B. SOUVARINE la même ong1ne que le Journal de Litvinov. Le Novy Journal de New York, imposante revue russe dirigée par le professeur M. Karpovitch, de Harvard University, a dénoncé ce faux dans son n° 24, de 1950, d'une manière irréfutable par la plume de G. Denike, écrivain socialiste des plus compétents. Il tombe sous le sens qu'en U.R.S.S., les maréchaux ne parlent pas. Cette vérité d'évidence devrait suffire à faire justice des « Maréchaux soviétiques vous parlent», mais G. Denike a poussé le scrupule jusqu'à relever une série de bourdes grossières, et vérifiables, chez l'inexistant Kalinov, de façon à en régler le compte une fo~s pour toutes. Les faussaires se sont tenus COIS. Auparavant, dans la Renaissance, revue russe éditée à Paris, M. Ryszard Wraga, éminente personnalité de l'émigration polonaise, avait déjà démasqué le faux Kalinov, s'étonnant qu'une « grande maison d'édition française ait édité les écrits inexistants de l'inexistant colonel Kalinov » (n° 10, juillet 1950). Les faussaires n'avaient pas répliqué davantage. La librairie Stock non plus. Quand le B.E.I.P.I. signala (n° 46 du 1er mai 1951) que « Les Maréchaux soviétiques vous parlent», sont « une fabrication que personne ne prend au sérieux», puis renouvela plus explicitement son avertissement en taxant ce livre de faux (n° 57 du 1er décembre 1951), puis dénonça de nouveau la tromperie en citant M. Wraga à l'appui (n° 59 du 1er janvier 1952), même silence des faussaires et de leurs complices. Enfin le B.E.I.P.I. insista une fois de plus (n° 88 du 1er mai 1953) en situant le Kalinov dans une série de faux qui intoxiquent l'opinion publique (voir plus loin). Aucun écho. La cause était donc entendue quant aux « Maréchaux» bavards, désormais condamnés à se taire. Le chapitre Boulganine vaut le même crédit que les autres. Et la «thèse» dont certaines personnes bien intentionnées ont fait état dernièrement se compose pour moitié d'extraits de ce chapitre (on les repère pages 271, 272, 275, 277 et 278) et pour l'autre moitié d'une rallonge sur le neutralisme inspirée par l'actualité. Autrement dit, le faux Boulganine de 1955 est une deuxième mouture du chapitre XV du faux Kalinov de 1950 corsée d'un supplé1nent répondant aux préoccupations actuelles 3 • 3. La Revue de la Défense N alionale estimait que le faux << Kalinov >>avait eu << le courage de nous entr'ouvrir le rideau de fer >> et que son livre « est la meilleure encyclopédie du monde marxiste >>(article sur la <c Thèse de Boulganine», signé : capitaine Guy Weber). Aux Etats-Unis, le faux l(rylov et le faux Kalinov ont servi d'ouvrages de référence à BibliotecaGino Bianco 267 Le fictif Kalinov a réussi ses tromperies lucratives d'abord en juin 1949 dans la Wochenzeitung de Zurich, puis en octobre dans l'Echo der Woche de Munich, sous forme d'articles vendus ensuite dans divers pays. Le Reporter de Ne,v York a inséré deux de ces papiers intitulés : « Comment la Russie créa l'armée nord-coréenne», les 26 septembre et 10 octobre 1950. (G. Denike en a prouvé la fausseté dans son étude citée plus haut). L'ignorance et la crédulité des directeurs de journaux, voire de certains éditeurs, n'a décidément pas de bornes. Et que dire des services ou publications militaires 4 qui prennent au sérieux de tels faux, notamment en France ·et en Amérique? * * * Il arrive qu'on découvre même la façon, la technique ayant servi à produire un faux présentable. Ainsi du faux rapport de l'amiral Fechteler sorti par Le Monde du 10 mai 1952, et qu'un journal d' Amsterda1n, dès le 14 mai, tirait au clair en montrant qu'un article du capitaine de frégate Anthony Talerico, paru dans une revue de spécialistes peu lue, « U.S. Naval Institute Proceedings», avait servi de base au travail du faussaire 5 • Un autre faux West Point et à Annapolis. Sur la clairvoyance des militaires, cf. la note suivante. D'autre part, les généraux sont particulièrement férus d'une fausse citation de Lénine qui a fait maintes fois le tour de la presse en maintes variantes, au gré du citateur. Exe1nple : le général Beaufre à la Télévision, le 17 mai 1956, a << rappelé (sic) les paroles de Lénine suivant lesquelles le chemin de Moscou à Paris passe par l'Afrique du Nord>> (cité d'après le Monde par Est et Ouest, n° 153, Chronique des faux). Nous ajoutions : << On remarquera que chaque citateur accommode la phrase à ses besoins de circonstance. Cette route qui a si souvent passé par Pékin passe maintenant par l'Afrique du Nord ... >>Une anthologie des variantes de cette citation fausse serait époustouflante. Bien entendu, Lénine n'a jamais prononcé ni écrit ces << paroles de Lénine >>. 4. Ainsi, The Stars and Slripes. journal de l'armée américaine, 16 octobre 1949, copyright by United Press, deux pages de l'imposteur Yves Delbars (Nicolas l{ossiakov), coéquipier de Bessedovski (voir plus loin). Et dans la Revue de la Défense Nationale, noven1bre 1955, article sur << l' Armée soviétique>> qui fait état d'un autre faux, la << thèse du 1naréchal Boulganine>>, autre produit de l'officine Bessedovski, obtenu à partir du faux I(alinov sur les <c Maréchaux soviétiques >>. 5. Sur le faux Fechteler, cf. B.E.l.P.I. n°8 68, 69, 71, 75, 76; et la brochure: Le l\londe, auxiliaire du con1munisme, 16 octobre 1952. 1nême éditeur. Détail piquant : pendant plus de dix ans, Ja presse ainéricaine, Nt•w York
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