164 consistant à engager des travailleurs temporaires et extérieurs est une survivance des conditions de travail du système capitaliste. Depuis dix-sept ans, une poignée de dirigeants du Parti se cramponne à ce système ... Au cours du rassemblement, un grand nombre de représentants des travailleurs temporaires et contractuels ont protesté avec indignation contre les crimes résultant de cette organisation déraisonnable. Autant de préoccupations profondément étrangères aux « rebelles révolutionnaires » auteurs du « Message » et de l' « Avis urgent », lesquels en ont avant tout à l' « économisme» ; leur objectif prioritaire, comme il ressort clairement des deux proclamations, est de rétablir les services de transport et autres interrompus par les grèves, et de faire reprendre le travail dans les usines. Autrement dit, il s'agit d'une tentative de grande envergure pour briser la grève. Ainsi, en s'installant aux postes de commande à Changhaï, les « rebelles révolutionnaires » s'attaquent bien moins à la prétendue « poignée de dirigeants du Parti égarés dans la voie capitaliste '>>, qu'à leurs camarades ouvriers en grève et, en particulier, aux Détachements qui ont mobilisé les travailleurs. Mais la tâche des nouvelles autorités se complique du fait qu'elles ne peuvent se permettre de dire ouvertement ce qu'elles font ni ce qu'elles veulent. Les « rebelles » de Changhaï se rabattent donc sur un procédé classique, qui ne tardera d'ailleurs pas à être imité un peu partout : imputer à la « poignée de dirigeants » la responsabilité de toutes les difficultés passées, présentes et futures. Ces mauvais chefs, proclament leurs successeurs, ont d'abord essayé d'étouffer la révolution culturelle. Ensuite ils ont dressé les uns contre les autres ouvriers et étudiants. Et à présent, ils incitent les travailleurs à se laisser emporter par « le vent noir de !'économisme », à formuler des revendications « totalement déraisonnables » en matière de salaires et d'avantages sociaux, et enfin « à abandonner leurs postes » pour saboter la production, paralyser les transports et communications et interrompre la distribution d'eau et de courant 11 • Tout cela n'est qu'un début : bientôt on imputera à la même « poignée » de coupables la pénurie de vivres et autres produits de première nécessité ; la multiplication des vols à main armée et autres actes de violence ; les occupations d'édifices publics par la force ; les nombreuses agressions dont sont victimes les services de police et de sécurité ; enfin, les méfaits des spéculateurs et des trafiquants du marché noir, et par voie de conséquence, la propagation aux masses paysannes du « vent néfaste de l'économisme ». 11. WHP, 5 janvier 1967. · BibliotecaGino Bianco L~EXPÉRIENCE COMMUNISTE Significat.ion de la révolte A L'ÉTRANGER, un certain nombre d'observateurs ont pris les explications officielles plus ou moins pour argent comptant. A les entendre les ennemis de Mao se seraient effective- ' ment employés à provoquer un maxÎlnum de désordre, de façon à le renverser et mettre fin à la révolution culturelle. Cet argument serait· peut-être plus convaincant si les maux attribués aux fameux « bourgeois détenteurs du pouvoir » n'avaient pas persisté après l'élimination de ces derniers. On ne peut évidemment pas exclure la possibilité que certains des adversaires les plus déterminés de Mao aient compté, et peut-être comptent encore, sur la généralisation du chaos pour le ramener à la raison, ou encore pour le battre et l'éliminer. Il est toutefois difficile de croire que ces adversaires aient disposé des moyens et de l'organisation nécessaires pour faire sombrer dans un désordre tel non seulement l'immense Changhaï, mais également d'autres régions et leurs capitales. Bref, que les forces antimaoïstes aient cherché ou non à en profiter, tout indique que « le vent néfaste de l'économisme contre-révolutionnaire » fut un mouvement de masse spontanément apparu chez les ouvriers, puis chez les paysans, pour obtenir des conditions d'existence et de travail plus supportables. En décembre et en janvier, pour reprendre les termes mêmes d'un journal de Changhaï, le mouvement « balaya toute la ville et se répandit rapidement dans les campagnes, obtenant temporairement un succès éclatant 12 ». Ces événements furent certes imprévus, voire imprévisibles. Mais en soi l'éruption d'u!l tel mouvement de type syndicaliste-révolutionnaire n'a rien d'improbable. Si des explosions de ce genre sont des plus rares dans les pays communistes, c'est uniquement en raison des moyens de surveillance et de coercition dont dispose un régime totalitaire, moyens qui suffisent en général à prévenir de tels sursauts. En Chine,. ce fut précisément l'assaut contre certaines autorités du Parti, lancé au nom de la révolution culturelle, qui finit par démanteler, à Changhaï et ailleurs, les bases de la domination du Parti et à déchaîner des mouvements populaires ni prévus ni souhaités. Le fait t}ue les maoïstes retiennent le terme « économisme» pour condamner ce « puissant courant opposé » est en lui-même révélateur. Depuis les premières attaques de Lénine contre l'hérésie de l' « économisme » dans la 12. Ibid., 21 janvier 1967.
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