Le Contrat Social - anno XII - n. 2-3 - apr.-set. 1968

QUELQUES LIVRES mal à se faire entendre, ce qui explique la naissance du C.N.J.A., formé des militants de la J.A.C. Le conflit de générations qui sévit au niveau des exploitations se retrouve dans la direction et l'orientation syndicales et se colore de divergences politiques. Sauf dans des régions de monoculture, comme la Beauce ou le Languedoc, les traditions historiques ou religieuses sont de meilleurs éléments du comportement politique que les conditions économiques. Celles-ci peuvent être la cause de grandes, voire de violentes manifestations, sans pour autant modifier de façon sensible l'échiquier électoral des campagnes. Une littérature plusieurs fois séculaire a défini le paysan comme l'homme de la nature éternelle, un homme « aux mains calleuses », étranger à la société urbaine. « Etre fils de paysan et paysan soi-même est une sorte de marque initiatique qui seule permet de penser paysan et de parler des choses de la terre » (p. 262). Dans ce monde fermé, le candidat venu de la ville doit s'excuser d' « avoir les mains blanches » ... Est-ce là une particularité du monde paysan ? Il n'y a pas si longtemps, l' « ouvriérisme » sévissait dans les rangs des prolétaires, et ses lettres de noblesse remontaient au socialisme romantique. M. Mendras compare avec raison les deux messianismes, l'ouvrier et le paysan, l'un porteur d'avenir, l'autre de valeurs éternelles... mais prolétaire oublié du monde moderne. Il n'existe pas de classe paysanne homogène ; la diversité des conditions, impliquant minimum vital pour les uns, confortables rentes différentielles pour les autres, donne un caractère mythique à l'unité sentimentale de la société paysanne. Les critères utilisés, loin de procéder d'une démonstration d'ordre économique, sont en réalité chargés d'affectivité : le paysan doit vivre en dépit de toute rationalité. C'est le contrepied de cette attitude qu'a adopté la jeunesse paysanne : il lui faut organiser la production agricole d'une manière rentable et, à cette fin, abandonner le conservatisme des générations antérieures. Sans attendre les réalisations officielles, se sont créés des centres d'études techniques agricoles (C.E.T.A.) et des groupements agricoles d'exploitation commune (G.A.E.C.), animés non par des notables ou des administrations, mais par de jeunes cultivateurs. Après avoir affiché à ses débuts du mépris pour la politique, voici la jeunesse agricole amenée à se poser des problèmes proprement politiques, en fonction de ses préoccupations économiques et sociales. Elle constitue une nouvelle classe qui pèse, au besoin par la Biblioteca Gino Bianco 175 violence, sur les rapports sociaux pour les contraindre à se modifier. Cela d'autant plus que les paysans sont en minorité dans la nation. Néanmoins, ils constituent actuellement l'appoint indispensable pour qu'un candidat à la députation soit élu dans sa circonscription. Cette présence marginale joue en faveur du paysannat ; elle influence les décisions gouverne1nentales et leur donne une couleur poli tique. Pour se préserver de la condition de travailleurs à domicile isolés ou simplement de prolétaires, il faut en venir aux G.A.E.C. où se trouvent associés des copropriétaires et des cogestionnaires, ou à des syndicats de producteurs passant des contrats collectifs avec l'industrie alimentaire. Contrairement au passé, l'exode agricole est un facteur positif de concentration, d'organisation et d'équipement ; il ne s'accompagne plus d'un exode rural correspondant, cela grâce au développement de l'industrie décentralisée et à la multiplication des ouvrierspaysans. La nature, selon l'auteur, « peut être avant tout un milieu de vie » (p. 306) et per- _mettre l'existence de zones de campagne consommatrices et non plus productrices ; mais de telles transformations ne peuvent dépendre d'un plan unique élaboré par des technocrates. Décentralisation et régionalisation pourraient être à l'origine de « constellations » d'ateliers agricoles spécialisés, groupés autour d'un bourg offrant tous les services utiles (p. 310) et facteur d'urbanisation. Une nouvelle bourgeoisie rurale vivrait ainsi en liaison avec les nouveaux agriculteurs et servirait d'intermédiaire obligé dans l'urbanisation des campagnes, où l'on verrait se transformer l'antique classe des paysans en un moderne groupe professionnel. Ne crions pas à l'utopie : de nos jours, _pareilles évolutions sont devenues possibles. C'est ce que M. Henri Mendras, dans un livre d'une rare qualité et si riche d'observations sociales et psychologiques, nous a fait comprendre. MICHEL COLLINET. Une vie avec Hugo LÉON EMERY : Vision et pensée chez Victor Hugo (2c édition). Lyon, « les Cahiers libres », 1968, 116 pp., 16 reproductions hors-texte de dessins de Victor Hugo. PARCE QU'IL VIENT de publier une nouvelle édition de Vision et pensée chez Victor Hugo. ne cédons pas à la facilité d'écrire que Léon

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