Homme - anno I - n.04 - 21 dicembre 1853

-SCIENCE.- ' -SOLIDARITÉJO-URNADLELADEMOCRATIUENIVERSELLE. N8 4. - MERCREDI, 21 DÉCEMBRE 1853. Ce .Journal parait une feis 1•ar sentaine. 1 (Jersey), 19, Derset Street. -Les manuscrits déposés ne seront pas rendus. - ON s' ABONNE: A Jersey, 19, Dorset street. - A Londres, chez M. Zmichowski, 28, Greek-street, Soho Square.-A Genève (Suisse), chez M. Corsat, libraire, rue Guillaume-Tell. - Belgique, chez M. Leconte, rue de la Rivière, Hi, faubourg de Cologne à Bruxelles. - A il1adrid, chez C. Monnier, libraire. ANGLETERREET COLONIES: Un an, 8 shillings ou 10 fran es. Six mois, 4 sh. ou 5 fr. POUR L'ÉTRANGER: Un an, 12 fr. 50. Six mois, 6 fr. 25. Toutes lettres et correspondances doivent être affranchies et :idressées au bureau de !'Imprimerie Universelle à St-Hélier ' LES ALLIANCJES. QUESTIONS D'ORIENT. I. L'ordre règne à Berlin, à Paris, à Vienne, à St.-Pétersbourg : les peuples râlent, vaincus, sous les budgets et sous les armées : pour tribunes la Révolution n'a plus que des gibets, et pourtant l'Europe a la fièvre ! Qu'est-ce à dire? Les idées, ces empoisonneuses <lufestin, ne sont-elles pas envolées ou mortes ? La voix de la France n'est.elle pas tombée sous le haillondes polices,-et, de la Seine au Datrnbe, tout n'est-il pas couché? Oui, tout est couché, tout est à bas : on arefoulé dans leurs catacombes le droit et la misère. Les ouvriers, fellahs de l'empire, creusent, taillent, élèvent, badigeonnent ou meur~nt de faim, à l'écart, en silence, et? comme cela se doit, après :tout, en bonne civilisation réglée par les riches : plus de clubs orageux, de journaux ardents, de tribunes inqniètes, de scrutins passionnés, plus de révoltes, plus de propagande, plus d'éloquence, plus de systèmes, plus d'art : on marche partout en discipline, au pas, à l'ukase, à la guêtre; l'Europe est magnifique en cette tenue de g-renadier, l'arme au bras, et pourtant l'Europe a la fièvre ..... ! Les écus grelottent dans les banques, le papier frissonne dans les portefeuilles, l'escompte retire sa main crochue des meilleures valeurs; la fabrique a peur des longues échéances, le commerce hésite à l'approvisionnement, et l'on dirait q ne tout est gelé, dans le monde des intérêts, comme dans celui des idées. Encore une fois, pourquoi cela ? Les Catilina sont en exil ou morts : les tribunes renversées serve11tde guérit2.-saux soldats ivres : St-Ignace est au Panthéon, Voltaire aux gémonies et le peuple au hag·ne. Dormez donc g·ens de la rente et gens de l'usure : tout n'est-il pas fini? Hélas! tout recommence : à l'Orient le soleil est rouge; la guerre s'est levée, là-bas, à l'horison : il est <litvraiment qu'on ue pourra dormir sur cette terre : après les peuples, les rois et les empereurs,- après la crise des révolutions, la grise des g·ouvernements qui s'ouvre! II. Voici l'échiquier : un vieil empire qui nous a pris nos capotes, nos guêtres, nos fusils et quelques instructeurs sortis du rang, un antique et vénérable sérail qui a plus de pierreries que de cartouches, est en lutte ouTerte avec un ennemi puissant dont les armées éprouvées au feu, disciplinées à l'européenne, et, de plus, entraînées par toutes les espérances, sont entrées en campagne : les succès militaires jusqu'ici se balancent, et les gazetiers ne sauraient trop dire qui l'emportera; mais les hommes d'état, les monarchies et les gouvernements engagés dans la question ne savent que trnp combien ce duel, aux parades innocentes d'abord, sera terrible bientôt, et quel épouvantable dénouement se prépare ! Grand ou petit, faible ou rival, pas un ne s'y trompe. On sait la Russie. son ambition, ses forces, ses sciences de destruction et d'envahissement : on l'a vue, depuis cinquante ans, apprendre avec religion les méthodes les plus savantes de ta guerre et les pratiquer avec la miséricorde des sauvages : on connaît cette société qui n'est qu'une barbarie illustrée par un état-major de mandarins plus ou moins lettrés : on connaît ce gouvernement qui n'est ·qn'une police, un instrument, une armée sous la main d'un seul; et quand on compare ces terribles disciplines qui g·ouverne,nt un monde aux convulsionsdéréglées et mourantes d'un fanatisme éreinté, malade, impuissant, il ne faut pas être un augure pour deviner de quel côté, avant la fin du jour, voleront les corbeaux! Aussi l'Europe s'inquiète et ne dort plus : les Trois mois, 2 sh. ou 2 fr. 50 c. Trois mois, 3 fr. 50 c. chancelleries sont actives, animées, bruyantes comme des ruches : on écrit, on parle, on intrigue, on espionne, on lance les courriers par centaines, et chacun se dit, -margrave, empereur ou roi, - le Rhin est tranquille comme la Seine, mais que sortira-t-il du Danube? III. L'Angleterre, surtout, est profondément alarmée : cet empire-colosse qui se haigne déjà dans les grands fleuves d'Asie et qui touche à l'Amérique par le détroit de Bering, cet empire-Briarée l'épouvante. Si Constantinople, la ville des mers intérieures et la porte de l'Orient, devient un de ses palais d'été, c'en est fait tle la puissance anglaise, et, dans les eaux méditerranéennes et dans les Indes, son plus riche E<len. Non seulement l'équilibre de l'Europe est rompu, ce qui veut dire qne toutes les frontières sont ouvertes à toutes les convoitises, comme à toutes les représailles, mais d'un coup, l'Angleterre perd son prestige, sa route pavée d'or, sa force : elle · recule au-delà de Charles II! Ils savent cela comme nous, mieux que nous, les marehauds et les lords des trois royaumes. Au début de .la crise, ils ont tout fait pour étouffer l'incendie, pour arrêter la guerre : ils ont signé - lord Aberdeen, un nom connu des amis du continent: ils ont remontré, sermonné, coriseillé, menacé par leurs journaux· chargés à• mitraille : en fin de compte, et le désespoir aidant, ils ont fait alliance avec Bonaparte , troisième du nom, l'homme de tous leurs mépris depuis dix ans : ils le connaissient ! Eh bien, qu'est-il advenu, qu'adviendra-t-il de cet.te alliance faite par-dessus Saint-Hélène et Waterloo! CHAQUENUMÉRO: 3 pence ou 6 sous. 'J.'ous les abo11111en1e11s ~e paient d!avauce. tours que les aigles, nous qui ne gardons de Waterloo qu'un pieux souvenir -le regrèt des morts; nous qui ne voulons pas que les réparations lég·itimes et saintes viennent d'ailleurs que des peuples eux-mêmes, nous qui tenons enfin pour des usurpations, pour des crimes, les dynasties d'aventure, comme celles du blason et du temps. Quand Bonaparte a marié sa flotte à celle de l'Angleterre et l'a mise en sous-ordre, il s'est <lit : j'engage le payeur des coalitions contre l'armée des coalitions, l'Angleterre contre la Russie, la caisse contre les bayonnettes; je coupe 1815, et quelles que soient les péripéties là-bas, au pays des Turcs,-de l'Escaut au Rhin, et du Rhin aux Alpes, vienne la belle heure, je serai libre !· • Voilà le calcul de cet homme qui ne gagnera jamajs la bataille d'Austerlitz, mais qui a l'hypocrisie profonde, la ténacité froide, la patience et comme le g-énie du guet-apens. Vienne cette heure favorable que le Corse atter1d, tapi sous les protocoles, sous les serments, sous les dépêches fraternelles, et l'Angleterre verra ses armées bondir soit à Bruxelles, soit aux provinces rhénanes, et la propHgande· des peuples s'ouvrira par ses clairons, comme celle du suffrage universel en Décembre, et les évêques, en son nom, agiteront l'Irlande, ce brûlot mal éteint, At les jours seront revenus des grandes guerres ! - Bonaparte n'a-t-il pas juré la paix, comme il avait juré la Con!