Homme - anno I - n.05 - 28 dicembre 1853

-SCIENCE.~ -SOLIDARITEJOURNALDELADEMOCRATIUENIVERSELLE. N° 5. - MERCREDI, ~S DÉCEMBRE ]Sii,'L CALOMNIES. I. Lorsqu'en un pays g·énérenx, iutcll~gcnt _d fier, une tyrannie vient à s'dahlir par surprise, v10lcnee ou rnse, l'àme <lu penple-victjme est longfemps difficile à réduire, à dompter: l'espbnmce et le souvenir veillent à son chevet <letristesse et <leprison. Le cœnr reste entier au milieu des servitudes, et le tyran n'ose croire à sa fo1:tu11e: il ~ peur <l 1 e ses victoires que traîne un s1 grand stlence ! Contre cette révolte intérieure, qu'attisei'it les secrets mépris, les pitiés, les haines, toutes le~ forces ~t. 1ous les glaives s'ébrèchent: armée, police, adm1mstration, justice vendue, rien ;1'y f~it, et, mieux ~1,!C dans les catacombes, la RevolutLOn couv_eubntee dans la conscience humai.ne. Pour atteindre rettè terrible ennemie, - la Conscience -qui se 11romène dans tout l'empire, ' I"' • ' l l invisible, silencieuse, farouche, on essme du >on des fêtes : on la convie aux parades publiques, aux. tournois, aux jeux, comme autrefois à Rome ; on démolit des villes, on bâtit des palais, on ouvre des places babyloniennes; mais la veuve _du droit, en • grand deuil, reste aux échoppes, derrière les bornes, à l'nngle des bastilles,. gnettant les martyn:, üU bien elle s'en va se sonvenff dans les g-ran<lscimetières, et César reste seul eJJ st>scarrousel.,, ! La corruption impuissante, la curiosité vairîcue, l'on revient alors à la violence, à la vi@lence qni fait la peur; on arr&te, on emprisonne, on fait pleurer les ao-onies, on tue dans l'ombre, on dresse les échafauds , ces trônes où le sang fait pourpre, et l'on attend que les têtes :i:'inclinent effar{!es : mais la conscience vient sous ses blouses à ces autres fêtes impériales et s'y retremp_e : elle recueille les noms des martyrs, comme cenx des bourreaux, et se retire, morne, implacable, laissant César à ses gémonies! Violence et fOlTU.ption,servantes du crime, que ne vous a-t-on pas demandé dans ces jours sombres, et que n'avez-vous pas tenté contre la misère, contre la douleur, contre la faiblesse et la pitié ! vous êtes revenues, pourtant, les mains pï"esque vides : vos ouragans, pas pl us que vos filets, 11' ont pu troubler le fond des Paux limpides : vous n'avez pris que des cadavres ! II. Quand on n'a pu séduire, ni briser ; quand la terreur aux grandes ailes s'est en vain aùattne snr les villes et sur les chaumes, tandis que la corrnption, couleuvre aux écailles d'or, se glissait à tous les foyers, irritant les besoii1set les convoitises; quand on n'a pu faire tomber cette g·ran<lecifadeJ!e qui a nom la Conscience humaine, ni sous les boulets, ni sous les fleurs, que foire? Dans la famille des monstres qui gouvernèrent, jadis, l'univers-romain, il y avait aux cuisines une vieille femme, sombre Hébé de la mort, et qui s'appelait de ce nom charmant, Locuste: c'étuit comme le serpent familier de la maison. Lorsque, à la suite dc,s org·ies, le sommeil impérial était troublé par les souvenirs amers ou les' craintes farouches, on appelait Locuste, on lui donnait tout bas les noms des spectres im~ortuns, et, le lendemain, tel ou tel sénateur, tel ou tel consul, ou prince héritier était mort empoisonné dans son festin: les roses elle-mêmes faisaient la besogne! dans cet heureux temps, la hache des licteurs, les présents de Locuste et la largesse au peuple administraient le monde : c'était, comme on le voit, le gouvernement à bo11 marché. Mais, aujourd'hui, ce n'est plus seulement une ambition rivale, un Brita11nicus, un prince héritier ou prétendant qni gêne les nouveaux Césars, c'est toute une civilisation qu'on ne peut empoisonner à l'amphore, à la fleur : les idées, qui sont pm·tout et 11ullepart, les natio11srebelles et qui se renouvellent sans cesse, les peuples devenus partis, religions, systèmes,.tout cela ne peut disparaître eu une ,mit, comme un groupe de sénateurs : il fallait donc 'l'oulc~ lettres et co:Tcsponda,1cci, clofrr,1t ût1·caffr~nchi~s <'t adrc-~ée~ a11 hnreau <lel'Immimcric Univer 0 rllc à Sûntll élier (Jersry), 1!), Dorset S,1:cct.-Les 111:rnu crits Mposés ne seront pas rrn<lus. avoir mieux que Locuste, et ..... l'on a trouvé la Calomnie! Ma;·clrnnt clan~l'ombre avc(· fa Dl,lation, s,t sœur, e:le va partout, ·c'.t. outo heure, réi.:111<hntses poiso11s, g-uc?tallt et g·ln;;Îf.sant C0lll,'~1~! lù hiôno, par- , ~, t· ••. .. . '' l' · la11t u 1a emmc. ()Ul ne s._,1t g el'G, à t'nfant qm ne snit pas, Hn vieilh~r<l ql,j fr0mh!e 1a peul', !cnta11t l'intérêt, l'ignonm;.:e, la misère, b convoitise, et cela sons toas les masque:;, sous la ;_·obc<lu prêtre, sous l'!iermiiie dn jt:gc, sons la toque de l'avo:::8t, sou:; les pcr;·uques et sous les Billlar:.-PsQ. u'importent les cheminf; et les déguisements? Elle a marqué, sonil!é, co1::1promi.; les idées qu'o:1 ;·e<loute; elle u s1g11:.1lé0s têtes enucmies, et, si les hommes n' C'H meurent pas pbs que les i<lées, la tyrannie, du moins, e11 vivra quelyue temps! L<rnis Bonaparte, an milien de ses ambitions, de ses rêves et de ses crimci,, a comµris lé! terrible puissm1ce de l'Empoisornwusc am, cc:1t philtres : il l'a donc cmbauch!'.~P,caressée, doîée sur sa cassette présiden,tiellc, d'abord, et puis, sur sa liste civile <'l 1 i • 'd' ' ' empereur-gwuLOJl: aussi, pns ulle 1 ee genercuse, pas un !:omm,! cher au puys, 1ws un caractère, pas un dévouement qui n'ait été dénoH<:é, marqué, flétri : c'est la curée des eorheaux, et .Bonaparte leur a fait le champ libre, la müt heureuse ; cur, dans la France fermée comme un bagne, ils peuveut eroasser en plein sile11c<e"t dépéc0r les libertés mortes, les gloires exiîées on captivei;: la Calonrnie a sou s~:bbat ! III. A quoi se r~duit, pourtant, tout ePt orage qui nous a fermé le ciel de la patrie, et qu'y a-t-1! au fond de toutes ces haiues -~ Deux graudes accu'Sâlions ont été portées et répandues contre la République : l'une frappait ses phalanges ré,olutionnaireg qui devaient ::w premier triomphe organiser la terreur, incendier les carnpa- /J;ne:;;,ensanglanter les ,il!es et fonder, comme Louis XI, le g·ouvernement du bourreau; l'autre frappait ses phalanges socinlistes qui <levaient piller le trésor et les banques, dépouiller les riches, déYaster les musées, mettre la civilisation, sa riches..;e, ses arts en fonrrièrf', Ol!, co;nme 011 <lisf!it, E'H Icarie, et toutes ces ruines éta11t foite~:, mx,rniser à l •, , f' • '-.!! r 11onveun a soc1ete nrnç?1se en o:::> og-ne tr:,ternelle. 