Homme - anno I - n.05 - 28 dicembre 1853

1·espondance des départemens ), M. Louis Bonaparte, l'allié du Forein,q 0.fJice, aurait de nouveau demandé l'expulsion des refugiés-proscrits ou lem internement, et le ministre anglais n'aurait point 'refusé, comme gage d'alliance, le sµcrifice des victimes : M. Bonaparte, alors, v~endrait _à Lond,res, en grande tenue d'empereur! 11 y aurait plus dentente entre les deux politiques, et les deux flottes marcheraient plus vite et mieux à travers la Mer Noire. - et le prétexte, pour entraîner l'opinion assez jalouse de ses libertés et de son honneur, pour séduire les Communes où nulle administration n'a pied en ce moment et n'est certaine, tant les vag·ueset les coteries sont flottantes ? Rien de plus simple, en vérité : l'on accusera les réfugiés d'être en conspiration permanente : mais contre qui ? Le g·ouvernement anglais a-t-il jamais trouvé la propagande ou la main des proscrits, dans ses crises intérieures, dans ses débats politiques, dans ses intérêts nationaux ? Les a-t-il vus se mêler aux meetings publics, aux luttes ardentes des partis qui divisent ce royaume et prendre couleur ou porter bannière, au milieu des sectes nationales ? Certes, sur quelque point du monde qu'ils soient jetés, la relig·ion des proscrits n'abdiquera jamais : les convictions sérieuses ne connaissent pas les latitudes, et, la foi sincère ne monte ni ne baisse avec les thermomètres. Ainsi, quand ils ont connu l'Angleterre, les proscrits ont bien pu s'étonner de voir le premier peuple historique de la liberté constitutionnelle, traîner, encore, la chaîne féodale au fief des seigneurs, et subir des institutions politiques ou sociales qui laissent la richesse, le pouvoir, l'.empire aux mains des aristocraties liguées : ils n'ont pas vu sans douleur, sans pitié, l'Irlande aux abois, les campagnes affamées par le privilége des lords, le salaire des villes écrasé dans la mêlée furieuse des concurrences, le paupérisme gagnant toujours, comme l'ulcère, et, du cœur, ils ont suivi les partis ou les citoyens anglais qui cherchent à ce peuple de meilleures destinées : mais, encore une fois, quelle part ont-ils prise, publiquement, officiellement, à ces tentatives? queHe ligue économique, électorale ou religieuse, quelle propagande intérieure ont-ils servie? or, si toute accusation de cette espèce ne peut se défendre et tombe, au nom de quel principe, en vertu de quel droit frapperaiton des proscrits étrangers qui ne se sont jamais immiscés dans les affaires du pays ? Ou les lois britanniques ne sont qu'un mensonge, ou ceux qui les ont respectées doivent en être couverts : quand il ne faillit au premier, au seul devoir <lel'hospitalité reçue, la soumission aux lois, l'étranger proscrit doit être inviolable, et, jadis, chez les peuples barbares son droit était sacré. Mais, s'écrieront les vieux torys, grands puritains, comme chacun sait, en matière de droit des gens : ces hommes sont des bêtes fauves qui font de l'Ang·leterre un foyer de cons'pirations contre le continent, et le droit de nos alliés crie vengca11ce ! Eh bien, où sont les vaisseaux frétés par les conspirateurs? où sont les phalanges levées et les armes préparées ? où sont les faits qui dénoncent l'acte coupable, la conspiration flagrante? De ces conspirations, il y en eut une jadis, organisée, formée, conduite et payée en Angleterre, par un proscrit qu'elle avait admis à son foyer, et ce proscrit, qui de nouveau s'y réfugia plus tard sans être inquiété, c'était l'homme de l'échaufourée de Boulogne : c'était Louis-Napoléon Bonaparte! Voici quelques faits qui rappelleront aux Anglais et à leur ctllié du continent, cette expédition glorieuse. (iuant à la menace encore voilée qui pèse sm· nous, si la fou<lre-Lindurst éclate de nouveau, nous y reviendrons : EXPÉDITION DE BOULOGNE LES FAUX BILLETS DE L'ÉCHIQUIER. Aussitôt que l'expédition de Boulogne fnt conuue à Londres, le gouvernement anglais et les marchands de la Cité surtout nièrent toute participation à cette folie si dangereuse au milieu des complications d la question d'Orient. On accusa rl'abord lord Palmerston d'avoir favorisé cette entreprise en donnant audience au prétendant avant