>itntion, la Répuhlique, la loi? Dans le tombeau d'Achille, il reste encore quelques armes : il les en fora sortir, n'en-doùtez pas, et les peuples, dans leur misère, se lèvent vite à l'éclair des boucliers vengeurs ! Combien d'armées, espérant toujours et toujours déçues, ne sont-elles pas tombées, pour la gloire de l'autre, aux champs italiques, aux marais de Hollande et dans les plaines de la Pologne? IV. Le cousin des Tuileries n'est pas très sûr : il n'a pas de préjug·és et n'est point, comme chacun sait, trop fanatique de sa parole : quand il met sa flotte · ' en fourrière derrière l'amiral anglais, c'est qu'il aime voir d'où viendra le vent; et, comme après tout, les traités, surtout les vieux, ne sont pas plus .sacrés que les Constitutions vingt fois acclamées à la face du ciel, il se pourrait bien que, l'Angleterre une fois engag·ée dans 11nelutte active contre la Russie, le Confédéré de Paris vïot faire échec et diversion à Nicolas, en Belgique ou sur le Rhin : les guerres savantes sont les bonnes! L'Angleterre, en·core une fois, n'est donc que prudente et sage, quand elle ne s'aventure qu'avec mesttre et précaution, dans une alliance bonapartiste; mais en un conflit aussi grave que celui du Danube, quand les parties sont animées à l'extrême, et qu'il n'y a guère chance d'accord, l'indécision du protectorat est à la fois trahison et duperie, duperie pour soi-mème, et trahison de l'intérêt allié, du mineur. Voilà ce y_ue redoute au fond l'Angleterre ou du moins son gouvernement, et voilà pourquoi lord Radcliffe, son ambassadeur, après avoir travaillé d'abord comme un Pitt, se dérobe, aujourd'hui, comme un Fabius; voilà pourquoi l'on a laissé la maigre flotte russe écraser, par un de ses détachements, les convois turcs, les convois alliés : voilà pourquoi les diplomaties viennent encore d'ouvrir un nouveau protocole! Nous ne blâmons pas le gouvernement anglais de sa prudence, de sa réserve, de ses timidités : défiance n'est que sagesse. à l'endroit de certaines gens, et nous' sommes bien convaincus, d'ailleurs, qu'elle a vu clair dans le jeu des Tuileries. Oui, le seul calcul de cet homme, depuis deux ans, est de diviser les forces. Il semble parfois enseveli dans ses joies fostinales, sons les roses de son Pœstum : son œil hébété ne dit ri<:>;n il savoure le sang et les larmes, en silence, comme les truffes et les plaisirs; mais quand la satiété le prend, ses rêves se réveillent, l'ambition le fouette et l'anime : 1815 revient, speotre sans tête et qui crie vengeance ! Ce n'est point la France de ces temps malheureux, la France accablée, pillée, morcelée qui l'excite aux revanches ; c'est la fortune de sa maison en quelques heures croulée : c'est le souvenir amer de trente ans de misères et de hontes, c'est le mépris de l'Europe, - c'est Hudson-Love, c'est la représaille corse, c'est la nécessité des bandes prétoriennes ..... - et voilà pou~quoi nous le dénonçons, nous qui n'aimons pas plus les vauAvec cette politique louche et boiteuse, en effet, à quoi peut-on aboutir? à ces deux fins plus prochaines qu'on ne le croit peut-être, dans les trois royaumes et qui seraient un double arrêt de mort,- la dernière étape de Nicolas vers Constantinopleet tous les équilibres, commè tous les traités, étant ainsi rompus, - un débordement des armés françaises, sur les anciennes pistes impériales du continent! Dans les deux cas que deviendrait l'Angleterre? Elle a donc fait fausse route; elle est au plu\ mal engag·ée, surtout du côté de Bonaparte, et sa politique ne fut jamais plus difficile qu'à l'heure présente. Si I'Ang·leterre n'était pas, comme gouvernement, une Oligarchie d'intérêts et. de priviléges qui craignent le!ll peuples autant que les idées, si elle pouvait comprendre la révolution humaine qui emporte l'Europe, et s'élever à la défense du droit général, elle aurait une occasion, une magnifique occasion, encore aujord'hui, de relever son nom et de se dégager. Est-ce que dans les Provinces-Baltiques du grand .empire de Nicolas, il n'y a pas toute une révolution de paysans, ,cachée sous les ueiges? Est-ce que la Finlande volée par Alexandre et gouvernée par le knout n'est pas restée fidèle, comme au premier jour, à ses traditions, à ses origines, ;;l sa nationalité démembrée, confisquée ? Est-ce que ces puissantes cavaleries dù désert, les KosaRs, les rrartares, les Mongols qui vont se iJerdre aux vastes solitudes asiatiques, ont un grand fanatisme de la discipline russe et de ses ser-

vitudes? Est-ce qnc les côtes de la Circassie ne peuvent pas s'ouvrir aux vaisseaux britanniques, pour les approvisionnemens de la montagne? Est-ce qne la Pologne n'est pas lù, toujours là, guettant un drapeau d' Ang;leterrc ou de France à l'horison de ses plaines·~ Est-ce que la Hongri<", puissante réserve de l'Est, n'a pas une invasion à venger? Mais non ! ce serait là de la révolution, et pour l'Angleterre oligarcl1iqt-re, pour ses marchands, pour ses lords, la révolution est une épo-qvante : ils ont laissé tomber la Polog11c, ils ont laissé tomber la Hongrie, lenrs deux gt>andes divisions, coutre le Russe en marche vers Constantinople : Et maintenant ils s'allient à Bonaparte! Quos vult perdere, Jupiter dementat. CHARLES RrnEYROLLES. Nous recevons d'nn de nos amis, dès !o:1gtemps éprouvé an service de la Révolntion, co;>ie d'une lettr.e adressée au Mrrrnin_gAdverliser, et qui a .pour but de veng·er la.RépuhliqnrJ et la ·proscription française de quelques attaques malveillant<>s. ·Ces petites insultes émanaient d'un 1\1. Alfred B. Richards, esquire et g·allophobe, lequel, après avoir parlé des horreurs de la Jn,emiùre rh;o/ution, -uous accusait nous, ses derniers bannis, <l'avoir g·agné le pouvoir à très bon marché, d'en avoir usé bassement, d'être allés à Rome en assassins, et de nourrir un projet d'invasion contre l' Aug-lctcrre, foyer d'asile que nous diffamons chaque jour, etc. C'est à ces griefs de fantaisie que répond notre ami V. Schœlcher, et nous insérons sa lettre : car si ce journal s'est donné pour mission de raillier, non de diviser, il ne faut pourtant pas qu'une proscription, serait-ce celle de France, reste à la merci <l'outrages aussi mal fondés que g-ratuits. Un mot, seulement: le nom du citoyen Mazzini, dans les divë1gationsde M. Richards, n'implique, n'entraîne nullement la complicité de ce grand esprit, qui sait ce que vaut la France : nous le connaissons assez, pour être certain de son sentiment à cet égard, et s'il ne répond pas toujours, c'est que la vie condamnée aux grands devoirs n'y suffi.rait pas, et qu'elle se perdrait en toutes ces fusées : eston eng·agé, d'ailleurs, par toutes les fantaisies qui passent vous invoquant? Que M. Alfred B. Richard nous accuse de tous les crimes et tant qu'il voudra, il n'ira jamais aussi loin que cet honnête membre de la chambre des lords qui nous .dénonçait il y a trois ou quatre ans, - et, nous étions soixaute - comme voulant incendier les docks, enlever Londres, Buckingampalace, les horse-guards, la 'Tour .... et probablement les Indes ! . . . . Il s' ag·issnit, au fond, d'un peu d' Alien-Bill : qui a vécu n'a pas à répondre. Quant à la première révolution, il faut que M. Ri-• chards en ait