E. ANDERSON certains produits agricoles ï. Comment la métropole, avec ses dix millions d'habitants (sans compter les « visiteurs ») survivra-t-elle à ]a paralysie totale des moyens de transport et de communication ? Déjà le courant électrique et même la distribution d'eau sont coupés 8, tandis que bon nombre d'usines parmi les plus importantes et toutes sortes de petites entreprises doivent fermer leurs portes, soit que leur personnel fasse grève, soit en raison du manque de matières premières, de combustible et de courant. Trois autres facteurs viennent aggraver la situation. Premièrement, les caisses de la municipalité, des banques et des entreprises sont presque vides. Les primes et prestations versées à la hâte pour calmer les travailleurs ; les sommes avancées aux ouvriers ainsi qu'aux étudiants de la garde rouge partant pour d'autres villes ; les dépenses, sans doute plus considérables encore, pour le matériel de propagande et la réception des « visiteurs » ; enfin les retraits massifs des avoirs en banque ont pratiquement épuisé les liquidités 9 • Deuxièmement, les paysans des environs, qui normalement ravitaillent Changhaï en légumes et autres produits, ont interrompu leurs envofa, qu'ils n'aient plus rien à vendre ou qu'ils s'en abstiennent pour d'autres raisons. Beaucoup de ruraux ont déserté leurs champs pour aller eux aussi en ville « faire la rébellion » ou se plaindre. Ceux qui n'ont pas bougé se répartissent les produits qu'on n'expédie plus au marché. Enfin, les séances dites de « rectification » et les exactions des gardes rouges entravent et parfois même interrompent la production dans les campagnes tout comme dans les villes 10 • Troisièmement, la population de Changhaï, déjà énorme en temps normal, s'est encore gonflée. Se sont installés ou réinstallés plus d'un million de gardes rouges venus d'autres régions ; un nombre important de paysans des campagnes environnantes ; enfin un nombre plus grand encore d'anciens résidents qui ont profité de la révolution culturelle pour revenir du Sin-Kiang [Turkestan chinois J et d'autres régions éloignées, où on les avait envoyés comme requis du travail. Or dès avant les grèves de décembre-janvier le logement et le ravitaillement de tous ces nouveaux venus ont provoqué de graves pénuries. Désormais, en conséquence directe ou indirecte des jnterruptions de travail, ces pénuries sont devenues 7. RC, 13 Janvier 1967. 8. CN, 16 Janvier 1067. 9. Ibid., 19 Janvier 1967. 10. RC, 14 Janvier 1967. BibliotecaGino Bianco 163 critiques. Inquiète et irritée, la foule assiège boutiques et marchés à la recherche de produits inexistants ou accaparés par les trafiquants, qu'on paie souvent avec des fonds provenant d'opérations d' « expropriation » dirigées contre les banques. La « révolution de janvier » TELLE EST donc la situation chaotique dans laquelle se produit « la grande tempête de la révolution de janvier à Changhaï ». Lorsqu'au début du n1ois de janvier 1967 onze « organisations rebelles révolutionnaires » s'associent sous la direction du « Quartier général rebelle révolutionnaire des travailleurs de Changhaî » pour prendre la direction des affaires, il n'y a plus d'ordre public, aucune chaîne de commandement ne fonctionne, le Comité municipal du Parti et les autorités municipales ne jouent pratiquement plus aucun rôle. Loin de remporter une glorieuse victoire sur les « bour- . , . . geo1s » ou sur toute autre categone au pouvoir, les rebelles n'ont devant eux que le vide. Leur « révolution » - du moins dans sa phase initiale - n'a aucun rapport direct avec la lutte pour le pouvoir entre Mao et les autres factions. Il s'agit en réalité d'une intervention d'urgence - de l'ultime tentative d'une minorité (peu nombreuse mais d'autant plus résolue) pour rétablir l'ordre et la discipline dans une ville menacée de paralysie économique. Les groupes dits rebelles commencent par s'emparer des principaux organes d'inforn1ation : d'abord, le 4 janvier, du quotidien Wen I--IuiPao ; puis, le surlendemain, de l'organe local du Parti, le Chié-fang Dji-pao - cette dernière opération s'accompagnant de sanglants combats ; enfin, mais seulement le 17 janvier, des émetteurs de radio et de de télévision. Dès le lendemain de la mainmise sur le Wen Hui Pao, ils font paraître un « Message au peuple de Changhaï » ; trois jours après, c'est un premier « Avis urgent » exigeant le rétablissement de l'ordre. Ces deux initiatives sont immédiatement saluées à Pékin par le Comité central du Parti, qui invite toute la Chine à s'en inspirer. Un bulletin diffusé par Radio-Changhaï le 5 janvier (donc avant sa saisie par les rebelles) donne une idée de la situa tion à laquelle ceuxci essaient de faire face par leurs proclamations. Ce bulletin est ainsi conçu : Au cours d'un rassemblement place du Peuple des centaines de milliers de travailleurs temporaire~ et contractuels se sont solennellement engagés aujourd'hui à anéantir le système déraisonnable qui leur est imposé, et à instituer de nouve11es relations de trnvail conformes à la pensée de Mao Tsé-toung. Ln méthode
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