Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

LE CONTRAT SOCIAL l'a~enir de la France. Ils prennent une place croissante dans la presse, dans l'édition, au théâtre, au cinéma, partout où leurs concurrents se font complices en croyant ainsi prendre une assurance pour l'avenir. On comprend que, dans ces conditions, soit vouée à disparaître une revue qui a souscrit d'emblée à ce passage du Contrat social de Jean-Jacques : « Maintenant qu'il n'y a plus et qu'il ne peut plus y avoir de Religion nationale exclusive, on doit tolérer toutes celles qui tolèrent les autres, autant que leurs dogmes n'ont rien de contraire aux devoirs du Citoyen. Mais quiconque ose dire : hors de l'Eglise, point de salut, doit être chassé de l'Etat, à moins que l'Etat ne soit l'Eglise et que le Prince ne soit le Pontife. Un tel dogme n'est bon que dans un Gouverne- ~e~t Théocratique ; dans tout autre, il est pernicieux ». Plus que jamais, cette pensée maîtresse du Contrat de 1762 demeure actuelle. * * * Nous AVONS cité, nous citerons Jaurès qui, professant un marxisme humain, authentique, a écrit dans les Cahiers de la Quinzaine de Péguy : « Une classe, née de la démocratie, qui, au lieu de se rang~r à la loi de la démocratie, prolongerait sa dictature au-delà des premiers jours de la Révolution, ne serait bientôt plus qu'une bande campée sur le territoire et abusant des ressources du pays ». A fortiori quand ce n'est pas une classe, mais un parti qui prolonge indéfiniment sa _dictature ~t qui « campe » sur le pays conquis. Le parti pseudo-communiste français n'est qu'u1;1 auxiliaire de cette « bande » qui, en Russie, a exterminé plus d'un million de membres du parti de Lénine, qui a fait périr quelque quinze millions d'innocents dans des camps de torture (chiffres confirmés par André Sakharov éminent savant russe; cf. Est et Ouest, n° 415): Il nous plaît d'avoir la caution de Jaurès pour condamner cette « bande » et ses auxiliaires il nous répugne d'avoir à réfuter leur impu~ dente prétention au « marxisme» que contresigne l'Occident dit « capitaliste » empressé à leur complaire. Sur Marx qui n'était pas marxiste et sur le marxisme qui n'a plus rien de commun avec Marx, notre revue a publié des textes, des analyses, des arguments irréfutables. Mais « les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière » (Jean, III, 19). L'accréditation du Lumpenmarxismus de la «bande» en Occident déshonore une époque. Pour apprécier la sinistre régression intellectuelle et morale que ce « marxisme » abject BibliotecaGino Bianco 191 représente, il n'est que de rappeler, ou de révéler, ce que Charles Andler écrivit en 1907 : « Marx et Engels ont traité d'utopistes la plupart de leurs grands devanciers, et voici qu'euxmêmes subissent l'investissement de la même critique collective, victorieuse forcément par l'effort immense qu'elle représente ( ...) Le m~r~isme, comme système, ne tardera pas à reJoindre les systèmes antécédents discrédités par lui. Il est une de ces armures ciselées de main de maître, sous lesquelles au~a combattu un !emps le prolétariat, mais qu'il suspend ensuite sous des portiques glorieusement commémoratifs, et remet à la garde de ses Invalides ». A relire soixante ans et quelque plus tard ,cette admirable prévision, déjouée par les consequences de deux guerres atroces et leur séquelle sous forme de despotisme oriental ma!s restée valable pour une élite trop res~ tre1nte, on mesure la déchéance de notre intelligentsia universitaire, singulièrement de l'Ecole normale supérieure qui, au mépris d'un Charles Andler, d'un Jaurès, d'un Bergson qu'elle avait formés, produit maintenant des anormaux inférieurs entichés de stalinisme férus de terro- . ' nsme, et assez effrontés, polissons ou ineptes pour prétendre enseigner ce que Marx n'aurait pas su exprimer dans son Capital. Dans ce dernier numéro de notre revue comme dans le premier, on se doit de citer un personnage qui, malgré ses responsabilités terrib~es dans l'état présent des choses, n'est pas moins . méconnu de ses disciples ignares que travesti par ses sectateurs crapuleux. Vers la fin du xrxe siècle, il y eut en Russie, sous le tsarisme, ce que Lénine entendait par « la lune 1e _mi~l d,u.marxisme légal ». En ce temps-là, ecnvalt Lenine en 1901, « on voyait paraître les uns après les autres des ouvrages marxistes, se fonder des revues et des journaux marxistes, tout le n:ionde se convertir comme par contagion au marxisme, flatter les marxistes, faire la cour aux marxistes, les éditeurs s'enthousiasmer du débit extraordinaire des livres marxistes ... » Cela se passait sous Alexandre III et Nicolas II les intellectuels russes épris du marxisme l'étu~ diaient avec sérieux et esprit critique sans se borner à un seul auteur : ils s'appelaient Pierre Struve, Serge Boulgakov, Tougan-Baranovski Nicolas Berdiaiev, Serge Prokopovitch. Troi~ quarts de siècle s'écoulent et, en Occident, sur la Rive gauche parisienne comme dans la Nouvelle gauche internationale, des cuistres ennuyeux et retardataires découvrent Marx le dénaturent, le galvaudent, le vulgarisent ' en leur jargon indigeste, lancent la mode et se prennent insolemment pour une avant-garde.

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