-SCIENCE:- il -SO LTDA PITÉJOURNALDELADEJ\!IOCRATIE.UNIVERSELL "N° 1. - MERCREDI, 30 NOrEMBRE 18.32. I SOLIDARITE. I. LPs dieux s'en vont, <lisait, en mounrnt, le moncle ancien: les rois s'en vont, s'écriait llier encor<' le clix-uenvièrne siède dan:- la conscience de sa force et l'orO'ueil de ses idées : - eh biPn, aujonrd'hni, 0 voilà qne les rois re;iennent 1~ortan! eu Cl'Ot!pele~ dieux malades, et c est la Revolut1ou 1ral11e qm poun·ait dire à. son toul': les !tommes_s'.en l'ùnf ! Cherchez en effet dans cette v1e1lle Europe, patrie des ruine8 et des renaissances, cherchez un coin de 1erre où la liberté chante, souveraine et respectée : au Sud, les nat~ons dorm~n~, ét~11<lues au soleil, et sans regard m vers les 1dees _m vers les mers: un rnome11tvisitées par l'esprit de France, qui est le o-rand esprit de la co11scie1we humaine, l'Espagne ~t le Portug·al avaient. rele,'.~ 1~tête: mais eng·ourdis par un loug- sommeil de dix siècles, sous le maucenilier catholique, ces <lenx: peuples ont laissé tomber la jeune bannière aux muius de pouvoirs eunuques, et tout semble éteint dans ces pays, tout, jusqu'aux relig;ions lé_g-en'.laires, jusqu'au vieil amour <les aventmes lo111t..11ueset des grandfs voiles : le Cid et Colornh sont bie11 toujours dans la tombe! A l'Est, tout a succombé; Italie, Autriche, Hongrie-trois révolutions, trois cerceuils-qu'ombragent des milliers de g·ibets, hideux sycomores de ce continent-cimetière. Au Centre, au Nord, et de la Baltique au Rhin, µartnut le ~,-and silence des serv t.lW . 4'togtte, qui n~u t\'Ouv' personne à l'heure de ses luttes, voit m:1i11teua11ttoutes les nations couchées, commt=>ellP, autonl' d'elle, et sa tombe, où sont descendues des arml'Ps, s'blève là-bas, derrière le'Spetit:. tPrtres allemands, cah ai.-e ~arré qui parle au monde. L'Ouest seltl, dans son 'Île aux trqis royaumes, ~l O'Unlé quelque lumière sous son ciel p~He, et q11elq1.1edig11ité dans sa , ie publique; mai~, cette civilisation individnali<,tc et marchande clrnrrie, dans son conrs, tous les pl'Î\ ilég·e,; des i ieux temps; eile n'est pas entrée dans la pl,ilosophie g·(•11~ralequi doit entniîner à la fiu comm•rne les intérêts comme les i<lées: ainsi qu'aux anciew; jours elle a pour as::;ises le fief et l'nsnre, et si l'on trouye de tout dan:; ses hiér::ir hies, des quakers, des juifs, des lords, et ~urtout des prolétai,· s, vainement on y chercherait l'/101mne ! Restait la France, patrie sainte <le la parole et vieille terre des combats, la France à la fois urmée vivante et concile permaneut, répandant la lumière, et tenant l'épée : - lu voilà, nrninte11~mt, comme les autr s, silencieuse, vassale, desho11orùe : lt• clairon des soudards e1 le siln<;t <les arg·ousius ont remplacé les grands dcibllts de sa trilnrne et le mao·nifique concert de ses µliilosophies : elle n'est 0 1 ' • • l' k pus qn 1rn troupeau 4m vit sous u nse, comme l'Ukraine 011 la Finlande; la France e!;t conchée: c'est moius qu'une tombe, c'est nne caverne. En ce pays, naguère si fier et si gTnnd, b puissance est au crime, U\lX histriolls qui ehante11t ses splendeurs, aux juifs qui les escompte11t, aux h.1teleurs de justice qui sigue11t à. tous commanclemèns, nux prêtres qni les sanctifient et qni psalmodient la délation entre deux messe.-:, aux courtisanes qui tiennent l'alct,ve, anx valets qui pille1it, aux ~oldats qui tue11t, à tout un mo11<le enfin de reîtres dressés au meurtre, d'usuriers, <l'espious, d'icoghrns qui se ruent aux cuisines de la servitude , comme des chiens maigres ù hl curée !-et, plus loin, h't-bas, le peuple tra,,aHle en silence, sous l'œ1l des gardes el1iomm~~/ .et les marchands spéculent, indifférents aux rùitfe9, et les villes qu'avait visitées l'esprit de fou se taisenJ, et cette rude Hation qui jouait aux bataillt 1s avec la tête des rois, file, tisse, défriche, fouille la terre, l'industrie, les scie11ces, la tête basse, comme l'esclave ou le bœuf au siJlon ! \ , Toutes lett.·es et conebp~n.danee~ <lofrent être affranchie~ et aclr,:5sées :rn bure:111crntral de l'fmprimPrie Universelle :1 S:~int-llélier (.Jersey), 1!l, Dorset Street, Voilà la \'érité, non la vérité d'hier ou de <lcmni11, mais colle du jour, et nous a,·0!1s , oulu la <lire, p,wce qu'il est h,)ll cle. sonder Ids ph1ies avant d'agir 011 d'in<li4m!l· -k remède ; parce qu'il ne faut plus de fétiches, 11i penplcs, 11i rois, ni dieux:; pnrce que la cause de 1ws malheut's el la n.iisoll de 110schutes sout <·11 uons, dans nos f'.rn1es, nos divisions, uo:- lrnines particulihes, nos idolâtries insensées. Quelques-uns disent, nous le savons: si la République romaine est morte noyée dans le snng-, si Venise et Milau out succombé, si la Hong;rie, si robuste et si brave, a vn s\)xilt>r sa dernière hmule de liéros, c'est qne l'i11vasio11ôtrangère s'est ruée sur ces deux patrie;:;; c'est q11ela tactique, le nombre et hi tt·ahison 12sontaccahlées; et ~i la République française, ù scu tour, a vu tomùer ses tribunes, ses institutions, s(•s pl1alang-es, t'est que ht nuit une conspiration de }.lêilais 'est jetée sur elle avec tont<~sles forces org,rnist'.:cs cl'n11g·ouver1, • , rn • • 1 ' 11em<'11t,et a snppnmee. 1ou;:; ces smrstres s appellent donc R,.Hlestki, Nicohis, TLiynau, VindisoTaëtz Georo·c,, llom.inarte 1 ~<. ' t,}' r • S.111s<loute ce sont lJien là les noms des bourreanÀ, ch's ég·o1·g·eurs, des fossoyet.rs de h1 cfornière heure: !liais a, mit q1H· ces rndes coups n'eussent été portés, 1,·av~iit-0,1 1~,1s pl'r<fü ]{'~, pre111ièn 1s journées si précienses de h gn111de fit•,, re, cf la cause dt-'s peuples u'{!tait-el!e pas dt-jù compromise 1 - Qu'est-ce à dire, d'ailleurs? - Ln ~l·volution française qui seule, voilà cinqu~rnte nns passés, inoncb l'Europe de ses ~1rm(·es et de ses propaO'àndes, cettt" terril.ile et g-r:mde .instici~re, avec ;c.., forces accru s, HerAit cette fois tombée sous un couµ de couh::..u ! L'œu, r"• :,;i lente et si di!Jîeile de Crornweli nu l{'mps l.:.u bar~, et la bl'sog11e impie d11 premier Bo11a1m,tf', bl'sog·ne pr\j~iar~•c p,n cent victoires, - qnelques '\-c,l~111·s t'1nbus{1u(•s m1rnic11tacC'on1plitont eela, dnns 1111e1111it,comme 011cU•vnli:;eune auberge, p,1r esc;tlade el g-nd-àpen-,? .To11, mille ft,is non : à cl<'~ c~ttnslrophPs qni lai-;- sent de pal'eilles rnines, il y a dt's r:1isons plus ln.111tr'set des .;aHst•-. pins i,6rietht.'S, qn\111e con,;- pirntion de lwn,lits, n11e trt1hist>11,un coup de po1g·11<ll'd: tlll vicforit!U'-. peni toml,cr so11r;p:1reillcs ~urpr_ises, u11 peuple d;flicile111<',!Î, 1ml' soeiétl· pmais. Ce qni a perdn le mo11\"~ 1 mrnt clP Fén·icr, -~lli l'ut Ui,C si bt lie Ulll'lH"e, c'est l'i:-,,,lement; et si toutes les pafl'ÎE-s sont en <lenil, solls l<'s clui'nes, dallS Lt nuit prof'o11dc.. e'0:;t que l::l Révolution françnisf', au premier jour <leso11r'·, cil, a c](,sC'1·f.'.! sa mission rt n'a pas comr:·i•; Li loi de s 's dustiuf.es. Û Oll \ ('l'lH'rnent l'omlt~ :-,til' des t ,',lllSil(;( io11s, en~ a cru pou\ ofr se co11sti1ut'I' et st• di·, clopper. librenwnt, pat:ifi4t1l'l11t•n1,~111milic11 <l\•niwrni.s ;111pl:1cahl< 1s q11i Ill' hi 1d11.1Î{·ntl.,i,'11b:is 411e pom; la rni,·11x tru!,ir : cil<' ,n.:il des alli{!S pal'tuut, les lins qui sortaient du s1•p11lcrc·, l'<'~p.'.:edans l:t main, le fr,mt pfrle <:t ruyo1111u11t ·01n11w I' halit•,- d'nu1n.•s qni cltcrchHicut Inn,;, r111cs, d,112~ ln 1it1it de lem· cad1oi, comme !a Polog·11c,- d\rnh·<·s qui sP001rnient IPurs rê, es 1lott.t1its d <·om·ni<>11tuu g·lai, e cClmnh.~ I' A ll<•nrng·nc',et ct>1n.-lù plus j<·l111<'s cniiu qui, comme la Ho11gTie, 1t{,rissaic111leurs p!