Homme - anno I - n.07 - 11 gennaio 1854

leur indépendance : il s'agit réellement, dit-on, d'une alliance avec la Russie. Les correipondants français parlent de la disgrfrce du Maréchal Castellane, à cause de ses démonstrations militaires à Lyon. .La fiision vourlrait en profiter, dit un journal anglais, pour gagner le maréchal à sa cause....... TOUT A vous, PH. FAURE. Nous avons publié, ùans un ùe nos ùerniers numéros, une letlre ùn citoyen Schœlcher, en réponse à quelques attaques ùe M:. Richarùs coutre la révolution française et ses prosc1,its : cette polémique, aujourrl'hui se continue dans le Jifornin,q Adverfiser, et comme l'intérêt en cause est des plus sacrés, puisqu'il ne s'agit plus de nous, seulement, mais de notre foi politique et de l'honneur ùe nos morts, nous publierons la lettre nouvelle et les suivantes. La défense française est en_des mains loyales : To the Editor of the Morning Advertiser. London, december, 26th, 1853. MoNSJEUR, Dans la réponse de :M. Richarcls que contient votre numéro de ,;amedi, 2 i décembre, il me traite avec trop de considération pour que je ne sois pas oblïgé de lui rendre grâce; je l'aurais fait avec plai~ir s'il n'avait encore gravement accusé les Républicains français tont en ne génfaalisant pins ses rigueurs dans la forme. Je ne suis pas de ceux qui se trouvent satisfaits parce qu'on les excepte au moment oi) l'on charge leurs amis. Tout l'honneur de ma vie politique est d'être clu grand parti des dém·ocrates-socialistes; qui les condamne me cond:11nne. Comme homme privi!, je puis être touché des bons sentiments qu'on daigne avoir pour moi, comme homme public, je répudie hautement des éloges qui, par cela même qu'on les refuserait à tels ou tels de mes frères, devienclraientpour eux un déni de justice, Ne voir des Républicains estimables que dans des hommes pareils aux citoyens Hugo et Lamartine est au moins une erreur, et me ranger exclusivement de leur côté n'est pas plu~ me plaire qu'il ne plaira à mon excellent ami, Victor Hugo, d'être mis à p:ut. Je suis sûr que du haut des rochers de Jersey, cl'où il lance la foudre de ses vers contre la bande bonapartiste, il m'approuvera de parler ainsi en son nom. Quant au citoyen Lamartine, je m'honore beaucoup de son amifü; son adhésion à la République est un surcroît de gloire pour elle, mais il est très loin d'être, selon moi, un démocrate assez radical. Cependant, puisque M. Richards a retiré avec une parfaite galanterie les paroles qui pouvaient nous offenser tous, il ne reste plus que son opinion plus ou moins sévère sur les Républicains, et je vais essayer de la redresser en éloignant aussi toute expression discourtoise. Je préfère de beaucoup la discussion ~ur ce nouv'eauterrain, la vérité est ainsi pins facile à dégager, et si l'on ne parvient pas il se convaincre, du moins, au lieu de donner un scandale au public, lui fournit-on un bon exemple. :M. Richards proteste contre le sentiment de malveillance auquel j'ai attribué sa sortie contre nous; je crois clone qu'il a mal apprécié les faits et les causes ; mais alors qu'avait-il besoin, lui qui aime avec ardeur la liberté en Italie, cl'attaquar les dHenseurs de la liberté en France? Qu'avait-il besoin, pour venger les intrépides patriotes italiens, de jeter un blâme passionné sur les actes des patriotes français 7 Que nous 11ous soyons trompés on non, il ne peut nous croire !1lal intentionnés, pourquoi alors nous maltraiter si fort? A quoi bon parler comme nos ennemis et sans que rien 1 ni en donne sujet " des horreurs de notre première ré- ,. volution ? '' Est-ce que cette révolution ne fut pas un combat oil tous les partis, tous, usèrent des mêmes armes ? Peut-on, avec éc1uité,lui reprocher à elle seule des moyens que chacun déplore aujourd'hui, mais qui tenaient aux temps et dont les royalistes, je le r!'pète, se servaient comme les révolutionnaires ? Est-ce que ponr un homme vraiment libéral et sans préoccupations anti-républicaines, il n'y a eu que des nécessitl!s fatales dans notre première révolution? Est-ce que ses grande11rs magnifiques, ses aspirations sublimes, ses bienfaits, sa haine contre l'oppression, et les torrents de lumière qu'elle a versés sur le monde entier ne l'emportent pas sur tout le reste ? 