Le Contrat Social - anno XII - n. 2-3 - apr.-set. 1968

P. BARTON Pareille politique devient véritablement dramatique dans le domaine syndical. L'état-major des syndicats officiels a été mutilé par les événements récents. Au mois de mars, le président du Conseil central en exercice a été remplacé par Karel Polacek, ancien ministre, choisi par le présidium du Comité central du Parti, ce qui n'a pas été du goût de la « base » : les comités locaux ne cessent d'afficher leur mauvaise humeur à l'égard de Polacek. Au moment de son entrée en fonctions, on lui adjoignit un vice-président, le Slovaque Jan Duzi. Les deux hommes ne tardèrent pas à entrer en conflit sur un problème capital : la consolidation de la direction. Au cours d'une séance publique du Conseil central des syndicats, les six secrétaires en exercice furent obligés de se démettre. Plus d'un mois après, ledit Conseil refusa d'élire de nouveaux secrétaires avant de recevoir une analyse détaillée sur les activités passées de chaque membre de son secrétariat et de son présidium. Dans les premiers jours de juin, le Conseil consentit enfin à pourvoir les sièges vacants. L'état-major syndical s'est vu de la sorte affaibli pendant près de trois mois, alors qu'il était soumis à une avalanche de résolutions, pétitions, revendications, et que des tentatives, à tout le moins sporadiques, se faisaient jour pour mettre sur pied des organisations qui ne dépendraient pas du pseudo-syndicalisme officiel. Néanmoins, la nouvelle direction du Parti n'a pu se décider à prendre la mesure susceptible d'amorcer la refonte, désormais inéluctable, des structures syndicales et qui, tout simplement, consisterait à libérer le Conseil central des syndicats, son présidium et son secrétariat de l'obligation d'assumer en fait ]e rôle de ministère du Travail et de la Prévoyance sociale. Il est vrai que celui-ci, aboli il y a plus de quinze ans, fut rétabli le 1er avril dernier. Simple mesure de précaution, de toute évidence : il s'agit d'avoir sous la main l'instrument approprié au cas où les syndicats réussiraient à éliminer toute activité ministérielle du Conseil central ; cependant, le ministère en question est jusqu'à présent dépourvu de compétence et aucun local ne lui a été affecté. Tant que son secrétariat s'emploiera à n1ettre au point des projets de loi ou de décrets, tant qu'i~ administrera l'assurance-maladie et s'occupera de l'inspection du travail, le Conseil ·central ne sera pas l'organisme qu'il devrait être pour répondre aux exigences de plus en plus pressantes des syndiqués. En résumé, un des traits caractéristiques de l'équipe Dubcek est que celle-ci ne comprend BibliotecaGino Bianco 109 pas, ou feint de ne pas comprendre, qu'il est urgent d'en finir une bonne fois avec l'appareil dont l'effondrement l'a portée au pouvoir et de préparer des institutions véritablement démocratiques. Objectifs de la direction CHACUNSE DEMANDqEuels sont les buts réels que poursuivent Dubcek et ses alliés, mais à ce jour la question est restée sans réponse. La biographie de Dubcek lui-même en fait le type du parfait aparatchik. Ayant passé son enfance et son adolescence en Union soviétique, il y retourna pour un séjour prolongé dans les années 50. D'autre part, il fut appelé à la tête du P.C. de Slovaquie en 1962, à une époque où les survivants des massacres staliniens, désormais gagnés à l'esprit de réforme, commençaient à élever la voix, affirmant leur autorité de vétérans et préfigurant ainsi les événements qui allaient suivre. La composition de l'équipe directoriale n'est pas plus révélatrice que la biographie de son chef quand il s'agit de sonder les objectifs du nouveau régime. Parmi les alliés de Dubcek, on trouve des hommes ayant derrière eux des années de prison, et d'autres, en bien plus grand nombre d'ailleurs, qui firent carrière à la même époque. De toute manière, la mystique du Parti et le gouffre qui sépare la propagande de la réalité font que le passé d'un communiste ne détermine pas nécessairement son attitude dans une crise comme celle qui se déroule sous nos yeux. Certa,ins symptômes suggèrent qu'il existe de profondes divisions entre ceux qui, probablement comme Dubcek lui-même, s'efforcent de limiter le mouvement à un prudent train de réformes, et ceux qui sont déterminés à tirer du désastre stalinien toutes ses conséquences. C'est ainsi que la constitution de véritables partis d'opposition semble avoir trouvé des défenseurs jusque parmi les intimes de Dubcek. Il se peut que l'attitude ambiguë de la directicv1 soit due, précisément, à des désaccords parmi ses membres. En ce cas, la question se pose de savoir où veulent en venir ceux qui tiennent à n'avancer qu'avec précaution. Tentent-ils de gagner du temps de manière à éviter une agression soviétique ? Ou bien visent-ils à escroquer la population du fruit de sa lutte ? L'incompréhension dont ils témoignent devant la nécessité de démanteler l'appareil totalitaire pourrait aussi bien se fonder sur une spéculation : si l'on parvenait à freiner le mouvement en attendant le

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