palais et Sôllsses poul'pres : elle a dans ses doks, ses usines, ses ateliers et sur ses champs, des millions de prolétaires, hommes, enfans et femmes qui chaque hiver pleurent la faim. Le chG.teau mange le cottage, le comptoir la boutique, la rente le travail; et c'est de même anx riches plaines de l'Allemagne, et, chaque année, chaque mois, des grands ports s'envolent par centaines les voiles, les tristes voiles de la faim.emportant aux rives lointaines le Wurtemberg, la Bavière, l'Irlande : le prolétariat émigre avec ses berceanx et ses vieillards. - Que faire? il n'a pour lui ni la terre, ni la fonctiou, ni le capital : tout est amocliè dans la patrie des ancêtres ; il faut partir ! , Et la France est-elle mieux dans sa condition sociale, comme travail et comme garantie? Allez à Lille, à Lyon, à Rouen ; visitez les terriers du Limousin ou des Basses-Alpes, et reconnaissez l'Homme, si vous l'osez, en ces corps chétifs, amaigris, usés, branlans, et sous toutes ces guenilles vermineuses ! Il faut, donc, que la Révolution relève partout le prolétariat, et, pour le relever, il faut qu'elle l'affranchisse de ses deux dernières, de ses deux grandes servitudes, - la misère et l'ignorance. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle restera profondément humaine, et qu'elle u'avortera pas comme les autres révoltes q"?iont agité le monde, querelles de roi, de dynastie ou de gouvernement. IV., On nous a tout ravi, foyers, patrie, liberté, trava~I, et nous écrivol'\s au fond de l'exil, presqu entre deux vagues, comme les naufragés: mais en ce coin de terre, notre dernier abri, la peusée, du raoins, n'est pas crime, et peut monter librement vers les cieux. Que ceux-là donc, qui portent sous leur front rêveur le grand souci de l'humanité, nous viennent en aide ; que les esprits chercheurs, les artistes puissans, les grands patriotes, ceux de la science et de la vérité ne dédaignent pa3 cette feuille au vent et qu'ils l'adoptent: elle est ouverte à tous. Deux réserves seulement: Nous sommes assis au· foyer de l'étrancrer, et l'hospitalité qui nous couvre entraîne un devoir sérieux, c'est de savoir garder, dans les guerres intestines du pays-refuge, la neutralité du malheur: Nous portons en nous-mêmes, nous proscrifa des nations, tout un passé de polémiques, de divisions, de systèmes ennemis, de rancunes peut-être : eh bien,_ il faut savoir oublier, au nom de nos patries captives et <leshonorées: là tâche sera long·uejusqu'au dernier affranchissement; elle ,,eut l'effort _commun. Souvenons-nous bien que l'esprit du temps est avec nous, et que si la Révolution a ses basses marées comme l'océan, ses éclipses comme le soleil, elle a ses retours rapides et ses délug·es : ne divi~ sons pas les eaux ! CH. RIBEYROLLES. LAPOLICEETLAPOSTE. La cour cle cassation vient ùe confirmer l'arrêt rendu par la cour impériale de Rouen, dans l'affaire des correspondauts. C'est M. Troplong, le Justinien des Corses, qui, par ordre, a battu l'étang des grenouilles et fait taire les consciences ou plutôt les voix importunes. Ce monsieur Troplong est un digne homme ! - Vous l'avez connu, jadis, jouant au Malhesherbes, travaillant sa phrase, et posant au socle des puritains graves ; eh bien ! ce légiste sévère coquette aujourd'hui de l'œil et du jabot, fait dans les grands salons un fracas de Baroche, et quand son empereur a besoin d'un courtier d'intrigues ou d'un rémouleur lit_téraire, si Corm~nin e~t enrhumé, c'est Troplong qui fait la besogne ; 11 sourit à tous les crimes et sait parer toutes les infamies : c'est le Fouché des codes! Ainsi, de par cet homme et ses valets à robes rou.o-es la plus haute justice du pays a livré le secret des familles: le mystère des correspondances commerciales, l'intimité des relations ou des affaires, toutes les transactions en ' un