'i 1cl sont, ù , rai dire, et comme résnmé S!1c_ci11ct, les deux parties de la. grande catilinaire qu'on a prêchée depuis 9uatre ans, contre la République, dans toutes les chaires et <lu haut de toutes les tribunes, au corps-de-g·arde, au confa:;sional, au salon, dans les journaux et les acadér,1ies. Eh bien! allons au monstre ù deu'C têtes : quelle est la doctrine par cxcelleHce; quel est le principe essentiel, fo11<lamena1l des répuhlicaii1s-sociu !istesrévoluüo:inaires ou révolniio;!rn.1Îr<'S<1tîci;-il:s1e:; '? C'est la praùp1e ab:-;o:ue dn d:·cit dai1s la vie sociale, où les relations ne doi\'(~llt. jarn<1is e11trnîue.· servitude; c'est le respect des t'~g-aux, c'('st le devoir des frères; c'e.,î: l''.1niobhilité ùo la vie humaine qui, lorsqu'elle a foil!i, peut tonjours s'amender; e'est enfin la justice pra:iq11<' 0 e dans lu liberté , ivante : cela ne s'appelle pas, il est vrai, mouarchie bourgeoise, monarchie de droit <li, i11, empire; cela n'a pas pc,11' étoiies ii. son ciel, des rl'roplong, des Baroche et des Saint-A rna11d; mnis l'esprit <lela Fnwce est, voilà ce11taos, tout entiel' dans C'ette ligne, ses rh oh1tim1sle pronv(;l1t; et, depuis les philosophes du c1ix-liu;lième siècle, jusqu'aux focialistes de ce temps, t'll passant par rl'urgot et Condorcet , la chaîne des i<lées so euntiHue, plong-ea11tparfois et dispmaissallt, aux l1e11res de la persécution, comme le lii t'-lectr,qt1c au fond des eaux, mais sans jamais se rnmpre ni se pei·dre au:,;. ahyrnes. . 'Poute la doctrine répu°!)fü:uine,histoire et tliéorie, principes et logique, c;:;t imprégnée <le ces g·rands se11timens : si elle n'6tai:. pa:~ainsi, elle u'aurait pas de raison d'être, elle iw serait p,is: car, ~1près,out, à quoi bon la l:tépublique, coutrncliction fü1 6 r<1nte ' du privilége et de l'assassinat, si l'on ne devait que On s'abonne: à Jersey, 19, Dorset st. à l'Imprimerie universelle; à Londres, 50}. Great Qneen st. Lineoln's-Inn-Ficlds, à. la Librairie universcllc.-PRIX DE 1,' ABON:,/EMF:NT : un an, 8 shil. ou 10 fr.-G mois, 4 sh. ou 5 fr.-3 mois, 2 sh. ou 2 fr. 50 c. mutiler, abrutir, crétiniser et tuei-, ainsi que le font si bien les empires et les monarchies? pourquoi changer les Denys, si l'on devait resttir aux carriùres? Tout notre passé, dans ses philosophies et dans ses propag·ande~, s'élève doue contre les calomnies infùmes sous lesquelles on a voulu nous ensevelir; et nos actes eux-mêmes ne font-ils µas la preuve, ne rendent-ils pas témoignage? En Février, ils tremblaient tous, roi qui partait en coche, banquiers transis derrière le coffre-fort, prêtres balbutiant la messe po:ir les martyrs, grandB propriétaües, juges immondes, bourgeois effarés se cachant sous la cocarde; or, qu'a fait le peuple, lem maître à tous~ en cette crise qui les faisait pâlir ? il a démoli le trône, brtr lé l'échafauJ et gardé ses blouses. C'est que <le g·énération eu généra(io11, d'effort en effort, il s'était élevé vers l'idéal, et qu'en lui tout rayon qui le frappe fait lumière, toute vérité qui le traverse fait consèience ! La calomnie contre les révolutionnaires, tueurs éternels et Trislans de l'échafaud, n'est donc qa'une misérable embûche, une séduction, une perfidie pour entraîner contre le droit et son g·ouvernement, les âmes faibles, les préjugés faciles, les couardises, les priviléges, les peurs. Ce qui est vrai, c'est que la Révolution, qui peut seule nous rendre la république, sera défendue par nous tous et poussée n1illamment; c'est <.jUe l'état de g-uerre qu'on nous a fait aura ses nécessités, jusqu'au triomphe, e~ que ce qui nous reste <le vie, de sang- et de forces y passera : on ne prend p~1sles bastilles avec des chansons et les balles ap • pellent les balles! Quant aux socialistes-purs, c'est-à-dire aux idées qu'ou a tant traquées et poursuivies, que valent toutes les calomnies répandues et contre les systèmes et contre les hommes? Que demandent-ils que ne puisse et que ne doive accorder une civilis<l:tionbien réglée? Veulent-ils confisquer les patnes, escalader les gouvernements, républiques ou monarchies'? Ils demandent le droit de propag·ande; ils veulent escalader la liberté! - et nous serons toujours avec eux, derrière eux, contre ces deux grandes lèpres, ignorance et misère : bien com-· prise, d'ailleurs, la liberté pour nous est toute la Révolution. • CHARLES RIBEYROLLES. 1 ' 1·ANGtE'J'ERRE }:TLESRJiFUGH~S. Le Parlement anglais retentit, il y a trois ans, d'acensations violentes portées contre les exilés de tous les pays que les échecs momentanés de la Révolution avaient jetés dans les trois Royaumes. La chambre des Lords, comme toujours, fi.teutendre le premier cri de haine, répété le lendemain par tous les org·anes de l'aristocratie, et ce ne fot pas la faute de lord Lin<lurst et de ses pairs, si I' Alien Bill re11ouvel~ ne donna plein pouvoir au gouver11ement cl' expulser à l'heure, selo11son caprice et sa fa111aisie. Nous 11e répéterons pas les insolences de forme qui, soit dans la presse,. sojt dans le Parlement, sig·11alère11ctette attaque _aumalheur : car les magnifiques dédains de quelques vieux dandys inconnus épelant à la tribune certains uoms qui remplissent l'his1oire contemporaine, ces mépris superbes des illustres à la façon Li11durst étaient une bouffonnerie fort innocente et qui ne pouvait compter. Mais sous l'insulte impuissante, il y avait le fait sérienx, c'est-à-dire un appel <li:'~~t è h,, force contrn les désarmés cle toutes Jes patries VfüHH1t de tous les points de l'Europe demander à 1'Ang·leterrc le droit <l'asile et la protection de sejj lo;FJ. Devant les répugnauces de la chambre clesCommunes et ks é11ergies soulevées de l'opinion publique::au dcl1ors, la tentative échoua, cette fois, et le ~;ouvernenrnut laissa tomber la prnµo&itim!-lfoclurst. Mais, aujourd'hui, s'il faut encroirecertaiuescon:fi- <lences émanées de l'administration française (Cor-

