Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

Débats et recherches BAKOUNINE ET LE « SALUT DE LA FRANCE » par Marcel Body I La fin du Second Empire E N CE DÉBUT d'août 1870 qui sonnait le glas du second Empire, Michel Bakounine résidait à Locarno. Pour lui, les défaites des armées de Napoléon III annonçaient d'imminents bouleversements sociaux en France. La guerre qui allait être perdue pouvait être transformée en guerre victorieuse, en guerre révolutionnaire, à condition d'être menée « au couteau » par les travailleurs des villes et des campagnes unis par les mêmes aspirations et résolus à porter la révolution au cœur de l'Allemagne. Cette idée enflammait le vieux lutteur. Le 11 août, il écrit à Ogarev : Tu n'es rien que russe, tandis que moi je suis international · les événements qui se déroulent actuellement en Europe me donnent une véritable fièvre. (...) J'ai élaboré tout un plan ; 0 [zerov] te le fera voir, ou, ce qui vaudra mieux, il te lira une lettre écrite par moi à un Français. Dans ce long document, commencé août et interrompu le 9 septembre Bakounine va démontrer le 25 1870, que dans les conditions où elle se trouve présentement, la France ne peut plus être sauvée par les moyens réguliers de la civilisation, de l'Etat. Elle ne peut échapper à la déchéance que par un ~ffort suprême, par un immense mouvement convulsif de toute la France, par le soulèvement armé du peuple. Et il s'en prendra aussitôt à Gambetta, en qui il ne cessera de voir, avant et après la formation du gouvernement provisoire, un complice des forces conservatrices qui s'agitent à Paris pour garder le pouvoir : L'immense sottise, le grand crime et la grande lâcheté de Gambetta et C1e, c'est de n'avoir pas renBibliotecaGino Bianco versé le gouvernement impérial et de n'avoir pas proclamé la République, il y a plus de quinze jours, lorsque la nouvelle de la double défaite des Français à Frœschviller et à Forbach fut arrivée à Paris. Le pouvoir était par terre, il n'y avait qu'à le ramasser. [ ...] Je les accuse [Gambetta et C1c] de crime de haute trahison contre la France, à l'extérieur aussi bien qu'à l'intérieur ; et si les bonapartistes méritent d'être pendus une fois, tous ces jacobins devraient l'être deux fois. Dans les pages suivantes, il montrera comment « le patriotisme de ces jacobins » a perdu la France : Oui, perdu ; car si la révolution sociale, ou le soulèvement immédiat, anarchique, du peuple français, ne vient pas la sauver, elle est perdue. (...) Dans ce moment suprême où la France ne peut être sauvée que par un miracle de l'énergie populaire, Gambetta et ce, toujours inspirés par leur patriotisme inséparable de leur bourgeoisisme, permettent à cette tourbe bonapartiste qui tient le pouvoir et toute l'administration en ses mains de tuer définitivement l'esprit public en France. Voici, selon Bakounine, ce qu'il aurait fallu faire, alors que l'impératrice Eugénie n'était pas encore en fuite et Napoléon III prisonnier des Allemands, pour arrêter l'ennemi : Malgré l'infériorité évidente des deux armées françaises 1, il y aurait eu un moyen sûr d'arrêter l'ennemi et de ne point lui permettre d'approcher même des murs de Paris. (...) Si, aussitôt que la nouvelle des désastres français fut arrivée à Paris, au lieu de proclamer la mise en état de siège de Paris et de tous les départements de l'Est, on avait provoqué la levée en masse des populations de ces départements, si on avait fait des deux armées non l'unique moyen de salut, mais deux points d'appui pour une formidable guerre de partisans, de guérillas, de brigands et de brigandes si cela devenait nécessaire ; si --on avait armé tous les paysans, tous les ouvriers en leur donnant des faux à 1. L'armée de Bazaine et celle de Mac-Mahon. (Cette note, comme les suivantes, est de l'auteur du présent article.)

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