266 lument rien, n'autorise personne à lui imputer l'intention de passer dans le « camp capitaliste» sous forme d'un Journal posthume. On aimerait savoir si l'éditeur a pris la peine, la précaution élémentaire, de consulter à ce sujet l'épouse de Litvinov, qui est anglaise, Mrs Ivy Low, ou leurs enfants. L'U.R.S.S. n'a rien d'un pays ouvert, bien que les papiers de Litvinov, de Jdanov et autres du même genre en sortent avec tant de facilité, mais se mettre en rapport avec Mme Litvinov n'est pas audessus des forces humaines 1 . Comme pour rendre l'affaire encore plus absurde, le pseudo-Journal aurait été confié à Alexandra Kollontaï pour être ensuite transmis (à qui? comment?) en Occident. Autre invraisemblance car Kollontaï, entièrement soumise à Staline, n'avait pas plus que Litvinov la moindre raison d'enfreindre la discipline et de renier la solidarité communistes. L'eût-elle voulu, par impossible, qu'elle ne l'aurait pu. Lire à ce sujet, dans Preuves (n° 14), l'explication de sa soumission, de sa résignation, que rapporte son ami Marcel Body. Les deux diplomates soviétiques avaient eu les moyens de « choisir la liberté», à cer1. Sur le faux Litvinov, cf. B.E.I.P.l. n° 88 (Memento de la guerre froide); n° 128 (Memento); n° 133 (Memento); n° 138 (Le faux Journal de Litvinov); n° 139 (Le Journal de Litvinov ou << un livre pour idiots >>, par R. Wraga); n° 141 (Suite et fin sur le faux Litvinov); n° 144 (Faux et usage de faux). Contacts, n° 54, septembre 1955 (Un faux Journal de Litvinov, par B. Souvarine). The New Leader, 25 juillet, 1er et 8 août 1955 (Adventures in Forged Sovietica, par Bertram D. Wolfe, qui nous a ensuite communiqué son excellent rapport en date du 22 juillet 1953, cité par nous avec empressement dans le B.E.l.P.l., et dont Mr. Carr avait eu connaissance préalable, mais pour n'en tenir aucun compte, ce qui prouve plus que son ignorance). Mr. Harold Nicolson a fait grand cas du faux Litvinov (The Observer, 24 juillet 1955), ainsi que la Tribune de Genève (25 août 1955) et quantité d'autres journaux, tandis que le Times Literary Supplement (9 septembre 1955) abondait dans notre sens, tout en ménageant sans raison l'inénarrable Mr. Carr. En Angleterre, la palme revient à un apologiste d'Hitler qui passe pour un historien (!), nommé A. J. P. Taylor, qui a rendu compte du faux << avec enthousiasme >>, nous apprend M. Blackstock, dans The New Statesman du 30 juillet 1955. Sans doute a-t-il voulu justifier Bessedovski jusque dans le propos mémorable du faussaire : << Moi, j'écris des livres pour les idiots >>. Fait stupéfiant : l'édition américaine du faux Litvinov s'orne d'une note introductive du général Walter Bedell Smith, ex-directeur de la Central Intelligence Agency (!) et sous-secrétaire d'Etat, malgré la mise en garde de Bertram Wolfe. En revanche, M. Philip Mosely a bien repéré la main sale de Bessedovski. BibliotecaGino Bianco PAGES RETROUVÉES taines dates, mais ayant choisi l'humilité, impliquant la séquestration, leur décision était irrévocable et leur silence définitif. Le dernier numéro de Preuves (53) donne un très intéressant article de Gleb Glinka, arrière-petit-fils du célèbre musicien, ayant trait au Journal de Maxime Gorki, saisi par la police aussitôt après la mort de !'écrivain. Le cas de Gorki est unique, comme chacun sait : cas d'un artiste très éminent, privilégié, protégé de Lénine, ménagé par Staline, et qui a toujours tenu un Journal, par vocation, qui a continué jusqu'au bout mais ... jusqu'à la confiscation. Il n'y a pas d'autre exemple. Le Journal de Litvinov n'a pu être ni pensé, ni écrit, ni transmis. Last but not least, il faut ignorer tout des collaborateurs de Lénine pour supposer un instant Litvinov capable de noter des fadaises et des sottises aussi dénuées d'intérêt que le contenu de ce Journal ~ apocryphe. Cependant un certain professeur E. H. Carr, auteur d'un ouvrage en quatre volumes* sur la Révolution russe, n'a pas craint de donner sa caution aux « Notes for a Journal». On a ainsi une haute idée de cet expert et de ses travaux, ceux-ci et celui-là discrédités d'un seul coup. L'aberration impardonnable de M. Carr s'explique si l'on sait qu'un autre expert de même taille, M. 1. Deutscher, lui sert d' « adviser». Quand deux experts de cette sorte se rencontrent, Clio est mise à dure épreuve. Il sera question plus loin d'un autre faux qui servira de test à la qualification de ce M. Deutscher 2 • Avant tout, l'actualité requiert de signaler une imposture plus récente, mise en circulation à propos du prochain voyage de Nicolas Boulganine en Occident. * * * Il s'agit d'une prétendue« thèse» présentée par Boulganine en 1945..au Kremlin, devant Staline entouré « des plus grands personnages», et récemment divulguée sous forme ronéotype, citée par des personnalités dont la bonne foi a été surprise. Forgée de toutes pièces en utilisant un chapitre du livre : « Les Maréchaux soviétiques vous parlent» (Paris, éd. Stock, 1950), cette pseudo-thèse est en quelque sorte un faux au deuxième degré, car le livre en question signé Cyrille Kalinov a • Depuis : huit volumes. , 2. Ce charlatan et plagiaire avait déjà commis un livre justifiant les crimes de Staline, endossant la version tchékiste relative au pseudo-complot de Toukhatchevski, etc. Il ne lui manquait que de paraphraser les mensonges cyniques d'un Bessedovski, visibles à l'œil nu et à distance.
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