Homme - anno I - n.04 - 21 dicembre 1853

vitudes? Est-ce qnc les côtes de la Circassie ne peuvent pas s'ouvrir aux vaisseaux britanniques, pour les approvisionnemens de la montagne? Est-ce qne la Pologne n'est pas lù, toujours là, guettant un drapeau d' Ang;leterrc ou de France à l'horison de ses plaines·~ Est-ce que la Hongri<", puissante réserve de l'Est, n'a pas une invasion à venger? Mais non ! ce serait là de la révolution, et pour l'Angleterre oligarcl1iqt-re, pour ses marchands, pour ses lords, la révolution est une épo-qvante : ils ont laissé tomber la Polog11c, ils ont laissé tomber la Hongrie, lenrs deux gt>andes divisions, coutre le Russe en marche vers Constantinople : Et maintenant ils s'allient à Bonaparte! Quos vult perdere, Jupiter dementat. CHARLES RrnEYROLLES. Nous recevons d'nn de nos amis, dès !o:1gtemps éprouvé an service de la Révolntion, co;>ie d'une lettr.e adressée au Mrrrnin_gAdverliser, et qui a .pour but de veng·er la.RépuhliqnrJ et la ·proscription française de quelques attaques malveillant<>s. ·Ces petites insultes émanaient d'un 1\1. Alfred B. Richards, esquire et g·allophobe, lequel, après avoir parlé des horreurs de la Jn,emiùre rh;o/ution, -uous accusait nous, ses derniers bannis, <l'avoir g·agné le pouvoir à très bon marché, d'en avoir usé bassement, d'être allés à Rome en assassins, et de nourrir un projet d'invasion contre l' Aug-lctcrre, foyer d'asile que nous diffamons chaque jour, etc. C'est à ces griefs de fantaisie que répond notre ami V. Schœlcher, et nous insérons sa lettre : car si ce journal s'est donné pour mission de raillier, non de diviser, il ne faut pourtant pas qu'une proscription, serait-ce celle de France, reste à la merci <l'outrages aussi mal fondés que g-ratuits. Un mot, seulement: le nom du citoyen Mazzini, dans les divë1gationsde M. Richards, n'implique, n'entraîne nullement la complicité de ce grand esprit, qui sait ce que vaut la France : nous le connaissons assez, pour être certain de son sentiment à cet égard, et s'il ne répond pas toujours, c'est que la vie condamnée aux grands devoirs n'y suffi.rait pas, et qu'elle se perdrait en toutes ces fusées : eston eng·agé, d'ailleurs, par toutes les fantaisies qui passent vous invoquant? Que M. Alfred B. Richard nous accuse de tous les crimes et tant qu'il voudra, il n'ira jamais aussi loin que cet honnête membre de la chambre des lords qui nous .dénonçait il y a trois ou quatre ans, - et, nous étions soixaute - comme voulant incendier les docks, enlever Londres, Buckingampalace, les horse-guards, la 'Tour .... et probablement les Indes ! . . . . Il s' ag·issnit, au fond, d'un peu d' Alien-Bill : qui a vécu n'a pas à répondre. Quant à la première révolution, il faut que M. Ri-• chards en ait lu l'histoire dans Bmke, comme celle de nos derniers temps, dans Delahodde ou Chenu. Voici la lettre -lu citoyen Schoelclicr : Lettre insérée cla"lts le Morning Advertiser du 15 décembre 1853. Londres, 12 décembre 1853. A M. l'Eùiteur du il1ornin9 Advertiser. Je lis seulement ce soir la lettre de M. Alfred B. Richards q11evous avez publiée samedi, et j'y trouve, à ma grande surprise, un passage qu'il est impossible à un Républicain français de laisser sans réplique. J'ai trop l'expérience de vos généreux sentiments et de votre équité pour n'être pas certain que vous voudrez bien donner place à ma protestation. Un de nos compagnons d'exil, réfugié italien, a prononcé le nom de "Guillotine" en parlant au Meeting du 29 novembre pour l'anniversaire ,le la glorieuse révolution de Polegne. Le Times, avec la lâcheté et la perfidie qu'on lui connaît , a exploité ce mot malheureux en lui donnant nn sens qu'il n'avait pas dans la bouche de l'improvisateur, et ce journal anglais du Czar a pris texte de là pour renouveler ses infàmes diatribes contre les proscrits ùe toutes nations, mais particulièrement contre les Italiens et le citoyen Mazzini. lYI.A. Richard,s a fermement vengé les Italiens des calomnies du Times, pourquoi faut-il que les Républicains français aient à se venger à leur tour des calomnies de M. Richards? -Comment, en effet, défend-il ses amis? En nous atta- ~ uant de propos délibéré d'une manière tout aussi odieuse que le fait la feuille dont il se plaint. Voici textuellement ses paroles; après avoir rappelé sans motifs les "horreurs " de la première révolution" il ajoute : " Je voudrais, Monsieur, vous