Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

rev11el,istorÎIJUet criti'lue Je1 faits et Jes iJées Décembre 1968 SUITE L / ARTICLE liminaire de cette revue, en 1957, observait« qu'au progrès manifeste des sciences exactes et des techniques industrielles correspond de nos jours, notamment en France, une régression frappante des connaissances dans l'ordre des sciences morales et politiques, des philosophies de l'histoire et de la physique sociale, pour user d'expressions pleines de sens au dernier siècle ». Et sans prétendre suppléer le savoir défaillant en ces vastes matières, on se proposait ici de « rendre goût à l'étude, de susciter la recherche originale et de stimuler la pensée critique devant l'indifférence ou la carence des institutions officielles. » Pour conclure, cet éditorial inspiré du dessein « d'introduire plus de raison et de justice dans le contrat social » disait que des hommes de bonne volonté « ont cru nécessaire de rassembler dans une nouvelle revue les écrits d'auteurs qualifiés pour traiter en connaissance de cause, et en dépassant les argumentations caduques, des matières relatives aux transformations sociales, aux interprétations et aux prévisions historiques. Dans ces domaines, une inculture dangereuse sévit à mesure qu'en public il est de plus en plus question de culture, de services culturels, de relations culturelles ». Et d'autre part « les opinions tuent la vérité », comme disait Lacordaire. Or, après douze années d'efforts, notre tentative prend fin sur un échec. Vingt ans avant ce Contrat social, l'un des nôtres écrivait déjà dans les Nouveaux Cahiers (n° 12 de 1937) : « A l'encontre de bien des prévisions, de toutes les espérances, le progrès des arts et des métiers, des sciences et des techniques, n'a pas apporté à l'humanité uA progrès intellectuel et moral parallèle, mais lui BibliotecaGino Bianco Vol. XII, N° 4 ET FIN vaut plutôt une régression sensible. Les lumières, comme on disait au XVIIIe siècle, sont aujourd'hui en raison inverse des conquêtes de l'électricité. Tout ce qui devait éclairer la conscience de l'homme et des foules est employé à mieux tromper, à répandre des préjugés, à forger des fictions, à nourrir et fortifier des partis pris. La presse, le livre, la radio, la photographie même et le cinéma font à cet égard beaucoup plus de mal que de bien. Et le nombre décroît chaque jour des individus capables de raisonner par eux-mêmes depuis que des mécaniques servent à multiplier la diffusion de l'erreur manifeste ou de contre-vérités flagrantes. [A cette date, la télévision, les télé-communications par satellites artificiels et les ordinateurs n'existaient pas encore]. Des oligarchies occultes pensent pour les collectivités, des mercenaires font l'opinion, des médiocres ont licence entière de pervertir l'esprit public ... » Trente-deux ans, donc, ont passé depuis ces réflexions inquiètes, et douze ans depuis les considérations qui motivaient l'entreprise de notre revue. Et l'avancement vertigineux de l'électronique, de la cybernétique, de la balistique, de l'astronautique, de la chimie moléculaire, dans le monde malade qu'Hitler et Staline ont laissé derrière eux, n'a cessé d'aggraver les maux qui rongent la civilisation dont la « crise» devient un lieu-commun auquel se réfèrent volontiers les puissants du jour pour ne pas s'avouer impuissants autant qu'irresponsables. Remontons cent ans en arrière : il y a en effet exactement un siècle qu'Alexandre Herzen, cessant la publication de la Cloche, écrivait dans le dernier numéro du lu décembre 1868 :

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