lu l'histoire dans Bmke, comme celle de nos derniers temps, dans Delahodde ou Chenu. Voici la lettre -lu citoyen Schoelclicr : Lettre insérée cla"lts le Morning Advertiser du 15 décembre 1853. Londres, 12 décembre 1853. A M. l'Eùiteur du il1ornin9 Advertiser. Je lis seulement ce soir la lettre de M. Alfred B. Richards q11evous avez publiée samedi, et j'y trouve, à ma grande surprise, un passage qu'il est impossible à un Républicain français de laisser sans réplique. J'ai trop l'expérience de vos généreux sentiments et de votre équité pour n'être pas certain que vous voudrez bien donner place à ma protestation. Un de nos compagnons d'exil, réfugié italien, a prononcé le nom de "Guillotine" en parlant au Meeting du 29 novembre pour l'anniversaire ,le la glorieuse révolution de Polegne. Le Times, avec la lâcheté et la perfidie qu'on lui connaît , a exploité ce mot malheureux en lui donnant nn sens qu'il n'avait pas dans la bouche de l'improvisateur, et ce journal anglais du Czar a pris texte de là pour renouveler ses infàmes diatribes contre les proscrits ùe toutes nations, mais particulièrement contre les Italiens et le citoyen Mazzini. lYI.A. Richard,s a fermement vengé les Italiens des calomnies du Times, pourquoi faut-il que les Républicains français aient à se venger à leur tour des calomnies de M. Richards? -Comment, en effet, défend-il ses amis? En nous atta- ~ uant de propos délibéré d'une manière tout aussi odieuse que le fait la feuille dont il se plaint. Voici textuellement ses paroles; après avoir rappelé sans motifs les "horreurs " de la première révolution" il ajoute : " Je voudrais, Monsieur, vous en avoir dit davantage au sujet des Républicains français. Depuis longtemps, je me s11ishumblement hasardé à prévenir Mazzini contre eux, il n'a rien de commun avec les perturbateurs de la France, avec les hommes q1ii ont gagné le pouvoir à si bon marché et en ont si b,issement usé, - qui envoyèrent l'armée françai~c L'llO)l~lE. à Rome,-qui auraient envahi l'Angleterre,-qui viennent ici pour diffamer le pays qui leur donne asile." Pourquoi ces outrages? à quel propos cette explosion de haine à l'égard de prosc.rits dont la position seule devrait inspirer quelque respect à M. Richards s'il est un véritable ami de la liberté ? Il déclare, au-moins inutilement, que nous avons payé la République bon marché et que nous avons ba,ssement usé du pouvoir. Quant à avoir mal servi notre cause, c'est affaire de jugement, et M. Richards, en nous traitant comme il le fait, se montre trop dépourvu d'intelligence pour que nous ayons à nous inquiéter de ses appréciations. Quant à a.voir payé la République bon marché, les têtes des quatre sergents de la Rochelle abattues sur l'échafaud, les tortnres subies par des milliers de démocrates, dans les forteresses , les bagnes, les pontons et les cachots cellulaires de l'Empire, de la Restauration et de Louis-Philippe, nos fortunes aussi perdues dans ces luttes vatriotiques sont là pour dire si la République nous a coüté aussi peu que le prétend M. Richards, sans q_u'on sache ce qu'il a fait, lui, pour l'émancipation du monde ! Chose bizarre, le libéralisme de certains hommes semble tenir au climat ; ils veulent la liberté pour les Italiens, pour les Hongrois, pour les Turcs, pour les Cochinchinois, mais ils tiennent fort peu à ce que les Français en jouissent. l\I. Richards est de ceux-là, et une telle contradiction est inexplicable si .elle ne tient pas à ce qu'il éprouve à l'eJJ1lroit<lela France une affection excessi,ement modérée. Aux lt,tliens il rappelle classiquement Harmodins, il leur permet tout jusqu'au poignard pour s'affranchir et en cela je suis d'accord avec lui ; mais lorsqu'il s'agit de nous, il devient le Tory le plus endurci, il ne nous accorde pas même le droit de révolte, il ne consent pas à nous appliquer la parole de Milton : " The people have a warrant of God to judge wicked princes" (Dieu autorise le peuple àju- • ger les mavais princes), il nous appelle "les perturbateurs de la France." C'est bien vieux! ce no.n nous a été donné depuis longtemps par tous les absolutistes, de même qu'ils donnent à l'ami de 1\1. Richards celui de "perturbateur de l'Italie." 1\1.Richards ne fait ici que piller et l'empereur de Russie, et l'empereur d'Autriche, l"!t le roi de Naples, et M. Napoléon III, et le Ti111es, et le vil ramas des pamphlets bonapartistes qui tous les jours nous signalent aux vieilles marquises comme "les perturbateurs de l'Europe." Libre à lui, sa voix mêlée à celles de ces honnêtes gens n'ajoutera rien à leur véracité. Cet épouva11tail commence fort à s'user, il ne nous importe guère. Mais ce qui noui-: importe, c'est de ne pas laisser un homme qui prétend parler au nom de la liberté nous prêter haineusement des pensées 'lue ·nous n'avons jamais eues, nous accuser d'actes que nous n'avons jama.is commis. Cela est par trop bonapartiste. Où donc M. Richards a-t-il vu que les Républicains frauçais aient envoyé une armée contre Rome? Il faut bien nommer les choses par lcnr nom puisqu'on n'a pas ménagé les termes injurieux, c'est là un mensonge de la nature de ceux du Times, un révoltant mensonge fait en toute connaissance <le ca1 se...... M. Richards ue peut ignorer que les Républic~ins se sont constamment, énergiquement opposés à l'envoi d'une armée à Rome, taut il est vrai que la. Constituanle romaine a fait à plusieurs d'entre nous l'ho11neur <leleur décerner le titre de Citoyens romains. 1\1.Richards ne peut ignorer que la journée du 13 juin 1849, ù la tête de laquelle était le citoyen LedruRollin, a été une solennelle protestation contre l'exécrable expédition de Rome et que la justice réactionnaire a condamné pour ce fait des centaines de démocrates français à la prison perpétuelle et à la mort civile. Quoi! nos nobles amis expient encore sur le rocher de Belle-Isle et sur la terre étrangère leur dévoûment à la solidarité des peuples, et M. Richards trouve en lui le d~plorable courage de chercher à exciter contre nous l'animadversion de nos frères d'Italie ! M. Richards s'est de nouveau traîné sur les voies dcshonnêtes ùu Times en signant que" les Republicains français auraient envahi l'Angleterre. " Tant qu'il n'aura pas fait la preuve de cette assertion, il aura mérité une seconde fois le nom de cl!