en avoir dit davantage au sujet des Républicains français. Depuis longtemps, je me s11ishumblement hasardé à prévenir Mazzini contre eux, il n'a rien de commun avec les perturbateurs de la France, avec les hommes q1ii ont gagné le pouvoir à si bon marché et en ont si b,issement usé, - qui envoyèrent l'armée françai~c L'llO)l~lE. à Rome,-qui auraient envahi l'Angleterre,-qui viennent ici pour diffamer le pays qui leur donne asile." Pourquoi ces outrages? à quel propos cette explosion de haine à l'égard de prosc.rits dont la position seule devrait inspirer quelque respect à M. Richards s'il est un véritable ami de la liberté ? Il déclare, au-moins inutilement, que nous avons payé la République bon marché et que nous avons ba,ssement usé du pouvoir. Quant à avoir mal servi notre cause, c'est affaire de jugement, et M. Richards, en nous traitant comme il le fait, se montre trop dépourvu d'intelligence pour que nous ayons à nous inquiéter de ses appréciations. Quant à a.voir payé la République bon marché, les têtes des quatre sergents de la Rochelle abattues sur l'échafaud, les tortnres subies par des milliers de démocrates, dans les forteresses , les bagnes, les pontons et les cachots cellulaires de l'Empire, de la Restauration et de Louis-Philippe, nos fortunes aussi perdues dans ces luttes vatriotiques sont là pour dire si la République nous a coüté aussi peu que le prétend M. Richards, sans q_u'on sache ce qu'il a fait, lui, pour l'émancipation du monde ! Chose bizarre, le libéralisme de certains hommes semble tenir au climat ; ils veulent la liberté pour les Italiens, pour les Hongrois, pour les Turcs, pour les Cochinchinois, mais ils tiennent fort peu à ce que les Français en jouissent. l\I. Richards est de ceux-là, et une telle contradiction est inexplicable si .elle ne tient pas à ce qu'il éprouve à l'eJJ1lroit<lela France une affection excessi,ement modérée. Aux lt,tliens il rappelle classiquement Harmodins, il leur permet tout jusqu'au poignard pour s'affranchir et en cela je suis d'accord avec lui ; mais lorsqu'il s'agit de nous, il devient le Tory le plus endurci, il ne nous accorde pas même le droit de révolte, il ne consent pas à nous appliquer la parole de Milton : " The people have a warrant of God to judge wicked princes" (Dieu autorise le peuple àju- • ger les mavais princes), il nous appelle "les perturbateurs de la France." C'est bien vieux! ce no.n nous a été donné depuis longtemps par tous les absolutistes, de même qu'ils donnent à l'ami de 1\1. Richards celui de "perturbateur de l'Italie." 1\1.Richards ne fait ici que piller et l'empereur de Russie, et l'empereur d'Autriche, l"!t le roi de Naples, et M. Napoléon III, et le Ti111es, et le vil ramas des pamphlets bonapartistes qui tous les jours nous signalent aux vieilles marquises comme "les perturbateurs de l'Europe." Libre à lui, sa voix mêlée à celles de ces honnêtes gens n'ajoutera rien à leur véracité. Cet épouva11tail commence fort à s'user, il ne nous importe guère. Mais ce qui noui-: importe, c'est de ne pas laisser un homme qui prétend parler au nom de la liberté nous prêter haineusement des pensées 'lue ·nous n'avons jamais eues, nous accuser d'actes que nous n'avons jama.is commis. Cela est par trop bonapartiste. Où donc M. Richards a-t-il vu que les Républicains frauçais aient envoyé une armée contre Rome? Il faut bien nommer les choses par lcnr nom puisqu'on n'a pas ménagé les termes injurieux, c'est là un mensonge de la nature de ceux du Times, un révoltant mensonge fait en toute connaissance <le ca1 se...... M. Richards ue peut ignorer que les Républic~ins se sont constamment, énergiquement opposés à l'envoi d'une armée à Rome, taut il est vrai que la. Constituanle romaine a fait à plusieurs d'entre nous l'ho11neur <leleur décerner le titre de Citoyens romains. 1\1.Richards ne peut ignorer que la journée du 13 juin 1849, ù la tête de laquelle était le citoyen LedruRollin, a été une solennelle protestation contre l'exécrable expédition de Rome et que la justice réactionnaire a condamné pour ce fait des centaines de démocrates français à la prison perpétuelle et à la mort civile. Quoi! nos nobles amis expient encore sur le rocher de Belle-Isle et sur la terre étrangère leur dévoûment à la solidarité des peuples, et M. Richards trouve en lui le d~plorable courage de chercher à exciter contre nous l'animadversion de nos frères d'Italie ! M. Richards s'est de nouveau traîné sur les voies dcshonnêtes ùu Times en signant que" les Republicains français auraient envahi l'Angleterre. " Tant qu'il n'aura pas fait la preuve de cette assertion, il aura mérité une seconde fois le nom de cl!