aspect d'un Richelieu, il est permis de le supposer ; et cependant, quand on lit sa correspondance secrète avec la cour, on est frappé de son impuissance. A chaque pas il hésite ; ses contradictions sont palpables ; ses conseils manquent de portée autant que de grandeur ; l'indigence de ses combinaisons est manifeste, et si, parmi les divers moyens de salut qu'il propose, vous cherchez les vues d'un Richelieu, vous ne trouvez que les ruses vulgaires d'un capucin Joseph. Et lui-même il ne ii;efaisait point illusion à cet égard, luimême il n'ignorait pas que la cour, en l'achetant, lui avait donné à combattre une force bien supérieure à la sienne : on le devine aux cris de découragement que, de loin en loin, sa situation lui arrache, et, plus encore, à ce perpétuel besoin qu'il a de se rendre la nation favorable, de la flatter, de s'appuyer sur elle ... pour la trahir. Mais quoi! la Révolution n'était-elle pas, elle aussi, environnée de périls ? N'apparaissait-elle pas déjà flottant, dans un frêle esquif, sur une mer agitée ? Comme César, plus nécessairement que César, elle avait ses destinées à accomplir, et au nautonnier, entre les flots de l'abîme soulevés et le ciel en feu, au nautonuier sai3i d'épouvante, elle avait certes le droit de dire : " Va, ne crains rien : tu portes le peuple et sa fortune ! " Mirabeau mort, il était naturel que Lafayette s'attendit à paraître plus grand. Marat en eut le frisson, et son effroi se changea aussitôt en rage. Il avait trouvé dans Fré~ ron un auxiliaire dont les fureurs~ pour êwe déclamatoires et factices, n'on agitaient pas moins les faubourgs. Dans des lettres qu'il se faisait adresser et qu'il accompagnait de frénétiques commentaires, Fréron enregistrait chaque matin la prétendue preuve des noirs complots 01ndis par Lafayette. Rien de moins conch~ant que les faits déuoncés par l'Orateur du peuple; mais du soMl\1AIREde chaque feuille se détachaient en gros caractères des· titres propres à frapper vivement l'esprit: Dénonciativn des nouveaux actes tyranniques de Bailly et de Mottié. - Lafayette et Bailly absolument démasqués, etc ... , etc. .... Ce qu'il eatend dira sans cesse, le peuple finit par le croire.-D'ailleurs, Mar~ savait joindre à ses calomnies des accusations fondées qui donnaient aux premières une vraisemblance sinistre. Toujours est-il que l'astre de Lafayette commença justement à pâlir au moment où celui de Mirabeau venait de se coucher pour jamais. La section du Théâtre-Francais ayant demandé la destitution du général, quatorze sections exprimèrent le vœu qu'on en délibérât, et le bataillon <les Champs-Elysées refusa Je le reconnaître pour commandant. Sans être décisifs, ces symptôme~ étaient graves. Mais cela ne répondait ni aux inquiétudes de Marat, 11i aux exigences de sa haine. Parce qu'une dénonciation lancée contre Lafayette par nn certain Rutteau était allée s'engloutir dans le comité des recherches, parce qu'on ne se hâtait pas de destituer Lafayette, parce qu'on ne le <léclarait pas sans plus tarder traître à la patrie, Marat s'écria : " 0 Parisiens, vous êtes si ignares, si stu1lides, si présomptueux, si lâches, que c'est folie d'entreprendre de vous retirer de l'abîme. " Et, menaçant le peuple de l'abandonner, il parla d'aller prêcher chez une nation moins corrompue l'apostolat de la liberté. La menace était simulée. Camille Desmoulins la prit au sérieux et écrivit : " Marat est celui de tous les journalistes qui a le mieux servi la Révolution. L'ami dit peuple va se déshonorer en <lésertant le champ de batoille. Il est bien vrai que son plan de conduire le peuple jusqu'au but, en l'emporta11tbien au delà, ne lui a pas réus:si: cependant, ces trois bataillons qui voulaient, il n'y a pas longtemps, promener dans Paris son buste ceint de lauriers, lui prouvent qu'on rend justice à son courage." ... ......