Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

200 Parti sur le compte de Liu pendant vingt-deux ans, qu'ils soient des idiots ou des menteurs. Mao décrète que la brochure Comment être un bon communiste est antimarxiste, un classique du révisionnisme qui « a exercé une influence néfaste en Chine et dans le monde entier ». Or Mao et son équipe en avaient prescrit la lecture et l'étude obligatoires à leurs ouailles : donc ils mentaient et continuent de mentir (Staline avait agi de même vis-à-vis de L'A.B.C. du communisme, de Boukharine et Préobrajenski). Mao a dû censurer son propre recueil de citations pour en éliminer ses emprunts à Liu (Staline aussi a expurgé ses Principes du léninisme d'un passage qui sentait le trotskisme). Tandis que Liu était couvert d'outrages et d'immondices, sa femme était persécutée, brutalisée, terrorisée, contrainte de faire plusieurs fois son « autocritique », et ses enfants ont été forcés de le renier, de le maudire en public. En d'immenses rassemblements à la chinoise, une abjecte populace vociférante, d'ailleurs télécommandée, a exigé la tête du grand leader vénéré jusqu'alors, privé de tout droit à se défendre. Voilà pourtant ce que le Monde et ses pareils recommandent à l'admiration des lecteurs, ce que des ramassis de polissons sans scrupules voudraient imposer à la France. Le catalogue des ignominies et des imbécillités de la « révolution culturelle » prendrait ici trop de temps et de place. D'autres que nous le feront sans doute, qui auront les moyens de publier de gros livres. Dans le genre ignominieux, ils rapporteront des cruautés comme celle dont un pianiste éminent, Liou Chi-koun, a été victime : les voyous rouges lui ont fracturé les poignets pour lui apprendre à jouer de la « musique bourgeoise » (24 février 1967). Dans le genre imbécile, ils n'omettront pas de mentionner la réhabilitation du piano révisionniste par Chiang Ching, la harpie qui a réintroduit cet instrument « réactionnaire » à l'Opéra de Pékin (2 juillet 1968) où l'on représentait La Lanterne rouge, mémorable défaite pour les galopins de même couleur qui avaient brisé les pianos à Changhaï afin de rompre avec le passé capitaliste. Dans le chapitre incohérent des réhabilitations, ils auront à collectionner des épisodes mystérieux comme ceux qui ont mis en cause Chou En-lai, Chen Yi et d'autres hauts dignitaires promis à la déchéance par de violentes affiches et cependant tirés d'affaire à la suite de sordides tractations dans la coulisse. Il sera malaisé d'établir le bilan des troubles en vies humaines. On a cru d'abord que tout se passait en virulences verbales et en violences physiques mesuBibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL rées, mais à la vérité manquaient les informations sûres ; les récits de crimes individuels, d'exécutions capitales et de batailles sanglantes ont fini par horrifier les observateurs impartiaux. Il n'est pas contestable que des trains à destination du Vietnam, transportant des armes et des munitions soviétiques, ont été pris d'assaut en cours de route et que ce matériel de guerre n'a pas dû servir à chasser la perdrix. Des factions en lutte ont pillé des armureries, volé des fusils et des mitrailleuses à l'armée régulière. Il y a eu des milliers de victimes dans certaines régions du Sud, de larges zones ont été dévastées par les incendies, et un grand nombre de cadavres mutilés ou ligotés seront repérés au large de Hong Kong et de Macao, rejetés par la rivière des Perles et ses affluents. On ne connaîtra partiellement la vérité qu'à la longue, comme presque toujours dans les affaires chinoises. .. * * EN REVANCHE, on n'ignore rien des mises en scène scandaleuses organisées par la maffia « culturelle » de Mao en 1.967 dans le quartier des ambassades à Pékin pour brimer et humilier les diplomates européens présents là par devoir, pour exacerber le chauvinisme chinois en défiant les ci-devant « puissances » occidentales qui se complaisent à présent dans l'impuissance. A propos de bottes, l'ambassade de France s'est vue assiégée pendant plusieurs jours, lapidée par des bandes sauvages qui traitaient de ·Gaulle et ses ministres de « têtes de chiens à écraser ». (Les sinophiles à tout prix assurent que ce sont là des aménités, presque des compliments.) Ce fut ensuite le tour de l'ambassade soviétique, envahie par des bru tes fanatisées, et dont le personnel a subi des injures inouïes, des sévices sans précédent diplomatique ; il fallut rapatrier à grand-peine les femmes et les enfants, protégés tant bien que mal et coude à coude par toute la petite colonie étrangère de Pékin, mais sous les coups, les crachats, les jets de colle, etc., d'une foule hurlante aussi lâche et ignoble que servile envers le pouvoir qui la manipule. (Toujours les gentillesses chinoises, expliquent les spécialistes.) « L'ambassadeur de France et sa femme jetés à t~rre lors du départ des familles de diplomates soviétiques », titre le Figaro du 7 février 1967. Cela n'a nullement gêné le représentant de la France à l 'Unesco pour proposer l'admission des vidangeurs de Mao à cette institution dite, elle aussi, « culturelle ». Ni les gardes rouges de brûler de Gaulle en

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