Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

QUELQUES LIVRES Reich ... Elle dort maintenant en paix derrière les barbelés de son vocabulaire. Pour écrire, ils avaient tous remis leur blouse noire d'écoliers de 1880 : rien n'est vrai que l'ennuyeux, l'ennuyeux seul est pris au sérieux. Il était donc fatal en quelque sorte que Max Weber écrivît un volume de méthodologie - cette « pestilence », disait-il lui-même - et que ce livre ne fût pas gai. Le travail de l'éditeur - M. Freund, le meilleur wébérien français, qui a traduit quatre textes, en a résumé quatre autres et a garni le tout de notes érudites et d'index - force l'admiration. Ainsi guidé, le lecteur français est vite récompensé de son effort. Derrière son titre invraisemblable et après un démarrage difficile, le temps que l'athlète s'échauffe, l'Essai sur l'objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociales révèle des pages scintillantes d'intelligence (147 sqq.) sur la critique des explications globales de l'histoire - parallèles, sur un autre ton, au Zangwill que Péguy publie la même année. Ensuite (pp. 180 sqq.) vient la célèbre théorie de l' « idéaltype » (nous suivons la traduction de M. Freund pour Idealtypus : c'est l'œuf de Colomb), morceau de bravoure essentiel à la compréhension de Weber et, non de son système, mais de sa ,, pensee. Cette pensée, voire ce style, on se prend à les aimer une fois qu'on y a saisi la forte respiration d'un esprit libre. Il y a un rythme dans ces écrits de Weber, une vigueur qui soulève la pâte épaisse des mots et fuse même en traits d'humour : on découvre avec ravissement que le grave sociologue cite Wilhelm Busch, le facétieux auteur de Max und Moritz. Ainsi ces textes de circonstance (au ~ens où Gœthe disait que toute poésie est poésie de circonstance) ne sont-ils pas morts, et le dernier et le plus important d'entre eux, le célèbre Essai sur la neutralité axiologique, renferme une discussion sur l'apolitisme de la chaire dont l'actualité est brûlante en 1969. Dernier trait de cette génération ambiguë, qui critique ses aînés mais garde leurs principes : le volontarisme. Weber a son « politique d'abord » : « Pour nous la raison d'Etat est l'étalon ultime des valeurs, même dans la sphère des considérations économiques » (p. 24 ). Phrase à ne pas séparer de son contexte intellectuel, très finement exposé par M. Freund; mais qui rappelle aussi en Weber, à une année près, le contemporain de Kipling. Ainsi, derrière le savant, constamment on trouve l'homme. Le moment est venu de le BibliotecaGino Bianco 289 faire connaître en pied par une grande biographie intellectuelle : traduction du livre de sa femme, de celui de Baumgarten, ou œuvre originale dans notre langue ? Le public français y est à présent préparé. JEAN-PAULDELBÈGUE. ADAMC10LKOSZ: Karl Marx and the Polish Insurrection of 1863. Reprint from The Polish Review, vol. X, n° 4, 1966. New York, N. Y. LA POLOGNEa tenu grande place dans les vues de Marx et d'Engels sur l'avenir de l'Europe, sur l'unification de l'Allemagne, sur le containment de la Russie, sur les perspectives d'une future révolution sociale. Les articles de Marx parus dans la N eue Rheinische Zeitung en 1848 ont été recueillis dans le petit livre : La question polonaise devant l'assemblée de Francfort, préfacés par Jean Longuet (Paris 1929 ). Marx y commente les débats du parlement de Francfort en historien très averti et en chroniqueur parlementaire attentif, perspicace, polémiste, chaudement partisan d'une Pologne restaurée en tant que nation indépendante. Il cite sans le nommer un historien français qui a dit : « Il y a des peuples nécessaires », et il ajoute de son crû : « Parmi ces peuples nécessaires au XIXe siècle se place incontestablement le peuple polonais ». C'est l'antithèse de la position de Proudhon, résolument hostile à la résurrection de la Pologne. Ces textes de Marx traitaient de la situation découlant de l'insurrection polonaise de 1830, tout en embrassant les antécédents historiques du dernier partage. M. Adam Ciolkosz s'attache plus spécialement aux suites de l'insurrection de 1863. Avec une érudition sans faille, il puise dans les écrits de Marx et d'Engels, notamment dans leur correspondance et dans des notes de Marx longtemps inédites, publiées en 1961 seulement par l'Institut d'Histoire Sociale d'Amsterdam (Karl Marx, Manuscripte über die polnische Frage, 1863-1864. Herausgegeben und eingelei ter von Werner Conze und Dieter Hertz-Eichenrode, La Haye 1961), pour bien définir les idées de Marx et d'Engels en la matière, donc pour réfuter les interprétations tendancieus~s ou sciemment trompeuses qu'en donnent maintenant les pseudo-communistes de Moscou et de Varsovie. Ce travail méritoire complète celui de David Riazanov, Marx und Engels über die Po/en/rage, publié dans les

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