son départ. L'homme d'état anglais s'empressa de faire démentir cette assertion dans les journaux. La location du bateau à vapeur de Gravcsend qui avait débarqué les insurgés à Wimereux, impliquait plus gravement la Cité dans le complot bonapartiste, surtout quand on affirma que le nommé Rapallo, qui avait loué le bateau à vapeur et l'avait payé d'avance en cas de sinistr~, était membre de la Bourse de Londres. Le corps des agens de change et les négocians de la Cité s'empressèrent à leur tour de répunier toute liaison avec Rapallo et de constater que ce dernier était simplement ce qn'on nomme en France un courtia marron (] ). Il restait à expliquer cependant comment cet homme dans une position tout-à-fait précaire avait pu fournir au prétendant, notoirement à bout de ressources financières, les sommes considérables que nécessitait l'expédition; le hasard se chargea bientôt de découvrir l'origine des fonds avancés par Rapallo. Voici en quels termes le Jvlornin_qPost, journal anglais ar.heté depuis le 2 Décembre par l'ambassade française, commença par mettre sur la voie : " Il nous a été révélé de, curieuses circonstances sur "l'affaire de Boulogne. Le manbque Louis-Napoléon, " dont le nom vient encore de se produire d'une manière " si ridicule, n'a été autre chose, assure-t-on, dans cette " circonstance, qu'un malheureux instrument entre les " mains de certains aventuriers de la Bourse, .. Les cou- " pables spéculateurs dont ce jeune écervelé a été la dupe " avaient depuis quelque temps joué un jeu désespéré " dans les fonds espagnols ; ils ont voulu, dans la crise " actuelle tenter une expérience sur les consolidés, afin de " se récupérer de leurs pertes sur les fonds d'Espagne, de "là l'usage infâme qu'ils ont fait du jeune Napoléon (2)." Ce n'était là qu'une simple hypothèse; mais à la fin d'octobre 1841 on découvrit tout-à-coup qu'un grand nombre de bons de !'Echiquier, valeur correspondante aux bons du trésor français, se trouvaient en duplicata. MM. Masterman et Cie, aujourd'hui intéressés dans un grand nombre de chemins de fer en France, et promoteurs de cette singulière manifestation impérialiste qui a été désavouée par la Cité de Londres, s'aperçurent les premiers (3) de l'irrégularité de plusieurs bons de l'Echiquier en circulation. Une enquête ouverte immédiatement fit découvrir que ces bons avaient été volés à l'Echiquier par un des principaux employés de cette administration nommé Beaumont Smith, un des neveux de l'amiral ~idney Smith. Arrêté sur-le-champ, le coupable déclara que tous ces bons avaient été remis par lui entre les mains d'un nommé Râpallo, qui lui avait promis qu'ils seraient rachetés avant leur négociation à la Bourse. Il ajouta : " que Rapallo était en.gagédans l'expédition de Bonaparte contre la France, et que c'était lui qui avait loué le bateau à vapeur pour descendre à Boulogne." Sur cette déclaration, Rapallo, arrêté comme complice de Smith , répondit au magistrat qui l'interrogeait : " qn'il connaissait l'accusé " depuis longtemps; qu'il n'ignorait pas quelle était sa " position officielle, et qu'il savait que les bons qui lui , " étaient confiés par Smith n'étaient pas la propriété de ce "dernier (4)." Beaumont Smith, dans sa défense devant la Cour centrale criminelle, expliqua en ces termes comment il s'était trouvé engagé à émettre les titres falsifiés : " Des diffi- " cultés financières provenant d'une confiance mal placée, " mais ne dépassant pas quelques centaines de livres ster- " ling, m'ont exposé aux suggestions d'hommes qui m'en- " gagèrent à me libérer, en me servant, pour un court " délai, des bons de l'Rchiquier qui se trouvaient à ma " disposition. Je cédai à la tentation, sans atteindre le " but que je m'étais promis, et une fois dans les mains " du tentateur, il me fut impossible de m'en dégager. " Séduit, fasciné par des conseils diaboliques et des pro- " messes auxquelles je ne sus pas résister, ma situation " devint inextricable, et tandis qu'on obtenait de moi des "bons de l'Echiquier pour une somme énorme, je n'en " retirnis pas même l'argent nécessaire pour me libérer " des embarras insignifians qui m'avaient assailli d'abord." Beaumont fut condamné