Le Contrat Social - anno XII - n. 1 - gen.-mar. 1968

QUELQUES LIVRES Un arabisant soviétique !É. A. BÉLIAEV : Les Arabes, l'islam et le califat arabe dans le Haut Moyen Age (en russe, sous le titre : « Araby, islam i arabskii khalifat v rannee srednevekovie »). Moscou (1re édit. 1965, 2e édit. 1966), Institut des peuples de l'Asie, 280 pp., 3 cartes. L'OUVRAGEde l'académicien Iévgenii A. Béliaev est l'une des premières tentatives de la part de l'érudition soviétique de définir la place des Arabes dans l'histoire. En effet, l'intérêt que les Soviétiques portent au passé arabe est chose assez récente, qui grandit à mesure que se développe l'immixtion de !'U.R.S.S. dans les affaires du Proche-Orient. Si l'on excepte les brochures de vulgarisation, d'endoctrinement et de propagande, ainsi que les quelques chapitres plus sérieux sur les Arabes dans les livres russes d'histoire générale, la contribution des spécialistes soviétiques à l'étude du sujet a été jusqu'ici assez mince, et la plupart de leurs recherches, se bornant à tel ou tel aspect du problème, ont un caractère surtout monographique. D'ailleurs, la revue des sources et les notices bibliographiques par lesquelles Béliaev commence chacun des chapitres de son livre, montrent à quel point cet auteur dépend des arabisants « bourgeois » de l'Europe occidentale. Il critique leurs travaux, comme il se doit, mais c'est surtout sur leurs études. qu'il fonde ses propres conclusions. Néanmoins, · Béliaev fait bien plus que reproduire les thèses courantes en Occident. Ses vues sont parfois empreintes d'originalité, quoique d'autre part il ne se permette jamais un désaccord avec la philosophie soviétique officielle du « matérialisme historique ». Béliaev est remarquablement dégagé de cette attitude romantique à l'égard du passé arabe Biblioteca Gino Bianco qui, si souvent, donne un caractère d'irréalité à la littérature occidentale sur ce thème. Ce n'est pas non plus un arabisant étroit, incapable de voir les grands ensembles à force de minuties philologiques. C'est un historien « marxiste », donc athée, et c'est dire qu'il se croit au-dessus des préjugés religieux, qu'ils soient chrétiens, antimusulmans ou promusulmans. Une exception, pourtant, en ce qui concerne les juifs et le judaïsme : leur rôle est passé sous silence ou minimisé autant que possible. Cela est significatif, compte tenu de la politique intérieure et étrangère de Moscou ; et cette suppression est due sans doute non pas à l'auteur, mais à la censure, dont il ne faut jamais oublier la présence vigilante dans tout ouvrage publié en Russie soviétique. Béliaev a d'autres partis pris qui se conforment à la doctrine officielle. Pour lui, l'islam, comme toute religion, n'a guère d'existence en soi : ce n'est qu'une « superstructure idéologique », le reflet d'une réalité plus substantielle consistant en structures socio-politiques reposant à leur tour sur les rapports économiques. D'autre part, l' « Orient arabe » ne devrait pas être étudié seulement dans son propre cadre historico-géographique, mais considéré selon les lois d'une évolution universelle, comportant des étapes « nécessaires » qui conduisent, à partir d'une société communale primitive, aux Empires esclavagistes, puis à une féodalité embryonnaire, etc. Le schéma est sans doute doctrinaire, et ses applications sont parfois forcées et peu convaincantes ; mais il s'agit quand même d'une méthode qui aboutit à des résultats. Elle permet d'éclairer certains rapports de cause à effet et d'écarter ainsi les mythes dont on se contente trop souvent lorsqu'il s'agit du problème arabe et des origines de l'islam. Tout d'abord (dans une large Introduction), Béliaev se penche sur le passé préislamique des

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