1·espondance des départemens ), M. Louis Bonaparte, l'allié du Forein,q 0.fJice, aurait de nouveau demandé l'expulsion des refugiés-proscrits ou lem internement, et le ministre anglais n'aurait point 'refusé, comme gage d'alliance, le sµcrifice des victimes : M. Bonaparte, alors, v~endrait _à Lond,res, en grande tenue d'empereur! 11 y aurait plus dentente entre les deux politiques, et les deux flottes marcheraient plus vite et mieux à travers la Mer Noire. - et le prétexte, pour entraîner l'opinion assez jalouse de ses libertés et de son honneur, pour séduire les Communes où nulle administration n'a pied en ce moment et n'est certaine, tant les vag·ueset les coteries sont flottantes ? Rien de plus simple, en vérité : l'on accusera les réfugiés d'être en conspiration permanente : mais contre qui ? Le g·ouvernement anglais a-t-il jamais trouvé la propagande ou la main des proscrits, dans ses crises intérieures, dans ses débats politiques, dans ses intérêts nationaux ? Les a-t-il vus se mêler aux meetings publics, aux luttes ardentes des partis qui divisent ce royaume et prendre couleur ou porter bannière, au milieu des sectes nationales ? Certes, sur quelque point du monde qu'ils soient jetés, la relig·ion des proscrits n'abdiquera jamais : les convictions sérieuses ne connaissent pas les latitudes, et, la foi sincère ne monte ni ne baisse avec les thermomètres. Ainsi, quand ils ont connu l'Angleterre, les proscrits ont bien pu s'étonner de voir le premier peuple historique de la liberté constitutionnelle, traîner, encore, la chaîne féodale au fief des seigneurs, et subir des institutions politiques ou sociales qui laissent la richesse, le pouvoir, l'.empire aux mains des aristocraties liguées : ils n'ont pas vu sans douleur, sans pitié, l'Irlande aux abois, les campagnes affamées par le privilége des lords, le salaire des villes écrasé dans la mêlée furieuse des concurrences, le paupérisme gagnant toujours, comme l'ulcère, et, du cœur, ils ont suivi les partis ou les citoyens anglais qui cherchent à ce peuple de meilleures destinées : mais, encore une fois, quelle part ont-ils prise, publiquement, officiellement, à ces tentatives? queHe ligue économique, électorale ou religieuse, quelle propagande intérieure ont-ils servie? or, si toute accusation de cette espèce ne peut se défendre et tombe, au nom de quel principe, en vertu de quel droit frapperaiton des proscrits étrangers qui ne se sont jamais immiscés dans les affaires du pays ? Ou les lois britanniques ne sont qu'un mensonge, ou ceux qui les ont respectées doivent en être couverts : quand il ne faillit au premier, au seul devoir <lel'hospitalité reçue, la soumission aux lois, l'étranger proscrit doit être inviolable, et, jadis, chez les peuples barbares son droit était sacré. Mais, s'écrieront les vieux torys, grands puritains, comme chacun sait, en matière de droit des gens : ces hommes sont des bêtes fauves qui font de l'Ang·leterre un foyer de cons'pirations contre le continent, et le droit de nos alliés crie vengca11ce ! Eh bien, où sont les vaisseaux frétés par les conspirateurs? où sont les phalanges levées et les armes préparées ? où sont les faits qui dénoncent l'acte coupable, la conspiration flagrante? De ces conspirations, il y en eut une jadis, organisée, formée, conduite et payée en Angleterre, par un proscrit qu'elle avait admis à son foyer, et ce proscrit, qui de nouveau s'y réfugia plus tard sans être inquiété, c'était l'homme de l'échaufourée de Boulogne : c'était Louis-Napoléon Bonaparte! Voici quelques faits qui rappelleront aux Anglais et à leur ctllié du continent, cette expédition glorieuse. (iuant à la menace encore voilée qui pèse sm· nous, si la fou<lre-Lindurst éclate de nouveau, nous y reviendrons : EXPÉDITION DE BOULOGNE LES FAUX BILLETS DE L'ÉCHIQUIER. Aussitôt que l'expédition de Boulogne fnt conuue à Londres, le gouvernement anglais et les marchands de la Cité surtout nièrent toute participation à cette folie si dangereuse au milieu des complications d la question d'Orient. On accusa rl'abord lord Palmerston d'avoir favorisé cette entreprise en donnant audience au prétendant avant son départ. L'homme d'état anglais s'empressa de faire démentir cette assertion dans les journaux. La location du bateau à vapeur de Gravcsend qui avait débarqué les insurgés à Wimereux, impliquait plus gravement la Cité dans le complot bonapartiste, surtout quand on affirma que le nommé Rapallo, qui avait loué le bateau à vapeur et l'avait payé d'avance en cas de sinistr~, était membre de la Bourse de Londres. Le corps des agens de change et les négocians de la Cité s'empressèrent à leur tour de répunier toute liaison avec Rapallo et de constater que ce dernier était simplement ce qn'on nomme en France un courtia marron (] ). Il restait à expliquer cependant comment cet homme dans une position tout-à-fait précaire avait pu fournir au prétendant, notoirement à bout de ressources financières, les sommes considérables que nécessitait l'expédition; le hasard se chargea bientôt de découvrir l'origine des fonds avancés par Rapallo. Voici en quels termes le Jvlornin_qPost, journal anglais ar.heté depuis le 2 Décembre par l'ambassade française, commença par mettre sur la voie : " Il nous a été révélé de, curieuses circonstances sur "l'affaire de Boulogne. Le manbque Louis-Napoléon, " dont le nom vient encore de se produire d'une manière " si ridicule, n'a été autre chose, assure-t-on, dans cette " circonstance, qu'un malheureux instrument entre les " mains de certains aventuriers de la Bourse, .. Les cou- " pables spéculateurs dont ce jeune écervelé a été la dupe " avaient depuis quelque temps joué un jeu désespéré " dans les fonds espagnols ; ils ont voulu, dans la crise " actuelle tenter une expérience sur les consolidés, afin de " se récupérer de leurs pertes sur les fonds d'Espagne, de "là l'usage infâme qu'ils ont fait du jeune Napoléon (2)." Ce n'était là qu'une simple hypothèse; mais à la fin d'octobre 1841 on découvrit tout-à-coup qu'un grand nombre de bons de !'Echiquier, valeur correspondante aux bons du trésor français, se trouvaient en duplicata. MM. Masterman et Cie, aujourd'hui intéressés dans un grand nombre de chemins de fer en France, et promoteurs de cette singulière manifestation impérialiste qui a été désavouée par la Cité de Londres, s'aperçurent les premiers (3) de l'irrégularité de plusieurs bons de l'Echiquier en circulation. Une enquête ouverte immédiatement fit découvrir que ces bons avaient été volés à l'Echiquier par un des principaux employés de cette administration nommé Beaumont Smith, un des neveux de l'amiral ~idney Smith. Arrêté sur-le-champ, le coupable déclara que tous ces bons avaient été remis par lui entre les mains d'un nommé Râpallo, qui lui avait promis qu'ils seraient rachetés avant leur négociation à la Bourse. Il ajouta : " que Rapallo était en.gagédans l'expédition de Bonaparte contre la France, et que c'était lui qui avait loué le bateau à vapeur pour descendre à Boulogne." Sur cette déclaration, Rapallo, arrêté comme complice de Smith , répondit au magistrat qui l'interrogeait : " qn'il connaissait l'accusé " depuis longtemps; qu'il n'ignorait pas quelle était sa " position officielle, et qu'il savait que les bons qui lui , " étaient confiés par Smith n'étaient pas la propriété de ce "dernier (4)." Beaumont Smith, dans sa défense devant la Cour centrale criminelle, expliqua en ces termes comment il s'était trouvé engagé à émettre les titres falsifiés : " Des diffi- " cultés financières provenant d'une confiance mal placée, " mais ne dépassant pas quelques centaines de livres ster- " ling, m'ont exposé aux suggestions d'hommes qui m'en- " gagèrent à me libérer, en me servant, pour un court " délai, des bons de l'Rchiquier qui se trouvaient à ma " disposition. Je cédai à la tentation, sans atteindre le " but que je m'étais promis, et une fois dans les mains " du tentateur, il me fut impossible de m'en dégager. " Séduit, fasciné par des conseils diaboliques et des pro- " messes auxquelles je ne sus pas résister, ma situation " devint inextricable, et tandis qu'on obtenait de moi des "bons de l'Echiquier pour une somme énorme, je n'en " retirnis pas même l'argent nécessaire pour me libérer " des embarras insignifians qui m'avaient assailli d'abord." Beaumont fut condamné à la transportation à vie. Quant à Rapallo, retenu en prison jusqu'à la f.inde la session, il fut mis en liberté, après avoir été admis Queen's evidence, c'est-à-dire témoin à charge contre son co-accusé (5). Cependant cette grave affaire fut l'occasion de débats animés dans le parlement anglais. Il fallut indemniser les porteurs de boune foi des bons en circulation, et, dans la séance de la Chambre des Communes du 4 avril 1842, sit T. Wilde, qui avait été le défenseur de Smith, s'écriait: " J'ai raison de croire d'abord que Rapallo a encore entre "les mains ponr cent mille livres sterling de billets de la "même nature en sa possession. Dans ce cas, il me semble '· que la Chambre ne doit pas dire quelle marche elle en- " tend suivre, de crainte que Rapallo, prévùyant cette "msrche , n'engage des personnes à prendre ces billets. " La Chambre doit donc bien prendre garde, tout en se " mettant à même de rendre justice à certains porteurs " des billets dont les noms sont familiers à ce titre, que " d'autres ue se mettent en avant, et ne fondent de nou- " velles réclamations sur les billets encore en la possession "de Rapallo (6)." Il n'est pas douteux que les fameux dossiers du complot de Boulogne ne continssent la preuve que les billets étaient passés entre les mains du prétendant impérialiste, et c'est là ce qui explique l'acharnement avec lequel le nouveau président cle la République s'empressa de faire retirer des Archives et cle faire détruire ces docmnens compromettans. Tout le monde se rappelle que cette violation des Archives fut cause de la démission de M. L. de Malleville, devenu ministre de Bonaparte. (E:ctrait des Biographies Bonapartistes.) (1) Journal des Débats du 14 aoD.t J 840. (2) Moming-Post du 10 août 1840. (3) Observer du 31 octobre 184-1. (4) Observer, numéro du 7 novembre 1841, (5) Observer du 5 décembre 1841. ( 6) Hansard' s parliamentary Debates, volume 41. _Peuple lé~er ! disent du peuple français les esprits superfictels, en le voyant tour à tour sublime et to~1bé, aujourd'hui plein d'un glorieux délire, dem~m abattu, tantôt_emporté jusqu'à la licence, tantot co 1 mme endormi aux pieds d'un maître. "!:es,<letracteurs de la France ne se doutent pë1s qn 11 n y a e1_1ceci de léger qu'eux-mêmes. Si la France est hvrée au tourment d'une fluctuation perpétuelle; s'il lui est donné d'étonner la terre par t~_nt;_d'~spects divers et imprévus, c'est parce que l 1mtrnhve du progrès moral est en elle c'est parce qu'elle court héroïquement les ave~tures pour le compt~ du g·enre humain tout entie/ Lorsque, a~ prix de fatigues mortelles, elle se tr?uve. avo_1r?·emporté quelque magnanime victoire, s1, ba1gnee dans son sang· et épuisée, elle se couche un moment sur le bord du chemin pour reprendre des forces, les autres nations la montrent du doig't d'un air railleur, et elles aYancent avec calme, elles qui profitent du résultat sans s'être affaiblies par l'effort, en faisant honneur à leur propre sagesse de ce qu'elles doivent au dévouement du peuple précurseur et martyr. 11 est un flambeau ~ la lueur duquel tous les p~uples ma_rch~nt, qumque à pas inégaux, du coté de la JUs_tice;et comme il est porté à travers le~ tempêtes, il ne faut pas s'étonner si quelquefois, sous le souffle de l'aquilon, il vacille et semble prêt de s'éteindre. Or, c'est la France qui le tient, ce flambeau ! Louis BLANC. • Les lignes qu'on vient de lire, souvenir ·touchant à la patrie méconnue, sont signées d'un nom cher à ]~ démocrati~; nous publions en même temps le discours qui suit et qm a ~té prono:1cé sur u~e tombe : il est bon que les pensées iortes soient au lom entendues : elles battent le grand rappel, et notre petite tribune leur sera toujours ouverte, CITOYENS, La somn~e de nos mau_x s'accroît de jôur en jour. Infatigable dans ses !aches et fr01des fureurs, la proscription multiplie, d heure en he~re, auto_urde nous ~es compagnons de nos misères; la transportaFtJon contmue de dé~1mer nos familles ; les prisons, ouvertes en rance pour recevoir ceux qui nous sont chers se r 11 • ' remp 1ssent; esp10nnage nous a suivis sur cette terre étrangère où la calomnie nous avait précédés; à l'hospitalité qu'on nous accorde se 1?1Heu~e ~spèce de défiance qui nous rend plus amer encore le pam de l· exil; et, ponr