~1i1H!S<le, ingt armi~es. ''Il y ;nait lù toutf's les forcc.'s Jjéccssn;r0s Ù•l'1111~vcrsellc défürmH'e; i! \ ,nait ù fonllt'!' n11e co11fédéra1ion i11Yinci.hlc, f:elÎe des nations; <'t .si la France, maîtresse d'elie-mt>me, avait foit l\1ppol <lircct, répucfrrnt toutes les ambitions de territoires et. cle représ,!ii!cs, si l'lio avnit e11p;:1g{~c résolument ses armées et Sl'S pr pag·..rndes,-ü1<lécise, traquée sur tous le:. püints, c<>upécclans tous ses camps, la 011tre-r.'.:lvolntio;1était perd11e ! M uis on usa les première.-; journées en fêtes, CH ovations, en querclks in1est;nes: 011 laissa la g,1errc civile éch1ter entre lt-s intért?·ts qni vo1d.iiC'ni dormir et les id~es qui s·ei1 allaient ù la seeo11tle ... PRIX Dl: L'Ano:x. E:.:c:.1· : S Slùllings par an. Pmx ou :.u)1lno : 6 souR, \ étape: on isola la Ré, ùlution de ses forces cxtt'.·- rienres, et, dès-lors, tout fnt cornp1·0mis: un ù 1111 les peuples tombèrent sous des coalitio11s eff.-011-, tées: ce fut, par toute i' Europe, une hécatombe de martyrs, et Paris, en décembre, en ent la dernière jond1ée ! Ainsi, ln caus·e de nos malheurs, la raison profontle et vraie <les désastres qui nons ont frappés, uous, et ce qni est plus que 11011s,nos idées et uos patl'ies, ce n'est pas l.1 défaillance <lu bras ou du cœur-nous avons des martyrs par toute la terrece n'est pas la supériorité de nos ennemis-leur victoire tremble encore, ils respirent ù peine au milieu de leurs troph~es-c'est la <livision des forces, l'insolidarité dans les luttes, la défiance coupable, c'est la relig·ion bourgeoise de l' intra 1nuros ! Proscrits de toutes les nations qui uous trouvons ensemble, au foyer de l'étranger, que cette cruelle expérience nous soit une leçon : qu'il n'y ait entre 1wns désormais qu'une commullion, un sentimeot, un amour, celui de la délivrnnce universelle. QHe nous importent les latitudes, les races, les orig·i11es, les cou lems? N'avons-nous pas tous la grande empreinte humaine, et l'uuité de famille ne doit-elle pas el1traîner l'effort cornurnn <le l'espèce veTs le plus haut cles <lestii1ées ~ - Qui est-ce qui s'a.JJpellera Oaù-1 ? • ... ·~~ _,~ HI. . ' Le~ JJcuples-uni.s, libres et souverl'lins chacun dans sa sphèrP, les patries iudépe11dantPs et les nationalités constituées par afü11ité de races, de langues, de mœurs, voilù donc le grand but ù pnursm- , re, et la solidarité ré, olutionnaire y peut seule atteindre: mais ce n'est 1,\ qu'un côté du problème qni nous sollicite, une foce de' l:l questinn: le ca<lr~ 11·e~t rien salis les développemens, et pour que b R[:volution 11'uvorte pns mw dt>rnièrn fois, il faut 4 n'en org-anis:mt la famille p;i•nér:..iledes peuples, elle eutl'c aussi d::rns ln ,·ie de ees peuples, et redresse partout l'institution sociale, qni u,est e1icore, à drgrés- ~füp1·s, qnc le codt> des pri\ ii~·g-eset des ser1 it udes. • f magi11e11:les l'éµu bliques nneien11es se constitua11t en fhlérutions, ,Hl lien <le se dé·ehir 1· e11tr'elles, A :hènes se r:tlkrnt à , 'pi:lrte et Rome do11na11t la main :'1 Ca'ftlrngc, quellt> esµ;·r~: tee cf quel pro!H en aurait pn retirer 10 mon<lt:'des escbve:; qni était alors l'h11mu11i10presqn'entière, moins les botll'?;eois, les pntriciens f't les satrapes? Aujo11rd'l1ui, 11011s le savo11s, dims les pays :1-peuprès ci, ilisés de l'Europe, la servitude antique n'l'xisk plus comme i11stitution lé.gale: l'homme n'est plus rnarcl1a11dise, instnrn1P11t, "olonté-cadavre, sous b nwin du maître; mais voyez au fond, combien partout est clif,t;ye et maigTe cette perso11ne affranchie qu'o!I appt-lle le peuple! Quelll'! pnrt lui L·evient-il cle !11érita~;e :intérieur, qn'elle a formé po111·htnt,ot qui est le follfl commun de l'hunHrnih'.: ~ La scicn('C c.·st 1111 privi!~g·e que l'instrnctio11 donne ù beaux deniers eomptmll, et <'l'lui qui Il<.' hl, 1,eut pn~C'r, tnlVt',·sc 111 vie· daus mie nuit P.•·ofon<le: l'industrie, les beaux arts, les fo,1dions J)rofossiomicllcs, tontt> la co11naiss;rnee lrnmai11e en un mot ne s'aeqt,ieri' 411cpar la culture, et ln cul111reest i11terdite aux pnnvres, eu ~orle qn'uujour-. d'liui, les neuf-dixièmes (le l't.'SlJf•t·<:déclaréP librP 1w save11î rie11, 11i de l'liistoire', !li tles ,·érités acquises, 11i des grands tnwanx et des découverte,; fécond<•s: sans ancêtres, comme sans héritiers,· i!s s'en , m1t, en souffnrnt, cln berceau jusq1t'ù la tombe, et s'y co11thc11t avec qne!ques amulettes, unonymcs de 1a mort qui n'ont rien su <le la ie ! Est-ce là l'êtrc'intellig·ent, libre et moral: est-ce lù l' 1-lommP? Ainsi, la Famille gt:11érnlc compte encore, pur ce,1taines <le fnillions, ses aveng·les de <lestif'lée: Prométhée n'est plus au Caucase c11cha'Îné, sous b main des Dieux jnloux, mais 011 iui a cro\1é le:ll yeux er laissé la mis '-re, I<' vaflto111·, pom <iompag-11011 ù tra\'ers la vie-. . V O}"ez l'Angleterre si opulente, si fière, dans ses ..., . , ... ...
palais et Sôllsses poul'pres : elle a dans ses doks, ses usines, ses ateliers et sur ses champs, des millions de prolétaires, hommes, enfans et femmes qui chaque hiver pleurent la faim. Le chG.teau mange le cottage, le comptoir la boutique, la rente le travail; et c'est de même anx riches plaines de l'Allemagne, et, chaque année, chaque mois, des grands ports s'envolent par centaines les voiles, les tristes voiles de la faim.emportant aux rives lointaines le Wurtemberg, la Bavière, l'Irlande : le prolétariat émigre avec ses berceanx et ses vieillards. - Que faire? il n'a pour lui ni la terre, ni la fonctiou, ni le capital : tout est amocliè dans la patrie des ancêtres ; il faut partir ! , Et la France est-elle mieux dans sa condition sociale, comme travail et comme garantie? Allez à Lille, à Lyon, à Rouen ; visitez les terriers du Limousin ou des Basses-Alpes, et reconnaissez l'Homme, si vous l'osez, en ces corps chétifs, amaigris, usés, branlans, et sous toutes ces guenilles vermineuses ! Il faut, donc, que la Révolution relève partout le prolétariat, et, pour le relever, il faut qu'elle l'affranchisse de ses deux dernières, de ses deux grandes servitudes, - la misère et l'ignorance. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle restera profondément humaine, et qu'elle u'avortera pas comme les autres révoltes q"?iont agité le monde, querelles de roi, de dynastie ou de gouvernement. IV., On nous a tout ravi, foyers, patrie, liberté, trava~I, et nous écrivol'\s au fond de l'exil, presqu entre deux vagues, comme les naufragés: mais en ce coin de terre, notre dernier abri, la peusée, du raoins, n'est pas crime, et peut monter librement vers les cieux. Que ceux-là donc, qui portent sous leur front rêveur le grand souci de l'humanité, nous viennent en aide ; que les esprits chercheurs, les artistes puissans, les grands patriotes, ceux de la science et de la vérité ne dédaignent pa3 cette feuille au vent et qu'ils l'adoptent: elle est ouverte à tous. Deux réserves seulement: Nous sommes assis au· foyer de l'étrancrer, et l'hospitalité qui nous couvre entraîne un devoir sérieux, c'est de savoir garder, dans les guerres intestines du pays-refuge, la neutralité du malheur: Nous portons en nous-mêmes, nous proscrifa des nations, tout un passé de polémiques, de divisions, de systèmes ennemis, de rancunes peut-être : eh bien,_ il faut savoir oublier, au nom de nos patries captives et <leshonorées: là tâche sera long·uejusqu'au dernier affranchissement; elle ,,eut l'effort _commun. Souvenons-nous bien que l'esprit du temps est avec nous, et que si la Révolution a ses basses marées comme l'océan, ses éclipses comme le soleil, elle a ses retours rapides et ses délug·es : ne divi~ sons pas les eaux ! CH. RIBEYROLLES. LAPOLICEETLAPOSTE. La cour cle cassation