Le Contrat Social - anno XII - n. 1 - gen.-mar. 1968

M.JJOJ)Y vements appartient à l'Autriche. De 1815 à 1866, l'Autriche et la Prusse se la partagèrent avec cependant une prépondérance à la première, aussi longtemps que celle-ci fut gouvernée par le vieux prince de Metternich, c'est-à-dire jusqu'à 1848. A partir de 1815, adhéra à cette Sainte-Alliance de la pure réaction allemande, en amateur plus qu'en personne intéressée dans l'affaire, notre knouto-empereur russo-tataro-allemand. Mus par le désir bien naturel de se décharger de la lourde responsabilité découlant de toutes les abominations commises par la Sainte-Alliance, les Allemands cherchent à se convaincre et à convaincre les autres que la Russie en a été la principale instigatrice. Ce n'est pas nous qui prendrons la défense de la Russie impériale, puisqu'en raison justement de notre profond amour du peuple russe et de notre ardent désir de le voir accéder de la façon la plus complète au progrès et à la liberté, nous haïssons cet infâme Empire de toutes les Russies comme aucun Allemand ne. peut le haïr. Contrairement aux démocrates socialistes allemands, dont le programme fixe comme premier objectif la fondation d'un Etat pangermanique, les révolutionnaires socialistes russes aspirent avant tout à détruire de fond en comble notre Etat, persuadés que tant que la centralisation étatique, sous quelque forme que ce soit, pèsera sur le peuple russe, celui-ci restera ·un misérable esclave. Reconnaissant la part qui revient à la Russie dans le déchaînement de la réaction qui sévit en Europe et rendant à l'Allemagne celle qui lui appartient, Bakounine fait un parallèle entre la politique extérieure des deux pays : Que l'Empire russe, par sa nature, ne puisse exercer d'autre influence en Europe que la plus néfaste et la plus liberticide ; que tout nouvel acte de c1uauté gouvernementale et J'oppression triomphante, que toute nouvelle occasion de noyer dans le sang tout soulèvement populaire, dans tiuelque pays que ce soit, auront toujours ses plus chaudes sympathies, qui pourrait en douter ? Mais la question n'est pas là. Il s'agit de savoir quelle est l'influence réelle de la Russie et si cet Empire occupe, par son rayonnement intellectuel, sa puissance et sa richesse une position à ce point prépondérante en Europe que sa voix soit en mesure de trancher les questions. Il suffit d'étudier l'histoire de ces soixante-dix. années et l'essence même de notre Empire tataro-allemand pour répondre négativement. ( ...) A l'égard du mouvement révolutionnaire européen, la Russie, entre les mains des hommes d'Etat p,ussiens, a servi d'épouvantail et bien souvent de paravent derrière lequel ceux-ci dissimulaient adroitemen .. leur:. entreprises de conquête et de réaction. Après un certain nombre de victoires surprenantes remportées en France par les troupes germano-prussiennes, après l'anéantissement définitif de l'hégémonie française en Europe et son remplacement par l'hégémonie pangermanique, ce paravent devint inutile et le nouvel Empire, qui venait de réaliser les rêves séculaires des « patriotes » allemands, se montra à visage découvert dans tout l'éclat de sa force conquérante et de ses initiatives systématiquement réactionnaues. L'étatisme a été inventé, selon Bakounine, par Bismarck et repris sous d'autres formes, mais avec des conséquences non moins redoutables pour les travailleurs, par Marx et Engels : Biblioteca Gino Bianco 69 L'industrie capitaliste et la spéculation bancaire ont besoin, pour se développer dans toute l'ampleur voulue, de ces grandes centralisations étatiques qui, seules, sont capables de soumettre à leur exploitation les millions et les millions de prolétaires de la masse populaire. Aussi bien, l'organisation fédérale, de bas en haut, des associations ouvrières, des groupes, des communes, des cantons et enfin des régions et des nations, est-elle la seule et unique condition d'une liberté réelle et non fictive, aussi contraire à la nature de l'industrie capitaliste et de la spéculation bancaire qu'est incompatible avec elles tout systçme économique autonome. Par contre, •l'industrie capitaliste et la spéculation bancaire s'accommodent parfaitement de la démocratie dite représentative; car cette structure moderne de l'Etat, fondé sur la pseudo-souveraineté de la pseudo-volonté du peuple prétendument· exprimée par de soi-disant représentants du peuple dans de pseudo-assemblées populaires, réunit les deux conditions préalables qui leur sont nécessaires pour arriver à leurs fins, savoir, la centralisation étatique et l'assujettissement effectif du peuple souverain à la minorité intellectuelle qui le gouverne, soi-disant le représente et l'exploite infailliblement. De l'analyse de l'Etat moderne se dégage un aspect essentiel : L'Etat moderne, par son essence et les luttes qu'il se fixe, est forcément un Etat militaire et un Etat militaire est voué non moins obligatoirement à devenir un Etat conquérant ; s'il ne se livre pas lui-même à la conquête, c'est lui qui sera conquis pour la simple raison que partout où la force existe, il faut qu'elle se montre ou qu'elle agisse. De là découle une fois de plus que l'Etat moderne doit être nécessairement grand et fort ; c'est la condition nécessaire de sa sauvegarde. Et de même que l'industrie capitaliste et la spéculation bancaire (...) doivent s'efforcer d'être uniques et universelles, de même l'Etat moderne, militaire par nécessité, porte en lui l'irrrésistible aspiration à devenir un Etat universel, mais un Etat universel, bien entendu chimérique, ne saurait de toute façon qu'être unique : deux Etats de ce genre existant côte à côte sont une chose absolument impossible. La victoire de l'Allemagne a été possible parce que, les derniers événements l'ont prouvé, le patriotisme, cette suprême vertu étatique, cette expression de l'âme de l'Etat et de sa force, n'existe plus en France. ( ...) Le patriotisme s'est maintenu uniquement dans le prolétariat des villes. Lui seul, à Paris, comme dans les autres cités de la France, réclama la levée en masse et la guerre à outrance. Plus loin, Bakounine tire une conclusion qui s'applique, selon lui, à toutes les formes d'Etat, y compris celle imaginée par Marx : A l'heure actuelle, un Etat digne de ce nom, un Etat fort, ne peut avoir qu'une base sûre : la centralisation militaire et bureaucratique. Entre la monarchie et la république la plus démocratique, il n'y a qu'une différence notable : sous la première, la gent bureaucratique opprime et pressure le peuple, au nom du roi, pour le plus grand profit des classes possédantes et privilégiées, ainsi que dans son intérêt propre ; sous la république, elle opprime et pressure le peuple de la même manière, pour les mêmes poches et le~ mêmes classes, mais par contre au nom de la volonté du peuple. Sous la république, la pseudo-nation, le pays légal, soi-disant représenté par l'Etat, étouffe er

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