QUELQUES LIVRES L'or et le wagon Z. A. B. ZEMAN: Germany and the Revolution in Russia, 1915-1918. Documents from the Archives of the German Foreign Ministry. London 1958, Oxford University Press, 157 pp. Z. A. B. ZEMANand W. B. ScHARLAU : The llJ.erchant of Revolution. The life of Alexander Israel Helphand (Parvus), 1867-1924. London 1965, Oxford University Press, 306 pp. DIX ANS ont passé depuis la publication du premier de ces ouvrages, trois ans depuis celle du second. Ils se complètent l'un l'autre. Les conditions précaires dans lesquelles a existé notre revue n'ont pas permis d'en rendre compte en temps voulu, mais la date ne fait rien à l'affaire. Le thème appartient à l'histoire contemporaine, nous avions promis de le traiter, nous tiendrons parole avant de disparaître, regrettant seulement que la place disponible restreigne au maximum les démonstrations nécessaires. Il s'agit de l'argent allemand qui, selon des versions bien connues, quoique disparates, aurait été prodigué à Lénine en 1917 et 1918 pour l'aider à s'emparer du pouvoir, puis à s'y maintenir. Et, inséparablement, du voyage de Lénine à travers l'Allemagne en wagon dit « plombé », faute duquel il n'aurait pu prendre une part directe à l'action révolutionnaire qui aboutit à l'insurrection d'Octobre. Nous disons bien : « à Lénine » et « de Lénine », car depuis un demi-siècle, la question est ainsi personnalisée comme si Lénine à lui seul avait reçu et dépensé les subsides dont l'effet serait supposé déterminant sur le cours de la RévoBibliotecaGino Bianco lution russe. Certes avec le temps il a fallu accorder de l'importance à quelques complices embusqués à Stockholm, lieu de transit entre Berlin et Pétrograd, et surtout au personnage érigé en Deus ex machina de la machination, Alexandre Lazarévitch Helphand, connu dans la social-démocratie russe, allemande et polonaise sous le nom de Parvus. Ce qui va suivre devrait aider à éclairer et expliquer la part réelle de chacun. Le sujet n'est pas neuf et le soussigné, depuis un demi-siècle lui aussi, a maintes fois réfuté la légende de l'argent allemand en tant que cause essentielle de l'avènement du bolchévisme au pouvoir et celle du wagon « plombé » ou du train « blindé », sa variante. Il l'a fait dans la presse d'abord, au jour le jour, puis dans un livre sur Staline paru en 1935, et encore dans la présente revue : « Un point d'histoire » (janvier 1958) et « Au.tre point d'histoire » (mars 1958). Les deux ouvrages examinés ici renouvellent le sujet qµe tant de politiciens vulgaires, de polémistes passionnés, de journalistes irresponsables ont obscurci et frelaté : le premier est un recueil de documents d'archives officielles allemandes, sélectionnés et quelque peu commentés par M. Zeman qui, en collaboration avec M. Scharlau, a ensuite élaboré la difficile biographie de Parvus autant que faire se pouvait dans l'impossibilité de consulter les archives russes et soviétiques. Les deux auteurs ont bénéficié de concours multiples, tant matériels qu'intellectuels, et en premier lieu du St. Antony's College à Oxford. Leur travail est en quelque mesure méritoire et respectable, néanmoins orienté dans un certain sens et entaché d'erreurs qu'il importe de relever en raison même du sérieux apparent de l'ensemble.
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