166 les anciens dirigeants de la municipalité. Cette mesure n'est prise qu'après la proclamation solennelle, le 5 février, de la Commune populaire de Changhaï, placée sous l'autorité d'un comité provisoire présidé par deux maoïstes convaincus, Chang Choun-chiao et Yao Wenyouan. Le premier, autrefois secrétaire du Comité du Parti pour la ville de Changhaï, mais rallié à Mao depuis 1965, est devenu l'adjoint du chef du « Groupe » de la révolution culturelle, organisme placé sous l'autorité directe du Comité central du Parti. Quant à Yao, le second de Chang, il s'agit d'un jeune intellectuel que Mao a déjà remarqué, puisque c'est lui qui fut désigné à l'automne de 1965 pour donner le signal de la révolution culturelle 20 • Comme -Chang, Yao fait partie du « Groupe » de la révolution culturelle auprès du Comité central. Les éditorialistes de Changhaï saluent comme il se doit la naissance de la Commune populaire : il s'agirait d' « un événement d'une importance historique sans précédent », fruit de « l'application créatrice de la pensée de Mao Tsé-toung 21 ». Mais tout se passe comme si Mao lui-même n'accueillait pas sans réserves les initiatives de ses partisans de Changhaï. En effet, la presse de Pékin évite soigneusement toute mention de la création de la Commune, et bientôt celle-ci doit se contenter, sur ordre du Comité central, d'un statut plus modeste et certainement moins indépendant : celui de Comité révolutionnaire municipal. Après l'installation de ce comité (23 février), on pourrait croire la révolution terminée et le pouvoir maoïste solidement établi à Changhaï. Mais en fait, si les dirigeants « rebelles » sont parvenus, sans trop de difficultés, à occuper les sièges vides des anciens responsables, il leur sera incomparablement plus difficile d'asseoir leur autorité sur une population qui dans la plupart des cas conçoit tout autrement qu'eux les objectifs de la rébellion. Les difficultés présentes vont persister ou réapparaître - en même temps que surgiront de nouveaux problèmes. Parmi ceux-ci, celui du chômage ne sera pas le moins préoccupant. Les chômeurs PARMILES CHÔMEURSo,n compte un grand nombre de gens nouvellement établis ou réins20. Ce fut l'article de Yao attaquant Wou Han et publié à Changhaï en novembre 1965. D'après le Houng-Chi (n° 9, 1967), Yao écrivit cet article à l'instigation personnelle de Mao et sous la surveillance directe de la femme de Mao. Yao est également l'auteur de l'attaque contre Le Village des trois familles, publié à Changhal en mai 1966, qui fut à l'origine de l'expulsion publique de Peng Chen, premier secrétaire du Parti à Pékin. 21. WHP, 6 et 8 février 1967. BibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE tallés dans la ville depuis l'automne 1966. Particulièrement nombreux sont les anciens requis du travail, revenus de leurs pénibles années d'exil dans les pays de montagne ou les régionsfrontière où ils étaient affectés aux travaux agricoles ou de construction. Or, contrairement aux gardes rouges venus de Pékin et d'ailleurs, ces « exilés » de Changhaï - ouvriers aussi bien qu'étudiants - refusent de repartir. Ceux qui ont de la famille en ville ne réagissent ni aux appels pathétiques les invitant à rejoindre leurs postes ni aux mises en demeure (qui soulignent qu'en exigeant « de façon déraisonnable » le droit de rester à Changhaï et d'y reprendre leurs anciennes occupations les « revenants » se font les complices de la contrerévolution). Plus déraisonnables que jamais, les intéressés forment leurs propres organisations « rebelles » et continuent à défier les nouvelles autorités maoïstes. Le 24 février, lorsque l'éphémère Commune populaire se transforme sur l'ordre de Pékin en Comité révolutionnaire, un groupe d'anciens exilés, installé dans un ensemble immobilier appelé la Résidence de Changhaï, organise une sorte de descente sur les bureaux de la Section économique du Comité révolutionnaire (laquelle s'.appelle officiellement « Equipe pour se saisir de la révolution et stimuler la production » ). Selon un bulletin fort explicite diffusé ultérieurement par Radio-Changhaï, les membres de ce groupe rebelle arrêtèrent et frappèrent vingt-huit membres de l'Equipe pour ~e saisir de. la révolution et stimuler la production. Après quoi, ils"continuèrent à se répandre en grand nombre, jour et nuit, autour de la Résidence de Changhaï, frappant les agents de la sécurité publique, provoquant des bagarres, et appelant nombre de leurs semblables des provinces de Kiang-Sou et AnHouei [Chine orientale] et d'ailleurs pour saper ]a production. Ces gens ont ouvertement critiqué l'« Avis urgent», le présentant comme préjudiciable aux travailleurs, et nié les grandes réalisations des dix-sept dernières années en affirmant que les conditions d'existence des travailleurs sont aussi mauvaises aujourd'hui qu'elles Pétaient sous le Kuomintang, avant la libé- • 2~ ration -... Or ce compte rendu, d'une franchise étonnante, s'achève sur une note de faiblesse qui constitue un non moins étonnant aveu d'impu1ssance : Nous vous avertissons. Vous êtes allés trop loin. Si vous ne vous arrêtez pas au bord du précipice, vous :finirez par vous en repentir. , Il ne semble pas s'être produit d'autres incidents du même ordre d'importance, mais il ne semble pas non plus que les « revenants » aient rejoint leurs postes. En effet les appels 22. RC, 28 février 1967.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==