11. Richards, cependant, qui a rappelé 93 sans y être amené par \\Il seul mot de nous, revient encore sur ce chapitre dans sa nouvelle lettre et il me demande si 93 11'apas été défendu par nous à la tribune. Oui, nous n'avons pas voulu laisser outrager les sauvems de la France délivrée, oui, nous avons dl!fendu 93 pour ses résultats, mais cela veut-il dire que nous soyons disposés à user desmêmes moyens? Mr. Richards qui cite le mot de Milton: "The people have a warrant ofGod to judge the wicked princes.'' approuve sans doute comme Milton la sentence de Charles Ier, cela veut-il dire qu'il soit prêt à voter la mort de la Reine Victoria? Il serait odieux de lui prêter cette pensée, pourquoi semble-t-il nous prêter une pensée analogue / Il me demande encore, si sous Louis Philippe la France a saigné par tous les pores comme sous la première révolution 7 Non, cela est vrai. Mais Louis Philippe, clemanclerai-je à mon tour, a-t-il eu constamment à se défendre contre ses enn·emis ùu dedans coalisés avec les ennemis de la France au dehors? Un second Pitt avait-il soudoyé l'Europe contre le roi citoyen? Son trône fut-il sans cesse menacé par une armée de Républicains émigrés l'attaquant à outrance au milieu des armées étrangères soudoyées par la Grande-Bretagne qui lui aurait déclaré la guerre sans aucune provooation do sa part ? Je ne prétends pas récriminer ici contre le pays qui nous donne une généreuse hospitalité; forcé de soutenir mon parti,j'en appelle simplement à ]•histoire. Au surplus, pourquoi la question de Mr. Richards si lui révolutionnaire en Italie, il ne devient pa'>tout-à-coup conservateur en France, grâce il des préjugés nadonaux? Parce que les Rêpublicaius respectent leurs gigantesques pères, est-ce une raison pour les juger sur une face du passé au lieu du présent. l\Ioi, je clisà 11r. Richards que sous Louis-Philippe les démocrates ont été traités avec une violence criminelle, sauvagement privês de la liberté de parler et cl 'écrire, arrêtés préventivement à la moindre rumeur eourant la ville, et torturés dans les cachots cellulaires lorsqu'ils étaient condamnés. Du jour au contraire oi) ils ont été les nnîlres, il n'est pas un de leurs persécuteurs qu'ils aient poursuivi. Encore une fois, le premier~acte des Républicains français le lendemain de leur victoire a Hé de renverser l'échafaud politique. -Pourquoi clone, si l'on n'est pas leur ennemi, rappeler des échafauds qui Haient d'ailleurs des représailles? Pourquoi en 1853 s'acharner à nous voir à travers 93 et non pas à travers 1848. J'insiste beaucoup sur ce point, Monsieur, et vous le comprendrez, car c'est en exploitant toujours le côté terrible de 93 que les royalistes, oublieux de leur 1815 et de leurs massacres de la rue Transnonain, excitent l'Europe il prendre mauvaise opinion de nous. Puissé-je ramener M. Richards à des vues plus vraies, j'rnrais l'espoir alors d'y ramener en même temps beaucoup d'autres Anglais. Mon antagoniste ne veut pas que je lui suppose de l'inimitié contre les Français, je ne demande pas mieux ; cependant, pour un homme impartial, n'est-il pas \111 peu trop instruit de tout ce qu'on a déblatéré à notre endroit? Selon Lord Brougham, dit-il, 11 en monarchie ou en rêpublique, le!l Frll.nçai&ne ~eront jamais L'HOMME. "libres,'' selon Alfieri " les Français ne $eront toujours que des "esclaves rebelles ou obéissants." C'est s'occuper de peu que de prendre le soin de réimprimer ces haineuses niaiseries, et tant que M. Richa:d~ n'_aurapas rour autorité des caractères plus solides et des espnts_moms versatiles qne Lord Brougham et Alfieri, il ne prouvera pas grand chose. Comment, après tout, traite-t-il parmi nous les hommes mêmes qu'il accepte, Victor Hugo, Lamartine, et moi dont il veut bien joindre, grâce à la circonstance, l'humble nom à ces noms retentissants? N011sne sommes guère quc de bons fous, des rêveurs de réalités possibles dans l'avenir.'' Le citoyen Ledru-Rollin peut se consoler de passer pour un " disturber of the cau!ileof liberty " aux yeux d'une personne qni ne voit clans les deux grands poètes que des rêveurs. Rêveurs! Est-ce bien le M. Richards des Italiens qui