Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

282 Brechkovskaïa (p. 189 du livre de Radkey 7 qui n'épuise pas le sujet). Et le gouvernement ?r~- visoire, était-il dépourvu de moyens budgetaires ? On ne saurait honnêtement prétendre que les adversaires de Lénine se trouvaient désavantagés sur le plan matériel. Le terrain étant grosso modo déblayé (car il est exclu ici de discuter pied à pied, ligne à ligne, des textes où fourmillent les sous-_entendus contestables, les équivoques tendancieuses, les mises en cause arbitraires), il reste à éclairer autant que possible les opérations que Parvus, de ses bases scandinaves, a pu conduire avec ses « complices » ou prétendus tels. Somme toute il remplit une mission analogue à celle que Marcel Cachin et Charles Dumas avaient accomplie en Italie où ils ont apporté de l'argent français à Mussolini, mais il opérait avec plus d'ampleur, d'une façon plus systématique, prolongée, comportant une large part d'initiative politique. En outre Parvus était devenu riche, il s'enrichira encore dans les affaires pendant la guerre, et l'on ne verra jamais de distinction nette entre ses comptes personnels et sa caisse noire. * * * . Ayant prospéré en Turquie entre 1910 et 1914 Parvus revint riche en Europe centrale, mais 'toujours socialiste en son genre, avec l'idée fixe de contribuer à la défaite du tsarisme. A Constantinople, il s'était employé d'abord à favoriser une action séparatiste en Ukraine. Il prit ou reprit contact ensuite avec diverses_personnalités socialistes dans les pays balkaniques alors neutres, avec Racovski notamment. Etant donné l'enchevêtrement des thèmes dans les archives publiées, la méthode d'exposition dans Tbe Merchant et notre nécessité de faire court, il nous faut rassembler ici ce qui concerne Racovski, en renonçant à l'ordre chronologique. En 1915 la Roumanie n'était pas en guerre, Racovski était zimmerwaldien c'est-à-dire opposé à la guerre ; il n'y a donc rien d'insolite dans les relations d'un socialiste roumain avec un socialiste russe ayant des idées communes hostiles au tsarisme. Le ministre allemand à Bucarest (doc. n ° 84) se proposait en 1915 de glisser 100.000 lei d'une manière subreptice (unconspicuous) aux socialistes roumains, donc à leur insu, mais rien n'indique que ce projet ait eu des suites. Racovski a écrit que ).Jarvus avait prêté à son journal 300 lei qui furent remboursés, ce qui n'a rien de blâmable. Il est possible 7. The Agrarian Foes of Bolshevism. Columbia University Press. New York, 1958. BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL que Parvus ait donné peu après à Racovski quelque argent à transmettre au Naché Slovo édité à Paris par les dissidents des deux fractions social-démocrates, mais là encore ce n'était pas anormal à cette date, entre socialistes russes, et alors que Parvus n'était pas encore démasqué comme acoquiné au gouvernement allemand. MM. Zeman et Scharlau ne tiennent pas assez compte du processus de ce discrédit, ils vo~ent Parvus sous le même jour à des dates différentes et leur préjugé est t~l qu'ils vont (p. 155) jusqu'à qualifier de « défaitiste » le Naché Slovo rédigé par Trotski, Martov, Lounatcharski et autres, tous opposés au défaitisme de Lénine car selon eux la défaite des uns impliquer;it la victoire des autres, et _ils militaient en réalité pour une paix sans vainqueurs ni vaincus. Taxer leur tendance de défaitisme est inadmissible. Les insinuations, voire les entorses à la vérité que se permettent les deux auteurs, ne prévalent pas contre le fait que Trotski avait déjà publiquement et catégoriquement répudié Parvus quand il reçut de Racovski l'aide dont il ignorait l'origine et qu'il a révélée lui-même. Aide infime, d'ailleurs, et il n'est pas concevable que les rédacteurs du petit journal russe eussent été capables de nuancer leurs idées d'un iota sous l'effet d'une aide matérielle quelconque, même énorme. Quant à Racovski, séjournant en Suède en 1917, s'il a obtenu de l'Allemagne un visa de transit pour sa femme, ce n'est pas une raison pour ajouter foi aux assertions osées d'un fonctionnaire enclin à montrer son zèle. M. Zeman ne craint même pas· de s'en rapporter à l'un des hideux procès de Moscou ( 1938) pour incriminer Racovski répondant par des « aveux » aux questions infâmes du crapuleux Vychinski. S'il fallait à ce propos recommencer la réfutation des « procès en sorcellerie » et des aveux à Moscou, donc discuter mot à mot, ce serait à n'en plus finir. De passage à Vienne en février 1915, Parvus y renoue avec Riazanov et ils se rendirent des services réciproques, d'ordre strictement personnel. Quiconque a connu Riazanov ne saurait douter de sa rectitude politique et morale : encore une fois, à cette date Parvus, habile à tenir divers langages selon ses interlocuteurs, n'est pas encore classé au service d'un impérialisme. (Soit dit en passant, Riazanov nous est deux fois présenté comme le futur directeur de l'Institut Marx-Engels-Lénine, détail qui est inexact. Le nom de Lénine a été ajouté à l'enseigne de l'Institut Marx-Engels après l'arrestation et la déportation de Riazanov, fondateur de cet Institut.) De retour à Berlin, enfin, Par-

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==