Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

240 sensation. Elle s'apparente à la littérature moderne occidentale, aux écrits de Biély, Hamsun et Proust. Comme ces écrits, elle est neuve par ses choses vues, inattendues et vraies. Cette poésie est d'une grande inspiration. Il y a en elle beaucoup d'horizon et d'air. Elle respire et se meut. Sur la mort de Iachvili, Pasternak dira : Il me semble que Paolo lachvili, ensorcelé par la chtchigalevchtchina* de 1937 avait perdu la tête. La nuit il regardait sa fille qui dormait et ne se croyait plus digne de la regarder. Un matin il se rendit chez des amis et d'un coup de fusil de chasse se fil sauter la cervelle. C'est vers la même époque que l'auteur dramatique ukrainien bien connu Ivan Mikitenko mit fin à ses jours. Fils d'un paysan, Mikitenko était encore étudiant en médecine lorsqu'il devint un des dirigeants de l'Association des écrivains prolétariens d'Ukraine. Au cours des années 30, sa notoriété s'étendit à toute la Russie soviétique. Ses pièces étaient représentées en Ukraine et dans les théâtres de Moscou, de Léningrad, etc. Toutes avaient pour thème une des questions brûlantes de notre époque. Des drames comme la Dictature (1930), les Cadres (1932), Une Affaire d'honneur (1932), les Filles de notre pays (1933), Solo de flûte (1936) et le Soleil se levait (1937) sont les plus connus. Pendant des années, Mikitenko joua un rôle important dans les organisations d'écrivains en Ukraine et dans l'ensemble de l'Union soviétique. Au début des années 30, il fut nommé président de l'Union des écrivains d'Ukraine et le resta jusqu'à la terreur exercée par léjov. En 1937, on l'accusa d'avoir perdu « la vigilance de classe». Un certain nombre de jeunes écrivains ukrainiens désireux de faire carrière mirent la main à cette sinistre affaire. A. Korneïtchouk, rival de Mikitenko en tant qu'auteur dramatique, venait en tête. Ce fut une session du comité de l'Union des écrivains d'Ukraine, à laquelle assistaient des représentants du Comité central du P.C. ukrainien, qui décida du sort de Mikitenko. Condamné, relevé de ses fonctions, il fut mis à l'écart. On ne sait rien de précis sur ses derniers moments, si ce n'est qu'il fut découvert mortellement blessé d'une balle, dans une forêt près de Kiev, trois jours après avoir quitté la ville. Il avait tout juste 40 ans. Vingt-cinq ans plus tard, l'Encyclopédie de l'Ukraine soviétique donna une biographie détaillée de Mikitenko accompagnée de son portrait et de photos représentant quelques scènes de ses pièces. Nous y lisons : • Terme formé sur le nom de Chtchigalev, personnage du roman de Dostoïevski les Possédés (ou : les Démons), utopiste, borné, prétentieux, autoritaire à l'extrême. Les intellectuels russes de nos jours voient en lui les traits qui caractérisent les dirigeants soviétiques. - N .d.l.R. BibliotecaGino Bianco IN MEMORIAM M ikitenko a écrit un certain nombre d' œuvres littéraires importantes axées sur les âpres conf1.its suscités en nous-mêmes par notre époque. L' écrivain se jetait à corps perdu dans la vie, s' efforçant de donner une idée positive de son contemporain, le bâtisseur du socialisme. Mais pas un mot sur la fin tragique de l' écrivain si « à l'unisson de son temps». Avant la deuxième guerre mondiale beaucoup d'autres noms vinrent s'ajouter au martyrologe des écrivains soviétiques qui mirent fin à leurs jours. Citons-les : Grigori Goloskévitch, critique littéraire de talent et auteur de nombreux essais, se pendit à Tobolsk, où il était exilé, en automne 1930. Il avait 45 ans. Le poète Arkadi Kazka. Né en 1890, il avait commencé à écrire avant la révolution. Il se donna la mort en 1933 dans la prison d'Odessa où il était détenu. Nikolaï Démentiev, auteur de l'ouvrage assez connu la Grande route des enthousiastes, publié en 1930. Il se suicida en octobre 1935. Ludwig Sedletski, homme de lettres de talent, s'empoisonna avec sa femme en 1936. Vadim Okhrimenko, auteur connu de nouvelles et de scénarios. Comme essayiste, il collabora pendant des années à la Pravda. Il se tua d'un coup de revolver en novembre 1940. Il avait 40 ans. En 1941, première année de la guerre, la poétesse de grand talent Marina Ivanovna Tsvétaïéva se pendit dans la petite ville de lélaboug, près de Kazan. Fille d'un prof esseur et critique d'art, Tsvétaïéva était née à Moscou en 1892. En 1908, ses études secondaires terminées, elle vint à Paris pour suivre à la Sorbonne des cours de littérature. Elle était encore au lycée quand elle commença à écrire. Elle publia son premier recueil de poèmes en 1910, sous le titre Album du soir. Dans ·un article intitulé« l'Œuvre poétique de Marina Tsvétaïéva », Ilia Ehrenbourg a écrit dans la Litératournaïa M oskva : Quand parut son premier volume, la poétesse avait 17 ans et portait encore sa tenue de lycéenne. [... ] Cependant, même dans ces vers qui manquaient de maturité on discernait déjà un vrai poète. D'autres recueils furent encore publiés par elle en Russie : la Lanterne magique (Moscou, 1912), Tiré de deux livres (Moscou, 1913) et Verstes (Moscou, 1922). Si, jusqu'en 1917, la vie de Tsvétaïéva se déroula paisiblement, tantôt dans la société aisée de Moscou, tantôt à Taroussa, localité tranquille de la banlieue moscovite, les événements soumirent la poé-

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==