à la transportation à vie. Quant à Rapallo, retenu en prison jusqu'à la f.inde la session, il fut mis en liberté, après avoir été admis Queen's evidence, c'est-à-dire témoin à charge contre son co-accusé (5). Cependant cette grave affaire fut l'occasion de débats animés dans le parlement anglais. Il fallut indemniser les porteurs de boune foi des bons en circulation, et, dans la séance de la Chambre des Communes du 4 avril 1842, sit T. Wilde, qui avait été le défenseur de Smith, s'écriait: " J'ai raison de croire d'abord que Rapallo a encore entre "les mains ponr cent mille livres sterling de billets de la "même nature en sa possession. Dans ce cas, il me semble '· que la Chambre ne doit pas dire quelle marche elle en- " tend suivre, de crainte que Rapallo, prévùyant cette "msrche , n'engage des personnes à prendre ces billets. " La Chambre doit donc bien prendre garde, tout en se " mettant à même de rendre justice à certains porteurs " des billets dont les noms sont familiers à ce titre, que " d'autres ue se mettent en avant, et ne fondent de nou- " velles réclamations sur les billets encore en la possession "de Rapallo (6)." Il n'est pas douteux que les fameux dossiers du complot de Boulogne ne continssent la preuve que les billets étaient passés entre les mains du prétendant impérialiste, et c'est là ce qui explique l'acharnement avec lequel le nouveau président cle la République s'empressa de faire retirer des Archives et cle faire détruire ces docmnens compromettans. Tout le monde se rappelle que cette violation des Archives fut cause de la démission de M. L. de Malleville, devenu ministre de Bonaparte. (E:ctrait des Biographies Bonapartistes.) (1) Journal des Débats du 14 aoD.t J 840. (2) Moming-Post du 10 août 1840. (3) Observer du 31 octobre 184-1. (4) Observer, numéro du 7 novembre 1841, (5) Observer du 5 décembre 1841. ( 6) Hansard' s parliamentary Debates, volume 41. _Peuple lé~er ! disent du peuple français les esprits superfictels, en le voyant tour à tour sublime et to~1bé, aujourd'hui plein d'un glorieux délire, dem~m abattu, tantôt_emporté jusqu'à la licence, tantot co 1 mme endormi aux pieds d'un maître. "!:es,<letracteurs de la France ne se doutent pë1s qn 11 n y a e1_1ceci de léger qu'eux-mêmes. Si la France est hvrée au tourment d'une fluctuation perpétuelle; s'il lui est donné d'étonner la terre par t~_nt;_d'~spects divers et imprévus, c'est parce que l 1mtrnhve du progrès moral est en elle c'est parce qu'elle court héroïquement les ave~tures pour le compt~ du g·enre humain tout entie/ Lorsque, a~ prix de fatigues mortelles, elle se tr?uve. avo_1r?·emporté quelque magnanime victoire, s1, ba1gnee dans son sang· et épuisée, elle se couche un moment sur le bord du chemin pour reprendre des forces, les autres nations la montrent du doig't d'un air railleur, et elles aYancent avec calme, elles qui profitent du résultat sans s'être affaiblies par l'effort, en faisant honneur à leur propre sagesse de ce qu'elles doivent au dévouement du peuple précurseur et martyr. 11 est un flambeau ~ la lueur duquel tous les p~uples ma_rch~nt, qumque à pas inégaux, du coté de la JUs_tice;et comme il est porté à travers le~ tempêtes, il ne faut pas s'étonner si quelquefois, sous le souffle de l'aquilon, il vacille et semble prêt de s'éteindre. Or, c'est la France qui le tient, ce flambeau ! Louis BLANC. • Les lignes qu'on vient de lire, souvenir ·touchant à la patrie méconnue, sont signées d'un nom cher à ]~ démocrati~; nous publions en même temps le discours qui suit et qm a ~té prono:1cé sur u~e tombe : il est bon que les pensées iortes soient au lom entendues : elles battent le grand rappel, et notre petite tribune leur sera toujours ouverte, CITOYENS, La somn~e de nos mau_x s'accroît de jôur en jour. Infatigable dans ses !aches et fr01des fureurs, la proscription multiplie, d heure en he~re, auto_urde nous ~es compagnons de nos misères; la transportaFtJon contmue de dé~1mer nos familles ; les prisons, ouvertes en rance pour recevoir ceux qui nous sont chers se r 11 • ' remp 1ssent; esp10nnage nous a suivis sur cette terre étrangère où la calomnie nous avait précédés; à l'hospitalité qu'on nous accorde