vient ùe confirmer l'arrêt rendu par la cour impériale de Rouen, dans l'affaire des correspondauts. C'est M. Troplong, le Justinien des Corses, qui, par ordre, a battu l'étang des grenouilles et fait taire les consciences ou plutôt les voix importunes. Ce monsieur Troplong est un digne homme ! - Vous l'avez connu, jadis, jouant au Malhesherbes, travaillant sa phrase, et posant au socle des puritains graves ; eh bien ! ce légiste sévère coquette aujourd'hui de l'œil et du jabot, fait dans les grands salons un fracas de Baroche, et quand son empereur a besoin d'un courtier d'intrigues ou d'un rémouleur lit_téraire, si Corm~nin e~t enrhumé, c'est Troplong qui fait la besogne ; 11 sourit à tous les crimes et sait parer toutes les infamies : c'est le Fouché des codes! Ainsi, de par cet homme et ses valets à robes rou.o-es la plus haute justice du pays a livré le secret des familles: le mystère des correspondances commerciales, l'intimité des relations ou des affaires, toutes les transactions en ' un mot, et !o~tes les pudeurs ! - à qui? - non pas à la c_ensnre ofii 1 c1e1le_et responsa~le d'une commission réguh~re, ou d nn tribunal public, ce qui ne serait qu'un cnme, après tout ; - elle a livré tout cela c'est-à-dire . ' ' les sentnnens des mères, la consolation des proscrits, la confidence des intérêts, l'échange des douleurs, nos conscience~ à to!ts, elle_los a liv~ées à la police de Bonaparte! Ecrivez, mdustnels, boutiquiers, négocians ; le taux de vos Yentes et le secret de vos marchés seront bientôt à jour : o~ saura ce que vous valez rue de Jérusalem et vous ~urez un t_iers,un associé dans toutes vos opérations, associé fort délicat, du reste, et fort intègre, comme vous savez : il s'appelle l'Espionnage ! Nous ne parlerons point drt l'~ste, et surtout, des saintes affections de la famille, jetée en pâture à la curiosité louche des policiers : ce sont là de très 'petits sentimens pour nos princes du jour, et, d'ailleurs, ne faut-il pas qu'on ait ses Cltroniqites, aux Tuileries, comme au temps de Louis XV et ùe M. Lebel ! D'aucuns prétendront, peut-être, que la magistrature s'est deshonorée. - Pourquoi cela? Ceux qui, le deux décembre, s'en allaient, prêtres de la loi, prêter serment au parjure, dans son bain rle sang, ceux-lil. sont morts, bien morts : il n'y aura de plus, sm leurs tombes, que les armes de la police! C. R. ·LAFUSION. S'il faut en croire les journaux anglais et certaines gazettes allemandes, qu1 sout les pies de l'Europe, les rleux branches de la maison de Bourbon ont fusionné, pour parler la langue des chemins de fer. M. de Chambord et M. de Nemours se sont rencontrés, visités et reconciliés à Frosdhorf : ils ont stipulé contrat cl'alliance, et voici la clause principale qui finira toutes les divisions: La France appartient en viager à M. de Chambord, et, par droit ùe succession, elle reviendra de mille en mâle aux d'Orléans, jusqu'à la dernière bouture. - Madame la comtesse de Chambord est priée ... de ne pas nuire à ces arrangemens de famille. On ne dit pas si Louis XVI et Philippe-Egalité, les deux sans-tête de l'autre monde, ont signé le contrat, et si madame de Berry, l'accouchée de Blaye, a donné consentement, avec son cousin, M. de Condé, le mort de Chantilly. T1·iste, triste, triste, comme disait Hamlet : dans ce monrle-là des dynasties, on ne sait donc ni vivre , ni mourir! Toujours est-il que M. Bonaparte est fort inquiet de ce'tte alliance et qu'il a déjà lancé toutes ses polices : on a fouillé jusqu'à la maison de M. Léon Faucher, ce cuistre parvenu qui jouait si bien du télégraphe et de l'espionnage quand il était ministre de l'Elysée. Léon Faucher en fourrière sous Bonaparte ... l' Angleterre et son ancien constable de Pall-M sl,l liés à la vie, à la mort contre le russe ... , Louis-Philippe et Charles X s'embrassant ponr un héritage, à travers cent tragédies, sans souci des pudeurs ni des tombes ...... décidément les dieux s'amusent? C. R. LE DESPOTISiiE. Après avoir montré une si légitime indignation contre le mot, ne sen.it-il pas bon que les peuples s'occup1ssent de la chose. Aidés par la tradition, par l'histoire, par les faits présens, ne devraient-ils pas étudiet' sévèrement la condition d'être, les moyens, l'action, le développement de cette autorité bmtale, étroite, immonde et si profondément immorale, nommée, dans toutes les langues, le Despotisme. Les Grecs disaient : " la Loi est d96pote ". la loi? oui, la loi, c'est-à-dire, la promulgation pme de la volonté générale, loyalement consulti::e, librement exprimée. : :M:aisun homme ! un homme dépottrvu de tout sentiment noble ou l'étouffant, s'il en a, quand il vient à poindre ; un être sans grandeur, sans âme, sacrifiant ses facultés intelligentes, le sentiment de son cœur, toujours s'il en a, aux exigences de sa méprisable vanité, de son orgueil ! n'est-ce pas la dégradation la plus complète de la nàture humaine ? le plus sanglaut outrage à la justice, à la morale, à Dieu ? et puurtànt tous les crimiriels couronnés, le Pape en tête, ne manquoot jamais de parler au nom de la justice, de la morale et de Dieu. Dérision et blasphème! Le despotisme est, par nature, envahisseur ; il a besoin de l'être, c'est sa loi fatale; s'il demeure stationnaire, il dépérit et meurt. Aussi, voyez l'acharnement des vampires - despotes durant le sombre moyen-âge ; regardez les, Empereurs, Papes et Rois, faisant assaut de rage ambitieuse, cupide et sanglante, afin de s'arrondir, comme <lisent ces beaux Sires. Quelques voix plaintives s'élèvent bien, de temps à autre, en faveur rles peuples mutilés, volés, brfllés, torturés, écharpés; mais l'écho cesse vîte de résonner et l'on retombe dans le lugubre silence de la nuit et de la ti·rreur. - Les peuples! qui clone en parle ? ne rnnt-ils pas, de temps immémorial, de la chair à lance et à canon, pour user du mot d'un brillant despote dont le nom seul vaut à la France l'outrage qu'elle subit aujourd'hui. - Le droit des hommes! belle chose, en vérité ! leur droit est de se faire tuer pour engraisser de leur sang les domaines des possesseurs et pour donner, à certains d'entr'eux, le moyen de mener vie large et dissolue au milieu du troupeau désolé. - Ainsi disaient et faisaient, au moyen-âge, les Papes, vicaires de JésusChrist, ils se nomment ainsi, et serviteurs des servitem·s de Dieu. Saints et doux serviteurs, en effet, remplissant une mission, prétendue sacrée, en faisant exterminer les hommes afin de trôner, tonjo•rs à la plus grande gloire de Dieu, sur des débris hull\ains et sur· des ruines. Reconfortés, réchauffés par un si to•chant exemple, Empereurs et Rois ne devaient-ils pas le suivre, ne le suivent-ils pas religieusement ? Et?nrl.ez-vous après cela Je voir le fanatisme enragé substitué au plus doux sentiment du cœur ? demandezvous quel génie infernal a pesé, tant de siècles durant, sur les malheureux, afin <leles amoindrir, de les rapprocher le plus possible de la brute ? .......................... . 