parle? Ne le sait-il pas? C'est là ce que tous les ennemis dn progrès ont toujours dit avec une feinte pitié de tous les amis du progrès qu'ils n'osaient pas insulter; c'est aussi ce que tous les hommes de faible volonté ont toujours dit des entreprenants. On l'a dit de Socrate, on l'a dit de Jésus-Christ, 0,1 l'a dit de Savonarola, et de mille autres; on le dira éternellement de tous les soldats avancés du bien, jusqu'au jour oi) le bien sera réalisé. Mais ce mot est dangereux, car les méchants et les égoï~tes s'en autorisent pour empoisonner, crucifier et brûler les rêveurs. Aristote appelait au~si des rêveurs les philosophes de son temps qui soutenaient que la société pouvait exister sans esclaves. Le monde serait encore dans les chaînes de la servitude antique si la liberté n'avait pas eu des rêveurs pour la proclamer et ]'affirmer au prix de leur sang. Mais quoi! M. Richards ne va-t-il pas jusqu'à reprendre cette vieille sentence de nos borne, : "La France n'est pas'mûre pour la liberté!" Qu'il me permette de le dire, ce langage est celui des rétrogrades de tous les temps. Par combien de phases révo1utionnaires diverses la Grande-Bretagne n'a-t-elle point passé, avant de gagner la souveraine liberté individuelle et la liberté illimitée de la presse qui font sa gloire, sa force et sa tranquillité, malgré, selon moi, ses institutions aristocratiques? Certains disaient aussi de \Viclef, de Hampden, de Foë, de Milton etc. qu'ils voulaient une liberté pour laquelle l'Angleterre n'était pas mûre ; on pendait les uns, on exilait, on mettait au pilori les autres en punition tle ce crime: la Jamaïque et l'Amérique du Nord furent peuplées cle nobles Anglais qui rêvaient "un présent impossible" Leurs efforts ont vaincu; leur patrie longtemps agit~, ensangla11tée par la lutte, jouit en paix et grandit à l'ombre des principes que ces perturbateurs ont posés. La France lutte encore, voilà toute la différence; die lutte encore, parce qu'elle a commencé sa ri!volution plus tard, parce qu'elle s'est malheureusement plus attachée à l'égalité qu'à la liberté de l'homme, surtout parce que sa position géographique l'a forcée d'avoir de ces grandes armées permanentes dont les despotismes ont pu se servir contre elle ; mais dire que la nation capable d'avoir sacrifié trois fois tous se• intérêts matériels et son généreux sang pour faire les révolutions de 1793, 1830 et 1848 n'est pas mûre pour l:i liberté, en vérité, n'est-ce pas la bien mal juger? Qu'est-ce que prouvent contre elle, contre ses instincts, contre ses véritables sentiments, et le 18 Brumaire, et la Restauration, et le Deux Décembre 7 Rien, sinon qu'elle a été vaincue par son immense arml!e perman,mte, comme l'Italie par les Autrichiens, ou• la Hong;rie par les Russes. L'ignoble et sanglant triomphe du 2 décembre tiendrait-il un jour sans les prétoriens qui campent, en vertu de l'obéissance passive, dans nos villes et clans nos places fortes, comme les Croates à Florence ou les troupes de la réaction à Rome? Ces lamentables accidents n'accusent pas plus an fond l'esprit de la nation française que le règne de Charles II, après Cromwe], n'accuse l'esprit de la nation anglaise. Ah certes, notre patrie supporte en ce moment un joug bien ignomineux, de même qu'elle a supporté au commencement du siècle un· despotisme bien dégradant. On le lui reproche avec un impitoyable durett!, et nous qui ressentons ces humiliations jusqu'au fond de l'âme, nous avouons que ce sont là des hontes dont elle aura peine à se laver dans l'histoire. Mais connait-on beaucoup de peuples qui aient échappé à ces fatalités? Rome n'a-t-elle pas supporté les Tarquins avant de s'en délivrer, n'a-t-elle pas supporté Claude l'imbécile avec Héliogabale le crapuleux? Ne voit-on pas, dirons-nous encore e:ins vouloir aller au delà de ce qu'il convient à notre position, ne voit-on pas le~ peuples les plus fiers de leur lïberté supporter ùes maux oi) ltur dignité, sans être aussi avant engagée, ne laisse pas que de souffrir? Le lion gaulois a d'incompréhensible sommeils, mais ses réveils éclatans qui ont oha']ue fois retenti jusqu'aux confins du monde prouvent assez qu'il est toujours le lion. Attendez, ne dites pas qu'il