QUELQUES LIVRES tienne constatée par l'auteur. Or, lorsque règne ainsi la confusion, le pouvoir, d'ordinaire, finit par échoir non à qui a des principes, mais à qui a la meilleure conception stratégique et le meilleur coup d'œil tactique. Cela aussi l'auteur le discerne et le dit. Il indique, sur ce plan, la supériorité de Mussolini (p. 229) : << L'immense variété des faits et des passions, les multiples facteurs qui s'enchevêtrent dans la iéalité italienne, et que même avec le recul du temps il n'est pas aisé de déceler, subissent en passant par l'esprit de I\1ussolini une extraordinaire simplification, tandis que ses adver saires s'y retrouvent avec difficulté. » Et il écrit plus loin (p. 353) que Mussolini est essentiellement un tacticien. - Ainsi, les linéaments épars d'une ferme analyse historique sont ébauchés dans ce livre, dont la lecture est à la fois attachante et éclairée par un grand nombre de semblables traits de lumière. On regrette alors que l'auteur n'ait pas approfondi ces données pour les rassembler en une synthèse fortement structurée. Mais luimême était un produit de cette Italie inorganique où il a vécu. Aussi écrit-il en Italien du Nord, insuffisamment soucieux de ce qui se passe à Rome, et se perd-il dans le rêve d'une « mission du prolétariat » et d'un « finalisme socialiste » (pp. 362, 370) sans se douter que l' « universel » et l' « humain » s'expriment avant tout dans l'organisation des libertés publiques. En fin de compte, plutôt que· l'histoire de « l'Italie de l'armistice à la marche sur Rome », il a écrit l'histoire de la confu~ion et ·de l'échec des forces ouvrières au temps de la conquête fasciste. YVES LÉVY. Tragédie du socialisme italien FILIPPO TuRATI : Le Vie maestre del Socialismo. Ouvrage présenté par Rodolfo Mondolfo et Gaetano Arfè. Naples 1966, Ed. Morano, 492 pp. IL s'AGIT d'un recueil des principaux discours et de quelques écrits du grand patriarche du socialisme italien depuis la fin du siècle dernier jusqu'à sa mort ( 1932). Le choix est délicat quand on veut retracer une carrière politique embrassant une quarantaine d'années. Les deux éditeurs s'en sont acquittés au mieux, tout en réduisant commentaires et explications à l'indispensable. Ils font ainsi revivre, à travers la personnalité d'un homme exceptionnel, l'hisBiblioteca Gino Bianco 83 taire, bouleversée et tragique, du socialisme italien pendant le premier tiers du notre siècle. Homme exceptionnel, Turati le fut. Et il partagea le sort de toutes les personnalités d'envergure qui consiste à être le plus souvent incompris, à se trouver presque toujours du côté de la minorité et à ne voir reconnaître la justesse de ses prévisions que quand il est trop tard. Considéré habituellement comme un socialiste « de droite », Turati fut simplement fidèle - il le proclame lui-même à plusieurs reprises - à ce que l'on appelle le « testament » de Frédéric Engels 1 ou la « charte » du réformisme du xxe siècle. Certes, il se situait à droite par rapport aux tendances anarchisantes avec lesquelles le socialisme italien, tout comme la IIe Internationale, eut à s'expliquer à la fin du XIXe siècle. Mais il se trouvait à gauche de ceux qui, parmi les socialistes, en Italie ou en France, croyaient alors pouvoir précipiter l'évolution historique en assumant individuellement des responsabilités ministérielles. La position d'équilibre entre deux extrêmes est toujours ingrate : non seulement on prête le flanc aux attaques convergentes des deux ailes, mais encore - ce qui est moralement plus grave - on s'expose au reproche de rechercher (ce qui est pourtant naturel pour un chef de parti soucieux d'unité) des « compromis pourris » et de faire fi des principes. Celui qui - c'est notre cas - n'a connu Turati que de nom, ressent à la. lecture de ces textes une vive admiration pour la fermeté sans compromission avec laquelle l'homme défend ses idées, pour la souplesse diplomatique dont il use avec ses antagonistes (sans négliger pour autant les points sur les i), pour la bonhomie et la sérénité avec lesquelles il répond aux invectives, parfois des plus stupides, de ses adversaires de tendance. Tout Turati est là, et vraiment c'est un grand bonhomme. Pour l'essentiel, l'histoire du socialisme italien défile ainsi devant les yeux du lecteur. La retracer n'était pas l'objet du livre et ce ne serait pas celui du présent compte rendu. Bornonsnous à quelques réflexions, au fil des chapitres. On n'a que trop l'habitude, dans le mouvement socialiste, d'assimiler le « réformisme » au « social-patriotisme » en constatant que, pendant la guerre de 1914-18 2, bon nombre 1. Préface (écrite en 1805, peu nvnnl su mort) nux Lulle., des clmu1r.,e11Fra11ce, de Mnrx. 2. Pendant la dernière ~ucrrc, cette nsslmilntion ne fut plus possible du fnil que l'Allcmn~nc hltlfriNme étnll une pulssnnce totolilalre.
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