E. ANDERSON social-démocratie russe, ce terme est réservé dans le langage communiste aux mouvements syndicalistes qui prennent spontanément naissance dans la classe ouvrière par réaction à ses conditions d'existence et de travail, et qui s'épuisent dans les luttes quotidiennes pour la satisfaction de revendications immédiates au lieu de servir la cause de la révolution. Tout ce qui a été dit en Chine pendant l'année 1967 au sujet de l' « économisme » 13 ressemble fort à un commentaire typiquement maoïste de la pensée de Lénine si succinctement exprimée dans Qtte faire ? : « Une politique syndicaliste de la classe ouvrière n'est autre chose qu'une politique bourgeoise à l'intention de la classe . ' ouvnere. » L'hydre de l' «économisme» LA « RÉVOLUTION DE JANVIER » dont Changhaï est le théâtre marque la première tentative des forces promaoïstes pour mettre fin à ces mouvements syndicalistes « bourgeois » et à la « mentalité corporative » qui les inspire 14 • Telle est sans aucun doute la principale significatian des événements de Changhaï aux yeux de Mao lui-même, qui voit sa révolution culturelle menacée de naufrage sur le récif imprévu de l' « économisme ». Comme le reconnaît le 9 janvier le Djen-min Dji-pao, l' « économisme » est devenu le principal problème de la révolution culturelle, non seulement à Changhaï, mais dans l'ensemble du pays 15 • A ce moment, pour les chefs « rebelles révolutionnaires », à Changhaï, tout reste encore à faire. Dénoncer les grèves et autres symptômes de l' « économisme » est une chose, y mettre effectivement fin en est une autre. Le lendemain, 10 janvier (cinq jours après la prise du pou voir par les rebelles), le W en Hui Pao publie une nouvelle mise en garde contre « la résurgence de la vague de fand de l' économisme». Le même jour, les membres d'un « groupe rebelle révolutionnaire » du port de Changhaï prennent l'engagement de remplacer les grévistes et de rester sur la brèche jusqu'au bout, « même s'il n'en reste qu'un 16 ». Des étudiants et des soldats de l'armée populaire interviennent de leur côté comme briseurs de grève 17 , mais il faut quand même attendre jusqu'au 23 janvier pour entendre Radio1:L Voir • L'économismo du Khrouchtchev chinois•• l)Jen-min J>ji-pao, Pékin (ci-après l)D), 14 sept. 1967; <'l • Chef du mou vcnwn l ouvrier ou briseur etc grève n ° 1 'l •, ibid., 7 oct. 19(}7. 1'1. Will', 11 murs 1967. 1:,. /)/), 9 jnnvl<•r IH67. 16. HC, 10 Janvic•r 19H7. 17. HP, rn unvlcr 1967; HC, :l8 JuiJJcl 1967. BibliotecaGino Bianco 165 Changhaï annoncer que dans le port la plupart des bateaux ont pu appareiller et que le tonnage quotidien des cargaisons déchargées « atteint presque le niveau normal ». La grève des cheminots est matée vers la mi-janvier ; là aussi on a fait largement appel aux gardes rouges et à l'armée 1 '{. Le travail aurait repris à bord des remorqueurs et des péniches de la navigation fluviale dès le 10 janvier ; mais le 13, Radio-Changhaï reconnaît que la moitié des bateaux chôment toujours. Enfin, dans la plupart des usines, le travail reprend également pendant la seconde quinzaine de janvier. Les nouvelles autorités ont donc réussi à met~ tre fin à ce mouvement de grève d'une ampleur sans précédent à Changhaï, ce qui ne veut pas dire qu'ils en ont fini avec l'hydre de l' « économisme». A partir de la mi-janvier, en effet, les responsables manifestent une inquiétude grandissante à propos des effets pernicieux de l' « économisme » dans les communes rurales voisines. Sous prétexte de « mettre en pratique une large démocratie », les paysans ont pris toutes sortes d'initiatives déplorables. C'est ainsi qu'ils ont augmenté, au détriment des marchés de la ville, leurs prélèvements propres sur les produits de la commune répartis en fin d'année. Certains se sont partagé le capital et les réserves et on les a vus ensuite réclamer des crédits bancaires en menaçant de « se rebeller » en cas de refus. Bon nombre de ruraux ont quitté leur commune sans esprit de retour et se sont établis en ville, causant simultanément un déclin de la production agricole et un accroissement de la demande urbaine de produits alimentaires. Les paysans prétendent désormais à la parité de leurs revenus et de leurs conditions d'existence avec ceux et celles des ouvriers des villes. Souvent même les ruraux provoquent des bagarres avec les ouvriers, les gardes rouges étudiants et les groupes rebelles rivaux 19 . A l'approche du printemps, la situation ira en s'aggravant. En fin de compte, elle ne sera rétablie - comme dans la ville proprement dite - que grâce à l'intervention de l'armée, qui se verra chargée à partir de la mi-février de l'organisation des labours de printemps et d'autres travaux agricole,. La relève de la garde LA RÉVOLUTION DE JANVIER ne trouvera sa sanction officie1le qu'en février, lor que les rebelles maoïstes relèvent de leurs fonctions 18. WIIP, •I février 19Hi; HC, 21 kvri<·r Hl6ï. 19. /hic/., 14 jnnvit•r 19€>7; \\'Il/> t·I <:hi1•-(tlll(l l>Ji-puo (d-npr~s C/)), :w <'I 27 jnnvit•r Hl67.
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