Le Contrat Social - anno XII - n. 1 - gen.-mar. 1968

66 de cette organisation, jusque-là le porte-parole du conservatisme agricole 24 • A ces tendances sociétaires du monde agricole, la Joi du 8 août 1962 apporte une structure juridique, plus_ tard complétée par des décrets d'application. Pour qu'un G.A.E.C. bénéficie de certains avantages fiscaux et des prêts du crédit agricole, sa constitution doit répondre aux dispositions légales et recevoir l'agrément d'un comité départemental. La loi limite à dix le nombre maximum des exploitants, tous ont pour obligation de participer effectivement au travail commun. Le groupement peut ou bien devenir propriétaire exclusif des biens apportés par les associés, ou bien en avoir seulement la jouissance. Généralement, le cheptel mort ou vif constituant le capital d'exploitation devient propriété collective, les terres et bâtiments restant propriété privée. Enfin une personne qui ne possède aucun bien peut néanmoins prétendre au titre d'associé pour ses seules capacités ( « apport en industrie »), et elle participera au partage des bénéfices : c'est ce que Fourier appelait la part du talent ... Troisième type de rémunération, après la rémunération qui est propre au .capital et celle que détermine le « talent », celle qui rétribue le travail obligatoire de chaque associé, voire des salariés que la collectivité a licence d'engager ... Une originalité de la loi (art. 8) est la possibilité pour un fermier de s'associer sans autorisation préalable du propriétaire foncier et de transférer son bail, pour une durée inchangée, au G.A.E.C. En moins de deux ans, l'effectif des associations s'est rapidement accru. On en dénombrait 60 en avril 1966, dont 10 partielles, et, en décembre 1967, 910 dont 125 partielles 25 , totalisant une superficie de 90.000 hectares - ce qui donne une moyenne proche de 100 hectares par association, - 44,5 % de la superficie étant en exploitations directes et 55,5 % en fermages (sept. 1967); 46,2 % des G.A.E.C. comptent deux associés, 43,7 % trois ou quatre, 10,1 % cinq ou plus. L'effectif réel des travailleurs est naturellement plus important. Ainsi, dans un G.A.E.C. de l'Est, trois ménages associés représentent neuf travailleurs, plus un apprenti de dix-sept ans, pour une superficie de près de 200 hectares dont la moitié en prairies. Chaque ménage reçoit pour son travail un acompte de 750 F par mois, les bénéfices étant répartis en fin d'exercice. Trois ateliers : 24. Aujourd'hui, le plus sftr rempart du conservatisme est le M.O.D.E.F., organisation paysanne du parti communiste. · 25. Les chiffres utilisés nous ont été obligeamment fournis par les services de l'U.G.E.A. Bibl.iotecaGino Bianco DÉBATS ET RECHERCHES bovins, céréales, fourrages. La traite, cette servitude quotidienne de l'exploitation individuelle qui interdit tout espoir d'une journée de vacance, est effectuée à tour de rôle. Les femmes s'occupent des volailles et des lapins, les parents âgés de l'élevage des génisses. Le travail quotidien de chacun est réparti de la manière suivante : associés, dix heures ; leurs épouses, une heure; deux parents, cinq heures ; le troisième, deux heures 26 • · L'agriculture sociétaire permet de limiter la dispersion des propriétés après héritage, ou, ce qui revient presque au même, de supprimer les rachats de terre entre cohéritiers. Ainsi, en décembre 1967, 58,3 % des associations étaient formées soit entre pères et fils, soit entre frères. Enfin, seules 44 % des associations n'utilisent pas de main-d'œuvre salariée; 21 % emploient trois salariés et plus. Une estimation approximative de la distribution géographique autorise à distinguer trois régions privilégiées : l'Ouest (Vendée, CharenteMaritime), une bande de terre allant de la Meuse à la Drôme, enfin le Sud-Ouest (Aveyron, Tarn-et-Garonne). Dans ces contrées aux exploitations petites ou moyennes, cela équivaut à une importante mutation économique. Cela implique aussi une mutation psychologique dont les initiateurs de l'association ont conscience. Des archétypes séculaires ont modelé l'âme paysanne, entretenus par l'individualisme moderne et les conditions inhérentes au capitalisme libéral : la terre en tant que condition primordiale de l'existence et de la sécurité personnelle, la méfiance - au mieux le scepticisme - à l'égard de toute réforme, un comportement introverti devant une société capitaliste dont les motivations échappent souvent à l'individu. Facteurs négatifs qui ne manquent pas -d'agir à l'encontre des initiatives tendant à changer la condition paysanne par l'élaboration de struc- . tu~~s n.ouvelles... Changer les structures de la production, cela ne va pas sans susciter de sérieuses difficultés, d'autant plus nombreuses qu'est grande la diversité des cultures, des situations professionnelles ou régionales. Il ne faut pas compter, dans l'immédiat, sur une vague de fond révolutionnaire. Les 3.000 exploitants qui ont créé en deux ans un millier d'associations peuvent faite l'effet d~une goutte d'eau dans l'océan des centaines de milliers de petites exploitations individuelles. Ils en sont encore au stade expérimental. de la copropriété et de la cogestion. MICHEL CoLLINET. 26. Agriculture de groupe, n ° 52, f~vrierJl 968.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==