1~despotisme! le_despotis~e ! en vérité, il n'en est pas d autre. Pour tirer parti de ses coups de main, il a beso~n de la nuit, d'une profonde nuit ; afin de ne voir pas d~Jouer ?es plans, il lui fant l'ignorance crasse, la stupidité de l homme déchu ; tonte lumière le tourmente toute voix juste le met en convulsions ; le silence, la r:uit, re mutisme, la stupidité, sans quoi il ne peut vivre. Mastnr- ~er la_créature humaine, l'abê~ir, la souiller, épouvanter l espnt, dégrader le cœur, tanr la source de tout senti- -ment, tel est le lamentable assassinat social co1wu suivi • T ' ' exécuté ùepuis des siècles, toujours sous l'invocation du Dieu ile justice et clebonté, par le despotisme ayant forme de Papes, d'Empereurs, de Rois et d'In4uisitittrs. Détournons les regards de ce tableau lugubre,, voilons d'un crêpe l'histoire sombre et terrible du Moyen-Age; ne nous arrêtons pas à compter les monticules de cadavres humains, dix ou donze millions, semés dans l'ancien et dans le nouveau monde par le despotisme sacerdotal; bornons-nous seulement à constater les effets du despotisme mitré ou botté durant la période que nous traversons; examinons l'Europe de nos jours. En Espagne, le despote cagot et débauché, Ferdinand VII, fait écarteler Riego, le héros de la liberté ; plus tard Torrijos est fusillé, noble martyr de la même cause. ' Regardez l'incendie de Palerme et les maisons s'écrou1?.nt so~s les bombes, tout n'est ~as dit encore: après 1mce1~d1e t le massacre, Dalgaretto, le bandit aux gages rlu roi, va commencer son œuvre: comptez, si vous le pouvez, le nombre des victimes! - Transportez-vous au sein de Messine en flammes; voyez-la suer le sang par teus les pores: puis, de là, revenez à Naples, la belle, livrée au sac, au pillage, à l'incendie, à la brutalité hideuse des Lazzaroni-transformés, pour le besoin de la situation, en prétoriens, du monarque par letgrâce de Dieu. Ce chacal couronaé est Ferdin·and, Bourbon de Naples surnommé Bomba, par suite de ses r~cents exploits. ' Voici l'Autriche! prêtez .une oreille attentive, vous surtout, femmes, épouses, mères, sœurs: tournez vos regards vers la Gallicie; suivez la course farouche de Zzéla, le bourreau choisi par Metternich et, si l'horrèur ne ferme pas vos yeux, regardez-le incendiant le·s maisons, d~chirant les entrailles des femmes et broyant sur les murailles la tête des enfants 1- Encore n'a-t.,.on là que le prélude : voici venir Radestki et ses croates, Radestki, l'affreux vampire de la Lombardie ; assistez en passant au meurtre de l'héroi~ue Robert Blum, à la décapitation de la noble Vënise, mâis arrêtez-vous, oh! Je VOU~ etïim-pplie, arrêtez vous un instant devant ces gibets où sont pendus les plus dignes des hommes, et sous lesquels on fait fouetter en plein soleil leurs nobles épouses. Qui fait cela? Haynau, le boucher de Brescia! - Ah! vraiment ]a maison de Hapsbourg est dignement représentée! Est-ce tout? Hélas! ~on, ne voyez-vous pas les gibets cle la noble Hongrie? les plus valeureux de ses enfans n'ont-ils pas monté l'échelle fatale de ce pas calme et fier, avec eet héroïque sang-froid qu'ils montraient sur les champs rle bataille quand les boulets soufflaient autour d'eux? N'apercevez-vous pas, à travers les barreaux, cette jeune {Jt belle comtesse Teleki dont ils espèrent amoindrir le cœur en comprimant son corps. Hideux in~ sensés! comme si l'âme de la jeune fille n'était pas mille fois plus riche en noblesse, en dévouement, q11'ils ne le sont en brutalité ! Saluez Rome ! saluez la ville éternelle, la grande cité trahie, l~chement trahie par le parjure auquel elle avait donné asile ; grâce au pa1jure, elle râle aujourd'hui sous la pourpre sacrée do vicaire de Jésus-Christ, Pie IX, du cardinal Antonelli et sous ]a robe sombre de l'inquisition. Si de ces lieux nous passons en Prusse, à travers l'Allemagne, le même aspect de «lésolation et de meurtre se présente ; partout des soupirs et des sanglots ; partout l'empreinte de la terreur. Là, comme à Rome, à Bude, à Pesth, à Vienne, ]es cachots, l'exil, les fusillades, les égorgemens et les potences. Toutefois, il faut reudre justice à ce pays ; ou y épargnt; les frais de -mise en séène; on n'y voit pas encore les femmes promenées sous la potence à kiq11el1esont pendus les maris ; on ne les. expose point, blessées au eœur dans leur amonr, dans leur pudeur, on les jette pas en risée aux courtisans et aux mouchards ; on ne )es montre pas demi-nues et se tordant de douleur sous les lanières du bourreau. Pourquoi tant de malheurs et de désastres? parce que des hommes libres, au cœur loyal et plein de foi, ont défendu la constitution confiée à leur garde, contre un despote se jouant de son serment comme d'une balle de paume. C'est le prélude des saturnales sanglantes cle Paris. Paris! à èe nom le sang refoule vers le cœur. Le boucher de décembre n'a rien omis pour écrire son épouvantable histoire : prisons, forts détachés, pontons, exil, Afrique, Cayenne, fusillades nocturnes, massacres en plein jour au boulev,.rd; massacres de femmes, d'enfans, rle vieillards sur lesquels on fait pleuvoir letï1 balles, la mitraille, les obus et les boulets ! Et puis, à côt~ de l'horreur, la honte, l'ignominie; oh ! rle la l1onte et rle l'ignominie comme n'en supporta jamais aucun peuple ; et, pour complément, le silence, un silence clemort avec l'espionnage au foyer, comme en Russie. Son tout est enfin venu à cette Russie, la terre du des-
potisme le plus hideux, le plus d~gradant. Mœurs, commerce, administratjou, rapports de famille, tout est ganO'rené <lans ce pays ; il faudrait une longue histoire pour l'énumération, même incomplète, des énormités qui chargent ces peuplades avilies par le1,trs maitres. Nous ne la ferons point ici ; les tortures inouïes de la Pologne ne se dérouleront pas davantage sous vos yeux; nous ne repéterons pas le cri lamentable des mères auxquelles on arrache leurs enfans pour les envoyer se flétrir au contact des barbares qui s'efforcent d'effacer même les innocentes traditions du jeune âge ; nous n'évoquerons pas les ombres '1es victimes innombrables tombées de place en place sur la route, plus de trois cents lieues, qui conduit de Varsovie aux mines de l'Oural; non, nous ne le ferons 1ias ; ces tableaux seront exposés plus tard. Bornons-nous ici à constater l'œnvre du despotisme en Russie et d'abord esquissons le tzar Nicolas. . C'est un homme de race Allemande, très porté, par suite de son origine, à préférer les Allemands aux régnicoles. Vaniteux comme un écolier de quinze ans, toute C'ontradiction, même latente, le blesse ; il est comme toutes les organisations de oe genre, toujours en quête de l'approbation extérieure et très sensible à la critique, même des étrangers. Cette i~firmité lui occasionne parfois un amer chagrin ; aussi a-t-il soin de répandre à grands frais dans tous les pays, une nuée d' agens confidentiels chargés 'de colliger les feuilles et les ouvrages dans lesquels on parle de lui;· il n'est pas même besoin d'écrire pour être exposé à sa colère si l'on tou_che le sol de la ~ussie ; un simple colloque, une conversation dans une hôtellerie suffisent pour faire jeter en Sibérie l'~~prudent causeur. C'est ce qui faillit arriver, ce qui serait certainement arrivé à Pernet de la Revue indépendante, pour une opinion émise sur le paquebot. Le dénonciateur était un soi-disant général Italien qui, à peine débarqué, avait l'endu compte au mattre du jùgement porté sur lui par le français. L'intervention de M. de Custine auprès de l'embassadeur pr~serva notre compatriote de l'envoi en SiMrie, mais ne fut pai. assez puissante pour qu'il fot permis au voyageur de terminer ses affaires ; un passeport lµi fut délivré incontinent avec l'ordre de sortir sur le champ des états Russes. Le despotisme ue voit que lui. Impérieux et cruel commé un tyran, vaniteux comro.e une coquette., hypocrite comme un pape, soupçonneux comme un. despote, il est dévoré du besoin de connaitre tout ce qu'on pense, tout ce qu'on dit, tout ce qu'on fait autour de lui. A cet éffet les innombrables agents de police . secrète sillonnent en tous sens ses vastes états; rien de sacré pour le despot~ : ni les confidences de l'amitié, ni les épanchements du foyer, ni les joies ou les plaintes du cœur, ni la pensée, ni la personne, ni les bi1,ms. La police