se 1?1Heu~e ~spèce de défiance qui nous rend plus amer encore le pam de l· exil; et, ponr comble de doule4r, voilà que nos cam~rades ton~bent un à un. Et à la suite de quelle agonie, grann. Dieu ! Celui que nous venons confier à cette fosse nous avons dû l'aller chercher à l'hôpital!. ..... Mais si les h;mmes meurent, la vérité, elle, ne meurt pas; et lorsque l'heure de son règne a sonné, le droit sait bien encore créer les instruments dont il a _besoin. Notre i!1fortune est au plus haut point sans doute ;_m~1s la grandeur meme de n~tre désastre prouve la force du prmc1pe que nous servons, pmsque abattus comme nous sommes, dépouillés, dispersés, vilipendés, nous entretenons dans les conseils de tous les souverai~s de l'Europe une inquiétude qui nous les montre sans cesse hésitants, au milieu cle Jeurs trésors e~ le~rs armées. Ah! c'est qu'ils s~ntent bien que toutes Jeurs victoires ne sont! au fond, q_uedes victoires de Pyrrhus, et qu'il y a dans nos doctrmes une puissance latente qui brave leurs efforts déjoue leur habileté, résiste à nos propres fautes, et se trouve êtr; d'essence immortelle. Oui, comme j'avais dernièrement occasion de le dire : ce que nous sommes est bien peu; ce que nous représe11to11s est immense. Or, ce qui tient l'Europe en suspens ce ' t ' ' n es pas ce 1ue nous .s?mmes, c est _ce que nous rep'résentons. • Que la mort nous v1s1tedonc aussi souvent qu'elle voudra: dussions nous périr tous jusqu'au dernier, la République, quand il en ~era temps_,n'aur~, comme Pompée, qu'à frapper du pied la_torre pour en faire sortir des soldats, et elle triomphera avec ou sans nous. Armons-nous donc du calme courage de la conviction plus glorieux que le courage gue:rier. Le malheur des temps, l'ignorance générale et la fourbene de ceux qui la font servir à leurs proj_etspervers, le rouvoir inhérent aux préjugés de vieille date, la difficulté des réformes, surtout, quand les :ibus il détruire occupent dans 1~vie sociale une large place et ont poussé clans Je passé cles racines profondes, tout cela met au premier rang <les vertus républicaines la sérénité et la patience. , Lai_ssez-moi_.mai?tenant, c!toyens, vous soumettre quelques reflex10ns relatives a la conclmte de notre parti dans la douloureuse situation qui lui été fai!e· ~l'.es ne, seront point déplacées au_b~rd de cette t~mbe. CeJm qu: v1en~d y descendre était républicain : ce sera I honorer que cl associer au suprême adieu que nous sommes venns lui dire la préoccupation des intérêts de cette République pour laquelle il a vécu et pour laquelle il est mort. La République, ai-je dit, triomphera en tout état de cause même sa~s nous ; mais i~nous es~ commandé de ne rien néglie; de ce qm peut pousser a son tnomphe. Or, pour nous, la première condition du succès, c'est l'entente des volontés et Je concert des efforts. , Je ne s~i.s certes pa~ de ceux qui, sacrifi~11t aux prescriptions d une politique vulgaire, mettent la conscrnnce au nombre des ch~ses qui SOJ~mt ~tiè~·e à tra?s.action; je ne suis pas de ceux qui croient que I hab1lete, la ver1table et grande habilité se peut ~rouver hors ~e la li~ne droit~. L:Union, je le sais, ne doit pas etre la confusion, et 11est puénl d attacher une importance décisive à la pratique des baisers-Lamourette. Je vais plus Join: par sa nature même, la rr,cherche de la vérité implique, si elle est sincère, une certaine diversité de points de vue, en ce qui touche les meilleurs moyens <l'atteindre le but qne tous doivent vouloir d'une commune ardeur. Il y a aussi, il faut bien le dire dans oe qui nous_fait républicains, je ne sais quoi ~•énergique et 'c1•unpeu rude, qm s'accommode mal des compromis; et quant à moi au. tant que qui que ce soit :rn monde, je comprends -et j'honor; les susceptibilités d'une conviction impérieuse, les ombrao-es d'une âme virile. Mais si le principe de ces susceptibilités ;st hono. rable, il n'en est pas moins nai que leur excès peut devenir une c_aused'imp_ui~~ance. Si ces om~rages ~•ont, rien que le patriotisme répudie, 11n'en est pas moms vrai, qu e:i.:agéréset revêtus de formes trop acerbes, ils sont de nature à semer le découra-

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