est mort. Revenons: à quelles hiconséquences :Mr. Richards n'est-il pas entraîné par des idées défavorables à notre égard 7 Ecoutez-le: "Je suis républicain de cœur et de principe, né sous une monar- " chie constitutionnelle qui ne m'opprime pas, je sens que je dois " mon hommage à une reine dont les vertus domestiques me ré- " concilie plus encore avec mon lot." Ainsi l\1r. Richards est républicain de cœur et de principe, seulement il ne fait rien pour réaliser son idéal, parce qu'il vit libre sous une reine reconnue universellement reconnue pour une honnête femme comme épous~ et comme reine. N ous,sous Louis-Philippe, nous étions "opprimés par la monarchie constitntionnelle,'' nous avions à la tête du gouvernement un malhonnête homme, un prince qui après avoir, pour gravir le trône, pris le titre de roi-citoyen et dit que la charte s~rait une vérité, fit de la charte un scandaleux mernwnge, reconstitua une aristocratie, confisqua toutes les libertés, publia le cléshonlll!Urd'une femme sa parente, rendit proverbiale la corruption de son gouvernement et provoqua enfin une révolution surnommée la révolution du mépris. Rien ùonc ne nou~ "réconciliait avec notre lot." Eh bien! Mr. Richards ne nous pardonne pas d'avoir renversé mi tel roi afin, nous Républicains comme lui, de vivre en Rl'publique ! Je discute longuement, Monsicm, et vousm'excuserez, j'espère. Si le débat n'avait lieu qu'entre 1fr. Richards et moi, il ne me paraîtrait pas, (ponr mon compte tlu moins,)mfü·iter tant de place dans votre honorable journal, mais je sais que les idées de votre correspondant sont celles de beaucoup d'Anglais, comme lui de bonne foi, comme lui amis de la liberté, mais comme lui aussi trompés sur notre compte et tenant les Français et surtout les Ri!publicains français pour des brouillons ingouvernables, ne ~achant ce qu'ils veulent. J c saisit. avec empressement une occasion naturellement :oftèrte de nous montrer sous un jour plus vrai, et je serais heureux de réussir ainsi à rectifier parmi les adversaires loyaux que nous avons dans ce pays des opinions erronées et funestes. Je ne regrette qu'une chose en voyant la tâche s'élever devant moi, c'est qu'elle ne soit pas échue à une main plus habile. Mais sous cette impression ma lettre s':lllonge au delù cles bornes, je m'arrêterai donc là et reprendrai demain, si vous le permettez, la fin de ma réplique. Agréez, je vous prie, Monsieur, l'assurance de ma gratitude et mes meilleures salutations. V. Sc11œLc11tm. MORTDEMIRABEAU. Elle approchait l'heure terrible! Bientôt la physionomie de Mirabeaq ne füt plus que celle d'un cadavre. Et alors, , justement, comme si la destruction de l'enveloppe terrestre eO.tcessé d'unir en lui ses souillures à la o-randeur de l'üme immortelle, il fut sublime par le cœur ef par la pensée. Il ~oul_utv?ir de près, aussi près de lui que possible, ceux qm lm étaient chers, léguant la pauvreté des uns à l'opulence des autres, les consolant· tous, et, tant. que l'usage de la parole lui resta, s'entretenant avec eux de la gloire, de l'avenir, cfala patrie, de la liberté. Entre l'Etre des êtres et lui, qu'avait-il besoin d'un intermédiaire officiel?_Le seul prêtre qu'il reçut fut l'évêque cl'Autuu, auquel il confia le soin de lire à la tribune un ùiscours de lui su_rl~s testamens. L'Angleterre le préoccupait; là, il le sentait bien, se formait le point noir par où la tempête s:annonce. " Ce Pitt, dit-il, est le ministre des préparatifs. Il gouverne avec ce dont il menace, plutôt qu'avec ce qu'il fait. Si j'eusse vécu, je lui aurais donné du chagrin." Si j'eusse vécu ! Il se consiùérai t en effet comme ayant cessé d'être, et l'on remarqua que pendant les deux derniers jours il ne parla de sa vie qu'au passé! Le 2 avril au matin il fit ouvrir ses fenêtres, et ùit à soi~ mé~ec!n d'une voix ferme : " Mon ami, je mourrai aUJOUrÙhm. Quand on en est là, il ne reste plus qu'une chose à faire, c'est de se parfumer, ùe s~ couronner de fleurs et ùe s'environner ùe musique, afin <l'entrer agréablement dans ce sommeil dont on ne se réveille plus." Le soleil brillait. Il ajouta : " Si, ce n'est point là Dieu, c'est du moins son cousin germain." Il demanda ensuite Je comte ùe La