72 (...) Le parti adverse, dit des hégéliens révolutionnaires, se montra plus logique que Hegel lui-même et infiniment plus hardi ; il arracha à la doctrine hégélienne son masque conservateur et montra dans toute sa nudité l'implacable négation qui en constitue l'essence. Ce parti avait à sa tête le célèbre philosophe Feuerbach qui poussa la suite logique de cette doctrine jusqu'à la négation tant du monde divin que de .la métaphysique· elle-même. Il ne put aller plus lom. Métaphysicien lui-même, il dut céder la place à ses héritiers légitimes, représentants de l'école matérialist~ ou réaliste, dont la plupart, comme par exemple MM. Buchner Marx et consorts, n'ont pas réussi et ne réussiro~t pas à se débarrasser d'une pensée abstraite et métaphysique prédominante. Il s'agit maintenant de tirer de ces prémisses l'essence d'une doctrine : Les idéalistes de toute nature, métaphysiciens, positivistes, défenseurs de Ja primauté de la science sut la vie révolutionnaires doctrinaires, tous ensemble, avec 1~ même ardeur, bien qu'avec des arguments différents, défendent la notion de l'Etat et de l'autorité gouvernementale, voyant là tout à fait logiquement l'unique moyen, selon eux, de sauver la société. Tout à fait logiquement, disons-nous, car se fondant sur le principe, foncièrement erroné selon nous, que l'!dée précède la vie, théorie abstraite de l'activité sociale, et que dès lors, la sociologie doit être le point de départ 'des révolutions et transformations sociales, ils arrivent nécessairement à cette conclusion que la pensée, la théorie, la science étant, du moins à l'heure actuelle, l'apanage d'un très petit nombre d'individus, ce petit nombre d'individus est prédestiné à diriger la vie sociale, en tant qu'instigateurs, mais aussi en tant que conducteurs de tous les mouvements populaires, et qu'au lendemain de la révolution une nouvelle organisation sociale devra être créée non par la libre fédération de bas en haut des associations, des communes des cantons et des. régions, conformément aux besoi~s et aux· instincts du peuple, mais uniquement par l'autorité dictatoriale de cette minorité de savants exprimant soi-disant la volonté du peuple. Sur cette fiction de la pseudo-représentation du peuple et sur le fait bien réel du gouvernement des masses populaires par une poignée de privilégiés élus, voire même non élus, par des foules votant sous la contrainte et ignorant pour· qui elles votent - sur cette expression abstraite et fictive de ce qui est représenté comme la pensée et la volonté populaires, dont le peuple réel et vivant n'a même pas la moindre idée, sont fondées dans une égale mesure et la théorie de l'Etat et la théorie de la dictature dite révolutionnaire. Entre la dictature révolutionnaire et la centralisation étatique toute la différence est dans les apparences. Au fond l'une et l'autre ne sont qu'une seule et même forme de gouvernement de la majorité par la minorité au nom de la bêtise supposée de la première et de la prétendue intelligence de la seconde. C'est pourquoi l'une et l'autre sont au même degré réactionnaires, les deux ayant pour· effet d'affermir directement et infailliblement les privilèges politiques et économiques de la minorité gouvernante et l'esclavage économique et politique des masses populaires. ET c'EST de nouveau l'historique des grands courants de pensée qui, dans les années 401 BibliotecaGino Bianco VARIÉTÉS semblaient vouloir, en Allemagne~se transformer en courants révolutionnaires. D'un portrait de Marx qui mériterait d'être reproduit en en~ier, nous ne citerons que ce passage : Il est rare de trouver. un homme ayant tant. de connaissances et lu autant, et aussi intelligemment, que M. Marx. La ~cience économiq~e était, d~s ~~ temps-là, l'unique obJet de se~ occup_at1ons.Il :1 etudif avec un soin particulier les econom1stes :inglais:. ~uperieurs à tous les autres et par. le caractere positif de leurs connaissances et par. le sens l?ratiq.,ue de _l_eur esprit formé par l'analyse des taits . economique_s anglais, supérieurs également et l?ar la vigoureuse., critique et par la scrupuleuse hardiesse de le~rs ?eductions. Mais à tout cela M. Marx a encore aJoute d~ux nouveaux éléments: la dialectique la plus abstr~ute, la plus subtile - qu'il a empruntée à l'école hégélienne et poussée fréqqemment jusqu'à l'espiègletie, jusqu'à Ja perversion - et le point de départ du communisme. M. Marx a lu bien entendu tous les socialistes fra~- çais, de Saint-Simon à Proudhon inc,~usi~ement; O? sait qu'il déteste Proudhon et dans 1 impitoyable critique qu'il en a faite il y a sans _doute beaucoup de vrai : malgré tous ses efforts pour se placer sur un terrain solide Proudhon est resté un idéaliste et un métaphysicien:· Son point de départ est la notion abstraite du droit; il va du droit au fait économique, tandis que M. Marx, contrairement à lui, a énoncé et démontré l'incontestable vérité, confirmée par toute l'histoire ancienne et moderne de la société humaine, des nations et des Etats, ·que le fait économique a toujours précédé et continue de précéder le droit politique et juridique. Un des principaux mérites scientifiques de M. Marx est d'avoir énoncé et démontré cette vérité. Mais le fait le plus remarquable, et M. Marx ne l'a, bien entendu, jamais admis, c'est que, sous le rapport politique, il est bel et bien le disciple de Louis Blanc. M. Marx est incomparablement plus intelligent et plus savant que ce petit révolutionnaire et homme d'Etat malchanceux; mais en bon Allemand, malgré sa taille. respectable, il a donné dans la doctrine du petit Français. Après avoir analysé les origines de la révolution de 1848 en Allemagne et montré les causes de son échec, Bakounine aborde les journées de Juin en France et en dégage les , consequ~nces : Les journées de Juin, la victoire de Cavaignac, dictateur militaire et général républicain, sur le prolétariat parisien, auraient dû ouvrir les yeux des démocrates allemands. La catastrophe de Juin fut non seulement un malheur pour les ouvriers parisiens, mais une première défaite, on peut même dire une défaite radicale, de la révolution en Europe. Les réactionnaires de tous les pays comprirent plus vite et mieux que les révolutionnaires et surtout que' les révolutionnaires allemands le sens tragique des journées de Juin et tout le parti qu'ils allaient pouvoir en· tirer. · (...) La victoire de Cavaignac eut, en effet, une immense portée historique. Avec elle commença u.ne nouvelle époque pour la réaction dans sa lutte internationale contre la révolution. (...) Dans les combats de Juin se trouvèrent face à face, sans masque, la force sauvage du peuple (celui-ci luttant non plus pour les autres, mais pour lui-même sans que nul ne
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