Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

278 sous les yeux. Il y a document et document. Parvus (doc. n ° 3) demande 1 million de marks. Que va-t-il en faire ? That is the question. Von J agow (doc. n ° 4) prévoit, trois mois plus tard, que 5 millions de marks seront nécessaires « pour avancer la propagande révolutionnaire en Russie » (pas nécessairement par l'intermédiaire de Parvus, à l'égard de qui Jagow est sceptique; personne n'est nommément en cause). Brockdorff-Rantzau, ministre à Copenhague, se laisse séduire en août 1915 par l'éloquence de Parvus (doc. n ° 5) ; il insiste pour qu'un « essai » antirusse de celui-ci soit imprimé d'urgence. Romberg, ministre à Berne, nous apprend (doc. n ° 6) qu'un Estonien séparatiste à sa solde, Kesküla, a réussi (sic) à découvrir le programme de Lénine (que n'importe qui pouvait se procurer pour quelques sous) et il déconseille à Berlin de le répandre, car ce ·serait « le priver de toute sa valeur » (sic). A noter que ledit programme exige que « l 'Alle- ' . ' / magne renonce a toute annexion et a toute reparation de guerre », donc que Lénine ne milite nullement pour l'impérialisme allemand, pour une « paix allemande ». En décembre 1915, Brockdorff-Rantzau signale que Parvus estime à 20 millions de roubles l'organisation de la révolution en Russie (textuel) et demande 1 million sans délai, car la révolution doit commencer le 22 janvier 1916, jour anniversaire du dimanche sanglant de 190 5 (tout le monde s'attendait à quelque chose pour cette date ... ) Helfferich et Jagow ne sont guère convaincus, mais accordent le million de roubles (doc. n° 5 5, 8 et 9). En janvier 1916, de Stockholm, Kesküla rend compte (doc. n° 10) de son activité. Que dit-il ? Qu'il va organiser des liaisons avec les « centres révolutionnaires » (?) en Russie, et « sans consulter les leaders de ces centres hors de Russie » ( donc à l'insu de Lénine ?), qu'il transmet d_esdocuments dans les deux sens, qu'il a imprimé une brochure de Lénine (proprio motu ), etc. Ce qu'il ne dit pas, mais que savent les historiens consciencieux, c'est que la gendarmerie russe et l'Okhrana interceptaient la majeure partie de la « littérature » clandestine, et que les groupes révolutionnaires étaient infestés d'agents doubles qui subtilisaient presque ~out le reste. Kesküla se plaint d'une « extrême corruption » dans la clandestinité, d' « escroqueries aux dépens du mouvement, de faux rapports pour extorquer de l'argent », etc. Plus loin il dit que « l'argep.t payé avant mon départ a été volé avec un sang-froid typiquement BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL russe », et commente : « Si de telles choses arrivent au et autour du Comité central, je n'ose pas penser à ce qui doit arriver sur les franges. » Cela se passe de commentaires. Le 23 janvier 1916, Brockdorff-Rantzau rapporte au Chancelier que Parvus a conféré avec des révolutionnaires russes à Stockholm (lesquels ?), que le million de roubles a été envoyé à Pétrograd (à qui ? et qu'en sait-il ?), mais que l'action prévue pour le 22 n'a pas eu lieu : pour diverses raisons, c'eût été prématuré (doc. n ° 11). Autrement dit, Parvus avait pris ses désirs pour la réalité, à ne rien supposer de pire. Mais quid du million de roubles ? Nul ne sait. Dans le doc. n ° 12, il est question de quelque argent versé à un prince géorgien et à divers agents (Parvus n'était pas seul), y compris Kesküla qui se flatte de « contacts avec Lénine » ( c'est lui qui le dit), toutefois sans oser prétendre lui avoir donné le moindre mark. Il avouera plus tard qu'en réalité il n'avait vu Lénine qu'une fois en 1914 ( !) et que ses renseignements (qui couraient les rues ... ) lui venaient du bolchévik Siefeldt 4 • Celui-ci d'initiative personnelle et anonyme, aurait versé des sommes minimes, sans attirer l'attention, quelques francs suisses, aux souscriptions destinées au Parti. Voilà qui est plausible - et insignifiant. ' Un quidam de niemeordre apparaît dans le doc. n ° 13, un s.-r. (socialiste-révolutionnaire) nommé Zivine, qui se vante de connaître Tchernoy et Bobrov (est-ce vrai ? et jusqu'à quel point ?) Ce comparse quelconque touche aussi quelque argent et nul ne saurait dire ce qu'il en a fait. M. Zeman omet de noter que Tchernov et Bobrov (Natanson) sont insoupçonnables. Toujours est-il que Lénine n'a rien à y voir, non plus que Parvus. Nous sommes en août 1916 et un' grand vide de 8 mois sépare ce rapport signé Romberg du télégramme de Brockdorff-Rantzau daté du 21 mars 1917 : la révolution a éclaté en Russie à la surprise générale, même de ceux qui l'avaient tant attendue (L~nine inclus) et sans que l'argent allemand y soit pour quelque chose. Parvus revient en scène (doc. n° 14). Alors s'ouvre le chapitre du retour des proscrits et des émigrés russes dans leur pays (doc. n° 15) : pourront-ils transiter par l'Allemagne ? La légende du wagon « plombé » dure depuis lors. Ce qui s'est passé exactement, nous l'avons écrit plusieurs fois au cours du demi4. Cf. Michael Futtrel : Northern Underground, London 1963.

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