Le Contrat Social - anno XII - n. 2-3 - apr.-set. 1968

E. ANDERSON dans ce sens se succéderont mois après mois, jusque dans le courant de l'été 23 • Des difficultés sérieuses sont également suscitées par des résidents réguliers de la ville, réduits au chômage du fait, semble-t-il, du marasme économique. C'est ainsi que peu après la proclamation de la Commune populaire, on voit le Wen Hui Pao s'indigner des agressions qui se multiplient dans les ruelles contre les petits fonctionnaires du Parti ; or les motifs de ces attaques sont toujours bassement égoïstes et déraisonnables - certains citoyens exigeant par exemple qu'on leur donne immédiatement du travail. .. Et le journal de dénoncer de telles manifestations de l' « économisme » contre-révolutionnaire 24 • Les chômeurs ont d'ailleurs constitué eux aussi leur « quartier général rebelle ». Au meeting qu'ils tiennent le 20 février, il est « décidé » que les ouvriers licenciés doivent demeurer à leur poste pour contribuer à la révolution culturelle et assurer le dépassement des normes de production. Un « Avis spécial » diffusé une semaine plus tard par le Comité révolutionnaire annule toutefois cette « décision », laquelle est jugée incompatible avec le maintien de la discipline de travail. Les ouvriers licenciés reçoivent donc l'ordre d'évacuer les lieux de travail de façon « immédiate, inconditionnelle et complète » et le conseil d'effacer de leur esprit des « idées égoïstes » et de « faire preuve de retenue » 25 • Les informations ultérieures ne permettent pas de déterminer dans quelle mesure ces exhortations seront écoutées. Maoïstes contre cc ouvriers conservateurs» LA TACHEla plus redoutable n'en reste pas moins le rétablissement de l'ordre public et la reconstitution d'une administration viable. Première difficulté majeure : la prolifération, dans la confusion que l'on imagine, des organisations « rebelles » de toute sorte, combatives et rivales, résolues à défier toute autorité. Seconde difficulté, plus grave encore : recruter, pour combler les vides laissés par les purges dans les appareils du Parti et de la municipalité, de nouveaux cadres possédant non seulement l'expérience nécessaire et des capacités d'organisation, mais les qualités requises d'orthodoxie politique. Certes les mêmes problèmes se posent partout en Chine, mais à Changhaï, en raison même des dimensions de la ville et 23. WIIP, 21 Juin 1967; CD, 12 Juillet 1967; HC, 6 aoQt 1967. 24. Wlll', 9 février 1967. 25. ne, 2 mar" 1967. BibliotecaGino Bianco 167 de son rôle économique, ils sont particulièrcmen t ardus. Pendant plusieurs mois après la prise du pouvoir par les maoïstes, il ne se passe guère de jour sans que paraisse dans les journaux de Changhaï un éditorial, ou que la radio lance un appel, ou que partout soit diffusé un « Avis urgent » traitant de l'un ou l'autre de ces problèmes. Les appels se succèdent en faveur d'une « grande alliance », c'est-à-dire celle des organismes rebelles concurrents. Mais ces appels renouvelés n'arrivent décidément pas à entamer ce que les maoïstes qualifient de « mentalité de groupuscule » ou de « réduit montagnard » ; d' « esprit de faction » ou de << sectarisme » ; d' « extrémisme démocratique » ou « anarchiste ». Aussi voit-on se poursuivre entre les différents groupements des « guerres ci viles dénuées de principes ». Ce tir de barrage témoigne d'un fait très simple : à savoir que les dirigeants des innombrables groupements se disant gardes rouges ou rebelles n'envisagent qu'à contrecœur de renoncer à l'autorité et la renommée acquises à la faveur de la révolution culturelle. Comme le constate le Wen Hui Pao : Ils ne manifestent aucun enthousiasme pour l'alliance, par crainte de devenir des chefs sans troupes ( ...). Certains camarades saisissent toutes les occasions pour affirmer leur indépendance ( ...). Ils sont disposés à entrer dans une grande alliance, mais à condition que leur groupe particulier en constitue le centre, et qu'eux-mêmes en deviennent le numéro un ou le numéro deux 20 • Les efforts visant à unir les rebelles maoïstes se compliquent encore du fait d'une autre petite difficulté : comment distinguer entre maoïstes authentiques et ceux qui ne font que débiter des citations du Président, soit par crainte, soit par dissimulation ? Mais l'obstacle essentiel à l'alliance est sans doute le fossé qui continue de séparer ceux qui ont pris part aux grèves et aux autres mouvements revendicatifs, des responsables maoïstes qui les ont vaincus avec le concours des briseurs de grève venus des universités et de l'armée. Un éditorial du W en Hui Pao en da te du 3 mai 1967 souligne la persistance de ce problème en déplorant les nouvelles manifestations de violence qui mettent aux prises ouvriers et maoïstes : Certains camarades ont tort de considérer tous les ouvriers comme des conservateurs et de leur faire la « guerre civile ». Nous devons comprendre qu'à l'exception de quelques enragés, la majeure partie des travailleurs trompés par les groupes conservateurs sont en fait nos frères de classe. Il est donc préjudiciable à la grande alliance révolutionnaire de concentrer une fois de plus nos forces sur la « guerre civile» à faire aux conservateurs. 26. lV II P, t 8 mnrs <.'l 7 mni t 967.

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