comble de doule4r, voilà que nos cam~rades ton~bent un à un. Et à la suite de quelle agonie, grann. Dieu ! Celui que nous venons confier à cette fosse nous avons dû l'aller chercher à l'hôpital!. ..... Mais si les h;mmes meurent, la vérité, elle, ne meurt pas; et lorsque l'heure de son règne a sonné, le droit sait bien encore créer les instruments dont il a _besoin. Notre i!1fortune est au plus haut point sans doute ;_m~1s la grandeur meme de n~tre désastre prouve la force du prmc1pe que nous servons, pmsque abattus comme nous sommes, dépouillés, dispersés, vilipendés, nous entretenons dans les conseils de tous les souverai~s de l'Europe une inquiétude qui nous les montre sans cesse hésitants, au milieu cle Jeurs trésors e~ le~rs armées. Ah! c'est qu'ils s~ntent bien que toutes Jeurs victoires ne sont! au fond, q_uedes victoires de Pyrrhus, et qu'il y a dans nos doctrmes une puissance latente qui brave leurs efforts déjoue leur habileté, résiste à nos propres fautes, et se trouve êtr; d'essence immortelle. Oui, comme j'avais dernièrement occasion de le dire : ce que nous sommes est bien peu; ce que nous représe11to11s est immense. Or, ce qui tient l'Europe en suspens ce ' t ' ' n es pas ce 1ue nous .s?mmes, c est _ce que nous rep'résentons. • Que la mort nous v1s1tedonc aussi souvent qu'elle voudra: dussions nous périr tous jusqu'au dernier, la République, quand il en ~era temps_,n'aur~, comme Pompée, qu'à frapper du pied la_torre pour en faire sortir des soldats, et elle triomphera avec ou sans nous. Armons-nous donc du calme courage de la conviction plus glorieux que le courage gue:rier. Le malheur des temps, l'ignorance générale et la fourbene de ceux qui la font servir à leurs proj_etspervers, le rouvoir inhérent aux préjugés de vieille date, la difficulté des réformes, surtout, quand les :ibus il détruire occupent dans 1~vie sociale une large place et ont poussé clans Je passé cles racines profondes, tout cela met au premier rang <les vertus républicaines la sérénité et la patience. , Lai_ssez-moi_.mai?tenant, c!toyens, vous soumettre quelques reflex10ns relatives a la conclmte de notre parti dans la douloureuse situation qui lui été fai!e· ~l'.es ne, seront point déplacées au_b~rd de cette t~mbe. CeJm qu: v1en~d y descendre était républicain : ce sera I honorer que cl associer au suprême adieu que nous sommes venns lui dire la préoccupation des intérêts de cette République pour laquelle il a vécu et pour laquelle il est mort. La République, ai-je dit, triomphera en tout état de cause même sa~s nous ; mais i~nous es~ commandé de ne rien néglie; de ce qm peut pousser a son tnomphe. Or, pour nous, la première condition du succès, c'est l'entente des volontés et Je concert des efforts. , Je ne s~i.s certes pa~ de ceux qui, sacrifi~11t aux prescriptions d une politique vulgaire, mettent la conscrnnce au nombre des ch~ses qui SOJ~mt ~tiè~·e à tra?s.action; je ne suis pas de ceux qui croient que I hab1lete, la ver1table et grande habilité se peut ~rouver hors ~e la li~ne droit~. L:Union, je le sais, ne doit pas etre la confusion, et 11est puénl d attacher une importance décisive à la pratique des baisers-Lamourette. Je vais plus Join: par sa nature même, la rr,cherche de la vérité implique, si elle est sincère, une certaine diversité de points de vue, en ce qui touche les meilleurs moyens <l'atteindre le but qne tous doivent vouloir d'une commune ardeur. Il y a aussi, il faut bien le dire dans oe qui nous_fait républicains, je ne sais quoi ~•énergique et 'c1•unpeu rude, qm s'accommode mal des compromis; et quant à moi au. tant que qui que ce soit :rn monde, je comprends -et j'honor; les susceptibilités d'une conviction impérieuse, les ombrao-es d'une âme virile. Mais si le principe de ces susceptibilités ;st hono. rable, il n'en est pas moins nai que leur excès peut devenir une c_aused'imp_ui~~ance. Si ces om~rages ~•ont, rien que le patriotisme répudie, 11n'en est pas moms vrai, qu e:i.:agéréset revêtus de formes trop acerbes, ils sont de nature à semer le découra-

L'HOllME. -----------------~•--------------------'-------------,.--------._•.-_,.-_._~------·;.,.· ·· --------------·-------...i.-~--------~------ gement parmi les uns, à repousser les autres, à enfler le cœur de nos ennemis, à décupl<'r leurs forces, et, chose plus grave encore, il faire redouter, dans l'avènement de la République, les orages prévus de son leudemain. Que, dans sa voie, chacun demeure inébranlable, rien de mieux. Il sied même à des républicains de n'adorer, même la Liberté, que debont. l\Iais s'entendre pom frapper, ce n'est pas fléchir. Après tout, notre parti n'est pas sans posséder un fonds de croyauces communes qui constituent sa valeur et son unit!!. l'onrquoi ne pas travailler de concert à la proclamation, au développement, à la propagande, au triomphe de ces croyances communes? Quand le droit aura vaincu, quand le principe de la sonverainet6 aura été replacé sur sa vraie base, qnancl le peuple tiendra ses grandes assises, ce sera le moment alors pour les dissidences de se produire, afin que la nation compare, juge et prononce. Car, ces dissidences, la liberté de la discussion leur doit sntfirc, et la souveraineté du peuple les dominf. Que s'il y a eu des fautes commises, des torts qu'il mit bon de mettre en lumière, c'est an souverain que 11011rseconnaissons t.ous à en décider. Il n'est guère à craindre qu'après tant de déceptions, le peuple pèche par exc~s de confianct! !