secrête, institution sombre et terrible, bien pire que l'épée de Damoclès, est toujours susp~due sur la tête de tous et de chacun, du plu's infime comme du plus haut placé. Sm la dénonciation clandestine d'un mouchard, des individus, des familles peuvent être enlevés et ensevelis, dans les mines, sans qu'une seule voix s'élève pour dénoncer cet exécrable attentat contre la vie humaine. Q.ui l'oserait? "Il n'es,t pas rare," écrit ~A résident Anglais, Révélations .mr la R1,ssie, " il n'est pas rare de voir " des familles décimées par suite du rapport d'un des "leurs attaché à la police secrète." - Aussi Je Russe garde-t•il le silence; il n'ignore pas que certaines choses dites à l'abri du foyer peuvent amener )a ruine de l'imprudent qui les révèle. Vit-on jamais pat·eil outrage à la morale, à l'humanité ! C'est à l'aide de ces moyens criminels et infâmes, corl'obôrés par le système ds ses prédécesseurs, que le tzar Nicolas est arrivé à dégrad~r ses sujets· plus qu'on ne le voit chez aucun peuple dli monde. Tels sont les fruits du despotisme ; immoral et criminel au premier chef, il a besoin de semer autour de lui Je crime et l'immoralité. Les serfs déchus supportent le joug; les âmes libres le brisent. • Marine, guerre, finauces, tout ce qui est administration se trouve livré en Russie au pillage le plus effréné ; jamais, dit l'auteur déjà cité, on ne vit en aucun pays du monde une pareille audace dans le vol. L'empereur sait le mal, mais il n'ose appliquer le remède; ce serait la décapitation de l'Etat. • On peut a priori, et en toute süreté de conscience, poser cet axiôme : " Le 'despotisme est Je plus exécrable " des crimes ; tout despote est un scélérat." - Assurément, la peste noire et le choléra-morbus sont des fléaux terribles, mais ils ne tuent que l'homme physique en laissant, toutefois, aux survivants le culte des souvenirs pour ceux qui·ne sont plus. Le despotisme est bien autrement désastreux ; c'est le bourreau perfide ou brutal, latent ou découvert, de l'innocer1ce, de la candeur, de la loyauté, du courage, de la dignité, de la foi; c'est le corrupteur de toute vertu, le destr-ucteur du sens moral; c'est enfin l'agent infernal jeté sur la terre pour donner pàture à toutes les ambitions, à tous les cl'imes humains. J. CAHAIONF .. CORRESPONDANCPEARISIENNE. Paris, 26 novembre 1853. Vous me demandez, mon cher ami, de détacher quelques petits feuillets de mes tablettes impériales, et de vous les expédier chaque semaine : il faut, me dites-vous, q~e la coniicience ' humaine soft saisie -d•l~eureen hellre et que la niôrale publiqite, un moment égarée, se relève, devant les scandales du crime. Quelque triste que soit cet.te besogne de chroniqueur, par les , misères qui courent, je souscris, volontiers, à votre désir, et je vous tiendrai de mon mieux au courant des choses. 1 Voulez-vous, d'abord, aller à la cour, à la grande cour de nos ancïens·Bohêmes? elle ôtait hier à Compiègne, elle couche ce soir. à Fontainebleau, nous l'aurons demain à Saint-Cloud, et, de résidence en résidence, elle aura bient8t vu tous ses domaines. Que voulez-vbus? tous ces gens là, maîtres et valets, ont le vertige de la richesse; ils se mirent dans les broderies, heureux et fringants, comme cles laquais : ils ont des nœuds, des glands, des plnaches, de la dentelle jusqu'à lems éperons: c'est Franconi roi rle France, et rien ne serait plus plaisant que ce carnaval d'empire, s'il n'y allait point de l'honneur du pays en toutes ces mascarades. Sérieusement, le cieux décembre est seul, isolé, comdamné, comme le premier jour. Vous savez combien la France est facile à l'oubli : les plus abominables tragédies ne l'émeuvent pas longtemps, et dès qu'on a lavé le sang, le souvenir s'éteint. Eh bien, ce gouvernement-ci depuis de•x ans n'a rien gagné, ni du c8té des intérêts, ni dans les opinions : au lieu de le fortifier, le temps le tue, et, da jour en jour, l'armée, sa seule force, se détache : les hauts grades sont travaillés par l'influence des généraux et des princes absents, tanrlis que les sous-officiers portent le deuil de la République qui leur ouvrait ses longues perspectives et qu'ils ont égorgée misérablement, pour quelques cigarres ! L'armée se sent dégradée, mal commandée, perdue dans l'estime publique : troupe solide, instruite, disciplinée, elle tiendra toujours contre l'ennemi, mais au p~mier échec, avec les généraux de cet homme, il y aurait débandade ..... En ce moment, les officiers sont tristes: ils voient que leur em- •pereur n'a relevé le tr8ne que pour s'y vautrer, et que toute sa politique, au fond, n'est que de la débauche. Ils craignent, d'un autre c8té, qu'on ne leur fasse faire une nouvelle campagne à l'intérieur, quand se lèveront les grandes bandes de la famine, et, ils trouvent qu'ils ont assez de sang, de sang français aux mains: en un mot, tenez pour tlertaïn, que l'armée n'est pas à César- Vitellius, que les conspirations la travaillent et, qu'on la décime en vain, par des razzias de caserne : à chaque nouvelle fauchée les,rangs se ressèrent, et quand la lutte s'c,ngagera, les colonelsnè serontpas tranquille$ ...... Autre question: vous savez qu'il n'y a pins de comptabilité sérieuse. M. Bonaparte fait encaisser lei; millions, les mange, et se donne quittance à lui-mfflle: la cour r!:gulatrice enregistre et paraphe le tout: Bartha, à cette cour des Comptes, fait comme d' Argout il. le banque, il s'incline... que ces vieillards sont tristes! -toujours est,il que le 7aspillage va croissant et que tous ces hobereaux de décembre ·s engraissent à lard, dans leur maiion. Les plus habiles font épargne et placent sur les caisses étrangères. Et pourquoi pas 'l L• maison peut tomber et, certains savent, le Persigny, par exemple, qu'il ne fait pas taujonrs bon li Londres ... - Madame Eugénie veut être sacrée: l' Arbal~te ae lui suffit plus, il lui faut le Sibour et les chevaux-bai: quand cette farc~ à plusieurs milliens anra été jouée, que rester:i-t-il au répertoire 'l Sous toutes ces bouffonneries, il y a pourtant un cllté sérieux: c'est que la liberté Humaine est au fond de cette expérience monstreuse, et qus l'autorité s'en va; personnifiée dans le plus hideux des gouver11ement.s La police contipue ses chasses, comme la cour, mais elle est effarée: les fils se croisent et-M, Pietri se sw-veille lui-même ... Le peuple est triste, car voilà l'hiver et la faim. - Les prolétaires regardent lelil soldats, de cette façon sérieuse que vous savez. - Bonne espérance! • A vous, S... L'admirablrt poésie qui suit fait partie du volume nouveau que vient de publier l'auteur de Napaléon-le:.Petit. Ce livre a parn sous ce titre de haute et sévère -justice : Châtimens. Nous en l'endrons compte dans notre procliain numél'o. LE PARTI DU CRIME. " Amis et Frères! en prés.ence de ce gouvemement infime, né- " gation de toute morale, obstacle à tout progrès social, en pré- " sence de ce gouvernement meurtrier du peuple et violateur dei " lois, de ce gouvernement né de la force, de ce gouvemement " élevé par le crime et qui doit être terr:issé par le droit, le Fran- " çais digne du nom de citoyen ne r.ait pas, ne veut pas savoir " s'il y a quelq•e part des semblants de scrutin, des comédies de "suffrage universel et des parodies d'appel à la nation; il ne s'in- " forme pas s'il y a des hommes qui votent et d~s hommes qui font " voter, s'il y a un troupeau qu'on appelle le sénat et qui délibère " et un antre troupeau qu'on appelle le peuple et qui obéit; il ne " s'informe pas si le pa,Pe va sacrer au maître-autel de Notre- ,, Dame l'homme qui-n en cloutezpas, ceci est l'avenir inévitable, " -sera ferré au poteau par le bourreau ; - en pr!!sence de M. " Bo,naparte et de son gouvernement, le citoyen, digne de ce nom, "ne fait qn'une chose et n'a qu'une chose il faire: charger s.on " fosil et attendre l'heure. '• " Jersey; 31 octobre. 