Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

222 Raisons invoquées pour limiter les naissances ( en % du total des réponses) : Par les familles à bas revenus à hauts revenus Insuffisance des ressources 31,1 24,9 Conditions de logement 13,2 18,3 Continuation des études 1,8 0,9 Conflits familiaux 5,5 2,8 Difficultés pour l'éducation et la garde des enfants 5,0 6,2 Se déclarent satisfaits avec le nombre d'enfants atteint 1,8 2,8 Le niveau des revenus ne semble pas déterminant pour modifier les comportements : 80,4 % des femmes de moins de trente-cinq ans, de niveau modeste, ont déclaré ne pas vouloir d'autres enfants, mais parmi ~es raisons invoquées l'insuffisance des ressources ne compte que pour 36,6 % des réponses. De même, l'amélioration des conditions de logement (appartements séparés ou plus grands) n'influe pas directement sur la natalité ; c'est plutôt l'inverse : la naissance facilite l'attribution a posteriori d'un logement plus adéquat (55 % des familles ayant deux enfants ont pu améliorer leurs conditions de logement après la naissance des enfants et 18 % seulement des femmes ont accepté un deuxième enfant à la suite de meilleures conditions). * * * LA PORTÉE de cette enquête dépasse le cadre de la ville de Moscou, car il est admis aujourd'hui que, dans la plupart des grandes villes soviétiques, le nombre des avortements excède celui des naissances 13 • D'ores et déjà, cette évolution inattendue de la natalité entraîne un certain nombre de conséquences doctrinales, politiques et sociologiques. Sur le plan doctrinal, il n'est plus possible d'affirmer, comme ont coutume de le faire certains marxistes, que les lois de la population ne sont pas biologiques, mais spécifiques à chaque mode de production, la loi socialiste de la population étant caractérisée par une croissance démographique continue et régulière. On reconnaît aujourd'hui que ce qui est caractéristique du régime socialiste, ce n'est plus l'expansion démographique mais le plein emploi 14 • Sur le plan politique, les dirigeants sont en train d'envisager des mesures spéciales pour 13. L. Kouznetsova, op. cil. 14. A. Bojarskii, cité par I. V. Dzarasova, op. cil,: p. 68. BibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE enrayer la chute de la natalité. Le problème qui les occupe est de. savoir s'il faut favoriser le travail des femmes en consacrant davantage de crédits à la construction de logements, de crèches et de services destinés à alléger les servitudes domestiques ( à Moscou on vient d 'inaugurer un immeuble-commune sans cuisines individuelles, avec repas pris en commun), ou bien s'il ne vaudrait pas mieux augmenter les allocations familiales et les étendre aux premières naissances, enfin autoriser les entreprises à pratiquer le travail à mi-temps pour permettre à davantage de femmes d'être plus longtemps à la maison. Il est intéressant de noter à cet égard que le travail de la maîtresse de maison, longtemps considéré avec mépris comme une survivance petite-bourgeoise, tend à être remis à l'honneur 15 • On considère aujourd'hui que la femme au foyer accomplit auprès de ses enfants une tâche éducative éminemment sociale et que le versement des allocations familiales, loin d'être une entorse au principe socialiste : « A chacun selon son travail », est la juste rétribution des services rendus par la mère de famille à la collectivité. Cependant la nouvelle loi sur le mariage et le divorce a plutôt assoupli les règles de la procédure du divorce, tout en imposant un délai d'un an de mariage avant que la dissolution puisse être décidée 16 • Du point de vue sociologique, deux constatations s'imposent : 1. Quelles que soient les affirmations des doctrinaires communistes sur les différences foncières et les finalités de la société « socialiste » et celles de la société « bourgeoise », ce qui compte en dernier ressort ce ne sont pas ces affirmations verbales, mais le comportement réel des individus ; or, ce que nous montrent les femmes soviétiques face à la natalité, c'est une parenté toute naturelle de leurs aspirations avec leurs sœurs des autres sociétés industrielles devant les mêmes problème.s de la vie urbaine et les exigences qu'elle fait naître. 2. A l'Est comme à l'Ouest, la politique nataliste ne saurait se fonder sur les seuls stimulants matériels - allocations familiales, logements familiaux, etc., - mais les facteurs psychologiques paraissent essentiels. L'urbanisme le plus révolutionnaire ne suffit pas à faire naître la Cité du bonheur. Car l'acte créateur dans ses acceptions les plus larges, de par sa nature même, implique la gratuité, la plénitude de soi-même, la liberté. B. AUMONT. 15. Savkovitch : • Vysokaïa doljnost" •• in Izvestia, 25 mai 1966. 16. lzvestia, 18 avril 1968.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==