-lomniateur. Grâce au ciel, ponr intéresser la Granile-Bretagne aux• horribles malheurs <le l'Italie, il n'est pas du tout nécessaire de nous supposer contre elle des dcsseius que nous n'eûmes jamais. Laissezmoi vous rappeler, monsieur, que dans ses magnifiques lettres, an Englisman a répondu d'avance à notre offenseur en disant qu'à aucune époq11el'Angleterre n'a trouvé une sympathie plus réelle que dans le go\1vernement de 1848. M. Richards affirme que le citoyen Mazzini a renié la guillotine, c'est très-bien; mais lorsqu'il ajoute (je veux croire de sa seule et malveillante autorité), que le triumvir " n'a rien de commun avec nous, et que lui, M. Richards, l'a plusieurs fois a\·erti de se défier cle nous," il laisse penser <1uenous n'avons pas d,i même renié le sanglant triangle. J'ai regret de trouver si souvent la même comparaison à faire, mais je suis forcé de le dire, c'est encore là procéder à la façon clu Times, traîtreusement. Je répéterai donc une fois de plus à M. Richards, comme à tous nos ennemis, que les Républicains français ont en toutes circontances renié la guillotine ; que quand ils puvaient tout ils n'ont pas touché à un cheveu de la tête de leurs plus cruels oppresseurs tombés entre leurs mains; que lcnr premier acte au gouvernement provisoire a été de renverser l'échafaud politique; que trois fois à la Constituante et à l'Assemblée législative ils ont demandé l'abolition absolue de la peine de mort; qu'enfin depuis qu'ils sont vaincus, emprisonnés, transportés, exilés, assassinés, ils ont déclaré, quoique tout saignants encore des meurtres des décembrisades, ils ont déclaré en France, ici, à Bruxelles, à Jersey, partout, que la vie humaine était sacrée à leurs yeux et qu'ils laissent potences, garrots, échaufauds et gibets aux princes de la terre. Il est assez remarquable, monsieur, que dans le numéro même où M. Richards trouve le moyen de citer 93 à propos du discours d'un Italien, vous insérez un discours prononcé aussi le 29 novembre par un Français, par le citoyen Victor Hugo, dîscours dans lequel notre grand poète, un des plus " acharnés perturbateurs de France, " en énumérant les bienfaits de la République universelle, a dit au milieu des applaudissements :- " Le glaive de la justice sera brisé comme le sabre du soldat. " Je ne sais si le citoyen Mazzini ne jugera pas à propos de désavouer M. Richards et de repousser ses éloges, je ne sais s'il trouvera bon d'être exalté sur nos épaules, mais tout le monde, j'en suis sür, m'approuvera <lerelever des injures aussi violentes que gratuites et faites pour exciter dans nos âmes autant d'indignation que de tristesse. Tous les corps de proscription sont ,solidaires et en voyant le 29 novembre dernier réunis fraternellemen ensemble Polonais, Allemands, Hongrois, Français, Italiens, M. Richards aurait dû comprendre que ceux-ci ne veulent pas être défendus aux dépens de ceux-là et que c'est mal se montrer l'ami des uns que d'insulter ignoblement les autres. V. ScHŒLCHER. • ' CORRESPONDANCEPARISIENNE. Paris, vendredi U décembre 1853. Les casernes ...... Voilà l'empire et toutes ses forces; carle reste, prélats courtisans, ministres à livrée, sénateurs à prébende, légi~- lateurs sans souffle, et bourgeois-fournisseurs, toute cette cohue s'évanouirait au premier coup de tocsin, à la première alarme des rues. Un coup de pistolet ferait crouler eet empire carton-pâte, et fuir toutes ces ombres empanachées comme des chevaux de corbillard, s'il n'y avait pas au-dessous ... la Légion. C'est donc l'armée que je tâte, que je sonde et dont il faut suivre les révolutions intérieures, comme on le faisait autrefoipour l'opinion et pour les assemblées. • Les généraux à la Canrobert, à la nouvelle de la fusion, ont res paru dans certains cercles et renouvelé la complainte du général' Bedeau. Cet exil leur pèse, et quand ils ont bien dîné, c'est merveille de les entendre; ils ont des façons de erocodile pleurard qui vous c:nchantent : Bonaparte est bien toujours le génie, le dieu, la providcp.ce, le sauveur, le prédestiné de nos temps diJficiles. Mais l'amitié de ces carnassiers est en deuil; ils regrettent les excellents camarades d'Afrique. Ah! si la r6volution ne continuait pas ses menées, ses conspirations, ses afft·euses propagandes, comme on irait aux Tuileries solliciter clémence!. .. Malheureusement, on y est moins tranquille, on y est moins sûr que jamais: l(;S rapports de police sont nâvrans : l'embûche est partout (on ne dit pas le remords), et la haute sagesse est condamnée, pour le salut de l'Etat, à continuer les salntaires rigue111"s ! Ces pauvres généraux-Mélanchton, comme ils doivent souffi·ir; Ce ne sont pas ceux qu'on a tués en Décembre qui les gênent! ils sont morts; bien morts ceux-là, enfants, vieillards et femmes. Mais ces princes :iui viennent de fusionner, mais ces générnux qui se tiennent à l'écart, dans l'exil, guettant l'occasion et la proie, tout cela peut revenir, peut avoir son jour; la Révolution de son côté peut entrer en revanche ...... et voilà pourquoi toutes ces épaulettes de décembre frissonnent; car ce n'est pas Canrobert seulement, c'est Corte, c'est Magnan, c'est Saint-Arnaud: moins E~pinasse et de Goyon, deux brutalités, deux vanités abruties, c'est tout l'état-major dn crime qui, depuis quelque temps, a pris l'épouvante. Au-dessous des grandes épées, les petites qui traînent dans les casernes, dans les cafés et chez le bourgeois, les petites sont peu bruyantes et peu fanfaronnes, je vous jure. On cliquetait en rapière, dans les premiers temps, mais aujourd'hui J· :ivcnir est incertain. -La république a laissé des idées, des racines, des souvenirs: les enfants de ceux qu'on a transportés, fusillés, assassinés, grandissent : les honnêtes gens passent et ne vous parlent pas : on est comme des pestiférés, chacun a son numéro, dans Je,, écuries de, l'empire, et pas d'espérance, pas de guerre, pas d'avancement! - Pauvres capitaines! Autrefois, du moins ils pouvaient se marier ... Descendez plus bas, dans les chambrées, les corps-de-garde, les petites pensions de sous-officiers : en ces modestes échoppes on parle peu. La police veille : elle est assise à votre table, elle hoit dans votre bidon et fouille vos sacs : mais de temps en temps, il y a des caporaux, des fourriers, des sergents qui disparaissent,- pour le conseil de guerre? non : toutes les justices parlent un 1>eu,parlent trop; pour l'Afrique et les compagnies disciplinaires? peut-être, peut-être ailleurs ... Mais qu'importe? Les fils se renouent, les aggrégations s'étendent, et, plns d'une caserne est minée. Croyez-vous que le factionnaire de Belle-Isle ~tait seul? Ils ne le jugeront pas, soyez en certain : ils l'expédiéront ...... Vous connaissez au haut de Luxembourg, à deux pas de l'Observatoire, et sur Je côté gauche de la grande allée, un petit mur que les ouvriers du faubourg St.-Jacques et du Mont-Parnasse appelaient, depuis longtemps, le mur de la mort. C'est là que tomba le maréchal Ney, voilà trente-huit ans, sous dea balles françaises, et par ordre de Wellington : ils viennent,,après deux ans d'empire, de profaner ce dernier tertre et d'y poser leurs gloires de guet-apens: Magnan, Saint-Arnaud, Corte et la famille du défunt" étaient là, y compris ce qui reste encore de ce grand nom et qui s'appelle aujourd'hui le grancl-ve11eur. La majesté n'était pas venue: c!ls n'aime pas certains souvenirs; mais M. Persigny, comte de ce temps, y était, en s::iqnalité de petit-fils : (vous savez que cet ex-bohême a mis la m::iin sur la caisse-Laffitte, quand l'autre la mettait sur la France?) donc toutes les illustrations étaient là, faisant du crêpe et de la douleur. Il y avait même les éternels officiers prussiens qui suivent Eugénie dans ses chasses. Mais le peuple était absent, et, sans le peuple, vous le savez, pas de grande fête, surtout militaire. . "Ceux qui l'ont tué ne valaient pas mieux que ceux qui pas- " sent," me disait un ouvrier, quand défilait le cortège; " mais, . "ajouta-t-il, le mort qui était brave, pourtant, ne valait pas grand "chose non plus; ça n'avait ni foi ni serment, et sa famille ... " depuis 1830 ça n'a jamais sn faire réhabiliter son père!" Comme vous voyez le peuple n'oublie rien, et les mascarades de la piété domestique ne l'entraînent pas. L'armée non plus n'était guère en ardeur, et quant à cette Jéhabilitation de la dernière heure, ce n'était pas même des funérailles ... A vous. X..