1852. (Déclaration des proscrits républicains de -Jersey, il propos de l'empire, }>Ubliéepar le Moniteur, signée pour copie conforme ; V IcToR lluao, F AURI:, Fo¾EERTf.AUX.) " Nous flétrissons de l'énergie la plus' vigoureuse de notre "âme les ignobles et coupables manifestes du PARTI ou CRIME." (RIANCEY.Journal l' Un-ion, 22 novembre 1852.) " Le PARTI DU CRIMErelève la tête. " ( Tous les journaux élyséens en chœur.) Ainsi ce gouvernant dont l'ongle est nne griffe, Ce masque impêrial, Bonaparte apocryphe, A coup sûr Beauharnais, peut-être Verhuel, Qui, pour la mettre en croix, livra, sbhe cruel, Rome républicaine à Rome catholique, Cet homme, l'assassin de la chose publique, Ce parvenu, choisi par le destin sans yeux, Ainsi, lui, ce glouton singeant l'ambitieux, Cette altesse quelconque habile aux catastrophes, Ce loup sur qui je lâche une meute dt! strophes, Ainsi ce boucanier, ainsi ce chourineur A fait d'un jour d'orgueil un jour de deshonneur, Mis sur la gloire un crime et souillé la victoire ; Il a volé, l'infâme, Austerlitz à l'histoire; Brigand, dans ce trophée il a pris un poignard ; Il a broyé bourgeois, ouvrier, campainarcl; Il a fait de corps morts nne horrible étagère Derrière les barreaux de la cité Bergère ; Il s'est, le sabre en main, rué sur son Sirment; I_l a tué les lois et le gouvernement, La justiée, 1'110.hneurt,ot\t, jusqu'à l'espê.r.alié~;- •:,ih, ;· Il a rougi rie sang, de ton sang,pur,;8,France, _ ·r l' J.:. Tous nos fleuve~,depùis 13: Seine jus,qulau,,Var; ._,,,.. H V Il a conquis Je Louvre en mêritatj,t:-Clamar,, : • .0 Et maintenant il règne, appuyant, 8 p.atrie, , : , • ,~ ,. , Son vil talon fangeux sur ta bouche meurtrje 1, , , ,nr.,', Voilàcequ'ilafait;jen'exagèrerien; .1,r,,. ,._,,,,.,:: Et quand, nous indignant de ce gallirien ., J,r J .. ,'-) ·:. Et rle tous les escrocs de cette dictature, , , u., ,-1, Croyant rêver devant cette affreuse aventure,_ Nous disons, de dégoût et d'horreur soulevés: - Citoyens, m;nchons ! Peuple, aux armes, aux pavés ! A bas ce sabre abject qui n'est pas même un glaive! Que le jour reparaisse et que le droit se lève ! -= • C'est nous, proscrits, frappés par. ces coquins hardis, Nous, les assassinés, qui sommes·les bandits! .Nous qui voulons le meurtre et les guerres civiles ! Nous qui mettons la torche aux quatœ coins des villes! ])one, trôner par la mort, fouler aux pieds le droit; Etre fourbe, impudent, cynique, atroce, adroit; Dire : je suis César, et n'être qu'un marouflle; Étouffer la pensée et la vie et le souffle ; Forcer quatre-vingt-neuf qui marche à reculer; Supprimer lois, tribune et presse; museler La grande nation comme une bête fauve : Régner par la caserne et du fond d'une alcllve; Restaurer les abus an profit des félons ; Livrer ce pauvre peuple aux voraces Troplongs, Sous prétexte, qu'il fut, loin des temps où nous sommeii, Dévoré par les rois et par les gentilshommes ; Faire manger aux chiens ce reste des lions; Prendre gaîment pour soi palais et millions, S'afficher tout crûment satrape, et, sans sourdinea, Mener joyeuse vie avec des gourgandines; Torturer des héros dans le bagne exécré ; Bannir quiconque est ferme et fier ; vivre entouré J?e Grecs, comme à Byzance autrefois le despote ; Etre le bras qui tue et la main qui tripote; J Ceci, c'est la justice, ô peuple, et la vertu ! Et confesser le droit par le meurtre abattu ; Dans l'exil, à travers l'encens et les f~!:es, Dire en face aux tyrans, dire en face aux armées : - Violence, injustice et force sont vos noms; Vous êtes les soldats, vous êtes les canons ; La terre est squs vos pieds comme votre royaume ; Vous êtes le colosse et.nous sommes l'at8me ; Eh bien! guerre! et luttons, c'est notre volonté, Vous, pour l'oppression, nous, pour la liberté!- .Montrer les noirs pontons, montrer les catacombes, Et s'écrier, debout sur la pierre des tombes: -Français! craignez d'avoir un jour pour repentirlil__ Les pleurs rles innocents et les os des martyrs! Brise l'homme-sépulcre, 8 France! ressuscite ! Arrache de ton flanc ce Néron parasite! Sors de terre sanglante et belle, et dresse-toi Dans une main le glaive et dans l'autre la loi!- Jeter ce cri du fond de son âme proscrite, . Attaquer le forban, démasq,uer l'hypocrite Parce 1ue l'honneur parle et parce.qu'il le faut, C'est le crime, cela !-Tu l'entends, .toi, là.haut! Oui, voilà ce qu'on dit, mon Dieu, devant ta face! Témoin toujours présent qu'aucune ombre n'efface, Voilà ce qu'on étale .l tes yeux éternels! Quoi! Îe sang.fume aux mains de tous ces criminels! Quoi! les morts, vierge, enfant, vieillards Ü femmes gro_aHs, Ont à peine eu le temps de pourrir dans leurs fosses r Quoi ! Paris saigne encor! quoi, devant tous les yeux, Son faux serment est lit qui plane clans les cieux.! Et voilà comme parle un tas d'êtres immondes! 0 noir bouillonnement des colères profondes !. Et. maint vivant, gavé, triomphant et vermeil, Reprend :-Ce bruit qu'on fait dérange mon sommeil. Tout va bien. Les marchands tl'iplent leurs clientellea ; Et nos femmes ne sont que fleurs et que dentelles! -De quoi donc se plaint-on? crie un autre quidam. En flânant snr l'asphalte et sur le macadam, • Je gagne tous les jours trois cents francs à la Bourse. L'argent coule aujourd'hui comme l'eau d'une source; Les ouvriers maçons ont trois livres dix sous ; C'est superbe. Paris est sens dessus dessous. Il paraît qu'on a mis dehors les démagogues. Tant mieux. Moi j'applaudis les bals et les églogue. Du prince qu':iutrefois à tort je reniais. Que m'importe qu'on ait chassé quelques_niais? Quant aux morts, ils sont morts! paix à ce.s imbécile~! Vivent les gens d'esprit! vivent ces temps faciles • Où l'on peut il son choix prendre pour nourricier, Le crédit mobilier ou le crédit foncier ! La république rouge aboie en ses cavernes, C'est affreux! liberté, droits, progrès, balivernes! Hier encor j'empochais une prime d'un franc ; Et moi, je sens fort peu, j'en conviens, je suis franc, Le.s d!!clamatiomim'Hant indifférentes, La baisse de l'honneur dans la hausse des rentes.- 0 langage Mdeux ! on le tient i on l'entend! Eh bien, sachez-le done, repus au cœur content, Que nous vous le disions bien une fois pour toutes, Oui, nous, les vagabonds dispersés sur les routes, Errant sans passeport, sans nom et sans foyer, Nous autres, les proscrits qu'on ne fait pas ployer, Nous qui n'acceptons point qu'un peuple s'abrutisse, Qui d'ailleurs, ne voulons, tout en voulant justice, D'aucune représaille et d'aucun échafaud, Non~, dis-je, les vaincus sur qui Mandrin prévaut, Pour que la liberté revive, et que la honte Meure, et qu'à tous les fronts l'honneur serein remonte, Pour affranchir Romains, Lombards, Germains, Hongroie, Pour faire rayonner, soleil de tous les droits, La République mère au centre clel'Europe, Pour réconcilier le palais et l'échoppe, Pour faire refleurir la fleur Fraternité, Pour fonder du travail le droit incontesté, Pour tirer les martyrs de ces bagnes infâmes, Pour rendre aux fils le père et les maris aux femmes,, Pour qu'enfin ce grand siècle et cette nation Sortent du Bonaparte et de l'abjection,' Pour atteindre à ce but où notre âme s'élance, , Nous nous ceignons les reins dans l'ombre et le silence! Nous nous déclarons prêts,-prêts, entendez-vous bien? .... Le sacrifice est tout, fa souffrance n'est rien,- Prêts, qu:md Dieu fera signe, à donner notre vie, Car, à voir ce qui vit, la mort nous fait envie ! Car nous sommes tous mal sous ce drôle effi-onté Vivant, nous sans patrie, et vous sans liberté! \; •t J