-lomniateur. Grâce au ciel, ponr intéresser la Granile-Bretagne aux• horribles malheurs <le l'Italie, il n'est pas du tout nécessaire de nous supposer contre elle des dcsseius que nous n'eûmes jamais. Laissezmoi vous rappeler, monsieur, que dans ses magnifiques lettres, an Englisman a répondu d'avance à notre offenseur en disant qu'à aucune époq11el'Angleterre n'a trouvé une sympathie plus réelle que dans le go\1vernement de 1848. M. Richards affirme que le citoyen Mazzini a renié la guillotine, c'est très-bien; mais lorsqu'il ajoute (je veux croire de sa seule et malveillante autorité), que le triumvir " n'a rien de commun avec nous, et que lui, M. Richards, l'a plusieurs fois a\·erti de se défier cle nous," il laisse penser <1uenous n'avons pas d,i même renié le sanglant triangle. J'ai regret de trouver si souvent la même comparaison à faire, mais je suis forcé de le dire, c'est encore là procéder à la façon clu Times, traîtreusement. Je répéterai donc une fois de plus à M. Richards, comme à tous nos ennemis, que les Républicains français ont en toutes circontances renié la guillotine ; que quand ils puvaient tout ils n'ont pas touché à un cheveu de la tête de leurs plus cruels oppresseurs tombés entre leurs mains; que lcnr premier acte au gouvernement provisoire a été de renverser l'échafaud politique; que trois fois à la Constituante et à l'Assemblée législative ils ont demandé l'abolition absolue de la peine de mort; qu'enfin depuis qu'ils sont vaincus, emprisonnés, transportés, exilés, assassinés, ils ont déclaré, quoique tout saignants encore des meurtres des décembrisades, ils ont déclaré en France, ici, à Bruxelles, à Jersey, partout, que la vie humaine était sacrée à leurs yeux et qu'ils laissent potences, garrots, échaufauds et gibets aux princes de la terre. Il est assez remarquable, monsieur, que dans le numéro même où M. Richards trouve le moyen de citer 93 à propos du discours d'un Italien, vous insérez un discours prononcé aussi le 29 novembre par un Français, par le citoyen Victor Hugo, dîscours dans lequel notre grand poète, un des plus " acharnés perturbateurs de France, " en énumérant les bienfaits de la République universelle, a dit au milieu des applaudissements :- " Le glaive de la justice sera brisé comme le sabre du soldat. " Je ne sais si le citoyen Mazzini ne jugera pas à propos de désavouer M. Richards et de repousser ses éloges, je ne sais s'il trouvera bon d'être exalté sur nos épaules, mais tout le monde, j'en suis sür, m'approuvera <lerelever des injures aussi violentes que gratuites et faites pour exciter dans nos âmes autant d'indignation que de tristesse. Tous les corps de proscription sont ,solidaires et en voyant le 29 novembre dernier réunis fraternellemen ensemble Polonais, Allemands, Hongrois, Français, Italiens, M. Richards aurait dû comprendre que ceux-ci ne veulent pas être défendus aux dépens de ceux-là et que c'est mal se montrer l'ami des uns que d'insulter ignoblement les autres. V. ScHŒLCHER. • ' CORRESPONDANCEPARISIENNE. Paris, vendredi U décembre 1853. Les casernes ...... Voilà l'empire et toutes ses forces; carle reste, prélats courtisans, ministres à livrée, sénateurs à prébende, légi~- lateurs sans souffle, et bourgeois-fournisseurs, toute cette cohue s'évanouirait au premier coup de tocsin, à la première alarme des rues. Un coup de pistolet ferait crouler eet empire carton-pâte, et fuir toutes ces ombres empanachées comme des chevaux de corbillard, s'il n'y avait pas au-dessous ... la Légion. C'est donc l'armée que je tâte, que je sonde et dont il faut suivre les révolutions intérieures, comme on le faisait autrefoipour l'opinion et pour les assemblées. • Les généraux à la Canrobert, à la nouvelle de la fusion, ont res paru dans certains cercles et renouvelé la complainte du général' Bedeau. Cet exil leur pèse, et quand ils ont bien dîné, c'est merveille de les entendre; ils ont des façons de erocodile pleurard qui vous c:nchantent : Bonaparte est bien toujours le génie, le dieu, la providcp.ce, le sauveur, le prédestiné de nos temps diJficiles. Mais l'amitié de ces