220 nistan. A long terme, c'est l'équilibre même des nationalités qui peut se trouver modifié. D'autre part, on constate que, dans les classes d'âge comprises entre vingt-cinq et soixantecinq ans, les décès des hommes sont deux fois plus fréquents que ceux des femmes 5 • Cette surmortalité masculine est à ce point préoccupante qu'elle a franchi le cercle des démographes pour être longuement débattue dans la presse. La Literatournaïa Gazeta, dans une série d'articles parus en 1968, invite avec humour les femmes soviétiques à « prendre soin des messieurs ». Le sexe fort s'avère, en U.R.S.S., particulièrement exposé non seulement à l'alcoolisme, mais encore à l'usure due aux conditions de travail pénibles et aux accidents 6 • Certes, dans tous les pays la femme vit généralement plus longtemps que l'homme ; toutefois, en U.R.S.S. l'écart entre la longévité féminine et la masculine est plus sensible : il est - d'après l'Annuaire démographique des Nations Unies - de quatre ans au Danemark, de cinq ans en Grande-Bretagne, en Italie et au Japon, de huit ans en U.R.S.S. Dans ce dernier pays, sur 10.000 habitants de trente à trente-quatre ans, on enregistre 37 décès chez les hommes et 14 chez les femmes 7 • * * * MAIS les soucis les plus graves proviennent de la chute brutale de la fécondité. Une récente enquête effectuée en Ukraine a révélé une moyenne de 1,6 enfant par ménage, c'est-à-dire qu'un couple n'assure plus la reproduction du nombre minimum de deux enfants nécessaire à la stabilité de la population 8 • Cette baisse de la fécondité des familles soviétiques est le résultat d'un assez grand nombre de facteurs économiques, démographiques, sociologiques. Certains sont communs à l'ensemble des pays industriels ; en particulier les tendances malthusianistes des couches aisées de la population au fur et à mesure que l'instruction, l'urbanisme et le niveau de vie s'accroissent. En U.R.S.S., on observe que la natalité est la plus basse à Moscou et à Léningrad : 11 %0 • 5. Roland Pressat : c Les premières tables de mortalité de l'Union soviétique• in Population, n° 1, Paris 1963, p. 76. 6. Dans ce pays généralement peu avare de statistiques, on n'a pas établi jusqu'ici de statistiques sur la mortalité par professions. Les dernières données globales sur le nombre des handicapés physiques datent du recensement de 1926. (Merkov, in Vestnik statistiki, n° 7, 1968, p. 59). 7. V. Peredeventsev, in• Literatournaia Gazeta, n° 46. 13 novembre 1968, p. 13. 8. I. Dzarasova : « 0 vlianii social'no-ekonomitcheskikh faktorov na rojdaemost •, in Naselenie i narodnoe ... op. cit., pp. 79-80. BibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE Mais on reconnaît également que la naissance d'un premier enfant entraîne pour un jeune couple une diminution sensible de revenus. Si l'on estime à 200 roubles les gains mensuels cumulés du père et de la mère avant la naissance, le revenu tombe à 100 roubles par mois pour trois personnes au foyer lorsque la jeune maman est obligée d'interrompre ses activités, car les allocations familiales ne sont versées qu'à partir du quatrième enfant (à raison de 4 roubles par mois, soit 20 F) 9 • Souvent aussi la venue d'un enfant est jugée inopportune étant données les conditions de logement précaires dont se contente une grande partie de la population, notamment en Sibérie. Les ménages, vivant à l'étroit, n'ont pas toujours le désir ou la possibilité de loger la grand-mère - la babouchka - qui pourrait s'occuper des enfants 10 • Comment élever un enfant si l'on travaille, alors que le réseau des crèches et jardins d'enfants n'est en mesure d'accueillir que 23 % des tout petits ? La disparition de la babouchka se répercute sur la natalité, souligne avec une ironie un peu lourde un démographe soviétique. En outre, les femmes qui travaillent - elles représentent actuellement 49 % de la popula-_ tion active, ,contre 27 % en 1929 - se plaignent de ne pas disposer des services collectifs (blanchisseries, teintureries, ravitaillement à domicile, etc.) qui pourraient alléger leurs travaux domestiques 11 • A ces considérations économiques s'ajoutent des facteurs démographiques propres à l'Union soviétique. Par suite des pertes subies, le nombre des hommes en âge de se marier a été, après la dernière guerre, très inférieur à celui des femmes. Au recensement de 1959 on comptait un excédent de 21 % de femmes sur le nombre des hommes (contre 13 % en Allemagne de - l'Est). Mais actuellement les tranches d'âges de la plus grande fécondité (jusqu'à trente-neuf ans), correspondent aux classes creuses des années '1942-1946 ; cela explique qu'il y ait beaucoup moins de mariages aujourd'hui (9,1 %o en 1967 contre 12,1 96o en 1900) : il y a moins de jeunes couples. Si ce facteur était le seul en cause on pourrait en déduire que l'expansion démographique reprendra dans les années à venir avec l'afflux, à l'âge du mariage. des classes d'après guerre. 9. V. Peredeventsev, in Literatournaia Gazeta, n° 47, 20 novembre 1968. 10. Le manque de surveillance des enfants et des adolescents entraîne la délinquance juvénile. Cf. Leninskoe Zname (17/9/1965), I:zvestia (6/12/65, 9/12/66, 24/12/68). 11. Larissa Kouznetsova, in Literatournala Gazeta, n° 9, 1968. A Moscou, par exemple, il n'existe pour une population de 6,5 millions d'habitants que trois blanchisseries qui disposent d'un service de lavage des couche&.
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