138 que ôte toute portée à la décision, ou encore qu'on ne puisse révéler publiquement tous les ressorts de la décision. Une autre considération entre en ligne de compte, c'est que l'étranger, souvent, lorsque l'opposition lui est favorable, temporise, espérant qu'elle viendra à son tour au pouvoir. C'est pourquoi l'opposition, si fréquemment, passe pour être le parti de l'étranger, et à cet égard le cas du parti communiste - si justement dénommé parti nationaliste étranger - n'est qu'un cas particulier dans une catégorie universelle. D'où vient que le chef de la diplomatie, chaque fois qu'il le peut, et autant qu'il le peut, cherche à lier ou associer l'opposition à sa politique étrangère. Il y a un demi-siècle, en France, cela s'appela l'Union sacrée. Les Etats-Unis, depuis, ont connu cela sous le nom de politique « bipartisane ». Et Guy Mollet tenta de réaliser quelque chose de ce genre (avec assurance écrite et signée) du temps qu'il était responsable de la guerre d'Algérie. Quant à l'actuel chef de l'Etat, il s'en est tiré autrement. Hanté par les triomphes anciens du système plébiscitaire, il a pensé y accoutumer le pays en le faisant voter sur sa politique extérieure. Et le succès de sa manœuvre lui fit penser que la monarchie véritable - sinon héréditaire - était à portée de sa main. D'où la réforme de 1962, et un rêve, qui s'interrompit brutalement le 5 décem· bre 1965. Depuis, les votes du pays ont confirmé que l'esprit partisan n'est pas une création artificielle des hommes politiques. Le président est le chef d'une majorité partisane classique, non le monarque rassembleur du peuple français. C'est ce que les scrutins ne cessent de démontrer : sans doute ses troupes viennent-elles de connaître un triomphe sans précédent, mais c'est avec moins de la moitié des votants, avec moins des deux cinquièmes des électeurs inscrits. Et lui-même, en 1965, a vu le pays hésiter, alors que son principal adversaire n'était qu'un aventurier de la politique. Victorieux dans la lutte pour la présidence, victorieux aujourd'hui dans la lutte parlementaire, le chef de l'Etat pourrait jouer le jeu, et gouverner avec plus d'aisance que, depuis près d'un siècle, n'ont pu le faire les modérés. Or, dès que les élections eurent confirmé son pouvoir, on l'a vu, tout au contraire, reprendre le combat constitutionnel. Ce qui indique assez que, contrairement aux éternelles spéculations des naïfs, il ne songe nullement à jamais quitter l'Elysée. Louis XIV, aux pires moments, eût-il imaginé d'abdiquer ? BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL LE COMBACTONSTITUTIONNcEoLnsiste moins, actuellement, à instaurer de nouvelles institutions qu'à détruire celles qui existent. Devenu premier consul pour dix ans, Bonaparte se préoccupa d'éterniser son pouvoir temporaire, puis voulut jouir d'un titre et d'un cérémonial qui le distinguassent évidemment de tous ses compatriotes. Il lui fallut donc créer le consulat à vie, l'Empire, mais il n'avait plus rien à détruire, sinon ce Tribunat - seul asile de la parole - qu'il avait institué et qu'il supprima. De Gaulle ne peut guère songer, en ce moment, à la présidence à vie, et il lui reste beaucoup à détruire. La Constitution, à la vérité, ne peut être révisée sans l'accord des assemblées. Cependant en 1962, ayant les assemblées contre lui, de Gaulle a usé du référendum. Il violait délibérément la Constitution et tout le monde le savait. Mais en ce temps-là personne n'osa aller au-delà d'une protestation platonique. Les adversaires du chef de l'Etat demandèrent aux électeurs de voter non, ils ne s'opposèrent pas vraiment au référendum lui-même : faire voter non, c'était accepter le référendum, avaliser la procédure anticonstitutionnelle qui l'organisait. Pourquoi les chefs de l'opposition agirent-ils ainsi ? Ce n'est pas le lieu de l'examiner. Notons seulement qu'ils croyaient - on ne sait pourquoi - le pays hostile au parlementarisme. D'autre part ils croyaient aux chiffres et graphiques de l'I.F.O.P., au moment même où les scrutins allaient démontrer leur prodigieuse fausseté. Et puis ils étaient intimidés par deux grands spécialistes du droit constitutionnel - Georges Vedel et Maurice Duverger - qui, considérés comme homme de gauche, cautionnaient une réforme qu'ils préconisaient depuis longtemps. Bref, on prenait théoriquement une position de défenseurs du parlementarisme, mais si « le peuple français » voulait élire le président au suffrage universel, on ne pouvait l'en empêther. A la minorité des électeurs inscrits, « le peuple français » consentit à la réforme. Les chefs de l'opposition auraient pu en déduire que si, se fondant sur l'inconstitutionnalité du_référendum, ils avaient conseillé l'abstention, le président fût apparu comme un vaincu. A l'inverse, ils s'estimèrent battus, et tinrent cette expression douteuse et faussée du suffrage universel pour la volonté légitime du peuple souverain. Quant au général de Gaulle, il cessa d'user du référendum. Lui, il avait compris. * * * AUJOURD'HUsIe, rvi par les événements et la chance électorale, il discerne la possibilité de
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