carnassiers est en deuil; ils regrettent les excellents camarades d'Afrique. Ah! si la r6volution ne continuait pas ses menées, ses conspirations, ses afft·euses propagandes, comme on irait aux Tuileries solliciter clémence!. .. Malheureusement, on y est moins tranquille, on y est moins sûr que jamais: l(;S rapports de police sont nâvrans : l'embûche est partout (on ne dit pas le remords), et la haute sagesse est condamnée, pour le salut de l'Etat, à continuer les salntaires rigue111"s ! Ces pauvres généraux-Mélanchton, comme ils doivent souffi·ir; Ce ne sont pas ceux qu'on a tués en Décembre qui les gênent! ils sont morts; bien morts ceux-là, enfants, vieillards et femmes. Mais ces princes :iui viennent de fusionner, mais ces générnux qui se tiennent à l'écart, dans l'exil, guettant l'occasion et la proie, tout cela peut revenir, peut avoir son jour; la Révolution de son côté peut entrer en revanche ...... et voilà pourquoi toutes ces épaulettes de décembre frissonnent; car ce n'est pas Canrobert seulement, c'est Corte, c'est Magnan, c'est Saint-Arnaud: moins E~pinasse et de Goyon, deux brutalités, deux vanités abruties, c'est tout l'état-major dn crime qui, depuis quelque temps, a pris l'épouvante. Au-dessous des grandes épées, les petites qui traînent dans les casernes, dans les cafés et chez le bourgeois, les petites sont peu bruyantes et peu fanfaronnes, je vous jure. On cliquetait en rapière, dans les premiers temps, mais aujourd'hui J· :ivcnir est incertain. -La république a laissé des idées, des racines, des souvenirs: les enfants de ceux qu'on a transportés, fusillés, assassinés, grandissent : les honnêtes gens passent et ne vous parlent pas : on est comme des pestiférés, chacun a son numéro, dans Je,, écuries de, l'empire, et pas d'espérance, pas de guerre, pas d'avancement! - Pauvres capitaines! Autrefois, du moins ils pouvaient se marier ... Descendez plus bas, dans les chambrées, les corps-de-garde, les petites pensions de sous-officiers : en ces modestes échoppes on parle peu. La police veille : elle est assise à votre table, elle hoit dans votre bidon et fouille vos sacs : mais de temps en temps, il y a des caporaux, des fourriers, des sergents qui disparaissent,- pour le conseil de guerre? non : toutes les justices parlent un 1>eu,parlent trop; pour l'Afrique et les compagnies disciplinaires? peut-être, peut-être ailleurs ... Mais qu'importe? Les fils se renouent, les aggrégations s'étendent, et, plns d'une caserne est minée. Croyez-vous que le factionnaire de Belle-Isle ~tait seul? Ils ne le jugeront pas, soyez en certain : ils l'expédiéront ...... Vous connaissez au haut de Luxembourg, à deux pas de l'Observatoire, et sur Je côté gauche de la grande allée, un petit mur que les ouvriers du faubourg St.-Jacques et du Mont-Parnasse appelaient, depuis longtemps, le mur de la mort. C'est là que tomba le maréchal Ney, voilà trente-huit ans, sous dea balles françaises, et par ordre de Wellington : ils viennent,,après deux ans d'empire, de profaner ce dernier tertre et d'y poser leurs gloires de guet-apens: Magnan, Saint-Arnaud, Corte et la famille du défunt" étaient là, y compris ce qui reste encore de ce grand nom et qui s'appelle aujourd'hui le grancl-ve11eur. La majesté n'était pas venue: c!ls n'aime pas certains souvenirs; mais M. Persigny, comte de ce temps, y était, en s::iqnalité de petit-fils : (vous savez que cet ex-bohême a mis la m::iin sur la caisse-Laffitte, quand l'autre la mettait sur la France?) donc toutes les illustrations étaient là, faisant du crêpe et de la douleur. Il y avait même les éternels officiers prussiens qui suivent Eugénie dans ses chasses. Mais le peuple était absent, et, sans le peuple, vous le savez, pas de grande fête, surtout militaire. . "Ceux qui l'ont tué ne valaient pas mieux que ceux qui pas- " sent," me disait un ouvrier, quand défilait le cortège; " mais, . "ajouta-t-il, le mort qui était brave, pourtant, ne valait pas grand "chose non plus; ça n'avait ni foi ni serment, et sa famille ... " depuis 1830 ça n'a jamais sn faire réhabiliter son père!" Comme vous voyez le peuple n'oublie rien, et les mascarades de la piété domestique ne l'entraînent pas. L'armée non plus n'était guère en ardeur, et quant à cette Jéhabilitation de la dernière heure, ce n'était pas même des funérailles ... A vous. X..

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