QUELQUES LIVRES l'optique particulière de MM. Zeman et Scharlau, par conséquent sur ce qui en résulte. Nos deux auteurs ont l'attention fixée presque exclusivement sur Parvus et ses agissements, en sorte que tout s'y ramène. Pourtant il n'a pas été seul à s'immiscer pendant la guerre dans les rapports germano-russes, deux autres politiciens au moins furent à la tâche. D'abord Matthias Erzberger, leader du Centre catholique au Reichstag, auquel The Merchant accorde six lignes (il est mentionné plusieurs fois dans les archives, mais sans annotations de M. Zeman). Ensuite Karl Moor, socialiste suisse et espion allemand, qui n'a droit qu'à sept lignes. Tous deux ont pourtant accompli des missions et dépensé des fonds secrets, peut-être plus que Parvus (pour qui? pour quoi? et comment ? ) Les proportions ne sont guère respectées, fût-ce dans une biographie de Parvus. A propos de Karl Moor, il y a un procès-verbal du Comité central bolchévik (7 octobre 1917) qui enregistre son offre d'argent et la repousse « en raison de l'impossibilité de vérifier l'origine réelle des fonds proposés et d'établir s'ils proviennent de la source indiquée dans la proposition comme étant celle des ressources de G. V. Plékhanov, outre l'impossibilité de véri~ fier le but réel de la proposition de Moor 6 ». De ce document qui n'a pas été fait pour les besoins de la cause, et qui n'intéresse pas nos deux biographes, il appert que Georges Plékhanov, prototype du « social-patriote », recevait de l'argent de Moor, et que le Comité central léniniste, décidément chatouilleux sur le chapitre des fonds, ne s'est pas laissé tenter. Cela ne ressemble point à l'idée que s'en font MM. Zeman et Scharlau, d'après lesquels, d'autre part, Moor, alias Baier, « travaillait simultanément pour les gouvernements suisse, autrichien et allemand ». On aimerait en apprendre davantage. Autre exemple où nos deux auteurs s'avèrent d'une discrétion excessive : le doc. n ° 57 transmet un rapport de Karl Moor (4 mai 1917) 6. Protocoles du Comité central du R.S.D.R.P. (b), p. 70, Moscou, 1958. Karl Moor avait de la fortllne (ou des fonds occultes), il a prêté de l'argent à certains bolchéviks en Suisse puisqu'il en a demandé le remboursement lors d'un de ses séjours ultérieurs en Russie. (Cf. Contribtt• tians à l'histoire du Comintern, notes de B. Nicolaievski, pp. 6 et 7. Genève, Librairie Droz, 1965). D'après l' Istpart communiste (Protocoles, p. 263 ), il venait de recevoir un gros héritage quand il a proposé l'argent dont le Comité central n'a pas voulu. Pour faire avaler cette histoire d'héritage, l'/ stpart aurait à en fournir la preuve ; peut-être a-t-il eu connaissance tardive des archives allemandes. BibliotecaGino Bianco 281 qui, après un entretien avec Grigori Chklovski (bolchévik), Paul Axelrod (menchévik) et d'autres socialistes russes auxquels il fait miroiter des « sommes considérables » pour avancer la paix, dit que l'acceptation est subordonnée, entre autres, à la condition que « la personnalité du donateur garantisse que l'argent vient d'une source irréprochable ». Les archives ne révèlent aucune suite. M. Zeman ne s'attarde pas sur ce scrupule pourtant aussi honorable que significatif. Ni sur cette observation de Moor : « L'or anglais joue un rôle important, et !'Entente dépense d'énormes sommes pour soutenir l'effort de guerre et soudoyer des gens influents ». Nous avons relevé plusieurs allusions de ce genre aux interventions financières, réelles ou supposées, des démocraties occidentales, mais pas toutes (par souci de concision). M. Zeman ne leur prête aucune attention et cependant elles importent, puisqu'il s'agit du poids de l'argent dans la balance de la guerre. Pourquoi ne s'en préoccuper qu'à sens unique ? Si l'argent est « la mesure de toutes choses », il faut en tenir compte ici et là, tant d'après les archives allemandes qu~en recourant à la documentation con1plémentaire. En effet M. Katkov reconnaît, comme Kérenski, que « maintenant que l'aide financière allemande est prouvée, il y a encore moins de raison de croire que Lénine fût un agent allemand ». Donc ce qui est en cause, c'est l'avantage décisif conféré par les subsides allemands aux bolchéviks pour leur propagande et leur action insurrectionnelle. On verra plus loin si cette aide financière « est prouvée ». Les allusions à l'or anglais et à l' argent de l'Entente, dans les archives mises à contribution, ne sont pas explicites ni chiffrées : « sommes énormes », etc. Mais d'autre part on dispose de quelques données précises qui ajoutent des subventions privées aux subventions occultes des Etats belligérants. Dans The Agrarian Foes of Bolshevism, M. Oliver H. Radkey révèle que Catherine Brechko-Brechkovskaïa avait remis 800.000 roubles à A. Argounov pour soutenir Volia Naroda, journal défensiste et social-patriote (somme provenant de « fonds considérables » mis à sa disposition par des amis américains). En plus, les socialistes populistes reçurent d'elle 50.000 roubles et S. L. Maslov 20.000 roubles pour son journal Ze,nlia i V olia. La « grandmère de la révolution » avait obtenu notamment 100.000 roubles de ses compatriotes et 2.100.000 roubles de sources américaines. Ensuite de « grandes sommes » venant de Willi:11n B. Thompson, capitaliste américain, furent avancées à un Comité civique présidé par
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