Le Contrat Social - anno XII - n. 2-3 - apr.-set. 1968

108 quelques survivants parmi les communistes de la vieille école, qui reconnaissaient dans les voix rebelles des jeunes écrivains un écho aux idéaux de leur propre jeunesse - ils se trouvèrent un certain nombre déjà pour signifier à Novotny et à ses créatures que c'en était assez. Absence de mesures constructives GRACE A L'AFFAIBLISSEMENT de l'appareil, un nouveau groupe, Dubcek en tête, l'emporta, partiellement en décembre 1967 et de façon définitive au mois de janvier suivant. C'en était fait de l'équipe, bureaucratique par excellence, de Novotny. Mais dès ·qu'il fut question de mesures positives de nature à consolider le processus d'émancipation qui fut à la base de la défaite de Novotny, Dubcek ne pouvait offrir qu'un· bilan des plus maigres. Lorsque tel c9rrespondan t étranger câble de Prague des anecdotes qui présentent des fonctionnaires de la censure en train de jouer aux cartes pendant des. heures, faute de travajl, cela attire l'attention sur un fait : c'est que la censure a été maintenue longtemps- après que le personnel de la presse et de la radio-télévision eut r~poussé ses interventions. A partir d'un certain moment, les journalistes se mirent à rédiger des textes à ce point hétérodoxes que les censeurs de service refusèrent d'en prendre connaissance avant publication : ils craignaient de se voir accusés soit de prendre parti pour l' << ancien régime », soit de favoriser les « menées antisocialistes » - exemple supplémentaire de cet effondrement du pouvoir dont il a été question. En fait, il est établi que les responsables de la censure agirent ainsi de leur propre chef. Quand, après des mois d'expectative, le gouvernement se décida à mettre en œuvre une loi sur la presse, il tenta de réintroduire la cens~re préalable sous une forme déguisée Certes, cette velléité a échoué, avant tout grâce au cri d'alarme de certains journalistes slovaques,. plus vigilants en la circonstance que leurs confrères tchèques. Finalement, la censure ne fut abolie qu'au mois de juin dernier. De même; ce fut à coup sûr un grand progrès qu'un avocat· fût nommé procureur général, fonction-clé de tout le système judiciaire, et aussi que le nouveau promu limogeât promptement deux procureurs généraux adjoints pour les remplacer par un ancien avocat et un universitaire. Cela ne saurait faire oublier qu'il n'a pas été touché à cette charge, laquelle réunit dans les mêmes mains le pouvoir de mettre en accusation et celui de surveiller l'application de la loi par les ministères, les tribunaux, la ·sibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL police, les entreprises, les fonctionnaires, enfin les citoyens dans leur ensemble. Ne croirait-on pas à quelque sinistre plaisanterie lorsqu'on apprend que révision des procès politiques et réhabilitation des victimes ont été confiées à une section spéciale de l'institution monstrueuse à la tête de laquelle se trouve le procureur général? Autre exemple des tergiversations des nouveaux dirigeants, ce passage d'un article publié par un quotidien de Prague, Zem,edelske Listy, en date du 15 mars dernier, qui montre comment persiste la répression alors que l'opinion publique exige la révision des procès· (ne viton pas se fonder récemment une association d'ex-prisonniers politiques ?) : Hier, le présidium de l'Assemblée nationale a examiné un rapport du procureur général sur l'état des travaux en vue de la révision des procès politiques( ...). Le rapport déclare que les méthodes illégales du passé avaient été rendues possibles par la manière dont était organisée la Sûreté. Elles furent facilitées par le fait que les organes de l'instruction, ceux de la détention préventive et de l'application des peines, donc l'administration des prisons, se trouvaient réunis sous un même toit, celui de la Sûreté, et qu'en outre ni les uns nj les autres n'étaient soumis à une surveillance systématique de la part du procureur général et de ses services. Quelle est la situation aujourd'hui ? Le soin de rinstruction appartient au ministère de l'Intérieur, la détention préventive est du ressort du ministère de l'Intérieur, les prisons sont administrées par le ministère de l'Intérieur. Dès lors se posent diverses questions. La presse étant libérée de la censure politique, il nous sera maintenant possible de porter une attention particulière à l'organisation de la Sûreté. Pour commencer, nous serions satisfaits si, comme le propose le rapport de la section spéciale dirigée par Jan Adamec, le système des services de la Sûreté était entièrement réorganisé, l'indépendance des instances d'instruction et leur séparation complète du ministère de l'Intérieur garanties, et si en même temps l'administration des prisons était enlevée à ce même ministère. Mais cela ne constituerait encore pas, loin de là, la transformation nécessaire des activités de la Sûreté, un changement radical dans la manière dont sont menées les actions de justice. Chose à peine croyable, nous avons appris d'une source digne de foi que les juristes qui op.t entrepris la réhabilitation des innocentes victimes des procès ne se fondent qu'en partie sur la documentation originale, obligés qu'ils sont de tenir également compte des résultats auxquels avait abouti le travail des commissions précédentes. Au début de juin, le gouvernement fit une concession sur un des points relevés ci-dessus : l'administration des prisons fut confiée au ministère de la ,Justice. Pour le reste, tout demeure inchangé. Quant à cette pièce maîtresse du système totalitaire qu'est l'appareil du Parti, il est à peine besoin de préciser qu'elle conserve jalou• sement les structures établies du temps de Staline,

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==