Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

292 proses logomachiques trop souvent imposées à la jeunesse étudiante par des professeurs stupides et pervers. Dès le n ° 2 de notre revue, en 19 5 7, l'article « Survie de Georg Lukacs » a réglé le compte du personnage en qui le Figaro, sans doute inspiré par la conscience de classe prolétarienne, voit un « grand philosophe marxiste », là où il n'y a ni grandeur, ni philosophie, ni marxisme, seulement de la cuistrerie domestiquée par le despotisme oriental d'un Staline. « Son nom [de Lukacs] reste ainsi indissolublement attaché à l'histoire de !'Inquisition rouge qui lui doit la justification morale de ses œuvres sanguinaires », dit notamment cet article que nous conseillons de lire ou de relire. Les avatars du communisme stalinien en Hongrie depuis une douzaine d'années n'affectent en rien les vérités parues ici-même : scripta manent. JACQUELINEDE PROYART: Pasternak. Paris 1964, Gallimard, La Bibliothèque idéale, 317 pp. P ARMIles recensions qui ont fait défaut à notre revue des livres, celle du Pasternak de Jacqueline de Proyart a été particulièrement regrettable. Mais un tel sujet, si grave, si poignant, ne se prête pas à un compte rendu hâtif et pour vouloir faire le mieux possible, il a fallu attendre un temps favorable que les circonstances n'ont cessé de refuser, le temps du silence, de la méditation, de la ferveur inspiratrice de l'hommage. Le sort ayant toujours contrarié nos desseins, on doit maintenant se borner à signaler l'ouvrage, à en dire l'intérêt et les mérites tout en renonçant au commentaire dont il est digne. Jacqueline de Proyart aime la Russie, aime la langue et la poésie et la spiritualité russes, elle a fréquenté Boris Pasternak en une profonde amitié réciproque : elle était donc pleinement qualifiée pour composer ce livre, monument discret élevé à la mémoire du poète assassiné par les communistes. Assassiné, car si le cancer a causé, direct, la mort de Pasternak, le mal physique insurmontable était la conséquence des souffrances morales que les philistins du stalinisme ont infligé à cet homme sensible et doux en le couvrant de leurs imprécations immondes, en menaçant de le chasser de son pays natal, de le séparer de tout ce et de tous ceux qui lui étaient chers. Le cas est fréquent, classique même, d'un organisme BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL humain qui se délabre, qui perd ses facultés de résistance à la maladie sous l'effet de l'angoisse, des tourments renouvelés à l'infini. Comme Essénine et Maïakovski acculés au suicide, Pasternak d'une autre manière est une victime du régime soviétique. Certes il était de santé fragile, ses proches et ses amis le savent ; pourtant, dans les conditions tenues pour normales en tout pays civilisé, il aurait pu vivre encore le temps d'achever la trilogie à laquelle il tenait tant : La Beauté aveugle. Mme de Proyart se garde de pénétrer sur le plan politique. A peine si elle se permet de brèves allusions, inévitables, aux conditions générales de la Russie à divers moments du demi-siècle que Pasternak a vécu en adulte et en écrivain. Après une biographie limitée à une douzaine de pages (Les jours), elle consacre le .. reste du volume à L'œuvre, d'abord en analysant les créations du poète et du prosateur dans leur ordre chronologique, appuyées de larges citations ; puis avec une série de notices sur chaque ouvrage, suivie de Pages bien choisies* et de Phrases essentielles tirées d'autres pages ; enfin avec des textes et des documents qui parachèvent le tableau, sobre, instructif, émouvant, que l'auteur était probablement la plus capable de composer, hors de la Russie. Bien que la musique de la langue poétique soit intraduisible, les poèmes et les fragments cités, traduits par divers russisants, le sont sans doute le mieux possible. Et l'illustration, si évocatrice et touchante, complète très heureusement l'ensemble. Guy DE CARMOY: L'Alliance atlantique disloquée. Paris 1966, Association française pour la communauté atlantique, broch. in-8 de 49 pp. RÉFUTATIONclaire et convaincante de la politique extérieure française sous la ve République, politique d'hostilité envers les Etats-Unis, subsidiairement envers l'Angle- ,·, Avec raison Mme de Proyart, sacrifiant « le plus connu au moins connu», n'a pas puisé dans le Docteur ]ivago) roman largement répandu en traductions afin de citer plus de poèmes et d'autres écrits. Noron; incidemment que le premier article en français sur la publication dti Docteur ]ivago fut, sauf erreur celui de B. Souvarine paru dans le Figaro du 27 nove~bre 1957. Cf. aussi dans le Contrat social notre Chronique : « Le crime de Boris Pasternak» n° de novembre 1958 et l'article d'Yves Lévy : « Les trois femmes du docteur Jivago », n° de mai 1959. Cf. en outre, dans Preuves) n° 93, de novembre 1958 : « Pasternak, par Pasternak», de B. Souvarine.

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