• CORRESPONDANCE DE LONDRES. Londres, 16 Décembre 1853. Et d'abord, commençons par la fin : la nouvelle se répand que Lord Palmerston, Ministre Secrétaire d'Etat à l'intérieur (Home Secretary), vient de donner sa démission. Lord John Russe~! s'~st rendu près de la Reine, à Osborne ( Isle of Wight), pour hu faire agréer cette démission. JI paraît que Lord Palmerston trouve ses collègues trop avan~és ! Le ministère actuel avait promis, dès son entrée aux affaues, de présenter un plan de réforme électorale. Cinq de ses membres - Lord Palmerston était du nombre -ont été chargés de l'établir. Ce pl:m donnera-t-il une_extension d_ud_roit de ~uffrag; ? ac_cordera-t-il une représentation à des d1s_tr1~tst~ès-Reuples qm en sont privés aujourd'hui ? s'étendra-t-11 JUsquà l m~roduchon du scrutin secret ? En tous cas, on n'attend pas du cabmet Aberdeen des mesures très radicales. - Pourtant, c'est le plan de réforme accepté par le ministère que Lord Palmerston ~e veut pas pré~enter et qui décide sa retraite; on l'assure du moms; et ce bruit est d'autant plus probable que Lord Palmerston est, après tout, un 1'ory. Entré fort jeune aux affaires, dan~ le cabinet tory LIVERPOOL et PER<;EVALv,ers 1811, il est toujours resté, pour le public, le jeune ministre, actif, ardent, plein de verve, administrateur habile, orateur impitoyable pour ses adversaires et même pour ceux de ses alliés dont la marche ne concordait pas entièrement avec ses vues. Très-prôné par ce qu'on appelle le parti libéral pour son attitude vis-à-vis de l'Europe. qualifié de diplomate brouillon par les ronservateurs continentaux, Lord Palmerston passe, aux yeux de bien clesgens, pour le chef du parti de h guerre ici, pour l'appui des révolutionnaires à l'étranger. Il est vrai qu'il étend la main de l'Angleterre dans tous les troubles; il augmente ainsi l'influence du pays qu'il représente et dont les divers partis, sur le continent, recherchent tous l'incertaine protection. La Pologne, la Hongrie, l'Italie, et, en ce moment, la Turquie, peuvent dire si les actes répondent aux paroles, et si les intrigues diplomatiques et la fière attitude de la politique Palmerston sont une entrave ai:x envahissemens de la coalition absolutiste ! Sorti du cabinet Ru~sell en Décembre 1851 pour avoir approuvé le Coup d'Etat de Bonaparte, renouant avec ses anciens collègues et les reliant aux amis de R. Peel en Décembre 1852, pour renverser le ministère Derby au nom de la Rlfforme douanière, voilà Lord Palmerston repris - dit le Times-de son hostilité chronique contre le cabinet en Décembre 18:i3, et rompant de nouveau al'ec ses collè;;ues, trop radicaux, à son gré, dans leur réforme électorale. Lord Palmerston nous paraît alfecter le libéralisme en politique étrangère et en économie politique pour mieux entraver la Démocratie, au moins à l'Intérieur. Quoiqu'il en soit, sa retraite affai • blira beaucoup le ministère; et lui voilà un nouvel ennemi, renforpnt les torys ouvertement réactionnaires, l'opposition de parti pris de la brigade irlandaise, et le parti de la paix, Cobden et ses amis. La session sera très animée, sans doute. Le$ nouvelles d'Orient deviennent défavorables aux Turcs, l'armée d'Omcr Pacha reste retranchée derrière le Danube; ~a11séchecs il est vrai, et remportant même quelques avantages :partiels de loin en loin. M:,is en Asie, où de brillms succès avaient aussi ouvert la c,m113agne,les Russes reprennent l'avantage. Osman Pacha, dont l'escadre escortait un convoi d'hommes et de munitions destiné à l'armée de Sélim Pacha, n'a pu éviter la flotte tusse, be:iucoup plus nombreuse et plus forte. Il a cherché à débarquer, dans le port de Synope, les troupes qu'il escortait; y est-il parven lt? On ne sait. Il a été pris; sept à huit bâtimens-frégates -outransports, - ont été coulés; les Russes se vantent d'avoir tué -5,000Turcs clans cc combr..t, où d'ailleurs ils n'ont pas accablé fa_ cill'ment ch•g bâtimens pourtant encombrés, incapables d'une résista11ceefllcace. Osman et son escadre se sont vaillamment défC'lld11;;. f'ettr ,10mellc a déterminé les amirnux Anglais et Français à fain• entrer 1• bâtiments dans la mer Noire. Une dépêche arrivée hier annonce un succès de l'armée russe en Asie : 4,000 Turcs auraient péri dans cette bataille. La guerre se poursnit a,ec ach:imciment sur tous lP.s,points, à en juger par le petit nombre de prisonniers faits par les Russes. La principauté clc Serbie est très agitée; les chefs Serbes voudraient seconder la Russie contre les Turcs; et comme le prince Alexandre paraît peu disposé à se faire le vassal du Czar, il est question de le déposer et d2 rappeler le prince Milosk qui s'est rapproché des frontières pour être à même de profiter des intrigues russes . .Enfin on annonce que la Perse, à l'instigation clu Czar, a déclaré la guerre à la Turquie : l'envoyé anglais ;mrait quitté Téhéran. Le seerétaire du général Gortzshakoff, un polonais, dit-on, nommé Razicwiez, accusé d'entretenir des relations avec OmerPacha, aurait été fusillé sur place; un officier, son complice, aurait été fusillé de même à St. Pétersbourg, la première exécution depuis 2,j ans, ajoutent hypocritement les feuilles amies de Nicolas. En Espagne, le ministère Sartorius a dissous les Cortez, le sénat s'étant permis de lui donner tort dans la question des chemins de fer. En Piémont, le ministère Cavour-Rattazzi est victorieux clans les élections. J c ne vous dis rien de la France, vous savez mieux que moi ce qui s'y passe. A vous, PH F ... CHATIMENTS. Rien n'est plus triste q11el'ignorance, mais nous ne savons rien de plus hideux que la misère : conseillère farouche, elle vend la fleur clesfilles et la loyauté des hom- • mes : elle a sa main dans tous les crimes. Dans certains salons, pourtant, les reins et les pieds sur la soie, les obèses et les belles clamesnient souvent la misère, ou l'excusent et la voilent. Eh bien, qu'ils lisent Sous ce titre: Joyeuse vie, voici les caves de Lille ! JOYEUSE VIE. I. Bien, pillards, intrigants, fourbes, crétins, puissances ! Attablez-vous en hâte autour des jouissances! Accourez ! place à tous ! Maîtres, buvez, mangez, car la vie est rapide. Tout ce peuple conquis, tout ce peuple stupide, Tout ee peuple est à vous ! Venclczl'Etat! coupez les bois I coupez les bourses ! Videz les réservoirs et tarissez les sources ! Les temps sont arrivés. Prenez le dernier sou ! prenez, gais et faciles, Aux travailleurs des champs, aux travailleurs des villes! Prenez, riez, vivez ! Bombance! allez! c'est bien ! vivez! faites ripaille! La famille du pauvre expire sur la paille, Sans porte ni volet. L'HOMME. Le père en frémissant va mendier dans l'ombre ; La mère n'ayant plus de pain, dénûment sombre, L'enfant n'a plus de lait . II. Millions! .millions! ch/iteaux ! liste civile ! Un jour je descendis dans les caves de Lille; Je vis ce morne enfer. Des fantômes sont là sous terre dans des chambres, Blêmes, courbés, ployés ; le rachis tord leurs membres Dans son poignet de fer. Sous ces voûtes on souffre, et l'air so::mbleun toxique; L'aveugle en tâtonnant donne à boire au phtisique ; L'eau coule à longs ruisseaux; Presque enfant a vingt ans, déjà vieillard à trente, Le viTant chaque jour sent la mort pénétrante S'infiltrer dans ses os. Jamais de feu; la pluie inonde la lucarne; L'œil en ces souterrrains où le malheur s'acharne Sur vous, ô travailleurs, Près du roüet qui tourne et clu fil qu'on dévide, Voit des larves errer clans la lueur livide Du soupirail en pleurs. Misère! l'homme songe en regardant la femme.