Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

258 branlable, je n'y contredis plus. Ross est déjà parti. Je crains qu'il ne tombe dans les griffes des ennemis avant d'avoir atteint Paris. Ces fils de chien sont maintenant acharnés contre tous les étrangers; à Marseille ils ont fusillé des garibaldiens avec un plaisir tout particulier. Aussi longtemps qu'il ne se produira aucun mouvement sérieux en province, je ne vois pas de salut pour Paris. Je vois que Paris est fort et résolu, grâce aux dieux. On est enfin sorti de la période de la phrase pour entrer dans celle de l'action. Quelle que soit l'issue, ils sont en train de créer un fait historique immense. Et pour le cas d'un échec, je ne désire que deux choses : 1 ° que les Versaillais n'arrivent à vaincre Paris qu'avec l'aide ouverte des Prussiens ; 2° que les Parisiens, en périssant, fassent périr avec eux la moitié au moins de Paris. Alors, malgré toutes les victoires militaires, la question sociale sera posée comme un fait énorme et indiscutable. Dans la seconde quinzaine d'avril, Bakounine vint passer quelques jours au Val-de-SaintImier, dans le Jura suisse. Il y fit trois conférences, publiées plus tard par Nettlau dans La Société Nouvel.le. Parlant des événements de France, il montre les causes des échecs subis par les travailleurs et il magnifie l'exemple de la Commune : Si les soulèvements populaires de Lyon, de Marseille et des autres villes de France ont échoué, c'est parce qu'il n'y avait aucune organisation. Je puis en parler avec pleine connaissance de cause, puisque j'y ai été et que j'en ai souffert. Et si la Commune de Paris se tient si vaillamment aujourd'hui, c'est que pendant tout le siège les ouvriers se sont sérieusement organisés. ( ...) Oui, disons-le avec fierté, ce sont nos frères les internationaux qui, par leur travail persévérant, ont organisé le peuple de Paris et ont rendu possible la Commune de Paris. ( ...) La Révolution est désormais à l'ordre du jour pour beaucoup de dizaines d'années. Elle viendra nous trouver tôt ou tard. Préparons-nous donc, purifions-nous, devenons plus réels, moins discoureurs, moins crieurs, moins phraseurs, moins buveurs, moins noceurs ; ceignons nos reins et préparonsBibliotecaGino Bianco DÉBATS ET RECHERCHES nous dignement à cette lutte qui doit sauver tous les peuples et émanciper finalement l'humanité. Vive la Révolution sociale, vive la Commune de Paris ! Dans L'Internationale, Documents et Souvenirs, James Guillaume évoque la rage et la douleur des internationaux du Jura à mesure qu'arrivaient en Suisse romande les nouvelles tragiques relatant l'écrasement de la Commune par les Versaillais. Grâce à lui, nous savons ce que fut à ce moment l'attitude de Bakounine : Bakounine, lui, n'eut pas de faiblesse. Il s'attendait à la défaite ; il ne craignait qu'une chose, c'est que, dans la catastrophe finale, les communards vinssent à manquer d'audace et d'énergie. Mais quand il sut qu'ils se défendaient comme des lions, et que Paris était en flammes, il poussa un cri de triomphe : « A la bonne heure, ce sont des hommes ! », dit-il à Spichigel. Au cours des deux années suivantes, Bakou- ,, nine a, dans maints écrits, notamment dans le « Préambule pour la seconde livraison » de L'Empire knouto-germanique et la Révolution sociale et dans Etatisme et Anarchie, « dégagé le vrai sens » et tiré « les conséquences bienfaisantes et immenses des deux mois d'existence et de la chute à jamais mémorable de la Commune de Paris ». Son analyse, sa glorification de la Commune, de même que ses diatribes contre Marx, venu par erreur, dira Bakounine, à la rescousse des conceptions and-étatiques des animateurs du mouvement communaliste, demanderaient une autre étude dont le centenaire de la Commune avivera l'intérêt historique. MARCEL BODY. ... ,

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