Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

254 contributions des communes fédérées, prélevées sur les classe~ riches proportionnellement aux besoins du salut de la France. ART. 4. - L'Etat, étant déchu, ne pourra plus i.J:1ltervenir dans le paiement des dettes privées. ART. 5. - Toutes les organisations municipales existantes sont cassées et remplacées dans toutes les communes fédérées par des Comités du Salut de la France, qui exerceront tous les pouvoirs sous le contrôle immédiat du peuple. ART. 6. - Chaque Comité de chef-lieu de département enverra deux délégués pour former la Convention révolutionnaire du Salut de la France. ART. 7. - Cette Convention se réunira immédiatement à l'hôtel de ville de Lyon, comme étant la seconde ville de France et la plus à portée de pourvoir énergiquement à la défense du pays. Cette Convention, appuyée par le peuple entier, sauvera la France. Aux ARMES ! ! ! (Suivent 26 signatures, dont celle de Michel Bakounine.) James Guillaume a laissé un récit de ce qui se passa à Lyon les 27 et 28 septembre. D'après celui-ci, c'est le 28 que, soutenu par plusieurs milliers de manifestants sur la place des Terreaux, le Comité du Salut de la France s'installa au conseil municipal et se mit à rédiger des décrets, aussitôt imprimés. En vain Bakounine et quelques autres délégués insistaient-ils pour qu'on arrêtât sur-le-champ le préfet Challemel-Lacour, le maire Hénon et le général Mazure, commandant de la garde nationale. Ils ne furent pas écoutés. Entre-temps, les autorités prenaient les mesures nécessaires pour reprendre possession de l'hôtel de ville. Bakounine essaya de galvaniser l'énergie du Comité du Salut de la France. « On pouvait, disait-il, déterminer les gardes nationaux ouvriers à soutenir le mouvement et à opposer la force à la force. » Mais Albert Richard, par peur des responsabilités, s'y refusait, et le général Cluzeret, loin de songer à la résistance, invitait les conseillers municipaux réactionnaires à reprendre leurs sièges. Revenant à l'hôtel de ville, le maire Hénon, escorté par des, gardes nationaux, rencontra Bakounine dans la salle des Pas-Perdus. Il le fit aussitôt enfermer dans un réduit, au sous-sol. C'est là qu'Ozerov, à la tête d'une compagnie de francs-tireurs, alla le délivrer. Le lendemain soir, ayant appris qu'un mandat d'amener était lancé contre lui, le vieux révolutionnaire prenait le train pour Marseille. Ainsi prit fin, au bout de quarante-huit heures, l'action entreprise à Lyon sur l'initiative de Bakounine. Avant de quitter la ville, celui-ci BibliotecaGino Bianco DÉBATS ET RECHERCHES écrivit à Palix une lettre dans laquelle il ne cache pas son amertume. Citons-en quelques passages : Mon cher ami, je ne veux point partir de Lyon sans t'avoir dit un mot d'adieu. La prudence m'empêche de venir te serrer la main une dernière fois. Je n'ai plus rien à faire ici. J'étais venu à Lyon pour combattre ou pour mourir avec vous. J'étais venu parce que je suis profondément convaincu que la cause de la France est redevenue à cette heure suprême (...) la cause de l'humanité. J'ai pris part au mouvement d'hier et j'ai signé mon nom sous les résolutions du Comité du Salut de la France, parce qu'il est évident pour moi qu'après la destruction réelle et de fait de toute la machine administrative et gouvernementale, il n'y a plus que l'action immédiate et révolutionnaire du peuple qui puisse sauver la France. (...) Je quitte Lyon, cher ami, le cœur plein de tristesse et de prévisions sombres. Je commence à penser maintenant que c'en est fait de la France. (. ..) Adieu la liberté, adieu le socialisme, la justice pour le peuple et le triomphe de l'humanité. Tout cela pouvait sortir du désastre actuel de la France. Tout cela en serait sorti, si le peuple de France, si le peuple de Lyon l'avait voulu. Bakounine à Marseille AccoMPAGNÉ DE LANKIEWICZ,Bakounine arriva le 30 septembre à Marseille. « Il espérait, dit James Guillaume, que les Marseillais agiraient et même qu'un nouveau mouvement communaliste serait encore possible à Lyon. » C'est ce qu'il laisse entendre dans une lettre envoyée de Marseille, le 8 octobre, à son ami italien Bellerio : (...) Vous avez lu aussi dans le journal, avec plus ou moins d'invectives contre ma pauvre personne, d'ailleurs habituée à les recevoir, le récit plus ou moins véridique de notre première (pas dernière) tentative de Lyon, le 28 septembre. Le fait est que le commencement a été magnifique. Nous avons été les maîtres de la situation. Malgré la résistance de la garde nationale bourgeoise, appuyés par le peuple, d'abord désarmé et plus tard accouru en armes, nous nous étions emparés de l'hôtel de ville. Pourquoi n'y sommes-nous ,pas restés? demandez-vous. Ah ! ce fut la faute de l'inexpérience révolutionnaire de plusieurs de nos amis qui se laissèrent amuser par de bonnes paroles, tandis qu'il fallait agir, sans écouter les promesses des réactionnaires qui, se voyant hattus, promirent tout, et plus tard ne tinrent rien ; mais surtout par la faute du général Cluzeret, pour ne point dire par sa lâcheté et sa trahison. ( ...) J'étais là avec les amis, leur disant à chaque instant : « Ne perdez pas de temps en vaines discussions ; agissez, arrêtez tous les réactionnaires, frappez à la tête. » Au milieu de ces beaux discours, je me vois enveloppé par les gardes nationaux bourgeois, conduits par un des plus forts réactionnaires de Lyon., le maire lui-même, M. Hénon. Je me débattis, mais on m'entraîna et je me vis enfermé dans un trou après avoir été passablement maltraité. Une heure plus tard, un bataillon de ·corps franc:s, mettant en fuite les gardes bourgeois, vint me délivrer.

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