Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

M. BODY carno. Mais avant de quitter Marseille, il écrivit à Sentifion, resté à Lyon, une lettre désabusée datée du 23 octobre : Mon cher, après avoir vainement attendu ta lettre, je me suis décidé de partir. (...) Je dois quitter cette place, parce que je n'y trouve absolument rien à faire et je doute que tu trouves quelque chose de bon à faire à Lyon. Mon cher, je n'ai plus aucune foi dans la révolution en France. Ce pays n'est plus révolutionnaire du tout. Le peuple lui-même y est devenu doctrinaire, raisonneur et bourgeois comme les bourgeois. La révolution sociale aurait pu le sauver, et seule elle serait capable de le sauver. Mais étant incapable de la faire, il court grand risque d'être définitivement conquis par les Prussiens. ( ...) Le meilleur conseil que je puisse te donner, c'est d'écrire d'abord à tous nos amis de Madrid de ne pas venir en France, car ce serait une dépense d'argent tout à fait inutile. (...) Je quitte ce pays avec un profond désespoir dans le cœur. J'ai beau m'efforcer à me persuader du contraire, je crois bien que la France est perdue. (...) Adieu, tous nos rêves d'émancipation prochaine. Ce sera une réaction assommante et terrible. Adieu. Viens à Barcelone. Là nous serons toujours assez près de Marseille pour pouvoir y revenir s'il en est besoin, - ce dont je doute beaucoup. Cependant le 31 octobre, une serr1aine après le départ de Bakounine, plusieurs milliers de travailleurs marseillais, en apprenant la capitulation de Metz, envahirent la préfecture et proclamèrent la Commune. Mais, écrit James Guillaume, les intrigues de la réaction eurent raison en quelques jours de cette velléité de révolte qu'avait manifestée le prolétariat marseillais : le 4 novembre, l'hôtel de ville était réoccupé par les bataillons de la bourgeoisie. Le 27 ou 28 octobre, Bakounine était de retour à Locarno. Là, il se remit aussitôt à écrire ce qui, dans son esprit, devait être la suite de la Lettre à un Français. Sans plan préétabli, il se lance dans une digression philosophique qui lui fait oublier le sujet qu'il se proposait de traiter. Finalement, plusieurs fois remanié, ce manuscrit deviendra la première partie de L'Empire knouto-germanique et la Révolution sociale. C'est à ce propos que Bakounine, le 10 avril 1871, écrira à Ogarev : Comprends donc que j'ai commencé en croyant faire une brochure, et que je finis en faisant un livre. C'est une monstruosité, mais qu'y faire, si je suis un monstre moi-même ? Mais, bien que monstrueux, le livre sera vivant et utile à lire. ( ...) C'est mon premier et dernier livre, mon testament. La Commune de Paris ENTRE-TEMPSl,e 18 mars 1871, la Commune avait été proclamée à Paris. Ce jour-là, Bakounine, appelé par ses amis italiens, partait pour Florence. De retour à Locarno, il écrit le 5 avril deux lettres, l'une à Ozerov, l'autre à BibliotecaGino Bianco 257 Ogarev. Lettres du plus grand intérêt, car elles montrent ce que furent les premières réactions de Bakounine devant l'avènement de la Commune. A Ozerov, qui avait décidé de se rendre à Paris, il écrit : Voici la lettre à Varlin, pour toi. Je te l'envoie dès maintenant pour le cas où, aiguillonné par notre ami Ross, tu te déciderais à partir pour Paris avant que les circonstances et principalement l'argent m'aient permis de me rendre auprès de vous. J'ai déjà écrit hier, à toi et à Ross, à ce sujet. La lettre à Varlin devra lui être remise par toi en mains propres. Selon toutes les probabilités, les Parisiens seront vaincus, mais leur mort ne sera pas inutile, s'ils accomplissent auparavant leur besogne. Qu'en périssant ils brûlent au moins la moitié de Paris. Malheureusement les villes de province, Lyon, Marseille, etc., se montrent aussi pitoyables qu'auparavant, du moins d'après les nouvelles qui me parviennent. (...) Les hommes de talent et d'énergie se réunissent en trop grand nombre à Paris, (...) par contre, il n'y a personne en province. Et à Ogarev : Que penses-tu de ce mouvement désespéré des Parisiens ? Quelle qu'en soit l'issue, il faut reconnaître que ce sont des braves. A Paris, on a trouvé ce que nous avons vainement cherché à Lyon et à Marseille : une organisation et des hommes qui sont résolus à aller jusqu'au bout. Il est probable qu'ils seront vaincus. Mais il est aussi probable que désormais il n'y aura d'existence pour la France que dans la Révolution sociale. L' « Etat français » est mort à tout Jamais. Le 5 avril, dans une autre lettre à Ogarev, il confirme son pessimisme : (...) Notre pauvre ami O [zerov], qui en ce moment ne fait plus que délirer avec les amis des Montagnes 5 à propos de Paris et de la France, n'est plus en état de s'en occuper [de l'impression de L'Empire knoutogermanique et la Révolution sociale]. Moi aussi j'ai eu le délire, mais je ne l'ai plus. Je vois trop clairement que l'affaire est perdue. Les Français, même les ouvriers, ne sont pas encore à la hauteur. Il a semblé que la leçon avait été terrible, elle a encore été trop faible. Il leur faut de plus grandes calamités, des secousses plus fortes. Les circonstances sont telles que cela ne manquera pas, - et alors peut-être le diable s'éveillera-t-il. Mais aussi longtemps qu'il n'est pas réellement réveillé, nous n'avons rien à faire là. Payer les pots cassés par d'autres serait fâcheux et fort désagréable, d'autant plus que ce serait parfaitement inutile. Notre affaire est de nous préparer, de nous organiser, de nous étendre, pour être prêts le jour où le diable s'éveillera. Faire avant ce temps le sacrifice de nos faibles ressources et de nos quelques hommes - notre unique trésor - serait criminel et bête. Le 15, à la fin d'une longue lettre au n1ême Ogarev, il répète : Si cela avait dépendu de moi, je n'aurais laissé partir pour Paris ni Ross ni Lankiewicz, surtout le dernier 0 • Mais je respecte la liberté des amis, et, une fois que je me suis assuré que leur résolution est iné5. Les inlcrnnUonanx du .Jurn suiss<'. G. Jl ful tu6 en combnltunl lt•s Vl'rsuillnis.

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