LA SITUATION DÉMOGRAPHIQUE EN U.R.S.S. par B. Aumont L A DIFFICULTÉ de concilier les processus biologiques avec les règles mécanistes d'une planification, laquelle s'inspire davantage des techniques volontaristes de l'ingénieur que de l'acceptation des exigences créatrices de la vie, a été maintes fois illustrée par le retard quasi chronique de la production agricole de l'Union soviétique. Plus significative encore à cet égard nous paraît être l'évolution démographique de ce pays. Sans doute, les Soviétiques ·sont les premiers à souligner l'importance des lourdes pertes humaines que !'U.R.S.S. a subies au cours de la première et de la seconde guerre mondiale, de la guerre civile et des interventions étrangères. L'historien Volkov évalue à 30 millions d'individus les pertes de toute la période 1915 à · 1922, en y incluant le déficit des naissances 1 ; le démographe Urlanis estime à 8 millions les victimes de la guerre civile et des épidémies au cours des années 1918 à 1920, et à 2 millions le nombre des émigrants qui ont quitté la Russie à cette époque 2 • Le même auteur cite un total de 20 millions de morts civils et militaires au cours de la seconde guerre mondiale. Si l'on ajoute le manque à gagner résultant de la baisse de la natalité, c'est une ponction de 40 à 50 millions de vies humaines que !'U.R.S.S. a éprouvée de 1941 à 1946 3 • Ces facteurs « extérieurs », s1 importants soient-ils, ne sont pas les seuls à porter au passif du bilan démographique de !'U.R.S.S. au cours des cinquante-deux dernières années. Malheureusement, aujourd'hui encore nous sommes dans l'ignorance des pertes exactes subies pendant la famine de 1921 ainsi qu'au cours des années de la collectivisation forcée, de 1930 à 1. Volkov : Dinamilca naseleniia za vosemnadsat let. Mc,scou 1930. 2. B. Urlanls : • Dinamika naselcnila SSH za 50 let •• ln Na.,elenie l narodnoe blago.,o.,tolanle. Moscou 1968. pp. 2021. 25. 3. Population, numéro spécial (n° 2 b1's), Paris 1958, 96 pp. BibliotecaGino Bianco 1936 4 • Les statlstlques officielles sont muettes sur quinze années de l'histoire démographique de l'Union soviétique. Silence troublant et qui laisse place à toutes les spéculations. Le moins qu'on puisse dire est que le bilan humain de la révolution bolchévique et de ses lendemains reste à faire. L'historien pourrait être tenté d'accepter avec résignation ces cataclysmes en les considérant comme inévitablement liés aux ruptures révolutionnaires ; il resterait à expliquer pourquoi - ce point retiendra notre attention, - dans les périodes où l'Union soviétique n'est perturbée ni par une guerre extérieure ni par une crise intérieure, l'accroissement de la population suit une courbe déclinante. Depuis 1960, la chute de la natalité est à ce point inquiétante que les planificateurs ont été dans l'obligation de réviser les hypothèses de départ pour l'année 1980, hypothèses sur lesquelles ils avaient fondé le plan à long terme 1966-1980. Au lieu des 280 millions d'habitants escomptés on doit s'attendre, disent les statisticiens, dans l'hypothèse la plus optimiste, à un mécompte de 7 millions d'individus ; selon les calculs effectués par l'Institut économique de l'Académie des sciences, le déficit démographique atteindrait 20 millions en 1980. Au rythme actuel de la natalité et de la mortalité, la population soviétique cesserait d'augmenter dans les années 70. D'ores et déjà, l'accroissement annuel n'est assuré que par l'apport des populations d'Asie centrale et du Caucase, dont la fécondité est supérieure à celle des Slaves. Le taux de natalité ne dépasse pas 12,8 %0 dans le centre de la Russie d'Europe, il atteint 3 7,2 %0 au Turkme4. On peut se faire une id~o des perles éprouvées (surmortnllté et déficit des nnlssnnccs) pendant ln collcclivlsntion en comparant les prévisions initiales du deuxième plnn qulnqucnnnl pour nn 1937 (180,7 millions d'hnbitnnts) avec le chlflro réel fin 1937 : 160,8 millions.
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