· Le père, autour de lui sentant l'angoisse infâme Etreindre la vertu, Voit sa fille rentrer sinistre sous la porte, Et n'ose, l'œil fixé sur le pain qu'elle apporte, Lui dire : d'où viens-tu? Là dort le désespoir sous son haillon sordide ; Là, l'avril de la vie, ailleurs tiède et splendide, Ressemble au sombre hiver; La vierge, rose au jour, dans l'ombre est violette; Là, rampent dans l'horreur la maigreur du sqelettc, La nudité du ver ; Là, frissonnent, plus bas que les égoûts des rues, :Familles de la vie et du jour disparues, Des groupes grelottants; Là, quand j'entrai, farouche, aux méduses pareille, Une petite fille à figure de vieille Me dit: j'ai dix-huit ans! Là, n'ayant pas de lit, la mère malheureuse 1\1et ses petits enfants dans le trou qu'elle creuso, Tremblants comme l'oiseau ; Hélas! ces innocents aùx regards de colombe, Trouvent en arrivant sur la terre une tombe, En place d'un herceau ! C:ives de Lille ! on meurt sons vos plafonds de pierre! .J'ai vu, vu de mes yeux plçurant sous ma paupière, Râler l'aïeul flétri, La fille aux yeux hagards de ses ·cheveux vêtue, Et l'enfant spectre au sein de la mère statue! 0 Dante Alighieri ! C'est de ces douleurs-là que sortent vos riehesses, Princes! ces clénûments nourissent vos largesses, 0 Vainqueurs! conquérants! Votre budget ruisselle et suinte à larges gouttes Des murs de ces caveaux, des pierres de ces voÎltes, Du cœur de ces mourants. Sous ce rouage alfreux qu'on nomme tyrannie, Sous cette vie que meut le fisc, hideux génie, De l'aube jusqu'au soir, Sans trève, nuit et jour, dans le siècle où nous sommes, Ainsi que des ·raisains on écrase des hommes, Et l'or sort du pressoir. C'est de cette détresse et de ces agonies, De cette ombre, où jamais, dans les âmes tetnies, Espoir, tu ne vibras, C'est de ces bouges noirs pleins d'angoisses amères, C'est de ce sombre amas de pères et de mères Qui se tordent les bras, Oui, c'est de ce monceau d'indigences terribles Que les lourds millions, étincelants, horribles, Semant l'or en chemin, Rampant vers les palais et les apothéoses, Sortent, monstres joyeux et couronnés de roses, Et teints de sang hnmain ! • III. 0 paradis! splendeurs! versez à boire aux maîtres·] L'orchestre rit, la fête empourpre les fenêtres, La table éclate et luit; L'ombre est !il sous leurs pieds; les portes sont fermées; La prostitution des vierges affamées Pleure dans cette nuit! Vous tous qui partagez ces hideuses ,dlilices, Soldats payés, tribuns vendus, juges complices, Evêques effrontés, La misère frémit sous ce Louvre où vous êtes! C'est de fièvre et de faim et de mort que sont faites Toutes vos voluptés! A Saint-Cloud, effeuillant jasmins et marguerites, Quand s'ébat sous les fleurs l'essaim des favorites, Bras nus et gorge au vent, Dans le festin qu'égaie un lustre à mille branche$, Chacune en souriant, dans ses belles dents blanches Mange un enfant vivant! Mais qu'.importe ! riez! se plaindra-t-on sans cesse? Serait-on empereur? prélat, prince et princesse, Pour ne pas s'amuser ? Ce peuple en larmes, triste, et que la faim déchire, Doit être satisfait puisqu'il vous entend rire Et qu'il vous voit danser ! Qu'importe! Allons, emplis ton coffre, emplis t:i poche. Chantez, le verre en main, Troplong, Sibour, Baroche! Ce tableau nous manquait. Regorgez, quand la faim tient le peuple en sa serre, Et faites, au dessus de l'immense misère, Un immense banquet! IV. Ils marchent sur toi, peuple 1 6 barricade somhr,e, Si haute hier, dressant dans les assauts sans nombre Ton front de sang lavé, Sous la roue emportée, étincelante et folle, De leur coupé joyeux qui rayonne et qui vole, Tu redeviens pavé! A César ton argent, peuple; à toi, h famine. N'es-tu pas le chien vil qu'on bat et qui chemine Derrière son seigneur? A lui la pourpre ; à toi la hotte et les guenilles, Peuple, à lui la beauté de ces femmes, tes filles, A toi leur déshonneur! V. Ah! quelqu'un parlera. La muse, c'est l'histoire. Quelqu'un élèvera la voix claRsla nuit noire, Riez, bourreaux bouffons ! Quelqu'nn te vengera, pauvre France abattue, l\ia mère! er l'on verra la parole qui tue Sortir des cieux profonds! Ces gueux, pires brigands que ceux des vieilles r:ices, Rongeant le pauvre peuple avec leurs dents voraces, Sans pitié, sans merci, · Vils, n'ayant pas de cœur, mais ayant deux visages, Disent: Bah! le poëte ! il est dans les nuages! - Soit. Le tonnerre aussi. Révélations terribles, lueurs sinistres, anathèmes-fourlres, sombres avertissements et saintes révoltes de la pitié, tout n'est-il pas là, dans cette pièce, comme dans tout ce volume des Châtiments, nuée profonde et chargée, véritaole ouragan de mitraille et d'éclairs qui vient d'éclater sur l'Empire ? L'espérance aussi, l'espérance des grands réveils s'y trouve, et dans la pièce de la Caravane, voici le vengeur qui se lève: les chacals fuient .dans l'ombre, avec les hyènes ; toutes les voix rauques se taisent, voici le peuple, voici le lion ! Le tumulte effrayant cesse, râles et plaintes Meurent, comme des voix par l'agonie éteintes, Comme si, par miracle et par enchantement, Dieu même avait dans l'ombre emporté brusquement Renards, singes, vautours, le tigre, la panthère, Tous ces monstres hideux qui sont sur notre terre CE:que sont les démons dans le m~ndc inconnu. Tout se tait. Le désert est muet, va~te et nu. L'œil ne voit sous les cieux que l'espace sans borne. Tout-à-coup au milieu de ce silence morne Qui monte et qui s'accroît de moment en moment, S'élève un formidable et long rugissement! C'est le lion. III. Il vient, i 1 surgit où vous êtes, Le roi sauvage et roux des profondeurs muettes 1 Il vient de s'éveiller comme le soir tombait, Non, comme le loup triste, à l'odeur du gibet, Non, comme le jaguar, pour aller dans les havres Flairer si la tempête a jeté des cadavres, Non, comme le chacal furtif et hasardeux, Pour déterrer la nuit les morts, spectres hideux, Dans quelque champ qui vit la guerre et ses désastres, Mais pour marcher clans l'ombre à la clarté des astres, Car l'azur constellé plaît à son œil vermeil; Car Dieu fait contempler par l'aigle le so lei!, Et fait par le lion regarder les étoiles. Il vient, du crépuscule il traverse les voiles, Il médite, il chemine à pas silencieux, Tranquille et satisfait sous la splendeur des cieux; Il aspire l'air pur qui manquait à son antre; Sa queue à coups