··············· ............................................. . Ces polémiques, trop caractéristiques pour être passées sous silence, n'empêchaient pas Camille et Marat de poursuivre ensemble une guerre à outrance contre toutes les renommées suspectes d'indécision révolutionnaire, surtout contre Lafayette. Les accointances du général avec le Châtelet ; ses conférences avec Suleau ; ses liaisons, à peine voilées, av.,:cMontmorin et Bouillé ; son intimité à l'égard du duc d'Orléans, qu'il avait fait si arbitrairement espionner à Londres ; la persécution, sourde ou déclru:ée, dont il enveloppait Santerre ; son refus de reconnaître l'indépendance des Belges ; ses votes en faveur du veto absolu, de la loi martiale, du droit de paix et de guerre accordé au,.1·oi; son attitude enfin dans les affaires de Vincennes de la Chapelle, de Nancy ... , tels étaient les griefs que .Camille Desmoulins butinait dans sa feuille , immortelle. Les ~vénements ne t~rdèrent pas à mettre en saillie la portée de ces attaques. Lours BLANC. (1) (l)E>ltrait du 5e volume de ]'Histoire de la Revolutionfmaqaise, ERRATA. Ire _page, Ire colonne, au lieu de garnissaires, lisez garnisaires. Id. 2e . id, au lieu de la nuit aux caravanes, lisez la nuit aux cavernes. 4e id., 3e id., 2e vers de la 3e strophe, au lieu de encore mieu~, à mourir, lisez, encor mieux, à mourir. AVIS 11 sera publié avec chaque numéro un supplément spécial pour les ANNONCESdans l'intérêt du Commerce, de !'Industrie et de la Science. Les Annonces de . . • tous le_spa_y~seront acceptées -à la_con~ition_d'être écrites eu français, conforméme~t au spécime~ ci-i:qirès. Les Avis et Annonces sont reçus jusqu'au vendredi à m1d1,à Londres, à la hbrame et agence de l'lmpnmene Umverselle, 50 lz2, Great Queen Street Lmcoln's-Inn-F1elds, et à l'office de !'Imprimerie Universelle, 19, Dorset Street à Jersey, S-Hélier, jusqu'à l'arrivée du courrierdu mardi. Toute correspondance doit être affranchie et contenir 1111 bon, soit sur la poste anglaise, au nom de l\f. Zéno SwrnToSLAwsK/ soit sur. un des banq~iers de J er~ey ou de Londres. 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RIBEYROLLE_S, ex-rédacteur en chef de Tableaux historiques de la Civilisation à Jersey, HOLINSKI, La Califo.rnie et les routes Îlllerocéa1 vol. m -12. la Réforme. - Les Bagnes d'Afrique, précédés l vol. grand in-8. niques, l bean vol. LeGouvernement du Deux DJcembre, pour faire suite d'une dédicace à Napoléon Bonaparte, l vol. JOACHIM LELEWEL. Histoire de Polo•me à l'Histofre dz~ Deux Décembre, l vol. in-12. in-12. grand in-8, 2 vol. avec Atlas. 0 ' PI~RRE LE}tOU?(, représentant _du p~upl_e.Traduction du même o_uvrage, 1 beau vol. in-8. Antiquités de Pologne, accompagné de deux Invasion de l'.Anglt>terre, so11s le titre : )'Empire Cours de Phren?logze. les douze premières hv,ra1- PH. BERJEA U, ex-redacteur de la Vraie Répu· planches. français et les Polonais ( French empire and sons (ouvrage m~rrompu). blique. - Biographies bonapartistes ( en vente), Etudes numismatiques et cwchéologiques, avec Atlas. the Po les), I vol. in-8. Lettre aux Etals d~ Jerse!f sur les moy~ns de quin- contenant la vie ùe Persigny, Saint. Arnaud, Atlas du type Gaulois. • Relalîon de la campagne de Sicile en 1849, J vol. tupler les prodmts agncoles, 1 vol. m-12. Morny, Magnan, Baroche, Achille I Fould et Géographie du Moyen-Age, avec Atlas. in-12. VJCTO~ H{!G<?, repré~entant du peuple. - ~utres ,qui out pris part au Coup-d'Etat, l vol. Pythias de Marseille et la géographie de son temps, Recueil ,le documents secrets et inédits, pour Nc~poleon-le-I>,e~it. 1 v~l.m-32. . m-32. :r ; ., • accompagné de 3 planches._ servir à l'étude de )'Histoire politique de C11dtime11~s, poes1es pohtiques, ouvraîe nouveau, J•. CAHAIG NE, ex-reùacteur - propnetaùe tlu GOLOVINE. La France et l'Angleterre comparées. l'Europe dans la ~rise actuelle, trois livraisons l vol. m-32. Journal la Commune de Paris.-la Couronneimpé- ALEX. RER.ZEN, Du développement des idks ré- in-8.

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