_ Vienne la l~épu~lique; que la discussion s'ouvre, sons les auspices de la L1berte; que chacun soit appel6 à rendre compte de Sei actes; que chacun dise ce qu'il apporte ;l la Rfvolution comme aspirations ou comme pens!!es: Je peuple, soyez-en sûrs, saura bien reconnaître les siens ! .En altrndant, que dcvons ..nous faire? La situation l'indique a1,sez: Nous devons, sans transiger en aucune manière snr _cequi appartient au domaine inviolable de la conscience, nou~ serrer le plus possible les uns contre les autres I nous devons immoler à la préoccupation dn bien public toutes celles de nœ antipathies qui auraient un caractère purement personnel; nous devons craindre <l'exposer contre nous-mêmes une énergie dont nous devons l'emploi à notre pays et que nos frères de France auront plus tard à réclamer; enfin, et j'insisterai sur ce point, nous devons, sans abandonner la carrière de )'action, chercher à féconder notre exil pHr la méditation et p:ir l'étude. Car, croire tp1e la Révolution ne doit ·consister qu'à mettre hors de combat les ennemis du peuple, qu'à écarter les obstacles, qu'à rtnverser des barrières, ce serait tomber dans la pins da11gereuse des erreurs. On insulte la Révolution, on la calomnie, quand on la défin:t par le mot destruction. Eh! mon Dieu ! à ce compte, Louis Bonaparte serait un des plus grands révolutionnaires qui aient jamais existé. Constitution, souveraineté réelle du peuple, régime parlementaire, liberté de la presse, liberté du foyer, garanties du citoyen, que n'a-t-il pas détruit? Rendre le peuple meilleur, plus éclairê, plus heureux, là est la Révolution, entendue dans sa véritable et haute acception. Il ne faut pas s'imaginer qu'on ait tout dit, quand on a dit: Plus de présid1111c!e Plus de magistrature vendue aux passions de la politique 1 plus d'armée employée à la répression des troubles civils et tenant le milieu entre le sergent de ville et le gendarme ! Plus de prêtrei salariés par l'Etat! Plus de monopole en matière de crédit! Que la présidence doive Otre abolie, il n'y a plus aujourd'hui un républioain qui le conteste: la présidence, c'est le suffrage universel mis en contradiction avec lui-même; c'est au sommet de la société, la permanence d'une lutte anarchique entre deux forc~s rivales, celle d'un homme et celle d'une assemblée; c'est l'hypocrisie de la royauté, ·au fond; c'est la nation égarée dans une impasse à laquelle il n'est que deux issues possibles: un 10 aofit, un 18 brumaire. Or, le 18 brumaire, nous l'avons déjil eu denx fois: l'expérience est complète! Mais à qnoi nous servirait d'avoir aboli la prêsidence, ponr échapper au danger de_la tyrannie, si nous JH' nous étions pas entendus d'avance sur tout ce qui concern·e l'exercice de la souverainetê cln peuple, sur ·ses formes, sur son mode d'action, sur le moyen de concilier avec le droit des majorités le respect dû aux minorités et les franchises de la conscience, en un mot snr la nécessité absolue <l'empêcher que le despotisme d'un homme fasse place au despotisme d'un chiffre? Ces mêmes prêtres qui, en 1848, avaient proclamé sainte la République snr les tombes de ses fondateurs, nous les avons vus, depuis, prodiguer scandaleusement 1a reconnaissance du ciel aux boucheries de décembre, et sur les pavês de Paris teints de sang, jeter, d'un geste impie, lem dérisoire eau bênite : était-ce daus ce bnt que la nation les avait pris à sa charge? Ils forment au milien <lela société, afin de la mieux dominer, une classe à part, qui reconnaît un chef étranger, q11Îreyoit de Rome sa direction et sqn mot cl'ordre, qui tient cette épée dont on a si bien dit que sa poignée est an Vatican et sa pointe partout: c'est lit un danger auiuel il est bien inutile qu'on ajoute l'abus d'un budget ecclésiastique! Forcer des prote!jants à salarier le zèle avec lequel· des pasteurs catholiques leur promettent l'enfer, est la plus barbare des moqueries, Que les croy:ints de chaque culte entretiennent lenrs ministres, yoil~ encore \\11point sur lequel les R6publicains n'ont q,u'une voix. Mais, ce résultat obten4, en aurions-nous fini avec le règne de ces faux lévites que Sénancourt appelle, dans son amer langage, un ramas d'hommes de Dieu, si nous ne connaissions pas des moyens sfirs et prompts de dissiper cette ignorance qu'ils s'étudient à entretenir parce qu'ils s'y appuient. Nous savons tous que, prostituée à la politique, la justice en 'f'ranoe ,,•existe plus, et qne la magistrature rend des services l'i 11011 p11s des arrUs. 4insi, plus 4e qQt\te sw la n!Scessitç c\'e11revenir, pQmle choix des magistrats, an ~ystème électif consacré par la Constitution de 1791. Mais quand il s'agit d'une profession qui requiert des connaissances spéciales, le choix populaire demande t-il à être combiné avee certaines garanties, ou peut-il s'en passer? La question mérite qu'on l'examine. Après dl!cembre, le pêril inhérent aux ar.mées permanentes apparaît à tons dans une lumière sanglante. Mais la sûreté de la patrir, l'inimitié des rois, le devoir imposé à la France ile donner appui aux peu-nies qu'on opprin~eet de prêter son épl!e· à la propagande du droit, ne forceron1-ils pas la France à être, en même temps qu'une puissance morale et intellectuelle, une puissance militaire? Et, dès lors, ne faut-il pas se demander à quelles conditions, d'après quels principes, en vertu de quelle organisation, il serait possible de faire servir à la dHense, au développement de la liberté, une force presq ne tonjours employée jusqu'ici ;1 la compattre? • • J'ai parlé de crédit, et ce mot, it peine prononcé, évoque devant l'esprit des difficultés immenses. Rien de pins facile que de dénoncer la tyrannie de l'argent, que cle m:ill{\ire l'usure, que de disputer it Schylock cette livre de chair que, son couteau dans une main, et un contrat dans l'autre, il vient tailler an fond de la poitrine ,le son déhit<:ur Antonio. Mais formidable, ne l'oublions pas, est un problème dont la solution va au complet bouleversement de tout l'ancien monde économique. Gardons-nous donc de toute illusion c:omn,e de tout découragement. D'une part, la Ré_yqlutiqnnous appelle, d'abord à clêtniire, ènsuite à i'(\ifier; et d'antre part, b nécessité d'édifier non~ im- pose une tâche à laquelle nous ne saurions nous préparer trop sérieusement. Lorsque, comme Louis 'Bonaparte et ses ministres, on ne voit qu'une proie; lorsqu'on n'a d'autre préoccupation qne de la dévorer il l'aise; lorsqu'on prend à son servie~ une machine toute montée ijont on n'a plqs qu'à laisser aller les rouages; lorwq1ie, 4 force q1attentats, on est parvenu à débarrasser sa route des mil le obstacle~ qu'enfi1ntent 1\at\Jrellement le contrôle d'une assemblée, les debats d'une presse libre, l'éveil de l'esprit public ... , oh, alors, on peut parfaitement se pâ~ser <l'intelligence et de scien~e. Partout oi) son rè;::nc est subi, la force! tient li2u cle <'R!J'<'l<'ité, et la médio .. crit.