Le Contrat Social - anno XII - n. 1 - gen.-mar. 1968

68 Présenter un ouvrage « au_çontenu si vaste » n'est pas une entreprise aisée, même quand on a, comme l'auteur de ces lignes, assumé la tâche ardue de le traduire en français. Pour comprendre l'ampleur que Bakounine comptait donner à son ·œuvre, il suffit de se rappeler VARIÉTÉS ' lico-romain et aux persécutions policières et, gouverne-· mentales sa propre malédiction, prétendument patriotique et révolutionnaire, mais. au fond très bourgeoise, de théologien. L'essor de l'Internationale en Italie, dû dans une large mesure à Bakounine lui-même, dépasse l'attente la plus optimiste et l'auteur croit à l'imminence de la révolution sociale : ce que fut l'histoire du demi-siècle (1815-1872) qui forme la matière de ce premier volume : l'Eu~ope après le ,Premier Emgire, les _révo- · lutiohs de· 1848, _,, la · fondation, ·en 1864, & ""de, l'Association internationale des Travailleurs et ses premiers congrès, la guerre franco-allemande, le triomphe de Bismarck, la défaite de : i • ·• Nulle -part peut-être la révolution ,SO~~a1n~~· est si · '• ·proche qu'en' -Italie, oui; nulle part, sans·--même--exëepter l'Espagne, bien que ce pays soit déjà officiellement en révolution et qu'en Italie tout soit calme en apparence. la France, la Commune, l'affrontement dans l'Internationale des deux partis (le p'~ti ~étatiste~.:._:· ou autoritaire, inspiré et dirigé par Marx et Engels ; le parti anti-étatiste, animé par Bakounine), le Congrès de La Haye qui avait, sous de faux prétextes, consacré la scission de l'Association internationale .des Travailleurs, enfin la reconstitutiÔn. .de l'Internationale autour .de la Fédération jurassienne~ .... Dès les premières lignes, on a le sentim~nt que ·Bakounine écrit sous le coup de tous ces _, ,, . .. evenements : . . · On sait. qu'à la fin de la dernière guerre, qui a brisé la suprématie historique de la France en Europe et· lui a substitué ·celle plus haïssable encore et plus néfaste du pangermanisme étatique, les mesures à l'encontre de l'Internationale sont devenues le· thème favori. des conversations entre gouvernements. Phénomène bien naturel. Opposés par essence les uns aux· autres et divisés par des antagonismes irréductibles, les Etats ne pouvaient et ne peuvent trouver de terrain d'entente ·que dans l'asservissement concerté des masses populaires· qui· forme la ·base et le but communs de leur existence. Bien entendu, le prince de Bismarck fut et demeure le principal instigateur de cette nouvelle Sainte-Alliance. Mais il n'a pas été le premier à entrer en scène pour proposer ses méthodes. Il a laissé l'honneur douteux d'une pareille initiative au gcuvernement humilié de l'Etat français qu'il venait de réduire à l'impuissance. Ministre des Affaires étrangères du pseudo-gouvernement· national (...), le trop fameux rhéteur Jules Favre (...) s'est chargé avec joie du rôle de calomniateur et délateur fielleux. L'auteur examine les effets qu'eut la circu-. laire de Jules Favre à ·ses ambassadeurs en · Es·pagne et en Italie. Il en profite pour ajouter, à beaucoup d'autres antérieures, une nouvelle condamnation de Joseph Mazzini : · (...) Mais le pape catholico-romàin · n'a pas été le seul à· jeter· l'anathème contre l'Association internationale des · Travailleurs. Le célèbre révolutionnaire Joseph Mazzini, .plus connu en Russie comme patriote, conspirateur et agitateur italien que comme métaphysicien-déiste · et fondateur d'une Eglise nouvelle ·en Italie ; oui, Mazzini l~i-même, en 1871, au lendemain de l'écrasement de 1a Commune de Paris, alors que les féroces exécutants des sauvages ordonnances versaillaises fusillaient par milliers les cor:nmunards désarmés, a jugé utile et nécessaire d'associer· à l'anathème ·cathoBiblioteca Gino Bianco o ol •- '"o, ' . ·l..,,·•. 1..,. ... ~~ ....-,~ * * * APRÈS cÉ· PRÉAMBULcEonsacré à la Commune, à l'Internationale, à ses rapides progrès en I talle et en Espagne et à ses luttes de tendances, Bakounine va faire le point de la position de l'Allemagne et .de l'Empire .d'Autriche par. rapport à . l'Empire «. tataro-~outogermanique_ » de toutes les Russies. Toute èette4 partie historique d'Etatisme et Anarchie est du plus .haut intérêt ; l'analyse porte sur. la poli-. tique intérieure et extérieure. de l'Allemagne depuis· .1815 jusqu'à 1872, ·notamment. sur l'unité réalisée entre-temps : ·_L'Allemagne, dans sa forme actuelle, unifiée par le machiavélisme· génial et patriotique ·du ·prince de Bismarck ~t s'appuyant, d'une part, sµr. l'organisation. exemplaire et la discipline de son arqiée, prête à tordre le cou à qui que· ce soit et à perpétrer tous· lés crimes possibles et imaginables, au-dedans comme a·u-dehors, au premier -signe de son roi-empereu~.; d'autrç part, sut le patriotisme de ses fidèles sujets,· sur le· senti-: ment de fierté- nationale sans borne ·et··· I'obéiss.an<::e aveugle dont. l'origine .remonte loin. dans l'histoire 1 ainsi· gue sur. le culte. de l'autorité, qui caractérisent aujourd'hui la noblesse, la petite bourgeoisie, la bureaucratie•; l'Eglise, tolites les corporations 'de· savants· et, sous l'influence conjuguée de tout- ce0 - monde, ·bien souvent, ..hélas ! le peuple lui-même - l'Allemagne, qis-je,. t_irant orgueil de la force ct~spotique et constitutiont?-elle de son maître absolu~· forme et incarne entièrètneht· un. des· deux pôles du nràuvenient poli: · tique et s'odaLcontemporain : :à savoir, Ja centralisation étatique, l'Etat, la réaction. ~ _. .~ - -· . . (....) Oui, ·depuis· l'apparition, dans l'histoire, dès là ·première moitié du XVIe siècle, d'un type nouveau de système étatique, l'Allemagne, y compris l'Empire d'4utrkhe, pour autant qu'il est allemand, n'a; au fond jamais cessé d'être, en Europe, le foyer· ·de tous les mouvements ·réactionnaires et cela · même à l'époque où le grand libre penseur Frédéric II correspondait avec Voltaire. · , · · ·Bakounine poursuit son analyse dès origines de la réaction en Europe, répondant ainsi sans le nommer à Marx, pour qui la Russie était le foyer de ladite réaction : L'Allemagne, avons-nous dit, n'a pas cessé, depuis la Réforme, d'être le principal foyer de tous les Jiioùvements réactionnaires en .Europe; de la premièrè moitié du XVIe siècle jusqu'à 1815, l'initiative de ces mou-

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