Sachez-le bien, vous tous que Pair libre importuüe Et qui dans ce fumier plantez votre fortune, Nous ne J.aisserons pas Je peup·Je s'assoupir; Oui, nous appellerons jusqu'au dernier soupir, ·, Au secours <le h France aux fers et presque éteinte, Comme nos grands aïeux, .l'insurrection sainte! Nous convierons Dieu-même à foudroyer ceci. Et c'est notre pensi!e et nous sommes ainsi, Aimant mieux,.dfit lc"sort nous broyer sous sa roue, Voir couler notre sang que croupir votre boue. V1c•roR Huco. ' LESMYSTEREDSUPEUPL.E. PAR RlTGENE SPE. • La ;Révolution française qui n'est au fond qu'une philosophie a non seulement ouvert un ordre nouveau, mais elle a répandu ses clartés sur les temps antérieurs - et, révélation à deux faces, elle a transformé l'histoire comme la politique. Avant que la méthode scientifique et l'esprit de libre examen n'eussent élargi, renouvelé la connaissance humaine, que disaiEmt les chroniques, lts ~nnales et les compilations entassées dans la Babel des siècles? Qu'y avait-il au fond de !'Ossuaire historique et que pouvait-on trouver aux archives du temps? - des récits de sang ou d'orguej.l, des légendes de succession, des chroniques de guerre, des fastes et des noms illustres, l'histoire en un mot des_maisons royales, <les courtisanes et des conquérans-c'est-à-dire l'éternelle monographie de la puissance, en ses' diverses figures, écrite par l'ambition servile ou la peur eunuque, sous l'œil et la main des maîtres: Eglise, royauté, noblesse, parlemei1t, sénat, le monde officiel,: partout et toujours, occupait seul la scène, et cela, dans la mort, comme 1fans la vill: les quelques tombes sans blas.on qui marqUaient ça et là. clans l'herbe des siècles ne portaient que des épitaphes de fortune; et, les peuples pass~ient, dans le temps, èomme les bœufs au joug ; l'historien nomenclateur n'en tenait compte que :pour les inventaires! En veut-on la preuve, une preuve décisive? La voici : • Certes, il n'y a pas dans les anuales de la monarchie française d'ép9que plus illustre, plus civilisée que le siècle de Louis XIV: c'est la période rayonnante et lettr~e par excellence;_ c'est le temps des victoires_ et des chefsd'œuvre, ües grandes guerres et des grandes langues, des Turenne et des Bossuet, des Corneille et des Cati11at. Eh bien, au milieu de ces beaux génies qui portèrent si haut l'a gloire des lettres françaises, parmi ces maîtres illustres de l'éloquence et de l'art, en trouve-t-on un seul qni se soit inqujété de la France, de son passé,. de ses douleurs présentes, de son avenir? y â-t-il une page, une ·seule page vengeresse, pour le peuple martyr aux. Cévennes et chassé de sa patrie, pour le peuple éleva11t l' Alhambra de Versailles et mourant tle faim, dans ses chenils,. pour le peuple tombant aux armées et se couc_hant sous la gloire d'un seul? Ce ne sont pas les historiens qui manquent, pourtant : il y a des Légendistes, des Rapsodes, des Chroniqueurs par centaine,s : les mémoires de cour, de boudoir et d'académie foisonnent : les oraisons funèbres tomhent comme des fleurs sur les cercµeils princiers, et l'idylle ellemêmè. se fait dithyrambe : mais toutes ces voix co1\courenf à la même idolâtrie; elles chantent le grand Narcisse, et, pas une strophe, pas nne larme, pas 1rn mot ne tombe de tous ces Hélicons ~ur la France é_1rnisée: il n'y a que Vaubal;l, un soldat, qui pleure sur le peuple. à l'écart, et qui~nous parle de ses misères muettes et défaillantes ! Plus tard, au dix-huitième siècle, l'analyse philosop}lique ouvrit les mystères, les dogmes, les tabernaclts et pénétra partout, comme la sondé au)t fond des eaux : •il _fallait d'abord affranchir la raison publique et l'on prit à. partie les religions, les J)rivilèges, les gouvE:rnemens ; mais l'hist~ire ne se· dégage pas ei1core de ses habitudes domestiques ; elle continue son œüvre, en fidèle servante des cours, des académies, ùes cultes, des parlcmens, et nous voyous les Rollin, les Cuvier, les Lebeau, les Anquetil, charrier-entre Voltaire qui rit et Rousseau qui pense - leurs brouettes chargées de rois, ùe héros, <ledemi-dieux et de courtisanes ! La Révolution éclate enfin, ~ le Yolcan qui fumait se ilécliire, vomissant les idées, le fer et le feu, les armées et les orateurs, les ca1Jitaines et les gnw<les assemblées : la basti 1le est rasée, la sorbonue est vit1e, les -tuileries sont veuvesi le peu_11lJest CH scène et souverain : va t-il fouiller les origines et le secret <les tombes, relever son, arbre généalogique, éplucher des trarlitions, des épitaphes et travailJer au livre <le ses morts? - l{élas ! l'action dévore le temps, il fout dGfcnùre 1a Révolution et couvrir la patrie : vaincre ou mourir, voilà le. de:,·oir; et le grand bâtard cle l'histoire, l'œil à la frontière; la main sur le canon, ~écrète, organise, comb:tt -- avant le:. reliques, les glaives ! ' . Ce ne fut qu'aprè:,o une guerre <leviugt ans, et quand la France moderne constituée daùs sa loi civile, mais :i,battue par une défaite, vivait de nouveau sous la main de ~es ançiens rois, que la lutte change:i tle teuain et s'en-· gagea sur celui des siècles. Les Francs alors étaient revenus des bords du Rhin, • en maigt-es comparses de· b victoire, mais toujours orgueilleux et voulant dominer, comme jadis : L'Eglise, <le sou côté, leur vassale et leur complice séculaire excommuniait la liberté, la philosophie, les sciences, et faisait croisade avec tous les ù.ébris cfu passé, ?Jo_urla ·sainte foi des pères : C'était le moment du choit d'ainesse et de la loi du sacrilège. Or, tandis que par la presse et par h tribune, la Révolution se 1léfendait, contre les deux puissances ligu•ées, avec les tronçons de libertés constitutionnelles qui lui 1·estaieut dans les maii1s-des écrirnius uonveaux, pour la plupart, sortaient des bibliothèques, pour porter témoignage-et, déblayant le passé, depuis les champs de bataille rle la République, jusqu'aux pierres llruidiques des G.aulois, ils établissaient-les 1111s, le travail constant du peuple, à travers les ûges et les défaites,-les autres, le progrès continn des inéés, ,laHs leurs formations. successi,·es. C'était là plaider la canse; Hstoriquement et scientifiquement, en fait comme. e.u droit, et la Révolution frnn- ~mise pouv:.it <lésormais ·dire à ses ennemis : non seulement, je suis la volonté de la conscience cont.emporair,e,· ~ais je J~lÎ~ la veil rn~-e'c¼s·siècles opprimés, je suis la justice progressive qui est supfrfe.:ure•à- t'outes vos religions. C'es deux évolutio11s critiques se sont rl{'.·cluppées depuis, et, de p::iït et tl'autre, on a creusé plus profondément, jusgu'au jour enfin, où le peuple _affranchi pst deux ré·:olutjons, ,an lieu de retenir le pouYoir en ses mains, le mit en suffra'.ses. Ce jom ll, ._c'_éiaitl y a quatre ans· à peine, c'était hit'r, et l'on sait déjà commrr en ont l:sé les llènénciaires de l'ancien temJi"s, les hêq ues, les financiers, les hauts barons du parcllemin, de la fonction, du capital-tout ce qui .. vient, en un mot, de l'Eglise ou de l'nsure, des caf:ernes, des monopoles ou du prétoire ! Tro11:-paut la corifün1tc loyauté <lu peuple qÜi les a,•ait admis, eux, les oppres,;eurs de b veille, à tous -les droits, à tous les profits du lendemain, ils organisèrent d'abord contre la République la commandite des calom- _nies; ils exploitèrellt la misère des uns,· l'ignors.nce -des autres, la crédulité ùe tous; et, groupant enfin leurs iiitrigues, leurs richesses, lems perfidies, ils envahirent le gouvernement - en sorte qu'aux derniers jours, dans l'assemblée général~ de. France, et, sous les devises républicaines, toutes les monarchies, tous les abus, tous les priviléges avaient leurs représentants; l'inquisition elle-mê:me y tenait ses siéges !