Le Contrat Social - anno XII - n. 2-3 - apr.-set. 1968

186 drait-il prouver que Sirhan s'est livré à une étude comparée des harangues électorales, voire qu'il ait lu les propos de Robert Kennedy à la façon vigilante du rédacteur sourcilleux du Monde. Après quoi, il n'aura pas justifié pour autant le crime de Los Angeles. Pour quiconque croit encore, de bonne foi, au traitement privilégié dont Israël bénéficierait de la part des Etats-Unis, les chiffres officiels de l'aide américaine aux pays arabes ou musulmans solidaires contre Israël répondent sans réplique, comparés à ceux qui traduisent l'aide à l'Etat hébreu : De juillet 1945 à juin 1967, l'aide américaine aux seuls pays du ProcheOrient impliqués directement dans la guerre arabo-israélienne s'est élevée à 3,47 milliards de dollars, sur lesquels les Etats dits arabes ont reçu 2,341 milliards (dont plus de la moitié en dons) et Israël 1,127 milliard (dont moins d'un tiers en dons). En matière de crédits, les Etats arabes ont bénéficié de 1,136 milliard de dollars (dont ils ont remboursé moins de 20 %) alors qu'Israël, sur 759 millions de crédits obtenus, en a remboursé environ la moitié, intérêts compris. Compte tenu des remboursements, la part d'Israël dans l'aide nette des Américains à ces pays est inférieure à 27 %. Les Etats dits arabes, non compris ceux du Maghreb, ont reçu environ trois fois autant. Qui plus est, la part des pays arabes n'a cessé de croître, tandis que déclinait celle d'Israël (ce que prouverait un tableau détaillé, ici non indispensable). En matière d'aide militaire, sur 440 millions de dollars alloués à l'ensemble défini plus haut, 398 millions sont allés aux Arabes, à titre de dons en majeure partie, 42 millions à Israël (moins de 10 %) et sont remboursables, plus de la moitié déjà remboursés. Ces chiffres ne comprennent pas les Etats arabo-berbères du Maghreb pleinement solidaires des ennemis déclarés d'Israël qui ont profité d'une aide américaine de 1,620 milliard (plus d'un milliard à titre de dons), somme ramenée après remboursements à 1,544 milliard. (Sans parler du Soudan et du Pakistan, mus par solidarité islamique.) Source : Rapport de l'Agency for International Development à la Chambre des représentants, 29 mars 1968. Comptes arrêtés au 30 juin 1967. Les Etats-Unis ont donc aidé pendant plus de vingt années, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, principalement les Etats de la Ligue arabe 2 , sans parler de leur aide énorme 2. Outre la Jordanie, de nouveau bénéficiaire du secours américain, l'Egypte voit s'ouvrir de nouvelles perspectives favorables, rapporte le N. Y. Times du 15 juillet dernier, après une visite de M. Robert McN amara, président de l' International Bank for Reconstruction and Development ... · BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL (en milliards de dollars) à des pays communistes européens comme la Pologne et la Yougoslavie engagés à fond dans la campagne judéophobe en général, israélicide en particulier. Il est douteux que Sirhan le sache. Mais il a su aisément se procurer une arme, vu qu'un amendement à la Constitution américaine autorise tous les citoyens à s'armer pour défendre leurs biens et leurs libertés, autorisation dont chacun peut abuser à des fins imprévisibles. Les efforts actuels du président Johnson pour obtenir du Congrès le vote d'une loi interdisant la vente des armes par correspondance ou par téléphone aboutiraientils, que rien ne pourra empêcher un assassin occasionnel, un terroriste professionnel ou un . maniaque épisodique de perpétrer son crime dans un pays impossible à policer en raison de son immensité, déjà saturé d'armes de toute espèce. Les contempteurs systématiques .. des Etats-Unis auront fatalement d'autres occasions d'exercer leur vertu hypocrite. Le comble de l'indécence est atteint, si possible dépassé, quand les correspondants de presse à Moscou rapportent l' « opinion soviétique» de la façon suivante : « Moscou : l'assassinat fait partie du mode de vie américain» (Monde, 6 juin); « Les Soviétiques qui avaient pleuré la mort de John Kennedy sont bouleversés par l'attentat» (Figaro, 6 juin); « Emotion et indignation des Moscovites» (Figaro, 7 juin). Ce sont là seulement des titres, sous lesquels on apprend que la société américaine se compose de gangsters, exalte le dollar et le revolver, s'adonne à la violence et à la terreur (Monde); entreprise d'oppression et de terreur, féroce démocratie de gangsters, etc. (Figaro). Léonide Brejnev, le stalino-pogromiste en chef à Moscou, dénonce (3 juillet) les Etats-Unis comme terre de violence et de terreur, de« gangstérisme politique qui inspire mépris et dégoût à travers le monde», « un pays pourrissant, décomposé, tombé en décadence» (ce que tant de politiciens en Europe et en Amérique regardent comme la détente, contrastant avec la guerre froide). Tout cela parce que John Kennedy a été tué par un communiste, Robert Kennedy par un Arabe protégé des communistes. Quant aux larmes de crocodile versées par les parvenus du stalinisme qui ont assassiné des millions, des dizaines de millions de leurs compatriotes, parmi lesquels les plus proches collaborateurs de Lénine et presque tous les anciens cadres du parti infaillible, presque tous les fondateurs de l'Etat soviétique, on sait ce qu'en vaut le sel. Sans nul doute, l'appareil de l' agitprop est capable de faire pleurer l' « homme de la rue», mais comme le remarquait jadis Henri Heine (dont nous n'avons pas le texte sous la main), cette influence lacrymale, il la partage avec celle d'un vulgaire oignon.

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