mot, et !o~tes les pudeurs ! - à qui? - non pas à la c_ensnre ofii 1 c1e1le_et responsa~le d'une commission réguh~re, ou d nn tribunal public, ce qui ne serait qu'un cnme, après tout ; - elle a livré tout cela c'est-à-dire . ' ' les sentnnens des mères, la consolation des proscrits, la confidence des intérêts, l'échange des douleurs, nos conscience~ à to!ts, elle_los a liv~ées à la police de Bonaparte! Ecrivez, mdustnels, boutiquiers, négocians ; le taux de vos Yentes et le secret de vos marchés seront bientôt à jour : o~ saura ce que vous valez rue de Jérusalem et vous ~urez un t_iers,un associé dans toutes vos opérations, associé fort délicat, du reste, et fort intègre, comme vous savez : il s'appelle l'Espionnage ! Nous ne parlerons point drt l'~ste, et surtout, des saintes affections de la famille, jetée en pâture à la curiosité louche des policiers : ce sont là de très 'petits sentimens pour nos princes du jour, et, d'ailleurs, ne faut-il pas qu'on ait ses Cltroniqites, aux Tuileries, comme au temps de Louis XV et ùe M. Lebel ! D'aucuns prétendront, peut-être, que la magistrature s'est deshonorée. - Pourquoi cela? Ceux qui, le deux décembre, s'en allaient, prêtres de la loi, prêter serment au parjure, dans son bain rle sang, ceux-lil. sont morts, bien morts : il n'y aura de plus, sm leurs tombes, que les armes de la police! C. R. ·LAFUSION. S'il faut en croire les journaux anglais et certaines gazettes allemandes, qu1 sout les pies de l'Europe, les rleux branches de la maison de Bourbon ont fusionné, pour parler la langue des chemins de fer. M. de Chambord et M. de Nemours se sont rencontrés, visités et reconciliés à Frosdhorf : ils ont stipulé contrat cl'alliance, et voici la clause principale qui finira toutes les divisions: La France appartient en viager à M. de Chambord, et, par droit ùe succession, elle reviendra de mille en mâle aux d'Orléans, jusqu'à la dernière bouture. - Madame la comtesse de Chambord est priée ... de ne pas nuire à ces arrangemens de famille. On ne dit pas si Louis XVI et Philippe-Egalité, les deux sans-tête de l'autre monde, ont signé le contrat, et si madame de Berry, l'accouchée de Blaye, a donné consentement, avec son cousin, M. de Condé, le mort de Chantilly. T1·iste, triste, triste, comme disait Hamlet : dans ce monrle-là des dynasties, on ne sait donc ni vivre , ni mourir! Toujours est-il que M. Bonaparte est fort inquiet de ce'tte alliance et qu'il a déjà lancé toutes ses polices : on a fouillé jusqu'à la maison de M. Léon Faucher, ce cuistre parvenu qui jouait si bien du télégraphe et de l'espionnage quand il était ministre de l'Elysée. Léon Faucher en fourrière sous Bonaparte ... l' Angleterre et son ancien constable de Pall-M sl,l liés à la vie, à la mort contre le russe ... , Louis-Philippe et Charles X s'embrassant ponr un héritage, à travers cent tragédies, sans souci des pudeurs ni des tombes ...... décidément les dieux s'amusent? C. R. LE DESPOTISiiE. Après avoir montré une si légitime indignation contre le mot, ne sen.it-il pas bon que les peuples s'occup1ssent de la chose. Aidés par la tradition, par l'histoire, par les faits présens, ne devraient-ils pas étudiet' sévèrement la condition d'être, les moyens, l'action, le développement de cette autorité bmtale, étroite, immonde et si profondément immorale, nommée, dans toutes les langues, le Despotisme. Les Grecs disaient : " la Loi est d96pote ". la loi? oui, la loi, c'est-à-dire, la promulgation pme de la volonté générale, loyalement consulti::e, librement exprimée. : :M:aisun homme ! un homme dépottrvu de tout sentiment noble ou l'étouffant, s'il en a, quand il vient à poindre ; un être sans grandeur, sans âme, sacrifiant ses facultés intelligentes, le sentiment de son cœur, toujours s'il en a, aux exigences de sa méprisable vanité, de son