\ suffit, du reste, au manîmcnt de b tynnrnic . .La liberté est pins exir;eante, et une 1·énovation sociale deman,d.C'autre chose que l'imbécille énergici<l'nn caporal en étal d'ivresse ou les b_;'lsartifices d'un chef de police. Pourquoi s'abuser de gaité de cœur? La situation qui nous attend le lendemain de la Révolution sera glorieuse, je le pressens, mals avec son éclat elle 11pporter~ses charges. H y faudra heancoup cl'énergie, parce que les abus ne se rendent pas sans cornbat ; mais il y faudra aussi beaucoup de sages~e et de prudence, parce qu'on ne réforme p:is une vieille' société tout d'un coup ni en un jonr. D'autant que les intérêts sont aujourd'hui encheYétrés tellement les uns dans les autres, qu'il est impossible de toucher à 1111 seul anneau de la chaîne sans qu'aussitôt elle ne s'ébranle dans toute son éten<lue. En vous présentant ces considérations, citoyens, j'espère n'avoir fait que servir d'écho à une pensée qui est au fond de chacun de vous. De même que la prospérité, le malheur a ses devoirs. Si nous savons mettre à profit notre exil, nos ennemis, en reculant l'heure de notre triomphe, n ·auront abouti qu'à nous mettre en état cl'en mieux assurer le~ bienfaits et la durée. Quoi qu'il en soit, la Répuhliqne n'a p:i~ disparu, pour être éclipsée. Des éclipses'/ Le soleil lui-même est condamné à en ~ubir. Or, le vit-on jam:iis s'éteindre dans la profondeur des cieux? Oui, il Louis Bonnpal'te faisant redorer pour son couronnement la voiture de Charles X, mort vous savez oil... , à Louis Bonaparte rêvant cl'éternité et d'un autre roi de Rome, à Louis Bonaparte, nous pouvons, encore aujourcl'hui, crier, du fond de notre exil, en nous emparant llu mot de son oncle ; La République i'St comme le Soleil: aveugle qui ne la voit pas! Lours_BLANC. CORRESPONDANCEDE LONDRES. Lopdres, 23 Décembre 1853. La question d'Orient préoccupe toujours, et preRqu'exclusivement, les habitans de Londres. Les Anglaiscommencentà trouver un peu honteux le rôle joué par leurs diplomates et leurs marins. Aussi ont-ils appris, avec enthousiasme, que l'amiral Dundas, à la nouvelle dn désastre de Sinope, avait proposé de joindre la flotte russe et de la couler avant de rentrer à Sebastopol. Le gGnéral Baraguay d'Hilliers aurait refusé cle laisser la flotte française concourir à cette agression.-Les journaux affirment que Louis Bonaparte, i11rlig11éde ce guet-à-pens Proce, aurait envoy~ l'ordre d'agir: les flottes anglaises et françaises auraient reçu l'ordre d'entrer dans la :Mer Noire, et une collision serait inévitable, dit le Times, si le Czar ne fjlait pas rentrer ses flottes à 8ebastopo!. "Les flottes, aurait dit L. Bonaparte, ne rentre1'011t qu'après l'évacuation des principautés Danubiennes.'' Enfin des troupes anglaises (venant cl'{rlande) et françaises, seraient destin6es il partir pour Constantinople clans un bref délai. Les Russes ont bombardé, sans succès, la forteresse turque de Motschin en face Ibraïla. Le bruit conrt aussi qu'il~ ont été battus entre Krajova et Kalafat. L'enthousiasme le plus vif rè"'ne i Viddin où 30,000 Turcs sont rassemblés sous les ordres de 0 onze Pachas; les travaux du génie sont confiés au comte llinski, d'où cette rumeur répandue en Hongrie qne Dembinski est à Vidclin. En Asie, les Turcs ont été vaincus dans deux combat~ successifs, par les prince~ Andronikolf et Beboukoff. l lt ont perdu beauco11p d'hommes, et sont refoulés vers Erzeroum. Dautre part, l'armée du général russe Lüders, en marche vers le Danube, a dû retrograder ponr combattre l'insurrection en Crimée, province jadis turque alors qu'elle était occupée par les Khans tartares. Cette nouvelle est donnée p:ir une dépêche télégraphique de Vienne. La Perse a déclaré la guerre à la Porte: l'envoyé persan il quitté Constantinople. Le Shah aurait offert de mettre 30,000 hommes sous les ordres d'un général l'usse. Les détails de la bataille navale de Sinope remplissent les journaux. Il para7t que l'amiral russe Namikoff, après avoir faitrecon. naître la flotille turque par un bâtiment. sous pavillon anglais-ce qui est regardé comme une trahision par les feuilles ano-Jaises-a envoyé l'ordre ~ troi~ v11isseauxà trois ponts de le rallie~; puis, il a attaq~,é la flotille turque, chargée de troupes et de munitions, et dont les pins gros bâtimens étaient des frégates de 50. Les Turc~ se sont défendus avec courage; mais le nombre et la force supérieure de leurs ennemis ont triomphé. Au bout de 4 heures, il y avait 9 bâtiments turcs brûlés ou coulés, 7 éc;houés ù la côte; le 12e, la frégate égyptienne D~mieH,a, c~pturêe, a été incendiée pal' les Russes. L'amiral turc Osman Pacha, blessé grièvement, a été maltriiit~ par ses vainqueurs. Le steamer TAÏF, s'est précipité à toute vapeur à travers la flotte rnsse, a forcé le passHge et a porté la nouvelle cle ce désastre à Constantinople. La ville cle Sinop!} a été brûlée par les vaisseaux russes après la destruction 1,ç l'esoadre et des soldats qui les montaient! Deux programmes gouvernementaux viennent de paraître, celui dn roi de Pié!llon_t et celui dn président des Etats- Unis. Tous deux se félicit1,,1t de leur politique, de la prospérité des pays qu'ils gouvernent, de leurs bonnes relations avec les autres Etats, etc.- Le général Pierce annonce fièrement qu'il a pleinemei1t approuvé la conduite des marins et des consuls amfa·icains dans let\t lntte contre ]' Autriche, en Orient, et qn'il avait refüsé <\edonne-r satisfaction à la cour de Vienne.-Le roi de J;>iémout fait pressentir des réformes économiques dans ~a, Qie dn libre échange dont il vante les heureux_ ré.wlt;i.ts ; et aussi sa persistance daus la lutte engagée pour soustraire l'Etat à h domination tle l'Egiise catholique. ' Je ne v.ons parle pas de la France: vous savez sans doute l:i. manifestation militaire faite à Lyon par le Maréchal de Castellane contre un complot-venant de Londres, J:\ienentendu~et qui devait éclater mardi dernier. V ou&s_avezaussi que la Bourse de Paris, to1tjours patriotique et courageuse, a baissé à la nouvelle-fausse, pro,ba9_li:me\1t-de Pentrée des flottes dans la mer Noire. ~e gouvernement de Berne a fait, dit-on, arrêter un Hongrois comme émissaire de Kossuth ; les feuilles italienne~ réduisent ce fait de police contre-révolutionnaire it l'incarcération d'un étran, ger par son maître d'hôtel, ayant peur de n'i!tre pas payé.