- Ainsi, la Révolution était traq11éedans le temple même qu'elle avait ouvert ù. la conciliation : elle y était Hon seulement traquée, mais frappée, mutilée dans ses droits souverains,. et comme tous les vieux dogmes ennemis s'é- • l , l taient_f,01:ne renc ~~-vous _e~ce grand carrefour, la longue consp1rat10n <les s1ecles étatt là, tout entière vivante et . ' debout comme une armée. Ce fut au milieu <l_eces comulsions tragiques, en prése~ce de toutes ~es hg1ies cle la vieille op1wession, qu'un artiste-conteur ~1mé du pays, un romancier-philosophe, M. Engène Sue, :fit tout à. coup Ïl;tenenir le cliœur des esc!aves, e~ jeta toute saignante l'histoire du peuple, en plemes assises. • . L'histoire <lupeuple !_c'est-à-dire la cl1ronique successive et détaillée <le toutes les servitudes morales et maté- ~-ielle~ q11e n?s pères ont traversées, ÙE:puis 1~ grande rnvaswn roma111eJusqu'à nous ; . ~'histoire '.dupeuple! C:est-à.-dire le poème éternel et jarnats fermé cl,esluttes vaillant!;!s, des saintes révoltes et <lu travail incess·ant ;;'élevant to1~joursvers la liberté; voilà sans c_ontredit une riche, une merveilleuse épopée~ et comme on n'en trouverait point a.illeurs, ni claus les maisons royale_s, ni chez l~s dieux ,d'Escl1yle, le grand tragique! Mais pour dérouler ces fresques héroïques,. pour tai.ller . dans les annales cette statue gigantesque' dn peu1:ile, on n'a que les gr~n_deslignes: le peuple, en effet, ne s'appelle . pas Agamemnon, Alexandre, César, Charlemagne : il est le ., rouet qni tourne, la faux qui moissonne, le travail qui scie•, 1èwld,tt l[Ui )~1tte, l'irlée qui cherche, le dévouement qui, meurt : tout vit de ses labeurs et de son sang ; mais il -,11,'estpas. lui-même une JJ_ersonnehistorique, un héros qu'on puisse. étuflier et suivre pas à pas du berceau jus- ~u'à _la tombe :_dan~ sa vie :~ultip1e, il est mystérjeux, rnfi.111 comme la mer et comme Dieu. ' M. Eugène Sue, dont le talent <le mise en scêue et l'habileté 1m;tique sont adrnitables, a su trouver, lui, pour se dégager de ces difftcultés, un moyei1 bien simple et vraiment fécond : il a mis le peu1lle dans une famille et • ' ' cette fami11etypique, généalogie vivante <lu travail et de la douleur, i,l l'a suivie de ·~iècle en siècle, de s11ppli'ceen ~upplice, de lutte en· lutte, depuis ses origines gauloises si pleines tl'omhre, si ',lointaines, jusqu'à nos grandes guerres sociales de ce temps. • Il nous serait impossible d'indic;uer ici, même en p~ss:rnt, la suite, et la s"érie de ces po~mes vigoureusement éfiauch6.s, qui l?,'enchaî.nent et se développent dans la grande li'gne; mais 'nous devons et voulons constater que la ,font::iisie si diYer:;e et si riche s'appuie partout sur le document sév~re ; oue dia1111egénération dans ce livre J. '1 ' • ' se "l~Yebien à son tour et passe avec sa clameur ou son fardeau ; qu'il n'y a ni .faiblesse, enfin, ui 'déguisement, .ni fraude, pou1; ou contre les martyrs. . Jusqn'à ..ce~joui·, le pèui)le 11e savait rien t1es ancêtres : j] n'av~it pu lite 1ü lès Thierry, ni l~s Guizot, ni les Monteil , et sa g1'anùe histoire lui était fe;-mée. Anjouid'hni, grâce :l. JVI.Eugène Sue, dont l'œuvre, en ses derniers feuillets, porte la marqne ôe l'exil, le peuple a son épopée : il counaîtra les aïe1ix, leurs traditions patientes, leurs _saints cléYouemens : il saura qu'il n'y a pas de maison royale au monde plus haute que son échoppe et sa dtstinée ; il ne dormira pas au cl1enil; et ''1e beau livre de l\L Sue sern son covr11a'/l,t ! C. R. JCHSEY, ll!PRI,~IERIE UNIYEflSELLE 1 19, DOR!-ET STREET, AVIS Il sera publié avec chaque numéro nn supplément spécial po11rles ANNONC"ES dans l'intérf.t <~~1 Commerce, <le l'Iudustrie et de la Science. Les Annonces de 1 tons les pays seront acceptérs à la condition <l'être écrites eu français, conf'ormémeut au spécimen ci-uprè.;. Les _\.yi:; et A11no11ct's oHt reçus jusqu'au vctidredi à mi~i, à Londres, à la librairie et agence de l'Irnprirnerie Universelle, 50 ]72, Great Queen Street Lincpln's-Inn-Fielùs, et à l'office c1e]'Imprimerie llniverselle, 19, Dorset $treet, à Je!'sey, S-Hélier, jusqu'à l'arrivée du courrierdu mardi. Toute cone~pondance doit être affnmchie et contenir 1111 ho11,soit sur la poste anglaise, au nom de M. Zéno 8WIET03LAWSK_r, soit sur ?n des b_anquiers de Jersey ou de Lonùr~::-. te prix des Annoncrs est uniformément de douze som (six pence) la liglie, lJ0m· les frois to,'tes de caractères courants employés dans ce JOU~nal. Les lignes en capitales et en le!tres de fantaisie, seront payées en proportion de la hantcnr qu'elles occuperont,_ calculée sur le plus petit texte. : EN VENTE ANNONCJES@ CATALOGUEDES OUVRARESPOLITIQUESET SCIENTIFIQUES A la Librairie et dgence de l'Impr:,nerie UniYerselle, 50· lf] Grl:'al Queen Strw!, Lincoln's-lnn-Fielrl.~, Lombes, et à l'Office de l'l/}/primerie U,,i.:ersrlle, 19, Dorset-Street, Saint-llé(iei·, .Te1·s~y. •VIC'.{'O_RSHŒL_CHER, repr6sentant dn penple.1Chdtime11ts, poésies p0litiques, ouvrage nouveau,IPH. BER.JE AU, ex-rédacknr clr la Vraie Rrpu- français et· Jps Polonais ( French empire and II,sto~re des Crmze:~Ju 2 Décembre, l vol. in-12. 1 vol. in-3~. / bliquc. - Riographies bonapnrtisLeH (sons presr.c) 1 the Polc>s), l vol. in-8. Tra_duct101_1en anglais du même ouvrage, sous le Discours prononc6 à Jer~ey sm la tombe du pro~- contenant la vie ùe Persigny, Saint-Arnaud, La France c1 l'Angleterre comparées, par Golotitre: H1story of the Cri111esof the Second o crit .Jean Bou•;quet. Morny, Magnan Ilarochc Achille Fould et vi11e. Dece111ber, 1 vol. in-12. Traduction rn a11glais, format in-8. autres qui ont pri;; p:irt au 'Conu-'d•:Etat, 1 vol. Du J)(,rclop~lcmcnt des Idées ré,·olnt ionnaires en LeGmwernment du Deu.1·DJcembre, pour faire suite Discours prononcé sur la tombé cle la citovenne in-32. ' R11~~iep, ar Alex. Hcrzeu. à l'Hi~toire du DfuJ.•Décembre, 1 vol. in-_12. . .Julien, etc. .T. CAHAJGNP, rx-rédactenr - l)ropriétaii-e du RecLh•il de docurnentfl secret~ et inédits, pom Traductwn du même ouvrarre so·1s Je t1·1·ec•e· • ' , • 0 en·ir > I'~- ·1• l l'H' ·t • ·, l't· ·' _ · . " ' L ~ ' JEANNE DEROlN. Almanarlt des Femmes. 011 ,, JOUl'llalla Commtml' de Pal'is.-111 Co111'om1P impe. .. , a e,n- e 1 _e JS 0111 • P? 1 '.qu~ ue i~;e;neme,zt of the Seco,1d of December, 1 vol. 18531 1 vol in-Hi. , • - P riale, satire en ver~, déùiGe à Lonis-N:ipoléon- !' l~~ll"opedans la cnse actuelle, trois hvr:n~ons PI .ERI;E LERO · Le m~me pour 1854 (sous JJres~e) • \Verhuel <litBonaparte, 1 YOl. in-12. 111 -. • "' , U:X', représentant du peuple. • • • .,,, , . Rrlat10n de la campap·ne de Sicile en 1849 l vol. _ Cours de Phrénologie. les douze premières linai- CH. RIBEYROLLES, ex-rédacteur en chef d" J. ;· AHI.é.~, ~:;q. Sunntei:d~1:~} .J_erSt>-y. in-12. • 0 ' $")US (ouvrage interrompu). '' la Réforme. - Les Bagnes d' Aji·ique, précédés Ta~leaux lu,l_oru/ùes de let Civtl,sa,ion a Jasey, Poésies politiques c>n ]lQlonais, par Roch RnpLettre aux Etats d: Jerse'!/ sur lei:,moy~ns de quin- ~•une dé<licac.e il Napoléon .Ro,iap:ir!e; J l'Ol. 1 ml. gqt1<lm- 8 • niewski, 1 l'o!. in-12. tu;iler les _p.rodu1tsagricoles, l vol. m-12. m-12. • • La C:difornie et les routes intero9éaniques, par VICTOR H.UGO, reprl)sentant du peuple. -Traduction du même ouvrage, 1 beau vol. in-8 Holimki, 1 beau vol. Napoléon-le-Petit. 1 vol in-32. (sous presse). Inva?ion· de l'Angleterre, sous le titre : l'EmpÎl'I' •
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