orgueil ! n'est-ce pas la dégradation la plus complète de la nàture humaine ? le plus sanglaut outrage à la justice, à la morale, à Dieu ? et puurtànt tous les crimiriels couronnés, le Pape en tête, ne manquoot jamais de parler au nom de la justice, de la morale et de Dieu. Dérision et blasphème! Le despotisme est, par nature, envahisseur ; il a besoin de l'être, c'est sa loi fatale; s'il demeure stationnaire, il dépérit et meurt. Aussi, voyez l'acharnement des vampires - despotes durant le sombre moyen-âge ; regardez les, Empereurs, Papes et Rois, faisant assaut de rage ambitieuse, cupide et sanglante, afin de s'arrondir, comme <lisent ces beaux Sires. Quelques voix plaintives s'élèvent bien, de temps à autre, en faveur rles peuples mutilés, volés, brfllés, torturés, écharpés; mais l'écho cesse vîte de résonner et l'on retombe dans le lugubre silence de la nuit et de la ti·rreur. - Les peuples! qui clone en parle ? ne rnnt-ils pas, de temps immémorial, de la chair à lance et à canon, pour user du mot d'un brillant despote dont le nom seul vaut à la France l'outrage qu'elle subit aujourd'hui. - Le droit des hommes! belle chose, en vérité ! leur droit est de se faire tuer pour engraisser de leur sang les domaines des possesseurs et pour donner, à certains d'entr'eux, le moyen de mener vie large et dissolue au milieu du troupeau désolé. - Ainsi disaient et faisaient, au moyen-âge, les Papes, vicaires de JésusChrist, ils se nomment ainsi, et serviteurs des servitem·s de Dieu. Saints et doux serviteurs, en effet, remplissant une mission, prétendue sacrée, en faisant exterminer les hommes afin de trôner, tonjo•rs à la plus grande gloire de Dieu, sur des débris hull\ains et sur· des ruines. Reconfortés, réchauffés par un si to•chant exemple, Empereurs et Rois ne devaient-ils pas le suivre, ne le suivent-ils pas religieusement ? Et?nrl.ez-vous après cela Je voir le fanatisme enragé substitué au plus doux sentiment du cœur ? demandezvous quel génie infernal a pesé, tant de siècles durant, sur les malheureux, afin <leles amoindrir, de les rapprocher le plus possible de la brute ? .......................... . 1~despotisme! le_despotis~e ! en vérité, il n'en est pas d autre. Pour tirer parti de ses coups de main, il a beso~n de la nuit, d'une profonde nuit ; afin de ne voir pas d~Jouer ?es plans, il lui fant l'ignorance crasse, la stupidité de l homme déchu ; tonte lumière le tourmente toute voix juste le met en convulsions ; le silence, la r:uit, re mutisme, la stupidité, sans quoi il ne peut vivre. Mastnr- ~er la_créature humaine, l'abê~ir, la souiller, épouvanter l espnt, dégrader le cœur, tanr la source de tout senti- -ment, tel est le lamentable assassinat social co1wu suivi • T ' ' exécuté ùepuis des siècles, toujours sous l'invocation du Dieu ile justice et clebonté, par le despotisme ayant forme de Papes, d'Empereurs, de Rois et d'In4uisitittrs. Détournons les regards de ce tableau lugubre,, voilons d'un crêpe l'histoire sombre et terrible du Moyen-Age; ne nous arrêtons pas à compter les monticules de cadavres humains, dix ou donze millions, semés dans l'ancien et dans le nouveau monde par le despotisme sacerdotal; bornons-nous seulement à constater les effets du despotisme mitré ou botté durant la période que nous traversons; examinons l'Europe de nos jours. En Espagne, le despote cagot et débauché, Ferdinand VII, fait écarteler Riego, le héros de la liberté ; plus tard Torrijos est fusillé, noble martyr de la même cause. ' Regardez l'incendie de Palerme et les maisons s'écrou1?.nt so~s les bombes, tout n'est ~as dit encore: après 1mce1~d1e t le massacre, Dalgaretto, le bandit aux gages rlu roi, va commencer son œuvre: comptez, si vous le pouvez, le nombre des victimes! - Transportez-vous au sein de Messine en flammes; voyez-la suer le sang par