-Le prétexte est habile; mais le gouvernement de Berne n'en e~t pas à son conp d'essai dans les actes cle complicité ,ivec.les. rois! Tou-r A ,ous, P11. f Au1n,. ---------------,---,------------- AMNISTIE ET ALLIANCE. AUX J,RÈRES RUSSES ! Le sang et les larmes, une lutte ~éscspér~~ ~t r1uevie~ toire funeste soudèrent la Pologne il, la R1,ssie. La Russie arracl~ait lambeau par lambeau les chairs vives c1ela P9logne, emportait une province après l'autre, s'avançant toujours de plus en plus, comme un malheur inévitable, comme un nuage sinistre, vers son cœur. Là où elle ne pouvait prendre par la force, elle prènait par l'astuce, par l'argent, par des eollc11uioi.s à !es ennemis nature1s, par le partage du butia. • .Pour aYoir la Pologne. elle a. commis sou. premier crime : elle l'a morcelée. 11 eut été moins ~célérat de prendre toute la Pologne, qu~ de la llartager avec les Allemands. Varso_vieet Constantinople étaiei;it les <leux rêves constants qui tourmentaient les tzari et- trottblaient le sommeil du palais d'lüver. . Alexandre vainquit toute l'Europe, - et ~e pdt que la Polo?ue. Lorsque ses tronpes en~raient à Pa.ris, il ne s'emparait en effet que de Varsovie. . L'Europe vieille déjà et cas:sée céda. la Pologne, saus comprendre le sens él.ece qu'elle fit. Elle la céda dans c~t~e ville de Vi~nne qui avait êté samée par un Polonais. L Eur?pe /ens'.11t qu'après la pris~ de Paris, il 1/y avait l)lu~ ne~ a craindre. Elle était sans iuquiérude .du côté d_el Occ~dent et personne u.e pem;a qlle le cl}emin•de l'Onent était déjà familier aux Cosaques. Alexaudre fit a_ccroire. à l'Europe qu'on pouvait être empereur de Russie et ro1 <leJ)ologn.e. Il luf fit accroire que l 'antocrate ,le Pétersbou.rg l)O'ttvait êti:e à Varsovie ·un souverain constitutionnel. • C'était un. mensonge. . . Nicolas ~empla(;a ce me~soi.g.e hyp_oCl;ite•·par.~e véri.., féroG:e. • S~_ntantsa _niain_grotH,iès-1H-,-.,,Ja Pologu.e se !eu. :L msurre~tton de la Pologne e~t le fait le plus noble, le plu~, beau, après la grande Révolution française......... .. _c est en chsputant chaque pas, que les Polollais se retiraient écraséi; par la force. maJeufe, ~crifiés par les o-oilvern~mens <le1:occ_ident~trahis par l~ur-s p-ropres chefs. En passant l~ frontière, lls emportètent la patrie ave.c eux, et, sans fléchir leurs têtes, sowbres et füirs, ils trave.rsèrent le monde. • Devant leur marche solennelle, i•E.urope s!é.carta avec respect. ~es peuples se jetaient à leur rencontre, les rois se rang~~1eut de côté :pour leur ounil' le passage. La v1eilk Europe ~e réveilla sous l'.écho de leurs pas . elle tr?11vades larmes et dit la pitié, elle trauva de l'argen~ et la force qe le donner; ~a figure poétique de l'exilé ·Pc,louais, de ce eroi-sé de la_ltberté, restera ~our l~~gtemp.s d~n" }.11, m~moire populaire. ~-Il~ra~he~a.1_utn s1ecle mesqu1_net pusillanime, elle réconc1ha1t l md1v1duavec l'h~waijiMé et ravivait des espérances presque éteintes. • _Pendan_t vi~gt an-i d'e,-il et de •ll'Îiière, gagnant leur pa1~ parc1momeux à la sueur de lem· ftont, »ouveut maltraités et chassés de pays .en pays les proscrits Polonais 11ecessèrent de travailler ~ la J:éa1il'\IJ.tiod.Qe leur idéal - d'une. Pologue libre. Et leut foi !le p.1li.t poiut deyaut les tristes évén~ments et .lem amour. .u·e ~ refroidit pa, p~r les offenses mcessantes, et leur-s .muscle&u~ s'usèrent• point par_les fati~ue~ inftnctuern,~s ; loin de là. à chaque. appel qui_ retentissait <le la part d·ün peuple ell détresse, prêt à bns~F ses chaînes ... , la Pologne, commE}l'a. dit un ~e ses or~teurs, répon~ait la: prer~ière •• Présente "1 -.-. et l on voyait Je blond fils de la V tstule dans les premiers rangs.de toutes les batailles. populaires, cali il voyait dans chaqu~ lutte ,Pot~r la libertê, une 1u~te pour ia Pologne. Mais ce fl était pas toute la- Patrie qui était en deh,a~ des frontières. - • • P_cndant qu'une P~lo~Be kav~rsait l'Europe, sauvant sa p~tne p~r ~on expatnat100 ~u sol natal, une autre Pologne s achemmait,. les fers aux pieds, Vf!n;, la, Sibérie,-- fa. sauvan! par son martyre. Tout allait pe1:1ple1i ledésert de-n~ige. En Pol~gne le farouche ennemi q.ominait. Avec uu.e égale persistance, avec u_neégale obstination, il foulait aux pieds tou~ ce qui_étai~ Polonais, t~~t ce qui etait humain. Lorsqu enfin 11 lm sembla qu 11 avait tout p}oye tout a~attu, lorsq~_'il p_ens~qu~il avait dompté la Pologu/ sibérienne et_ q.tl 11 n ~va1~ plus rien à craindre de la Pologne errante'. il ot~ la frontière entre la Russie et la Pologne. E~t-~l pos_sible~ue dans tout cel~ i~ n'y ait pa&de sens, de s1g111ficat1oqnu une lutte sangmnane, qu'un exil volontaire, qu'une déportation forcée, q1J.'UJle victo.ire ignominieuse, qu'une acquisition xriolente? • Non, au travers de cette sombre iérie d'événements au travers du sang qui fume, -au-delà du gibet, par-dessu; les têtes du tzar et celles des bourreaux, uç,us voyons poindre l'aube d'un nouveau jour. Derrière l'unioa forcée, nous prévoy~ns l'~nion libre.; derrière l'union faite -par le tzar, une m110u faite par les peuples ; derrière une unité, enfin, dans laquelle la Pologne serait ahso1·béepa.r la Russiei une unité fondée .sur ~'égal~té et sur l'autonoinie de chaque pays. Les pnsonmers forcément enchainés 1'uu à l'autre se reconnaissent frères, Us sentent le même sang dans leurs veines et la haine de famille s'éteint. Haine? ... D'où \',enait-elle dollé? D'où veBait le senti~ ment d'inimitié i.nsunnontablc qui, au commencement en.. trainait les Polonais à lutter contre fa Russie, @nsuit~le,s Russes contre la Pologne? Elle nous est suspecte cett~ haine; nous ue crnyons pas à cette inimitié- innée. Il nou,s semble qu'au fo)ld de tout cela,. se cachait un sentiment de jalousie, lil-l se»timent vague de l'insuffisanc·e réciproque. Ils devaient se compléter et ils s'entr..e,.dé<ihiraient.... La Russie, forte par l'unité de sa race~ son homogénéité et par le sentiment populaire d'unité, fo:rma un état im.- mense. Mais il était tri4lte, cet état. Evidemment, il y manquait quelque chose. Sa vie se èachait au fond des villages ou bien s'~lançait vers les frol):l:i'èree,les débordant coutinu~llen1.elilt, f.On.me ~t, tp~l,tl~lltée par w;i.eang9j's;e i~r--

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