égaux revient battre son ventre, Rt dans l'obscurité qui le sent approcher, Rien ne le voit venir, rien ne l'entend marcher. Les palmiers, frissonnant comme des touffes d'herbe, Frémissent. C'est ainsi que, paisible et superbe, Il arrive toujours par le même chemin, Et qu'il venait hier, et qu'il viendra demain, A cette heure oil Vénus a l'occident décline. Et quand il s'est trouvé proche de la colline, Marquant ses larges pieds dans le sable mouvant, Avant même que l'œil œaucun être vivant Ait pu, sous l'éternel et mystérieux dôme, Voir poindre à l'horizon ~on vague et noir fantôme, Avant que, dans la plaine, il se soit avancé, • Il se taisait; son souffle a seulement passé, Et ce souffle a suffi, flottant à l'aventure, Pour faire tressaillir la profonde nature, Et ponr faire soudain taire au plus fort du bruit Toutes ces sombres voix ']ni hurlent dans la nuit. IV. Ainsi, quand ..de ton antre enfin pous~ant la pierre, Et las du long sommeil qui pèse à ta paupière, 0 Peuple, ouvrant tes yeux d'où sort une clarté, Tu te réveilleras dans ta tranquillité, Le jour où nos pillards, où nos tyrans sans nombre Comprendront que quelqu'un remue au fond de l'ombre, Et que c'est toi qui viens, ô lion! ce jour là, Ce vil groupe où Falstaff s'accouple à Loyola, Tous ces .gueux devant qui la probité se cabre, Les traîneurs de soutane et les traîneurs de sabre, Le général Soufflard, le juge Barabbas, Le jésuite au front jaune, à l'œil féroce et bas,. Disant son cha1)elet dont les grains sont des balles, Les Mingrats bénissant les Héliogabales, Les Veuillots qui naguère, errant sans feu ni lieu, Avant de prendre en main la cause du bon Dieu~ Avant d'être des saints, tra"înaient dans les ribottes Les haillons cle leur style et les trous de leurs bottes. L'archevêque, ouléma du Christ ou de Mahom, Mâchant avec l'hostie un sanglant Te Deum, Les· Troplong, les Rouher, violateurs de chartes, Grecs qui tiennent les lois comme ils tiendraient les cartes, Les beaux fils dont les mains sont rouges sous leurs gants; Ces dévots, ces viveurs, ces bedeaux, ces brigands, Depu-is les hommes vils jusqu'aux hommes sinistres, Tout ce tas monstrueux de gredins et de cuistres Qui grincent, l'œil ardent, le muffle ensanglanté, Autour de la raison et de la vérité, Tous, clumahre au goujat, du bandit au marouffie, Pâles, rien qu'à sentir au loin passer ton souffle, Feront silence, ô peuple! et tous disparaîtront Subitement, l'éclair ne sera pas plus prompt, Cachés, évanouis, perdus sous la nuit sombre, Avant même qu'on ait entendu dans cette ·ombre Où les justes tremblants aux méchants sont mêlés, Ta grande voix monter vers les cieux étoilés! VICTOR Huoo. BIOGRAPIIIEBSONAPARTISTES. M. DE MORNY. (Suite.) M. de Morny donna donc sa démission et fut remplacé au ministère de l'intérieur par M. Fialin "de Persigny. Des consolations de diverses natures vinrent soulager le

regret d'abandonner une aussi haute position. Le frère adultérin de Bonaparte fut d'abord nommé sénateur, avec une subvention annuelle <le30,000 francs, puis président du conseil d'administration du Grand-Central et autres chemins de fer anglais, coastruits ou à construire en France; enfin, en vendant, de compte à demi avec M. Véron, le Constitutionnet, qui ne leur appartenait pas, M. de Morny s'est fait, en 1852, payer .548,000 francs cc qui ne lui avait coûté que l 00,000 francs en 184 7. En outre, dans la sag() prévision de quelque nouvelle révolntion, il a fait vendre ses tableaux, que les employés des Musées nationaux se sont empressés d'acquérir fort cher, pour faire leur cour au frère <leBonaparte. Enfin, M. <le l\Iorny, retiré momentauémcnt des affaires politiques, n'a songé qu'iLprofiter de ta haute position de ses amis pour refaire sa position financière de toutes mains et clc toutes façons. En attendant que son frère utérin canonne à lioulets rouges les côtes et les ports d'Angleterre, M. de Mcirny s'est re11duà Lornlres pour tirer, si faire se pouvait, sur la bourse des S)léculateurs anglais. Le Times du 13 juillet 185:3 a publié nn magnifique prospectus annonçant la formation tl'nne comp:lgnic anonyme pour l'expoitation des houillères et forges <l' Aubin (Ji.veyron). Malheureusement pour IïI. de .Morr,y et les monteurs de cette affaire, les houillères et forges d'Aubin possédaient dans leur voisinage une concurrence puissante, la compagnie clcs forges de Decazeville, dont l'administrateur, l\L F. Cabrol, ancien député, s'empressa ,l'éventer le piège tendu aux capitalistes anglais dans une lettre adressée par politesse à M.•de Morny lui-même, et publiée dans le Siècle du 22 juillet. Nous nous contenterons d'en extraire, pour l'édification de nos lectenrs, les passages suivant : "il y a de par le monde des réclames "bien hasardeuses, mais de ma vie je n'ai vu, en fait d'au- " dace et de cynisime, rien de comparable à celle que je " viens signaler à votre attention. Votre nom :;e trouve à " la tête de ce factum et je me hâte de vous dire que je " suis convaincu qu'on l'a mis à votre insu ou, dans le " cas contraire, si vons avez consenti à patronner une pa- " reille tentative contre la bourse de nos voisins, c'e1;;t " qu'on vous a trompé grossièrement sur les moyens et le " but. Je dis grossièrement parce que les erreurs (je ne "veux pas dire mensonges) sont grosses comme des mon- " tagnes. Quand vous connaîtrez la vérité, vous serez in- " <ligné du rôle qu'on vous fait jouer.'.' • Suit la démonstration irréfutable que toute l'affaire est une immense piperie, laborieusement édiffiée pour faire au- . tant de dupes qu'il se trouverait de souscripteurs. M. F. Cabrol terminait ainsi sa lettre : " Tout en remplissant un " devoir impérieux au nom de l'industrie métallurgique dé " mon pays, je crois, Monsieur et ancien collègue, vous " rendre un service signalé en éclairant votre religion sur " une manœu vre à laquell on a attaché votre nom, qui a " eu ùéjà on peut avoir le surcès de faire des dupes, mais " que la triste et INÉVITABLE réalité ne tardera pas à " frapper d'une éclatante lumière, à la honte de ceux qui • " l'ont tramée en connaissance de cause. " Après un scandale si éclatant, que pouvait faire M. de Morny? 11 réfléchit trois jours, et comme un gouvernement qui désavoue un subalterne maladroit, il finit par renier ses associés et la responsabilité de cette escroquerie, en maudissant la faiblesse de son digne frère, qui laissait vivre un journal assez indépendant pour oser publier la lettre de l\L Cabrol. Cependant, quelques jours !après, il .se ravisa de nouveau, accepta la responsabilité du prospectns que M. de Cabrol trouvait audacieux et cynique, et porta plainte en diffamation contre ce dernier. Mais le tribunal de la Seine, par deux jugements en date des 21 janvier et 30 jui1i 1853, a déclaré l\L de Morny non recevable en sa demande, laissant subsister la flétrissure imprimée aux opérations commerciales de. l'ex-ministere du Bas-Empire. La dernière affaire commerciale de M. de Morny qui ait fait un certain scandale, malgré la censure impériale, est le procès Aguadu, inteuté a M. Véron, son co-gérant AVIISMPORTANT. L'HO~11E1. du Constitutionnel. Il résulte de ce procès et du mémoire publié par son accolyte, que éelui-ci a vendu à son profit particulier et à celui de M. de Morny la propriété du Constitutionnel, qui ne leur appartenait pas. M. de Morny a touché 548,000 fr. (1) et M. Véron, le pauvre homme! 