teus les pores: puis, de là, revenez à Naples, la belle, livrée au sac, au pillage, à l'incendie, à la brutalité hideuse des Lazzaroni-transformés, pour le besoin de la situation, en prétoriens, du monarque par letgrâce de Dieu. Ce chacal couronaé est Ferdin·and, Bourbon de Naples surnommé Bomba, par suite de ses r~cents exploits. ' Voici l'Autriche! prêtez .une oreille attentive, vous surtout, femmes, épouses, mères, sœurs: tournez vos regards vers la Gallicie; suivez la course farouche de Zzéla, le bourreau choisi par Metternich et, si l'horrèur ne ferme pas vos yeux, regardez-le incendiant le·s maisons, d~chirant les entrailles des femmes et broyant sur les murailles la tête des enfants 1- Encore n'a-t.,.on là que le prélude : voici venir Radestki et ses croates, Radestki, l'affreux vampire de la Lombardie ; assistez en passant au meurtre de l'héroi~ue Robert Blum, à la décapitation de la noble Vënise, mâis arrêtez-vous, oh! Je VOU~ etïim-pplie, arrêtez vous un instant devant ces gibets où sont pendus les plus dignes des hommes, et sous lesquels on fait fouetter en plein soleil leurs nobles épouses. Qui fait cela? Haynau, le boucher de Brescia! - Ah! vraiment ]a maison de Hapsbourg est dignement représentée! Est-ce tout? Hélas! ~on, ne voyez-vous pas les gibets cle la noble Hongrie? les plus valeureux de ses enfans n'ont-ils pas monté l'échelle fatale de ce pas calme et fier, avec eet héroïque sang-froid qu'ils montraient sur les champs rle bataille quand les boulets soufflaient autour d'eux? N'apercevez-vous pas, à travers les barreaux, cette jeune {Jt belle comtesse Teleki dont ils espèrent amoindrir le cœur en comprimant son corps. Hideux in~ sensés! comme si l'âme de la jeune fille n'était pas mille fois plus riche en noblesse, en dévouement, q11'ils ne le sont en brutalité ! Saluez Rome ! saluez la ville éternelle, la grande cité trahie, l~chement trahie par le parjure auquel elle avait donné asile ; grâce au pa1jure, elle râle aujourd'hui sous la pourpre sacrée do vicaire de Jésus-Christ, Pie IX, du cardinal Antonelli et sous ]a robe sombre de l'inquisition. Si de ces lieux nous passons en Prusse, à travers l'Allemagne, le même aspect de «lésolation et de meurtre se présente ; partout des soupirs et des sanglots ; partout l'empreinte de la terreur. Là, comme à Rome, à Bude, à Pesth, à Vienne, ]es cachots, l'exil, les fusillades, les égorgemens et les potences. Toutefois, il faut reudre justice à ce pays ; ou y épargnt; les frais de -mise en séène; on n'y voit pas encore les femmes promenées sous la potence à kiq11el1esont pendus les maris ; on ne les. expose point, blessées au eœur dans leur amonr, dans leur pudeur, on les jette pas en risée aux courtisans et aux mouchards ; on ne )es montre pas demi-nues et se tordant de douleur sous les lanières du bourreau. Pourquoi tant de malheurs et de désastres? parce que des hommes libres, au cœur loyal et plein de foi, ont défendu la constitution confiée à leur garde, contre un despote se jouant de son serment comme d'une balle de paume. C'est le prélude des saturnales sanglantes cle Paris. Paris! à èe nom le sang refoule vers le cœur. Le boucher de décembre n'a rien omis pour écrire son épouvantable histoire : prisons, forts détachés, pontons, exil, Afrique, Cayenne, fusillades nocturnes, massacres en plein jour au boulev,.rd; massacres de femmes, d'enfans, rle vieillards sur lesquels on fait pleuvoir letï1 balles, la mitraille, les obus et les boulets ! Et puis, à côt~ de l'horreur, la honte, l'ignominie; oh ! rle la l1onte et rle l'ignominie comme n'en supporta jamais aucun peuple ; et, pour complément, le silence, un silence clemort avec l'espionnage au foyer, comme en Russie. Son tout est enfin venu à cette Russie, la terre du des-
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