Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

QUELQUES LIVRES siècle, entre autres dans le livre sur Staline (1935) déjà cité, plus récemment dans le Contrat social (n° de mars 1958 : « Autre point d'histoire »). Résumons : l'initiative ne vint ni de l'Allemagne ni de Lénine, mais de Martov, homme intègre s'il en fut. Mais Nlartov, plein de scrupules, voulait le consentement du Soviet de Pétrograd, qui avait d'autres soucis et ne répondait pas. Lénine, impatient et résolu, adopta l'idée de Martov, hâta les démarches, pressa Robert Grimm, puis Fritz Platten, socialistes suisses, de conclure un accord avec les Allemands à condition qu'il soit valable pour tous les émigrés sans distinction d'opinion, que le train jouisse du privilège de l'exterritorialité, en échange de quoi les voyageurs s'engageraient à user de leur influence pour faire libérer en Russie un nombre égal de prisonniers ou internés austro-allemands. Seul Fritz Platten, le convoyeur suisse, pourrait avoir des rapports avec les Allemands, si besoin était. Un représentant des syndicats allemands, Wilhelm Jansson, d'origine suédoise, était dans le train, mais ne put adresser la parole aux Russes, qui étaient au nombre de 32, à savoir : 19 bolchéviks, 6 bundistes et 3 menchéviks-internationalistes. Les voyageurs se justifièrent facilement en arrivant à Pétrograd. Leur exemple fut suivi par tous ceux qui avaient hésité à partir dans les mêmes condi tians, Martov et Axelrod en tête, et y compris les << social-patriotes ». Il n'y eut aucun engagement politique entre Berlin et les « rentrants ». Le wagon n'était ni plo1nbé, ni blindé ; eût-il été plombé, en tant qu'exterritorial, cela viendrait à .l'appui de la justification des voyageurs, lesquels refusaient tout contact allemand ; mais il ne l'était pas. Une documentation probante, accessible à tous, atteste l'exactitude de notre version, ici abrégée : les 26 documents Zeman touchant cette histoire ne l'infirment sur aucun point 5 (cf. plus de détails et une partie suffisante des références dans notre article : « Autre point d'histoire ». Mentionnons en outre l'article de Lénine : « Comment nous sommes arrivés », dans le t. 31 de ses Œuvres, 5e édition russe, où figurent aussi les matériaux complémentaires désirables dans les annexes et les notes). Bien entendu, les diri5. Le doc. n° 31, dans Zeman, contenant la « base de discussion sur le retour des émigrés en Russie » présentée par F. Platten, contient (point 2) un membre de phrase sur le wagon « qui sera fermé (locked, en anglais) en tout temps ». Ces mots manquent dans le texte russe (Leninski sbornik, n° 2, p. 382). Il est vrai que le doc. n° 33 de Zeman élimine le l'oint 2. M. Zeman emploie le mot « sealed » (scellé) entre guillemets. Tout cela est bien oiseux. BibliotecaGino Bianco 279 geants allemands avaient la tête pleine d'arrièrepensées. Lénine aussi. Cc n'étaient pas les A memes. * * * Après une longue éclipse, Parvus se montre à nouveau (doc. n° 50) et prétend avoir« négocié avec les émigrés russes » de passage à Stockholm. En fait Lénine, qui lui avait déjà montré la porte à Berne, le traitant d'agent de Scheidemann et des social-chauvins, a refusé de le voir (Zeman, p. 42). Comment Parvus a-t-il pu s'exposer à un nouvel affront, alors qu'en 1915 Lénine, commentant sa revue Die Glocke, l'avait flétri comme « aventurier tombé au plus bas ( ... ) avec une impudence et une prétention inouïes ( ... ), lèche les bottes d'Hindenburg ( ... ), misérable poltron... [dont la méchante revue est] un cloaque de chauvinisme allemand ( ... ), organe de renégats et de vils laquais en Allemagne » (Œuvres de Lénine, 5e éd. russe, t. 27, p. 82) ? Par moments, on se demande si Parvus est tout à fait cynique, inconscient ou déraisonnable. Boukharine aussi, en 1915, l'avait rabroué une fois pour toutes (Zeman, p. 14). Mais rien ne rebute l'étrange Parvus qui pense que l'histoire travaille pour lui et compensera ses déboires. En remerciement de ses services, il obtient enfin (doc. n ° 58) la nationalité prussienne qu'il désirait acquérir depuis très longtemps, lui, expulsé naguère de plusieurs Etats allemands. Mais six mois après cette bonne nouvelle, et au cours desquels il n'a pas été question de fonds occultes spécialement confiés à Parvus, c'est l'insurrection d'Octobre : alors la paix, mais pas n'importe quelle paix, est à l'ordre du jour, pour des raisons étrangères aux intrigues allemandes. De nouveau, la conjoncture change en Europe et Parvus pense que l'heure du socialisme doit sonner pour l'Allemagne aussi, sans pour autant suivre le modèle russe. Il amorce un jeu personnel, subtil, prend quelque distance vis-à-vis de la Wilhelmstrasse, approuve les bolchéviks qui voudraient tenir les pourparlers de paix en pays neutre. Il spécule sur une conférence socialiste internationale à Stockholm où il espère exercer ses talents dans la coulisse. Cependant les choses ne sont pas aussi simples, car Lénine suit sa propre ligne de conduite que rien n'a pu infléchir, surtout pas Parvus, surtout pas l'argent d'où qu'il vienne, et il ne se prêtera pas à une rencontre avec les « social-traîtres » · d'au- ' tre part Ludendorff, qui compte plus que Parvus, n'en déplaise à M. Zeman, exige que les pourparlers se tiennent à Brest-Litowsk, siège de son quartier général. Les bolchéviks espé-

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