776,000 fr., tant pour le prix de la gérance du journal que de 36 actions sur 180 qui constituaient la propriété du Constitutionnel. Malheureusement, la poule que l'on plumait a jeté les hauts cris : MM. Aguado, propriétaires spoliés, sans s'effrayer de la haute position de M. de Morny, out cru devoir mettre des entraves à cette ']10nnête opération, et faire valoir leurs droits devant les tribunaux : "Adhue sub judiee lis est." M. VIEYRA, CHEF D'tTAT-MAJOR DE LA GARDE NATIONALE. En 1827, M. Henry Vieyra Molina, juif portugais naturalisé, dirigea des poursuites correctionnelles contre un 110mmé Jaffa, Juif français, qui avait été longtemps son associé. Celui-ci fit publier, clans l'intérêt de sa défense, di,;ers mémoires, dont les exemplaires sont entre nos mains, et produisit devant le tribunal de première instance de la Seine, entre autres pièces établissant que M. Vieyra tenait une maison de tolérance, rue Rameau, la note suivante, entièrement écrite de la main de ce dernier : 11 2,200 francs dûs à M. Henry ...... 8,000 francs de " meubles. Les six femmes rapportent, au minimum, " 1,500 fr. toits les trois mois. " Si M. Henri paie les 3,000 fr. de Gérard ou prenne " (sic) avec ce tapissier les arrangements qu'il trouvera " convenables, on lui garantit la recette des six femmes, " 1,5000 fr. par trois mois, et l'on fera le transport des " meubles de ces six chambres à M. Henry ...... " Supposons qu'aux femmes il y ait 1,500 fr. d'arriéré " que l'on ne touche même pas, il trouvera toujour's " 7,500 fr. qui seront rentrées dans une année. "Si M._ Henry, pour les fonds qu'il avancerait jusqu'à "la vente des meubles, etc., ci-dessus, désirait une ga- " rantie plus solide, moi, Henry Vieyra, lui ferais le trans- " fert de l'hypothèque de 10,000 fr." Au bas de cette pièce curieuse est écrit : " Enregistré "le 9 juin 1827. -Timbré le 9 juin 1827. -Déposé en " minute chez un notaire, le 11 juin. " Jaffa fut acquitté de la plainte portée contre lui par une ordonnance de non-lieu, rendue à Paris, le 31 mars 1S27, visée par M. de Belleyme, alors procureur du roi, enregistrée le 6 avril 1827, et dont nous extrayons ce passage biographique : • " Henry Vicyra Molina, fils légitime de Moyse Vieyra " Molina, aujourd'hui décédé, contracta, en mai 1822, un " mariage qui lui assurait une belle fortune. Il avait alors ." 18 ans et 10 mois. Son contrat de mariage constant " le fait' d'émancipation, lui donnait, à tort ou à raison, la ",qnalité de négociant. " Ce jeune homme de 19 ans, qui, mn,rié et à fa tête d'une belle fortune, donnait à loger à des filles me Rameau, n° 6, et vendait d'avance la recette de ces femmes, est le chef de batillon de la ganle n:a,tionale à qui M. Léon Faucher ( 1) " Je reconnais avoir reçu de M. Jules Mirès. la soînme de cinq cent mille francs, représentant mes droits à la gérance du journ:il le Constitutionnel, droit~ résultant des traités passés lçs 28 août 1848, 17 octobre 1846, et 20 janvier 1817, pour libération complète de tous engagements et de tout compte de M. Véron avec moi. Par suite, M. Véron peut, sans réserve, vendre, céder ou transporter tous ses droits. " Paris, le 18 novembre 1852. Signé: "A. cleMORNY.'' Mémoire de M. Véron, Siècle du 14 avril 1853. spécimen ci-après. Les Avis et Annonces sont reçus à l'Office de !'Imprimerie Universelle, 19, Dorset Street, à , Jersey, S-Hélier, jusqu'à l'arrivée du courrier ,du ma1di. Dans l'intérêt du Commerce, de !'Industrie et de la • Toute correspondances doit être affranchie et contenir 1rn Science, les Annonces <letous les pays seront acceptées 1· bon, soit sur la poste anglaise, au nom de M. Zéno à la condition d'être écrites en français, conformément au SwIET03LAWSKI, soit sur un des banquiers de Jersey ou confiait, le 13 juin 1849, le pillage des imprimeries Proux et Boulé; c'est, enfin, le colonel chef d'état-major que M. P. Mayer met en scène dans la nuit du 1er au 2 décembre comme un des héros du coup d'état bonapartiste : " A l'Elysée, dit l'écrivain mercenaire, la foule affluait " au point qu'il fallut ouvrir les salles de danse du rez- " de-chussée. Nul pourtant _neseupçonnait encore. Vers " dix heures, Louis-Napoléon s'étant adossé à une che- " minée, appela d'un signe le colonel Vieyra, nommé la " veille chef d'état-major de la garde nationale. " Colonel, lui dit-il en souriant, êtes-vous assez maître " de votre visage pour n'y rien laisser paraître d'une- " grande émotion ? " - Je le crois, mon prince, répondit M. Vieyra; " - Fort bien, alors. " Et avec un sourire plus. "épanoui : " C'est pour cette nuit, dit-il à demi-voix. Vous n'avez "pas bougé; c'est bien, vous êtes fort. Pouvez-vous me- " répondre que demain le rappel ne sera battu nulle part. " qu'aucune convocation n'aura lieu? " - Très facilement, pourvu que j'aie- assez d'ordon- •" nances à ma disposition. " - Voyez pour cela le ministre de la guerre. " - Partez maintenant, mais pas. de suite ; on croirait " que je vous ai donné un ordre. " "Et, prenant le bras de l'ambassadeur d'Espagne qui " s'avançait, le prince quitta la cheminée, pendant que M. " Vieyra, pour dérouter tout soupçon, allait échanger " quelques banalités dans un groupe de dames. '' Cet honnête conspirateur décembriste, ce protecteur de la famille et de la propriété était toujours chef d'étatmajor de la garde nationale, quand il fut poursuivi comme stellionataire, pour avoir vendu deux fois la même créance. Mais comme cette escroquerie ne constituait pas, à proprement parler, un stellionat, les époux Vieyra, toùs. deux poursuivis dans fette affaire, furent déchargés de la peine prononcée contre eux par un arrêt de la Cour d'appel de Paris, du ] 0 juin 1852, qui flétrit cependant des épithètes de mensongère et de frauduleuse leur conduite dans cette négociation. Un talle général s'éleva dès lors contre M. Vieyra, à qui Bonaparte fut obligé de retirer son, commandement, mais non sans le récompenser pécunièrcment de son concours au 2 décembre. Il lui a donné l'en- • trepôt des tabacs de la Chaussée-cl' Antin, riche sinécurequi paie la trahison du colonel de la garde nationale. • Pn. BERJEAU. (2) (2) Extrait des Biographiesbonapartistes, par Ph. B<'rjeau, exréclactenr-gérant de la rraie Rf,pabliquc. JERSEY, IMPRHlCRIE UNIVERSELLE,19, DOR~ETSTREEI!'. Une tleu1oiselle an~laise~ parlant français, désire se placer soit dans un magasin, soit <lans un restaurant français ou anglais. Adresse: E. 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