Marck, et mettant dans une de ses mains la main de Frochot : ·' Je le lègue à votre amitié." Puis il perdit la parole, ne répondant plus que par de légers signes aux larmes de ses amis, et n'ayant que le mouvement de ses lèvres pour les avertir de la douceur qu'il trouvait à leurs caresses. Vers huit heures, il fit le mouvement d'un homme qui veut écrire. On lui apporta une plnme, du papier, et il écrivit très-lisiblement dormir. C'était le mot d'Hamlet ! Il désirait avec ardeur ùe l'opium, et la par_olelui étant un moment revenue, il s'en servit pour se plamdre de ne pas voir son désir accompli. A huit heures et demie, debout et pensif au pied ùe sou lit, un autre métl.ecin qu'on avait appelé, put dire et dit : " Il ne souffre plus! " .......................................................... . . Les funé~ailles furent magnifiques. L'immense population ~e P~ns se pressait sur le passage du héros étrang~, pour pma1s endormi. Balcons, terrasses, toits ùes maisons, l:s arbres même, tout Hait chargé de peuple. Ce fut à crnq heures et demie du soir que le cortége s'ébranla. Fn détachement de cavalerie ouvrait la marche. Des canonniers de chacun des soixante bataillons, de vieux soldats blessés, _l'état-major de la garde nationale et Lafayette, une partie des Cent-Suisses, le clergé venaient ensuite, précédant le corps qui ;,'avançait entouré de grenadiers et porté par douze sergents. Le cœur était recouvert ù'une couro_nne de comte, masquée sous des flenrs ; un drapeau ~otta1t sur le cercueil. Par une condescendance singulière et caractéristique du temps, le président de l'Assemblée nationale avait voulu céder le pas au président et aux membres du club des Jacobins ; mais ils refusèrent, et se contentèrent de prendre place, au nombre de dixhuit cents, immédiatement après l'Assemblée, c'est-àdire a~a~t le département, avant la municipalité, avant les m1111stres, avant totttes les autorités constituées ! Bailly, m~lade, ne suivait pas le convoi ; Boni lié le suivit, son chapeau sur la tête. On y remarquait Sieyès donn~nt l~ bra~ à Lameth, auquel il n'avait pas parlé ùepuis d1x-hmt mois. Un homme avait refusé de consacrer par sa présence l~s égarements du génie : c'était Pétion. Après trois heures d'une procession solennelle, le cortège qui occupait un espace cle plus d'une lieue entra dans l'église Saint-Eustache, entièrement tendue d~ noir. Là, devant un sarcophage élevé au milieu du chœur, en ~rés~nce d'une ~ultitude recueillie, Cérutti prononça l oraison funèbre : 11y rappelait les grands noms de Montesquieu'. de_Fénélon, de Voltaire, de Rousseau, de l\fobly, et défimssa1_t en ces termes le r0le historique joué, après eux, par Mirabeau : "Mirabeau se dit : " Ils out créé la "lumière, je vais créer le mouvement." On se remit en marche. La nuit était descendue sur la ville ; et à la lueur agitée des torches, au roulement des tambours voilés, au bruit, tout nouveau, du trombonne et du tam-tam, instruments inconnus qui mêlaient aux chants lugubres composés par Gossec leur lamentatio11 sauvage et, sonore, l; convoi se traîna lentement jusqu'au Panthéon a travers l ombre des rues profo11des. . . . . . Moins de trois ans plus tarcl, le 27 novembre 1793, sur un rapport de Jose ph Chénier, et les })apiers trouvés dans l'armoire de fer sous les yeux, la troisième Assem- ~lée de la R_évoluti~n rendait ~n décret ~insi conçu : La Convention nationale, considérant qu'il n'y a poiut de grand. homm_e san_sv:rtu, ùécrète que le corps d'HonoréAGabnelle-Riquett1-M1rabeau sera retiré <luPanthéon français. Celui ùe Marat y sera transféré." Ce fut le 21 septembre 1794 seulement que cet ÜJPxorahle arrêt fut exécuté, mais enfin il le fut strictement froidement, an milieu de la solitude et ùu silence pendau; la nuit. Et mai_ntenant, il est quelque part, :ntre les ru:s Fer-à-Moulm, des Francs-Bourgepis, des Fossés, Samt-M~rcel et la place Scipion, une fosse sans nom que ~haq~e J~ur ~oule le passant distrait~ Là, tout près de l ancien cimetière de Clamart, le cimetiere des suppliciés, là sont les ce11dresde celui qui, dans un moment de triste~se divine, traça ces liines : fi Souvenei ..vous que la

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